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RUBRIQUE
Sociétés Secrètes

Janvier 2021












Par
Michel Barbot



Prémices et existence d’une Académie Angélique Nantaise

 

Deuxième partie : l'existence

 

 

Premiers témoignages d’une Angélique nantaise

Les premiers témoignages d’une présence angélique dans le vieux Nantes se trouvent assurément dans la rue de la Juiverie au n°11. Sur la façade refaite en 1850 figurent deux bas-reliefs de marbre qui interrogent toujours autant. Voici comment Henri de Berranger nous les raconte dans son livre Évocation du vieux Nantes (Éditions de Minuit) :  

« L’un montre un buste de femme échevelée regardant à gauche. Au-dessus de sa tête, un fronton triangulaire porte, en capitales, les lettres A et O, superposées. Tout en bas est inscrit : QVERENDA EST. Sur l’autre bas-relief, un fronton massif au tympan orné d’un vase ardent sert de fond. En avant d’une arcade, un homme nu s’étend à demi sur deux gradins ou deux coffres superposés. Le pied gauche est ailé, ce qui fait songer à Mercure. Tendu horizontalement, le bras droit porte une tortue, alors que le bras gauche replié soutient la tête. On lit au-dessus : EXSPECTO DONEC VENIAT. Un troisième bas-relief, aujourd’hui disparu, représentait, écrit Guimard, un serpent ‘’semblant s’élancer d’un tronc d’arbre vers un autre couvert de fleurs et de fruits’’, et ne portait nulle légende. »

 

Bas-relief rue Juiverie : 1 - Déesse Fortune (Photo Patrick Lelièvre)

 

Bas-relief rue Juiverie : 2 – Dieu Mercure (Photo Patrick Lelièvre)

 

Pour cet historien Nantais, « On peut dater, sans trop de risques, le second bas-relief du XVIIe siècle. Peut-être le premier est-il plus ancien. »

Léon Brunschwicg en 1889, dans ses Souvenirs d’un vieux nantais (Hachette BNF) nous apprend que la maison où figurent les bas-reliefs était à l’époque un débit de vins. Son avis sur ces deux sculptures apparaît non dénué d’intérêt : « Vous y verrez deux bas-reliefs grossièrement coloriés et représentant l’un l’Occasion, cette chauve déesse qu’il faut tâcher de prendre aux cheveux.

 

La déesse Occasion (Andreas Alciatus, Emblematum Libellus, 1542)

« Je suis Occasion, que Lysippe forma… »

https://www.emblems.arts.gla.ac.uk/french/emblem.php?id=FALa016

 

« l’autre une espèce de temple où repose un homme nu, une tortue dans la main droite et deux ailes au talon gauche.

« C’était – le fait n’est plus douteux aujourd’hui – l’enseigne parlante d’un sculpteur de l’époque qui avait fait installer dans cette maison un four à cuire des plâtres et ses statues grossières, et qui en avait incrusté sur la façade, de même que nos marchands de faïence se font encore aujourd’hui, à titre de réclame, des devantures en carreaux de porcelaine polychrome. »

L’hypothèse d’une enseigne de sculpteur apparaît somme toute, non dénuée de sens, au vu d’une possible origine gilpine des dites sculptures.

Je fis l’acquisition dans la seconde partie des années 80, des deux tomes de l’ouvrage Matériaux Cryptographiques (Éditions des Trois R – 1983), recueil regroupant des textes majeurs de Grasset d’Orcet, dans lesquels je découvris l’existence des Gilpins et de la Société Angélique. J’enchaînais ensuite avec d’autres livres dans lesquels je découvris quelques illustrations ou commentaires relatifs au fameux Songe de Poliphile. J’en vins à émettre l’hypothèse suivant laquelle ces bas-reliefs pourraient avoir un certain lien avec la Société Angélique.

Grâce à l’ami Roger Corréard, l’archiviste de Théopolis, récemment disparu, je fis la connaissance de Patrick Berlier, spécialiste aujourd’hui reconnu de la Société Angélique lyonnaise. De nos échanges sur le sujet, ne pouvait que jaillir la lumière. J’envoyais à Patrick des photographies de ces bas-reliefs. Il confirma mon hypothèse, reconnaissant dans cette œuvre de la Renaissance, un rapport certain avec la Bible de la Société Angélique : Le Songe de Poliphile. J’eus la surprise de découvrir le fruit de nos échanges angéliques sous la plume de Patrick, dans le tome II de La Société Angélique (Éditions Arqa). Patrick n’hésita pas à titrer le 6e chapitre : POLIPHILE A NANTES, UNE FILIALE DE LA SOCIÉTÉ ANGÉLIQUE ?

La déesse Occasion, femme échevelée reconnue par Brunschwicg, apparaît comme l’un des autres noms de la déesse Fortune. Il conviendra à ce stade, au lecteur, de lire ou de relire la totalité des propos de Patrick Berlier concernant cette déesse que notre ami reconnaît à juste titre sur le second bas-relief. Patrick présente au lecteur, la déesse Fortune comme une femme à demi échevelée :

« Nous en trouvons confirmation dans l’ouvrage célèbre de Francesco Colonna, Le Songe de Poliphile, qui est considéré comme la ‘’Bible’’ de la Société Angélique. Le livre s’ouvre avec la découverte par le héros narrateur d’une cité antique dominée par un haut obélisque. À son sommet trône la statue pivotante d’une femme dont la chevelure flotte au vent d’un seul côté de la tête, dans le sens du regard : ‘’Les cheveux lui voletaient par-dessus le front en grande abondance, mais avait le derrière de la tête chauve et sans poil’’. On peut aisément identifier ce personnage comme la déesse Fortune, bien qu’elle ne soit pas nommée, car cette description est traditionnelle, d’ailleurs l’auteur s’est inspirée dit-on pour ce chapitre du temple de Fortune à Préneste, dans la Rome Antique. »

Pour le second bas-relief, le doute n’est pas permis, l’homme nu tenant en main droite une tortue et arborant deux ailes au talon gauche, évoque le dieu Mercure ou Hermès. Il conviendra au lecteur une fois encore de lire ou de relire  les propos de Patrick Berlier qui nous rappelle notamment : « La mythologie grecque dit qu’Hermès, dès le premier jour de sa vie, tua une tortue et utilisa sa carapace pour en faire une cithare. » Notre ami reconnaît l’origine de ce second bas relief dans Le Songe de Poliphile :

« Ce bas-relief qui excite tant l’imagination des Nantais, est inspiré directement de l’une des merveilleuses gravures du Songe de Poliphile. Et très précisément de son édition française de 1546, ce qui situe forcément sa réalisation à une date ultérieure. Au chapitre X, avant d’atteindre les trois portes de Télosie, le narrateur doit traverser un pont de marbre blanc, ‘’en écoutant le chant mélodieux d’une infinité d’oisillons qui faisaient retentir le pays d’alentour’’. Ce pont est orné, en son milieu de deux carrés de porphyre, décorés de moulures, frontispices, tympans et ‘’sculptures d'hiéroglyphes’’ :

 

Gravure extraite du Songe de Poliphile (édition française, 1546)

 

« Posture des personnages, accessoires et attributs, décors : la ressemblance entre les deux images est frappante. La principale divergence vient évidemment du fait que la gravure du Songe nous montre une femme, assise sur un tabouret, tenant les ailes de la main gauche, alors que le bas-relief nantais nous montre un homme, assis sur un coffre, les ailes au pied gauche. »

