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RUBRIQUE
Sociétés Secrètes Janvier 2021
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Par
Michel Barbot
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Prémices
et existence d’une Académie Angélique Nantaise Deuxième
partie : l'existence Premiers
témoignages d’une Angélique nantaise Les premiers
témoignages d’une présence angélique dans le vieux
Nantes se trouvent
assurément dans la rue de la Juiverie au n°11. Sur la
façade refaite en 1850
figurent deux bas-reliefs de marbre qui interrogent toujours autant.
Voici
comment Henri de Berranger nous les raconte dans son livre Évocation
du
vieux Nantes (Éditions de Minuit) : « L’un
montre un buste de femme échevelée regardant à
gauche. Au-dessus de sa tête, un
fronton triangulaire porte, en capitales, les lettres A et O,
superposées. Tout
en bas est inscrit : QVERENDA EST. Sur l’autre bas-relief, un
fronton
massif au tympan orné d’un vase ardent sert de fond. En avant
d’une arcade, un
homme nu s’étend à demi sur deux gradins ou deux coffres
superposés. Le pied
gauche est ailé, ce qui fait songer à Mercure. Tendu
horizontalement, le bras
droit porte une tortue, alors que le bras gauche replié soutient
la tête. On
lit au-dessus : EXSPECTO DONEC VENIAT. Un troisième
bas-relief,
aujourd’hui disparu, représentait, écrit Guimard, un
serpent ‘’semblant
s’élancer d’un tronc d’arbre vers un autre couvert de fleurs et
de fruits’’, et
ne portait nulle légende. » Bas-relief rue
Juiverie : 1 - Déesse Fortune (Photo
Patrick Lelièvre) Bas-relief rue
Juiverie : 2 – Dieu Mercure (Photo Patrick
Lelièvre) Pour cet historien
Nantais, « On peut
dater, sans trop de
risques, le second bas-relief du XVIIe siècle.
Peut-être le premier
est-il plus ancien. » Léon
Brunschwicg en
1889, dans ses Souvenirs
d’un vieux nantais (Hachette BNF) nous apprend que la maison
où figurent
les bas-reliefs était à l’époque un débit
de vins. Son avis sur ces deux
sculptures apparaît non dénué
d’intérêt : « Vous
y verrez deux bas-reliefs grossièrement coloriés et
représentant l’un
l’Occasion, cette chauve déesse qu’il faut tâcher de
prendre aux cheveux. La
déesse Occasion (Andreas Alciatus, Emblematum Libellus, 1542) « Je
suis Occasion, que Lysippe forma… » https://www.emblems.arts.gla.ac.uk/french/emblem.php?id=FALa016 « l’autre
une espèce de temple où repose un homme nu, une tortue
dans la main droite et
deux ailes au talon gauche. « C’était
– le fait n’est plus douteux aujourd’hui – l’enseigne parlante d’un
sculpteur
de l’époque qui avait fait installer dans cette maison un four
à cuire des
plâtres et ses statues grossières, et qui en avait
incrusté sur la façade, de
même que nos marchands de faïence se font encore
aujourd’hui, à titre de
réclame, des devantures en carreaux de porcelaine
polychrome. » L’hypothèse
d’une enseigne de sculpteur apparaît somme toute, non
dénuée de sens, au vu
d’une possible origine gilpine des dites sculptures. Je fis
l’acquisition dans la seconde partie des années 80, des deux
tomes de l’ouvrage
Matériaux Cryptographiques (Éditions des
Trois R
– 1983), recueil regroupant des textes majeurs de Grasset d’Orcet, dans
lesquels je découvris l’existence des Gilpins et de la
Société Angélique.
J’enchaînais ensuite avec d’autres livres dans lesquels je
découvris quelques
illustrations ou commentaires relatifs au fameux Songe de Poliphile.
J’en vins à émettre l’hypothèse suivant laquelle
ces bas-reliefs pourraient
avoir un certain lien avec la Société Angélique. Grâce à l’ami
Roger
Corréard, l’archiviste de Théopolis, récemment
disparu, je fis la connaissance
de Patrick Berlier, spécialiste aujourd’hui reconnu de la
Société Angélique
lyonnaise. De nos échanges sur le sujet, ne pouvait que jaillir
la lumière.
J’envoyais à Patrick des photographies de ces bas-reliefs. Il
confirma mon
hypothèse, reconnaissant dans cette œuvre de la Renaissance, un
rapport certain
avec la Bible de la Société
Angélique : Le Songe de Poliphile.