 

La même gravure dans l'édition italienne (1499)

 

Dans la liste des auteurs Nantais ayant permis une avancée dans la compréhension des bas-reliefs, il y a le journaliste et écrivain Nantais Stéphane Pajot. Il s’intéressa lui aussi, et ce à différentes reprises, à ces énigmatiques bas-reliefs dans les colonnes du journal Presse-Océan. En 2004 il abordera le sujet dans son livre Histoires extraordinaires et inédites de Nantes et de Loire-Atlantique (Éditions d’Orbestier). Il eut la bonne idée dans ses études successives d’y associer le penseur humaniste Italien, Machiavel :

« Si ces bas-reliefs existaient déjà, on peut supposer que Niccolo Machiavelli, dit Machiavel (secrétaire de la chancellerie de Florence, chargé de missions diplomatiques) aura mis toute son intelligence pour en comprendre l'origine. »

« Son premier passage à Nantes, écrit S. Pajot, date de 1498. Au nom de la République de Florence, Machiavel eut une entrevue diplomatique au château des ducs de Bretagne au sujet de l’annulation du mariage de Louis XII qui devait se dérouler l’année suivante. Machiavel fit donc figure d’envoyé spécial. Eut-il une certaine influence ? Est-il resté au mariage ? On ne le sait. Le mariage de Louis XII, roi de France avec Anne de Bretagne (mariée une première fois avec Charles VIII en 1491 puis veuve) aura bien lieu en 1499 au château de Nantes. »

 

Portrait posthume de Nicolas Machiavel, par Santi di Tito,
Palazzo Vecchio, Florence

 

S. Pajot a découvert dans les pages de l’Intermédiaire Nantais (année 1909), le témoignage d’un vieux Nantais affirmant que « Machiavel serait resté à Nantes du 25 août au 10 septembre 1509. ‘’Je possède un document qui l’atteste. La maison qu’il a occupée existe encore. C’est celle qui fait le coin de la petite rue Sainte-Croix et de la rue de la Juiverie, en face de la porte latérale de l’église. Son hôte était barbier chirurgien'' » Et S. Pajot d’ajouter : « Machiavel serait revenu à Nantes en 1515, juste après Marignan. »

S. Pajot avance trois passages de Machiavel dans la cité nantaise. Jean-Louis Fournel (La Guerre et l’État. Statuts et histoires d’un micro-texte machiavélien – Le Prince, III, 48  https://journals.openedition.org/rhetorique/258) évoque une quatrième venue à Nantes pour Machiavel qui « passe alors plusieurs mois à la cour de France, encore itinérante à cette époque, suivant le roi et ses principaux conseillers et ministres partout où ils séjournent. À ce titre, il se trouve de fait quelques temps à Nantes avec la cour entre la fin du mois d’octobre et le début du mois de novembre 1500 ». Trois lettres envoyées de Nantes à la chancellerie affirment sa présence dans la cité bretonne à Nantes à cette époque.

En 1515, dernier voyage à Nantes du Florentin, Louis XII est décédé depuis le 1er janvier et sa femme Anne de Bretagne depuis 1514. Le couple royal n'était plus venu à Nantes depuis 1510. François 1er n'y reviendra qu'en 1532. Machiavel serait revenu à Nantes en 1515 après Marignan (13 et 14 septembre), soit peut-être, à l’automne de cette même année.

On peut penser que le Florentin qui semblait apprécier la cité de Nantes, aurait pu venir une dernière fois dans cette cité, essentiellement pour rencontrer une fois encore, les membres de l’Angélique nantaise. Peut-être a-t-il pu en cet automne 1515, admirer le premier bas-relief ou tout au moins son esquisse préparatoire, représentation de la déesse Fortune, un thème qu’il chérissait tout particulièrement. Serait-il hasardeux de penser qu’il fut le concepteur de cette œuvre d’art dans sa totalité, à savoir le premier bas-relief, mais aussi le second dont il ne put admirer la réalisation car datée suivant Henri de Berranger du XVIIe siècle et, pourquoi pas le troisième aujourd’hui disparu ?

Ainsi que nous allons le voir, Machiavel fut un proche de l’Académie de Florence qui devait assurément étudier le texte original du Songe de Poliphile. L’humaniste Florentin se rendit à de nombreuses reprises en qualité d’ambassadeur de la République de Florence dans la République de Venise, où fut édité pour la première fois en 1499 par Aldo Manuzio, cette Bible des Gilpins. Ce célèbre imprimeur et éditeur dirigea l’Académie de Venise à l’origine de l’Angélique lyonnaise. Lire sur le sujet l’article de Patrick Berlier Aux origines de la Société Angélique, à Venise http://regardsdupilat.free.fr/venise.html

Bien sûr Patrick Berlier estime la réalisation du second bas-relief à une date ultérieure à l’édition française du Songe de Poliphile en 1546, hypothèse que l’on peut retenir lorsqu’Henri de Berranger date lui-même ce tableau du XVIIe siècle. Mais, il paraît logique de penser que si Machiavel fut bien à l’origine du premier tableau, et donc des tableaux suivants, il dut apporter dans ses bagages – peut-être pas l’exemplaire vénitien du Songe de Poliphile mais quelques illustrations tirées de ce précieux ouvrage ? illustrations susceptibles de correspondre au message des Gilpins Nantais.

À la façon des axes géographiques et calendaires nantais dont la réalisation se finalisera sur plusieurs siècles, la réalisation des bas-reliefs se fera non sur plusieurs siècles mais sur plusieurs décennies.

Machiavel proche de l’Académie de Florence, en fut peut-être un membre. La dernière grande œuvre historico-politique du Florentin fut l’Histoire de Florence. Cette commande lui fut passée en novembre 1520 par l’Académie de Florence présidée par l’archevêque Jules de Médicis. Machiavel proposa à son beau-frère Francesco Del Nero, provéditeur de cette académie, les termes du contrat qui le chargeait d'écrire ces Histoires florentines. Machiavel remettra lui-même en mai 1525 cette commande à Jules de Médicis devenu entre-temps pape sous le nom de Clément VII.

Florence Buttay-Jutier, Docteur en histoire, spécialiste des Renaissances italiennes et française (XVe - XVIe siècles) dans son livre Fortuna : usages politiques d'une allégorie morale à la Renaissance (Presse de l’Université Paris-Sorbonne), écrit : « Notons que nous rencontrons toujours Naples et Florence dans ce parcours sur Fortune au XVe siècle. » Et dans ce parcours figure bien entendu Machiavel ainsi que l’indique cette historienne :

« En revanche, Fortune se trouve au cœur du Prince de Machiavel parce que celui-ci rend son miroir moins au prince ‘’naturel’’ qu’au nouveau prince. »

Machiavel apparaît bon prophète pour faire entrer Fortune dans l’Angélique nantaise naissante. Les Gilpins Nantais intègrent ainsi, pourrions-nous le penser, le giron de l’Académie de Florence.