J’eus la surprise de découvrir le fruit de nos échanges angéliques
sous
la plume de Patrick, dans le tome II de La Société
Angélique (Éditions
Arqa). Patrick n’hésita pas à titrer le 6e
chapitre : POLIPHILE
A NANTES, UNE FILIALE DE LA SOCIÉTÉ
ANGÉLIQUE ? La
déesse Occasion, femme échevelée reconnue par
Brunschwicg, apparaît comme l’un
des autres noms de la déesse Fortune. Il conviendra à ce
stade, au lecteur, de
lire ou de relire la totalité des propos de Patrick Berlier
concernant cette déesse
que notre ami reconnaît à juste titre sur le second
bas-relief. Patrick
présente au lecteur, la déesse Fortune comme une femme
à demi échevelée : « Nous
en trouvons confirmation dans l’ouvrage célèbre de
Francesco
Colonna, Le Songe de Poliphile, qui est considéré
comme la ‘’Bible’’ de
la Société Angélique. Le livre s’ouvre
avec la découverte par le héros
narrateur d’une cité antique dominée par un haut
obélisque. À son sommet trône
la statue pivotante d’une femme dont la chevelure flotte au vent d’un
seul côté
de la tête, dans le sens du regard : ‘’Les cheveux lui
voletaient
par-dessus le front en grande abondance, mais avait le derrière
de la tête
chauve et sans poil’’. On peut aisément identifier ce personnage
comme la
déesse Fortune, bien qu’elle ne soit pas nommée, car
cette description est
traditionnelle, d’ailleurs l’auteur s’est inspirée dit-on pour
ce chapitre du
temple de Fortune à Préneste, dans la Rome
Antique. » Pour le
second bas-relief, le doute n’est pas permis, l’homme nu tenant en main
droite
une tortue et arborant deux ailes au talon gauche, évoque le
dieu Mercure ou
Hermès. Il conviendra au lecteur une fois encore de lire ou de
relire les propos de Patrick Berlier qui
nous
rappelle notamment : « La
mythologie
grecque dit qu’Hermès, dès le premier jour de sa vie, tua
une tortue et utilisa
sa carapace pour en faire une cithare. » Notre ami
reconnaît
l’origine de ce second bas relief dans Le Songe de Poliphile : « Ce
bas-relief qui excite tant l’imagination des Nantais, est
inspiré directement de l’une des merveilleuses gravures du Songe
de
Poliphile. Et très précisément de son
édition française de 1546, ce qui
situe forcément sa réalisation à une date
ultérieure. Au chapitre X, avant
d’atteindre les trois portes de Télosie, le narrateur doit
traverser un pont de
marbre blanc, ‘’en écoutant le chant mélodieux d’une
infinité d’oisillons qui
faisaient retentir le pays d’alentour’’. Ce pont est orné, en
son milieu de
deux carrés de porphyre, décorés de moulures,
frontispices, tympans et ‘’sculptures
d'hiéroglyphes’’ : Gravure
extraite du Songe de Poliphile (édition
française, 1546) « Posture
des personnages, accessoires et attributs, décors :
la ressemblance entre les deux images est frappante. La principale
divergence
vient évidemment du fait que la gravure du Songe nous
montre une femme,
assise sur un tabouret, tenant les ailes de la main gauche, alors que
le
bas-relief nantais nous montre un homme, assis sur un coffre, les ailes
au pied
gauche. » La
même gravure dans l'édition italienne (1499) Dans la liste des
auteurs Nantais ayant permis une avancée dans la
compréhension des bas-reliefs,
il y a le journaliste et écrivain Nantais Stéphane Pajot.
Il s’intéressa lui
aussi, et ce à différentes reprises, à ces
énigmatiques bas-reliefs dans les
colonnes du journal Presse-Océan. En 2004 il abordera le sujet
dans son livre Histoires
extraordinaires et inédites de Nantes et de Loire-Atlantique
(Éditions
d’Orbestier). Il eut la bonne idée dans ses études
successives d’y associer le
penseur humaniste Italien, Machiavel : « Si
ces bas-reliefs existaient déjà, on peut supposer que
Niccolo Machiavelli, dit
Machiavel (secrétaire de la chancellerie de Florence,
chargé de missions
diplomatiques) aura mis toute son intelligence pour en comprendre
l'origine. » « Son
premier passage à Nantes, écrit S. Pajot, date de 1498. Au nom de la
République de
Florence, Machiavel eut une entrevue diplomatique au château des
ducs de
Bretagne au sujet de l’annulation du mariage de Louis XII qui devait se
dérouler l’année suivante. Machiavel fit donc figure
d’envoyé spécial. Eut-il
une certaine influence ? Est-il resté au mariage ? On
ne le sait. Le
mariage de Louis XII, roi de France avec Anne de Bretagne
(mariée une première
fois avec Charles VIII en 1491 puis veuve) aura bien lieu en 1499 au
château de
Nantes. » Portrait
posthume de Nicolas Machiavel, par Santi
di Tito, S. Pajot a découvert
dans les pages de l’Intermédiaire Nantais (année
1909), le témoignage
d’un vieux Nantais affirmant que « Machiavel
serait resté à Nantes du 25 août au 10
septembre 1509. ‘’Je possède un
document qui l’atteste. La maison qu’il a occupée existe encore.