F. Buttay-Jutier évoque dans son livre un symbole important de la déesse Fortune, la roue :

« L’allégorie privilégiée dans ce cas est celle de la roue, en raison de la vieille association de la roue de Fortune au cycle des saisons et aux âges du monde, bien plus que celle de la Fortune-Occasion. On voit comment Machiavel, si souvent évoqué à propos de cette nouvelle conception dynamique de la Fortune-Occasion, utilise aussi une image beaucoup plus ancienne, de manière non pas tout à fait contradictoire, mais complémentaire, dans une vision ‘’naturaliste’’ de l’histoire. Il est encore une fois vain, selon moi, d’étudier un ‘’concept’’ de fortune chez lui comme chez d’autres : il s’agit d’un répertoire d’accessoires fonctionnels adaptés à l’argumentation. »

L’expression « accessoires fonctionnels adaptés à l’argumentation », concernant l’utilisation de Fortune chez Machiavel apparaît on peut plus justifiée pour l’étude des bas-reliefs de Nantes.

 

Les saints des deux bas-reliefs ou la confirmation des axes géographiques et calendaires nantais

Patrick Berlier dans son étude complète des bas-reliefs avance une bien curieuse hypothèse :

« À Nantes les ailes ne paraissent pas attachées aux chevilles de l’homme, comme c’est le cas véritablement pour Hermès. De plus, seul un pied possède cette particularité. En fait, on a plutôt l’impression que l’homme cherche à cacher un oiseau derrière son pied, tout en montrant ostensiblement une tortue. Ces deux éléments renvoient à la légende de saint Hugues, que j’évoquais dans le volume précédent à propos de la Langue des Oiseaux chère à la Société Angélique. Saint Hugues, évêque de Grenoble au XIe siècle, montant voir un jour à l’improviste les premiers Chartreux dans leur désert, les trouva attablés et s’apprêtant à manger des oiseaux rôtis, un mets interdit. D’un geste il transforma les oiseaux en tortues, un mets autorisé car sa chair comestible est assimilée au poisson. Il faut voir bien sûr les forts symboles se cachant derrière le côté merveilleux de la légende, qui s’est suffisamment répandue dans toute la chrétienté pour arriver à Nantes. »

Patrick reconnaît que « le personnage ne ressemble guère à un Chartreux, mais la scène peut faire allusion à la légende sans la représenter vraiment. Et encore une fois c’est la symbolique qui compte. Cet homme ‘’attend qu’il (ou qu’elle) vienne’’, pour lui montrer la tortue qu’il prétend manger sagement, mais dès que ce ‘’supérieur’’, inconnu, aura le dos tourné, il plumera l’oiseau pour le rôtir sur le vase ardent. »

Lorsque je découvris début 2006 dans le livre l’hypothèse cartusienne avancée par Patrick, je n’étais guère en mesure de l’apprécier à sa juste valeur. Aujourd’hui je sais que Patrick avait raison…

Le 11 octobre 1445, en signe reconnaissance envers le prieur des Chartreux de Paris qui lui avait prédit la prise de Meaux en août 1439, le comte Arthur de Richemont, ancien compagnon de Jeanne d’Arc et Connétable de France (futur duc Arthur III de Bretagne), présente à son neveu François Ier duc de Bretagne, la charte de fondation à Nantes de la Chartreuse des Saints-Donatien-et-Rogatien. La consécration de la Chartreuse nantaise, fille de la Chartreuse de Paris, en date du 16 août 1459 – le 6 août jour de la Transfiguration est aussi avancé – fut faite par Denis de La Lohérie, évêque in partibus de Laodicée (ancien évêché de Syrie), en résidence à Nantes. Cet évêque originaire de Thouars, suffragant de Nantes (évêque auxiliaire de l’évêque Guillaume de Malestroit), membre des Frères Mineurs, ou Cordeliers, resta longtemps pour les historiens Nantais une énigme auréolée aujourd’hui encore d’un certain mystère.

Les chanoines de la Collégiale des Saints-Donatien-et-Rogatien furent contraints par le duc de Bretagne François Ier de quitter l’ancienne Chapelle-au-Duc, sise sur le chemin de Paris, hors les murs, actuelle rue du maréchal Joffre, soit précisément sur l’axe Est / Ouest de la cité…

Albert le Grand nous apprend que la première pierre de la chartreuse fut posée le 14 octobre 1446 en présence de la noblesse bretonne : « la première pierre fut posée par le duc François Ier lui-même.  – Une deuxième fut mise par le prince Arthur, comte de Richemont, connestable de France. C’était le vrai fondateur. » (Citation faite par l’Abbé Dalanoue : Saint Donatien et Saint Rogatien de Nantes – 1904)

Le Dominicain également membre de l’Académie de Nantes, fait mention des six pierres de fondation posées par six hauts personnages du duché de Bretagne.

 

Chartreuse de Nantes. Tableau conservé à la Grande-Chartreuse, signalé par la Commission archéologique de Nantes, le 29 octobre 1850. (Bull. archéol. de la Loire-Inf., T.1, p. 85.)

 

Jean-Baptiste Russon nous apprend : « En 1457, Arthur de Richemont, devenu duc de Bretagne après le décès de ses neveux François Ier et Pierre II, fut tout aise d’introduire officiellement les Chartreux dans leurs nouvelles cellules. Il était temps, d’ailleurs, que l’œuvre fût achevée, car Arthur, âgé de soixante-sept ans, duc depuis quinze mois seulement, mourut le lendemain de Noël 1458. Il fut inhumé, selon son désir dans l’église des Chartreux. » (La chartreuse des bienheureux martyrs Donatien et Rogatien, à Nantes », Bulletin de la Société Archéologique de Nantes, t. 73,‎ 1933, p. 327-345)

 

Statue du connétable de Richemont par Arthur Jacques Le Duc (1848-1918), devant l'hôtel de ville de Vannes. La statue est datée de 1903.

 

Nous lisons, toujours sous la plume de J.-B. Russon : « La jeune veuve d’Arthur, Catherine de Luxembourg – le connétable l’avait épousée en troisièmes noces, en 1445 – lui survécut jusqu’en 1493. En veuve fidèle, elle se constitua gardienne du tombeau de son mari ; elle se retira en effet, dans la chartreuse même, en dehors de la clôture. Jusqu’au XIXe siècle on put voir une tourelle contenant des chambrettes au carrelage herminé : c’était son appartement. Quand elle mourut, elle fut enterrée avec son mari, selon son désir exprimé : en 1484, en effet, le 19 avril, elle avait donné aux Chartreux un ‘’tableau d’or, garny de plusieurs reliques de la passion de Notre Seigneur, des reliques de plusieurs saints & saintes’’ et orné ‘’ de saphirs, de balais et de grosses perles.’’ Elle demandait, en retour, des prières pour son mari et pour elle-même : ‘’ Nous voulons et ordonnons, ajoutait-elle, estre enterrée au dit lieu des dits chartreux… et en l’abbit de leur ordre.’’ »

Le duc qui aurait été empoisonné, était dit-on très pieux, témoin « le Reliquaire d’or tres-pesant qu’il portoit toujours sur la poitrine ». (Dom Lobineau : Histoire de Bretagne T. 1)

Le tombeau d’Arthur de Bretagne dit le Justicier, beau monument de la Renaissance, servit de reposoir du lundi 13 mars au dimanche 19 mars 1514, au cœur reliquaire d’or d’Anne de Bretagne, sa nièce, qui par testament, avait ordonné que son cœur fût transporté à Nantes et placé dans le tombeau de son père le duc François II de Bretagne, dans la chapelle des Carmes (aujourd’hui dans la cathédrale Saint-Pierre-et-Saint-Paul).

Pierre Choque, seigneur de Bellevue en Saint-Clément, dans son récit narrant le transfert du cœur royal écrit : « La tombe où gisait le cœur avait été couverte d’un drap de velours, puis un drap d’or moult riche. […] Et pendant qu’il fut en cette église, a été gardé, veillé et bien accompagné jour et nuit ; messes et offices furent dits sans discontinuer ; les roys d’armes et les héraults de la princesse étaient là, revêtus de leur cotte d’armes déployées. »

Curieux destin que celui de Catherine de Luxembourg-Saint-Pol, troisième épouse du duc de Bretagne Arthur III fondateur de la Chartreuse de Nantes. Elle était la fille de Pierre Ier de Luxembourg-Saint-Pol, comte de Saint-Pol et de Marguerite des Baux. Jeune veuve, la duchesse de Bretagne, poursuivit l’œuvre bienfaitrice de son mari pour la Chartreuse des Saints-Donatien-et-Rogatien, où elle résidera jusqu’à mort… à l’exemple de Béatrix de la Tour, épouse de Guillaume de Roussillon, en la Chartreuse de Sainte-Croix-en-Jarez… 

Patrick Berlier avance pour Mercure, une autre hypothèse en s’appuyant sur le poème de Loÿs Papon, Hymne à la très illustre princesse Marguerite de Valois, rédigé en 1597 : « Curieusement, ce deuxième tableau paraît lui aussi comparable aux illustrations ornant ce poème. Quatre scènes allégoriques figurent les quatre parties du monde connu à la fin du XVIe siècle. Le personnage personnifiant l’Afrique est placé dans une posture analogue à celle du Mercure nantais : corps adossé contre un talus, la tête appuyée sur le bras replié, allure nonchalante. Seuls l’autre bras et les jambes diffèrent. Mais en réalité il faut aller chercher ces détails dans la gravure symbolisant l’Europe. Un mixage des deux images produit un personnage identique bien qu’inversé, à celui du bas-relief. Coïncidence ? Plutôt une source d’inspiration commune : les gravures du Songe de Poliphile… »

 

Les gravures Afrique (à gauche) et Europe(au centre) illustrant le poème de Loÿs Papon – le mixage des deux donne le personnage (à droite) ressemblant à la fois au bas-relief nantais et au personnage-modèle du Songe de Poliphile

 

Conservons cette hypothèse Afrique et revenons au premier bas-relief, celui de la déesse Fortune / Occasion et ainsi à Machiavel que nous pouvons considérer comme le concepteur des bas-reliefs.

Dans son livre Le Prince, Machiavel écrivait : « Je compare la fortune à l’un de ces fleuves dévastateurs qui, quand ils se mettent en colère, inondent les plaines, détruisent les arbres et les édifices, enlèvent la terre d’un endroit et la poussent vers un autre. » Cette image philosophique de la Fortune comparée à un fleuve dévastateur, nous permet, pouvons-nous le penser, d’avancer l’hypothèse, suivant laquelle le premier bas-relief pourrait lui aussi évoquer un lieu, voir même confirmer le lieu africain… tout au moins lié à l’Afrique par la sainte présence d’un personnage.

Bien que la femme du premier bas-relief, Fortune / Occasion, ne soit représentée que par son buste, elle est très souvent figurée avec sa roue. Dans la symbolique chrétienne la déesse Fortune a été rapprochée par certains docteurs de l’Église, à sainte Catherine que l’on représente pareillement avec une roue.

Sainte Catherine vécut suivant la légende chrétienne à Alexandrie, cité d’Égypte, Perle de l’Orient et surtout dans le contexte de cette étude, Porte de l’Afrique… Le fleuve dévastateur auquel Machiavel compare Fortune, n’est aucunement, dans la cité nantaise, un fleuve comparable au Nil avec son Delta… il s’agit beaucoup plus modestement de l’Erdre à sa confluence avec la Loire. Son petit delta marécageux causa jusqu’au Moyen Âge de terribles fléaux : des inondations mais aussi la fièvre des marais. Le Capétien Pierre Dreux, dit Pierre Mauclerc, duc de Bretagne (baillistre pour être précis jusqu’à la mort de son épouse Alix) de 1213 à 1221 (puis à nouveau baillistre jusqu’à la majorité de son fils Jean 1er le Roux en 1237), fit creuser le lit qu’elle occupait encore au début du XXe siècle dans l’actuel Cours des Cinquante Otages.

Nous avons découvert dans le reflet de l’Hermès ou Mercure du second bas-relief, une représentation cachée des Chartreux et donc de la Chartreuse de Nantes, nous découvrons à présent avec Fortune / Occasion, une représentation de sainte Catherine et donc de la Commanderie Sainte-Catherine des Templiers. La chapelle Sainte-Catherine de ces moines-chevaliers dite aussi du Bois Tortu, est symbolisée par la tortue tenue par Mercure de la main droite. Sainte Catherine, était, il convient de le noter, la patronne de Catherine de Luxembourg, qui demanda à être « enterrée au dit lieu des dits chartreux… et en l’abbit de leur ordre ».

La tête du Mercure Nantais, inclinée contre sa main gauche, accentue cette nonchalance ou indolence qu’il présente. On disait des Chartreux reclus à l’image des prisonniers au fond d’une cellule, qu’ils étaient en chartre, en langueur. Du Cange prétend que les malades anciennement dits chartriers (latin carcerarrii), l’étaient par allusion de chartre à chartreux. À Paris, les malades chartriers, tel les enfants tombés en chartre, étaient portés dans une chapelle des Chartreux (Saint-Denis), pour obtenir leur guérison.

L’état de chartre des Chartreux était dû, disait-on, au fait que les Réformez de saint Benoît et de saint Bèrnard, font maigre toute l’année, mangent toujours maigre. (Dictionnaire universel françois et latin, volume III, 17

Différentes hypothèses tournent autour de ces bas-reliefs, l’une d’elle prétend que leur symbolisme trouverait son origine au Moyen Âge dans le savoir des Juifs qui occupaient cette rue de la Juiverie. En 1835, les docteurs Ange Guépin (ami de Pierre Verne père de Jules Verne) et Charles-Eugène Bonamy, écrivent dans leur livre Nantes au XIX e siècle : « Vers le milieu de cette rue se trouve une maison qui occupe l’emplacement d’une ancienne synagogue. […] Ces tableaux sont allégoriques. Tiennent-ils de la religion juive ? si ce n’est directement, au moins doit-on, reconnaître qu’ils ont dû être exécutés sous l’influence des doctrines qu’elle enseigne : la figure tournée vers l’orient semblerait l'indiquer ».

Les lecteurs intéressés par ces bas-reliefs peuvent découvrir cet article paru dans Presse Océan le 20 nov. 2019 : Nantes. En quête d’histoires : au Bouffay, ces bas reliefs énigmatiques. « Le Nantais Paul Michel donne une analyse des bas-reliefs toujours aussi mystérieux de la rue de la Juiverie dans le quartier du Bouffay. » Pour ce Nantais, bon nombre de personnes pourraient « les décoder aisément dans certains cénacles ésotériques tels que francs-maçons, alchimistes ou kabbalistes ».