C’est celle
qui fait le coin de la petite rue Sainte-Croix et de la rue de la
Juiverie, en
face de la porte latérale de l’église. Son hôte
était barbier
chirurgien'' » Et S. Pajot d’ajouter : « Machiavel serait revenu
à Nantes en 1515, juste
après Marignan. » S. Pajot avance trois
passages de Machiavel dans la cité nantaise. Jean-Louis Fournel (La
Guerre
et l’État. Statuts et histoires d’un micro-texte
machiavélien – Le Prince,
III, 48 https://journals.openedition.org/rhetorique/258) évoque une
quatrième venue à Nantes pour Machiavel qui « passe alors plusieurs mois
à la cour de France,
encore itinérante à cette époque, suivant le roi
et ses principaux conseillers
et ministres partout où ils séjournent. À ce
titre, il se trouve de fait
quelques temps à Nantes avec la cour entre la fin du mois
d’octobre et le début
du mois de novembre 1500 ». Trois lettres
envoyées de Nantes à la
chancellerie affirment sa présence dans la cité bretonne
à Nantes à cette
époque. En 1515, dernier voyage
à Nantes du Florentin, Louis XII est décédé
depuis le 1er janvier et
sa femme Anne de Bretagne depuis 1514. Le couple royal n'était
plus venu à Nantes
depuis 1510. François 1er n'y reviendra qu'en 1532.
Machiavel serait
revenu à Nantes en 1515 après Marignan (13 et 14
septembre), soit peut-être, à
l’automne de cette même année. On peut penser que le
Florentin qui semblait apprécier la cité de Nantes,
aurait pu venir une
dernière fois dans cette cité, essentiellement pour
rencontrer une fois encore,
les membres de l’Angélique nantaise. Peut-être a-t-il pu
en cet automne 1515,
admirer le premier bas-relief ou tout au moins son esquisse
préparatoire, représentation
de la déesse Fortune, un thème qu’il chérissait
tout particulièrement.
Serait-il hasardeux de penser qu’il fut le concepteur de cette œuvre
d’art dans
sa totalité, à savoir le premier bas-relief, mais aussi
le second dont il ne
put admirer la réalisation car datée suivant Henri de
Berranger du XVIIe siècle
et, pourquoi pas le troisième
aujourd’hui disparu ? Ainsi que nous allons
le voir, Machiavel fut un proche de l’Académie de Florence qui
devait
assurément étudier le texte original du Songe de
Poliphile. L’humaniste
Florentin se rendit à de nombreuses reprises en qualité
d’ambassadeur de la
République de Florence dans la République de Venise,
où fut édité pour la
première fois en 1499 par Aldo Manuzio, cette Bible des
Gilpins. Ce
célèbre imprimeur et éditeur dirigea
l’Académie de Venise à l’origine de
l’Angélique lyonnaise. Lire sur le sujet l’article de Patrick
Berlier Aux
origines de la Société Angélique, à Venise
http://regardsdupilat.free.fr/venise.html Bien sûr Patrick
Berlier estime la réalisation du second bas-relief à une
date ultérieure à
l’édition française du Songe de Poliphile en
1546, hypothèse que l’on
peut retenir lorsqu’Henri de Berranger date lui-même ce tableau
du XVIIe
siècle. Mais, il paraît logique de penser que si Machiavel
fut bien à l’origine
du premier tableau, et donc des tableaux suivants, il dut apporter
dans ses
bagages – peut-être pas l’exemplaire vénitien du Songe
de Poliphile mais
quelques illustrations tirées de ce précieux
ouvrage ? illustrations
susceptibles de correspondre au message des Gilpins Nantais. À la façon des
axes
géographiques et calendaires nantais dont la réalisation
se finalisera sur
plusieurs siècles, la réalisation des bas-reliefs se fera
non sur plusieurs
siècles mais sur plusieurs décennies. Machiavel proche de
l’Académie de Florence, en fut peut-être un membre. La
dernière grande œuvre
historico-politique du Florentin fut l’Histoire de Florence.