Ce Nantais n’hésite pas à citer dans son commentaire quelques titres de films cinématographiques…

https://www.ouest-france.fr/pays-de-la-loire/nantes-44000/nantes-en-quete-d-histoires-au-bouffay-ces-bas-reliefs-enigmatiques-27fc48e8-055a-11ea-908d-85e6696aae3a

Bien que nous ne puissions nullement affirmer que le n°11 de la rue de la Juiverie fut le premier lieu de rassemblement d’une Angélique nantaise, nous savons que dans cette rue fut imprimé en 1637, le premier livre majeur de cette Académie Nantaise, rédigé par Pierre Biré, Président de ladite académie. Ce live au contenu surprenant, voir déroutant, est connu sous le titre EPISEMASIE OV RELATION D’ALETIN LE MARTYR :

 

Le livre de Pierre Biré et détail localisant le lieu de son impression

 

L’Académie de Nantes ou la Pléiade nantaise

Le 16 juillet 1924, l’abbé Arthur Bourdeaut, historien et conférencier Nantais émérite, gratifie lors de l’Assemblée générale de la Société d’Histoire et d’Archéologie, tenue à Nantes, ses vénérables confrères d’une conférence articulée : AUTOUR D’ALBERT LE GRAND ET DU DIEU VOLIANUS.

Le Dominicain Albert le Grand, ainsi que l’indique l’historien, fut membre d’un cénacle nantais connu sous le seul nom de l’Académie. Ce cénacle par ses activités apparaissait proche de l’Académie de Paris qui deviendra la toujours célèbre Académie Française. Pendant que les Académiciens Parisiens en 1637 entreprenaient l’examen du Cid, les Académiciens Nantais s’emparèrent du livre d’Albert le Grand afin de le soumettre à leur critique. Ce livre tant attendu par toute la Bretagne, devait être publié par le plus grand des imprimeurs de l’ancien duché. « Nantes avait dans ses murs nombres d’imprimeurs dont un surtout était doué d’un rare esprit d’entreprise P. Doriou. C’était le plus considérable de la ville et de la province. »

 

Page de titre du livre d'Albert le Grand

 

Albert le Grand, membre du cénacle, avait coutume, avant même l’impression de La Vie des Saints de Bretaigne, de présenter quelques pages dont la lecture animait les réunions du cénacle. Arthur Bourdeaut nous apprend que ces réunions avaient lieu dans l’ancienne paroisse Saint-Laurent au domicile de Pierre Biré, le Président du cénacle. Cet homme, avocat de formation, s’intéressait tout particulièrement à l’archéologie naissante, à l’alchimie ou bien encore aux vielles médalles des anciens.

« Cette Académie, ainsi que l’affirmait dans sa conférence A. Bourdeaut, ne reçut les faveurs d’aucunes lettres patentes. Elle n’eut pas même de statuts ; elle ne tenait pas de procès-verbaux de séances. Elle n’en a pas moins existé. Le compte rendu de ses assises a même fait l’objet d’une publication. » L’historien disait pouvoir en indiquer le siège et les principaux membres.

« Par deux de ses principaux membres, elle se rattache au groupe de lettrés qui s’agitaient autour de Mercœur, l’un des princes les plus érudits du XVIe siècle ». Le désastre de la Ligue qui réduisit à néant tous les rêves bretons du duc de Mercœur, eut raison du cénacle mercurien. Vers 1636, deux des survivants Pierre Biré de la Doucinière et Albert Padioleau de Launay, ressuscitèrent le cénacle de l’hôtel de Briord où le duc, tenait sa cour.

 

Hôtel de Briord – carte postale ancienne

 

Le 15 septembre 1582 Philippe-Emmanuel de Lorraine, duc de Mercœur est nommé par le roi Henri III, gouverneur de la Bretagne. Il s’établit à Nantes avec les prétentions de son épouse Marie de Luxembourg, duchesse d’Étampes et de Penthièvre, descendante de la duchesse Jeanne de Penthièvre et de son mari Charles de Blois. Aimée des Nantais, qui la surnomment « La belle Nantaise », elle revendique ses droits héréditaires sur le duché de Bretagne.

C’est ainsi que le duc de Mercœur qui deviendra chef de la Ligue bretonne, s’affirma, poussé par sa femme, comme chef de lignage. Il établit un gouvernement indépendant à Nantes, tenant sa Cour dans l’Hôtel de Briord. Il donna à son fils les titres de « prince et duc de Bretagne ». Les croix de Lorraine du château de Nantes, comme à Dinan, furent sculptées sur les fortifications qu'il faisait renforcer.

 

Duc de Mercoeur - gravure sur cuivre de Dominicus Custos

Recueil, l’Atrium Heroicum ou Galerie des Héros

 

En 2019 les Éditions Petit à Petit publient le second volet d’une trilogie Docu-BD de prestige. Ce second tome titré NANTES D’ANNE DE BRETAGNE À D’ARTAGNAN, comporte en prélude des chapitres, un documentaire et texte historique très intéressant signé Guy Saupin. C’est ainsi que dans le paragraphe titré LA RENAISSANCE ÉPHÉMÈRE D’UNE CAPITALE, nous pouvons lire : « Nantes capitale de la Ligue en Bretagne, prend sa revanche sur Rennes avec l’érection d’un parlement. […] Le château retrouve la vie particulière du temps des ducs avec une cour animée de nombreuses festivités. Le duc de Mercœur y goûte particulièrement la vie littéraire, dans un cénacle de poètes qualifié parfois trop vite de Pléiade nantaise. Une ‘’pièce à machines’’, avec des décors mobiles spectaculaires, préfiguration du futur opéra italien, est jouée au château en 1596. »

Nous avons vu que le Florentin Nicolas Machiavel effectua son dernier séjour dans la cité de Nantes en 1515 peu après Marignan. Bien que le second bas-relief de la rue de la Juiverie ne soit daté que du siècle suivant, l’humaniste pourrait être à l’origine de leur création. Le prince de Lorraine résidait à Nantes dans la seconde moitié du XVIe siècle, soit à une époque où les membres du cénacle de la rue de la Juiverie officiaient toujours. Il paraît réaliste de penser que ce cénacle de la Juiverie fusionna avec le cénacle du duc de Mercœur – à supposer, bien sûr, qu’ils soient bien distincts l’un et l’autre. 

La maison de l’actuel n°11 de la rue de la Juiverie avec ses bas-reliefs, était assurément connue du Maître de l’Hôtel de Briord. Deux bas-reliefs représentant par croisement des différents niveaux de lecture, le dieu Mercure d’une part, et une déesse Fortune devenue miroir d’une Catherine de Luxembourg d’autre part, ne pouvaient que donner des ailes au pied à un duc de Mercœur, qui plus est, époux d’une princesse, héritière du duché de Bretagne, répondant au nom de Marie de Luxembourg… !

Le rêve était beau, il se réalisa. L’antique noblesse bretonne voulut reconnaître dans ce prince celui qui allait redonner au vieux royaume, puis duché de Bretagne, le prestige qui fut le sien durant plusieurs siècles. Les victoires que remporta le duc de Mercœur sur les champs de bataille en tant que Chef de la Ligue et Protecteur de l’Église catholique et romaine en Bretagne, le firent comparer au héros de la révolte juive, Judas Maccabée. La comparaison était belle, mais il n’en avait, suivant les historiens, pas toutes les qualités.

Après la mort du roi Henri III (dont l’épouse était la sœur de Mercœur), le monarque Breton abdiqua et renonça à gouverner la Bretagne. Le roi Henri IV à présent assis sur le trône de France, choisit pour sceller cette reddition, la capitale bretonne où régna un temps le duc de Mercœur, pour signer le fameux édit de Nantes le 13 avril 1598. Le symbole était fort !

Le duc de Mercœur restait au fond de lui ce chevalier quasi monacal qu’il avait toujours été. Il se tourna vers de nouvelles croisades. En 1599 avec son frère Henri, comte de Chaligny, il rentre au service de son suzerain l’empereur Rodolph II de Habsbourg, qui lui offrit, avec l’accord du roi de France Henri IV, la charge de lieutenant-général des armées impériales en Hongrie pour le combat contre les Turcs. L’empereur alchimiste, ainsi qu’il fut surnommé, fit venir le duc de Mercœur à Prague, ville magique, en 1598 et « le reçut comme un Ange descendu du Ciel. » :

 

L'histoire de Philipe Emanuel de Lorraine Duc de Mercœur par Jean Chrysostome Bruslé de Montpleinchamp, P. 251

2e édition : La Haye, Abraham Acher 1691

 

La réputation de ce prince de la Maison de Lorraine, l’avait précédé. Il fut en effet, pareillement reçu, par l’archiduc Mathias de Habsbourg, frère de Rodolphe II dans la cité hongroise de Javarin  :

 

Page 230 du même livre

 

Cette réception angélique faite par deux des plus hauts personnages de l’Europe chrétienne de cette toute fin du XVIe siècle, semble témoigner d’une connaissance au sein de la Maison des Habsbourg de la nature angélique du duc de Mercœur.

L’image d’un duc de Mercœur Ange descendu du ciel, venu de Nantes (la cité d’Armon suivant les Immortels de la l’Académie de Nantes) prend soudain une curieuse résonance, surtout si l’on se remémore la traduction du 134e vers de La Prophetia Merlini de Jean de Cornwall : « Les montagnes d’Armon atteindront les nuages avec leurs cimes. ». Ce vers, ainsi que nous avons pu l’avancer dans notre article consacré à Nostradamus, servit d’appui au Mage de Salon pour son quatrain IV-95 daté de l’année 1557, dans lequel est évoquée l’Armonique terre.

L’Ange descendu du ciel, dans la cité d’Armon, fait soudain écho aux anges évoqués dans Genèse 6, 1-4, descendus sur Terre, suivant la tradition transmise par le grand Rashi, au temps de Jared pour enseigner les hommes. Ces anges, ainsi qu’indiqué dans l’étrange Livre d’Énoch, seraient descendus sur le Mont Hermon ou (H)Armon… Ici les étymologies se chevauchent, mais la symbolique est là. Les nuages de La Prophetia Merlini présents sur les montagnes d’Armon, sont les anges. Les Nephilim, ou anges tombés (descendus) du ciel, sur Armon, sont aussi appelés Nebilim, « les Nuages ». Le quatrain de Nostradamus est daté de l’année 1557 (un an avant la naissance de Mercœur). Au-delà de son aspect prophétique, apparaît pouvons-nous le penser le témoignage en cette même année, de la présence à Nantes, d’une Académie Angélique ou du Brouillard, dont les Nubis ou Nuages de La Prophetia Merlini seraient les membres.

 

Et l’Académie Nantaise fut unie à l’Académie Lyonnaise ?

Il arriva un temps où les filiales des Académies italiennes coupèrent le cordon ombilical. Les grands humanistes Italiens, à l’origine de ces cénacles, n’étaient plus. Bientôt la Rose-Croix et les Maçonneries affichèrent leur existence jusqu’alors secrète. C’est ainsi qu’une filiale académique, pour survivre, fut dans l’obligation d’intégrer le giron d’une autre filiale académique, qui de fille devenait à présent mère. C’est ainsi que l’Académie Nantaise prit contact, semble-t-il, avec une Académie Lyonnaise dont la réputation n’était plus à faire parmi les Immortels membres des cénacles de France. Patrick Berlier n’hésite pas à présenter l’Académie Nantaise, comme une antenne lyonnaise de la Société Angélique. Patrick doit avoir raison mais ainsi que nous le verrons rapidement, le cénacle nantais paraît avoir contacté les Immortels ou Anges Lyonnais, avant même la création de la Société Angélique.

Le Dominicain Albert le Grand, arrive à Nantes en 1633, précédé d’une belle réputation. On savait qu’il préparait une œuvre d’importance pour toute la Bretagne : La Vie des Saints de la Bretaigne. Membre de l’Académie de Nantes, il assiste aux réunions du cénacle chez le Président Pierre Biré dans la paroisse Saint-Laurent. Le Dominicain voue un intérêt certain aux Moines Celtes, et tout particulièrement aux Moines Kuldées, les Amis de Dieu. Ces moines également bâtisseurs vont apporter leur savoir aux moines de Cluny, puis aux moines de Citeaux. La Prophetia Merlini fut étudiée dans les écoles kuldéennes de Grande-Bretagne. Ce récit de Jean de Cornwall – bien que cette longue étude ne permette pas d’en aborder le sujet – intéressa semble-t-il Pierre Biré le numismate…

Albert Padioleau, compagnon angélique de la première heure de Pierre Biré, rédigera des stances élogieuses pour le livre du Père Albert le Grand. Le Dominicain y est présenté comme la Perle de la Bretagne mais surtout comme ALTER ANGELUS. Pour le cénacle, Bretagne signifiait Nantes. La perle pourrait désigner le grade qu’il avait dans le cénacle ? Quant à l’ALTER ANGELUS, il interroge à l’instar de l’Ange descendu du Ciel. La notion d’Alter Angélus, très importante au Moyen Âge et à la Renaissance évoquait la Lumière du Christ.

En août 2019 je me rapprochais de notre ami Patrick Berlier afin de connaître son avis sur l’ALTER ANGELUS. Dans un courrier daté du 15 septembre, il me répondit : « Le père Albert le Grand est présenté comme alter angelus, ce qui peut se traduire ‘’l'autre Angelus’’, le premier étant en effet Nicolas de Lange surnommé l'Angélus. » D’où la réflexion suivante de Patrick : « Ce cénacle nantais, que tu évoques longuement, paraît en effet bien ressembler à un avatar de la Société Angélique lyonnaise. »

Plus qu’un avatar, je pense que le cénacle nantais fut plutôt – devient même – une antenne de la Société Angélique lyonnaise, ce que d’ailleurs Patrick avançait précisément.

Dans ce courrier envoyé à Patrick, je formulais l’hypothèse d’une rencontre dans la cité de Blois entre le cénacle de Lyon et le cénacle de Nantes. Le duc de Mercœur, Président du cénacle nantais, beau-frère du roi de France Henri III et gouverneur de Bretagne, assista aux États généraux de Blois en 1588. Or, il apparaît que Balthazar de Villars, gendre et successeur de l’Angélus, Nicolas de Lange à la tête de la Société Angélique lyonnaise, y assista pareillement, ainsi que Patrick l’écrit dans son livre La Société Angélique (T. III p. 173). Se sont-ils rencontrés ? Patrick accepte l’idée que : « Le duc de Mercœur a pu en effet rencontrer Balthazar de Villars aux États Généraux de Blois en 1588. »

 

Portrait de Balthazar de Villars (Bibliothèque Municipale de Lyon)

 

Dans ce livre, Patrick évoque la Harangue que Balthazar de Villars prononça aux États Généraux. Cette harangue, comme tous les discours qu'ils prononçait, fut notée par ses soins dans un livre qu'il tenait au fil des années. Particularité étrange, le texte de cette Harangue était assorti d’un petit dessin, un rébus forestier dont les fruits y trouvaient une place d’importance. Patrick me commenta ainsi sa découverte de la Harangue et son contenu :

« C'est en recopiant, dans le grand livre qu'il tenait, le discours qu'il prononça à cette occasion que Balthazar de Villars écrivit HRANGVE au lieu de HARANGVE et assortit son texte d'un petit dessin, le seul apparaissant dans la totalité du livre, que j'avais pu consulter sous forme de microfilm à la Bibliothèque Municipale de Lyon. […] Ce petit dessin se présente ainsi :

 

Dessin de Balthazar de Villars

 

« On y voit, ainsi que je l'explique dans mon livre, des fleurs, des fruits, des feuilles... On y reconnaît nettement à droite des feuilles de chêne et des glands, et ce qui paraît être des fraises ou des framboises. À gauche il y a deux petites grappes de raisin. Pas de pommes de grenade par contre, à moins de considérer les deux fruits en haut à gauche (que je n'ai pas réussi à identifier) comme des grenades très allongées ? »

Dans son livre, Patrick indique que les glands, les fraises des bois et les feuilles du dessin, forment « le rébus bien connu FRuits FeuiLLes, donnant FoRêt FiLs par le grimoire, et signant là sans doute son appartenance à l’ordre des Forestiers Fendeurs Charbonniers ou Frères du chêne. Comme pour enfoncer le clou, au lieu d’écrire HARANGVE selon son habitude, ce jour-là il ‘’oublie’’ le premier A pour écrire HRANGVE, ce qui peut se prononcer ‘’hache rangue’’, et ainsi particulariser la hache, emblème par excellence des Fendeurs. » Patrick rappelle ensuite, à juste titre que les lettres finales V et E « sont les initiales des mots Vertu et Espérance, mots sacrés des Charbonniers… » J’invite une fois encore le lecteur à ce reporter au livre de notre ami afin de découvrir le commentaire dans son entier.

 

Le titre HRANGVE

 

La lecture par le grimoire opérée par Patrick apparaît étonnante ! Ce décryptage apparaît en fait comme une paraphrase du verset 22, chapitre 49 du Livre de la Genèse. Alain-Abraham Abehsera, médecin ostéopathe installé aujourd’hui à Jérusalem, est l’auteur de deux livres ben curieux : BABEL LE LANGAGE DU 21ème SIECLE (Éditions Eqev, Jérusalem) et BABEL La Langue Promise (Éditions Biblieurope, Paris). Dans ces deux ouvrages, il se livre « à son autre passion, la découverte d’un langage universel. » Le chapitre 49 du Livre de la Genèse, est rédigé dans un hébreu obscur, lisible au mot-à-mot mais d’une traduction presque impossible. L’auteur démontre dans ces deux livres que « les langues aussi différentes fussent-elles, reproduisent les mêmes jeux de mots. » Le verset 49 qu’il étudie dans les deux livres, est très étrange. Il s’agit de la bénédiction prophétique de Jacob à son fils Joseph. Au mot-à-mot, nous avons après traduction, les mots « Fils de la fécondité, Joseph, fils de fécondité des feuilles (alei) de l’œil (aïn), la présence de feuille devient bien plus claire si, au lieu de lire forat en hébreu (fécondité), on le lit en français. Il se lit alors non pas forat, mais forêt ; or, en quoi la forêt est-elle féconde si ce n’est en feuilles… L’introduction du français donne donc une première homogénéité à ce verset, qui devient : Fils de la forêt, Joseph, fils de la forêt, feuille/œil. Relié ainsi à d’autres versets de la Bible, où l’homme est fréquemment comparé à un arbre fruitier, le verset devient un peu plus clair : Jacob bénit son fils préféré en lui souhaitant d’être aussi fécond en descendance ou en influence qu’une forêt féconde en feuilles. »

Après avoir résolu cette première juxtaposition forat (fécondité) à feuille, l’auteur justifie ensuite la juxtaposition fils (ben) à feuille (alei) :

« Ces deux mots ne sont pas homonymes en hébreu mais le sont clairement dans les langues latines. En effet, fils, fille, filial, filleul, etc…, dérivent de la racine latine FL et sont homonymes de feuille. On a ainsi en complément de forat/feuille, la relation suivante :

 

Relation Filial - Feuille

 

 "Trois des termes du verset ont été ainsi reliés : fécondité, feuille et fils". L’auteur relie ensuite le thème de l’œil (fils de la fécondité, fils de la feuille/œil). Homonymie partielle de feuille (fille) et œil en français, mais que le mot pupille confirme néanmoins. Par contre homonymie parfaite, notamment en espagnol : « hijo est fils, hija, fille ; hoja est feuille ; ojo est œil ; et la prononciation est quasiment identique pour les trois termes. »

Dans son second ouvrage, l’auteur compare le verset à un « champ de signification, champ qui émet, vivant, jusqu’à ce jour ». Dans ce chapitre XV du livre qu’il nomme Feuilles de l’œil, il titre l’un des sous-chapitres : Grand-Père bucheron… Pour pénétrer le verset, il convient suivant l’auteur d’agir : « Comme tout botaniste consciencieux envoyé sur le terrain, il faut procéder d’abord par une récolte et un rangement. »

L’auteur conclut ainsi ce sous-chapitre : « Ici, cependant, la notion de construction est associée, non à la pierre, mais à la feuille et à la fertilité ».

Nous avons ici une lecture que les Forestiers Fendeurs Charbonniers ou Frères du chêne, n’auraient pas reniée. Les rituels de la Fenderie et de la Charbonnerie comportaient quelques notions héritées de la Kabbale hébraïque.

Nous trouvons sur le Net, une intéressante étude : Une histoire de famille. Tirée du livre de l’abbé Hervé BENOÎT, Les grands vitraux de Bourges, Centre Saint Jean de la Croix, 2006. L’étude porte sur le vitrail du patriarche Joseph (Cathédrale de Bourges, XIIIe siècle). « Les donateurs du vitrail sont des artisans du bois dont le saint patron est le Joseph de l’Évangile. Ils sont représentés dans les trois médaillons inférieurs : les charpentiers (2), les charrons (3) et les tonneliers (3). » L’auteur de l’article nous apprend que le conte Le Petit Poucet (Voir Contes de Ma Mère l’Oye, par Charles Perrault) est une adaptation de l’histoire biblique de Joseph : « Il était une fois un Bûcheron et une Bûcheronne, qui avaient sept enfants, tous garçons. Le plus jeune était fort petit, et quand il vint au monde, il n’était guère plus gros que le pouce, ce qui fait qu’on l’appela le Petit Poucet. Survient une famine, qui contraint les parents à se séparer de leurs enfants, en les perdant dans la forêt… »

Bien que le nombre des enfants diffère, douze dans l’histoire de Joseph et sept dans l’histoire du Petit Poucet de Perrault (personnage lié avec son frère au Brouillard…) nous pouvons admettre que les deux récits soient apparentés. Dans le conte de Perrault, les enfants sont les fils d’un Bûcheron et d’une Bûcheronne, ce qui tenterait à prouver que l’hypothèse « Grand-père bûcheron » développée par A.-B. Abehsera n’était pas inconnue de certains initiés Bûcherons

Le dessin de la HRANGVE n’apparaît pas sans lien – semble-t-il – avec cet obscur verset biblique totalement tourné vers la forêt. L’hypothèse ici proposée serait que le duc de Mercoeur rencontra bel et bien Balthazar de Villars aux États généraux de Blois en cette année 1588. Le successeur de l’Angélus, lui aurait présenté son HRANGVE et le dessin qui l’accompagne.

Le journaliste et romancier Thierry Guidet, grand admirateur de la ville de Nantes où il a exercé ses talents de journaliste, notamment pour le journal Ouest-France, est l’auteur d’un roman symbolique Une affaire de cœur. Le cœur en question est le cœur-reliquaire d’or de la duchesse de Bretagne, deux fois reine de France. Aujourd’hui pièce majeure du musée d’Obrée, le cœur fut à la demande d’Anne de Bretagne placé dans le Tombeau de son père François II duc de Bretagne.

Thierry Guidet, dans son roman à clés présente le cœur d’Anne de Bretagne tel un Graal, objet de tous les désirs pour les nostalgiques d’une Bretagne indépendante avec Nantes pour capitale. Nantes est présentée comme la FORÊT : « Elle bruit de langages inconnus ; y fleurissent les croyances, les raisons de vivre, de mourir et, parfois de tuer. […] D’étranges chevaliers sortent de Brocéliande tandis que des druides émergent de la nuit des temps. »

On y découvre dans la Forêt de Nantes, l’utilisation du calendrier des Druides : chaque mois correspond à un arbre, ou un végétal. Des lettres accompagnent les cartes représentant les 13 arbres :

« - Les signes du bois, l’alphabet des arbres ! 

« Chaque lettre est la première du nom d’un arbre. On retrouve d’ailleurs cela dans l’alphabet irlandais moderne. Ces signes n’avaient pas seulement une fonction utilitaire, mais aussi une dimension symbolique, peut-être même magique. En hébreu, c’est pareil : chaque lettre est aussi un chiffre ; chaque mot, un nombre, un message codé.»

La HRANGVE et le dessin de Balthazar de Villars sont autant de messages codés dont le successeur de Nicolas de Langes est passé maître. Le H initial, la Hache, est la lettre qui convient assurément à la cité de Nantes, la Forêt. Telle est certainement l’une des raisons, pour lesquelles l’évêque Gaulois Nonnechius Ier de Nantes est représenté avec une hache. Le sujet n’est pas unique…

Le verset de la bénédiction prophétique annoncé par Jacob à son fils Joseph, nous parle de filial(e), de fille, de feuilleBalthazar de Villars fait pareillement lorsque dans son dessin il synthétise cette FORÊT ; une forêt qui pourrait bien correspondre à Nantes. Pour les membres de l’Angélique Nantaise, Nantes par son nom secret : ARMON, signifierait « la pomme de grenade » (hébreu Ha R(i)MON) mais elle serait également la Ville de la Vigne, du Raisin.

Balthazar de Villars, à l’image du Grand-père bûcheron formulé par A.-A. Abehsera dans sa lecture de la bénédiction prophétique adressée par Jacob à son fils Joseph, pourrait avoir évoqué dans son dessin, la naissance d’une fille ou filiale nantaise placée sous les signes du raisin (et de la pomme de grenade). Le raisin ainsi que le démontre A.-A. Abehsera, est homonyme de la raison, ce que confirme l’hébreu SKL = intelligence et grappe de raisin. Le duc de Mercœur a-t-il vraiment rencontré Balthazar de Villars aux États Généraux de Blois en cette année 1588 ? Il paraît bien difficile de l’affirmer mais il y eut assurément une rencontre lors de laquelle fut validée l’entrée de l’Académie de Nantes dans le giron de la Société Angélique de Lyon. 

Balthazar de Villars, un Frère du Chêne, représente la cité de Lyon, dans son aspect angélique. Comment ne pas évoquer ici Jean du Choul, membre du mouvement angélique lyonnais et auteur d’un De varia quercus historia, « ouvrage savant de botanique consacré au chêne. » Patrick Berlier dans le T. III de La Société Angélique, nous présente cet ouvrage comme étant : « Rédigé entièrement en latin, le livre contient des passages très curieux qui semblent former des allusions appuyées à l’ordre des Forestiers ou Charbonniers. »

Jean du Choul le Forestier, était le fils de Guillaume du Choul. Pierre Biré, Président de l’Académie de Nantes cite Guillaume Choul, qu’il présente comme l’un des « rapporteurs de vielles médalles des anciens »… 

Terminons cette longue étude par ce motif sculpté, visible au-dessus de la porte d’entrée du n° 6 de la place du Bouffay à Nantes. Il pourrait pérenniser un premier rapprochement entre l’Académie de Nantes et un cénacle lyonnais précurseur de la Société Angélique.

 

Les deux Griffons de la place du Bouffay (photo Mappy)

 

Cette sculpture présente deux griffons. « L’insaisissable les a, dit-on, attachés par la queue, les empêchant ainsi de le poursuivre ! »

Ils sont présentés comme les gardiens de la cité de Nantes. Mais ces gardiens évoquent peut-être les premières heures angéliques et brumeuses de la cité nantaise.

Patrick Berlier dans le tome III de La Société Angélique, évoque dans la cité de Lyon en 1523, rue Ferrandière la présence de l’énigmatique imprimeur Sébastien Greif : « ‘’Bastien, imprimeur.’’ C’était la première occurrence écrite où apparaissait son nom. » L’imprimeur, plus connu sous le prénom et le nom de Sébastien Gryphius, se nommait « en réalité Sébastien Greif, il est né vers 1492 à Reutligen, en Souabe dans le sud de l’Allemagne. »

Dans son atelier se réunissaient les membres des cercles lyonnais, telle l’Académie de Fourvière. Patrick n’hésite pas à écrire : « En effet, on ne peut pas imaginer que Gryphius ne soit pas lui-même l’adepte de ces groupes, voire le meneur de l’une de ces sociétés qui se développeront dans le brouillard succédant aux années d’espoir du début de ce siècle. […] De même il est impensable qu’il ne participe pas à l’AGLA, la société secrète de la corporation des imprimeurs, même si ses biographes sont muets sur ce point. »

Patrick, dans le T. II de La Société Angélique, écrit : « Grasset d’Orcet voit dans Sébastien Gryphe le président – pour ne pas dire le vénérable – de la Société Angélique. Ce fut sans doute vrai, mais au temps où la Société, pas encore Angélique, se nommait Brouillard ou Sodalitum. Gryphe, vieillissant, passa sans doute le relais à partir de 1552 au jeune Nicolas de Langes, qui n’avait que 27 ans. »

Dans le T. III, Patrick écrit : « Greif, qui est un nom assez répandu outre-Rhin, peut se traduire par ‘’griffon’’. Sébastien prendra cet animal comme emblème et changera son nom en Gryphius, variante du latin gryphus qui désigne le même animal fabuleux. Ce n’est qu’à titre posthume qu’on lui donnera le nom de Sébastien Gryphe, sous lequel il est plus connu aujourd’hui. »

 

L'emblème de Sébastien Gryphius

 

Bien que la sculpture des deux griffons soit postérieure au XVIe siècle, elle pourrait pérenniser le rapprochement entre l’Académie de Nantes et le Brouillard de Lyon dans les années 30 ou 40 de ce siècle.

L’Angélique Nantaise bien que connue de certains érudits, tel l’abbé Arthur Bourdeaut, reste aujourd’hui encore inaccessible derrière son épais manteau de brouillard.





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