Cette
commande lui fut passée en novembre 1520 par l’Académie
de Florence présidée
par l’archevêque Jules de Médicis. Machiavel proposa
à son beau-frère Francesco
Del Nero, provéditeur de cette académie, les termes du
contrat qui le chargeait
d'écrire ces Histoires florentines. Machiavel remettra
lui-même en mai
1525 cette commande à Jules de Médicis devenu entre-temps
pape sous le nom de
Clément VII. Florence Buttay-Jutier,
Docteur en histoire, spécialiste des Renaissances italiennes et
française (XVe - XVIe siècles)
dans son livre Fortuna
:
usages politiques d'une allégorie morale à la Renaissance
(Presse
de
l’Université Paris-Sorbonne), écrit : « Notons
que nous rencontrons toujours Naples et Florence dans ce parcours sur
Fortune
au XVe siècle. » Et dans ce
parcours figure bien entendu
Machiavel ainsi que l’indique cette historienne : « En
revanche, Fortune se
trouve au cœur du Prince de Machiavel parce que celui-ci rend
son miroir
moins au prince ‘’naturel’’ qu’au nouveau prince. » Machiavel apparaît bon
prophète pour faire entrer Fortune dans
l’Angélique nantaise naissante.
Les Gilpins Nantais
intègrent ainsi, pourrions-nous le penser, le giron de
l’Académie de Florence. F. Buttay-Jutier évoque
dans son livre un symbole
important de la déesse Fortune, la roue : « L’allégorie
privilégiée dans
ce cas est celle de la roue, en raison de la vieille association de la
roue de
Fortune au cycle des saisons et aux âges du monde, bien plus que
celle de la
Fortune-Occasion. On voit comment Machiavel, si souvent
évoqué à propos de
cette nouvelle conception dynamique de la Fortune-Occasion, utilise
aussi une
image beaucoup plus ancienne, de manière non pas tout à
fait contradictoire,
mais complémentaire, dans une vision ‘’naturaliste’’ de
l’histoire. Il est
encore une fois vain, selon moi, d’étudier un ‘’concept’’ de
fortune chez lui
comme chez d’autres : il s’agit d’un répertoire
d’accessoires fonctionnels
adaptés à l’argumentation. » L’expression
« accessoires fonctionnels
adaptés à l’argumentation », concernant
l’utilisation de Fortune chez
Machiavel apparaît on peut plus justifiée pour
l’étude des bas-reliefs de
Nantes. Les saints des deux
bas-reliefs ou la
confirmation des axes géographiques et calendaires nantais Patrick Berlier dans son
étude complète des
bas-reliefs avance une bien curieuse hypothèse : « À
Nantes les ailes ne
paraissent pas attachées aux chevilles de l’homme, comme c’est
le cas
véritablement pour Hermès. De plus, seul un pied
possède cette particularité.
En fait, on a plutôt l’impression que l’homme cherche à
cacher un oiseau derrière
son pied, tout en montrant ostensiblement une tortue. Ces deux
éléments
renvoient à la légende de saint Hugues, que
j’évoquais dans le volume précédent
à propos de la Langue des Oiseaux chère à la
Société Angélique. Saint Hugues,
évêque de Grenoble au XIe siècle,
montant voir un jour à
l’improviste les premiers Chartreux dans leur désert, les trouva
attablés et
s’apprêtant à manger des oiseaux rôtis, un mets
interdit. D’un geste il
transforma les oiseaux en tortues, un mets autorisé car sa chair
comestible est
assimilée au poisson. Il faut voir bien sûr les forts
symboles se cachant
derrière le côté merveilleux de la légende,
qui s’est suffisamment répandue
dans toute la chrétienté pour arriver à
Nantes. » Patrick reconnaît que « le
personnage ne ressemble guère à un Chartreux, mais la
scène peut faire allusion
à la légende sans la représenter vraiment. Et
encore une fois c’est la
symbolique qui compte. Cet homme ‘’attend qu’il (ou qu’elle) vienne’’,
pour lui
montrer la tortue qu’il prétend manger sagement, mais dès
que ce ‘’supérieur’’,
inconnu, aura le dos tourné, il plumera l’oiseau pour le
rôtir sur le vase
ardent. » Lorsque je découvris
début 2006 dans le livre
l’hypothèse cartusienne avancée par Patrick, je
n’étais guère en mesure de
l’apprécier à sa juste valeur. Aujourd’hui je sais que
Patrick avait raison… Le
11
octobre 1445, en signe reconnaissance envers le prieur des Chartreux de
Paris
qui lui avait prédit la prise de Meaux en août 1439, le
comte Arthur de
Richemont, ancien compagnon de Jeanne d’Arc et Connétable de
France (futur duc
Arthur III de Bretagne), présente à son neveu
François Ier duc de
Bretagne, la charte de fondation à Nantes de la Chartreuse des
Saints-Donatien-et-Rogatien. La consécration de la
Chartreuse nantaise, fille
de la Chartreuse de Paris, en date du 16 août 1459 – le 6
août jour de la
Transfiguration est aussi avancé – fut faite par Denis de La
Lohérie, évêque in
partibus de Laodicée (ancien évêché de
Syrie), en résidence à Nantes. Cet
évêque originaire de Thouars, suffragant de
Nantes (évêque
auxiliaire de l’évêque Guillaume de Malestroit), membre
des Frères Mineurs, ou
Cordeliers, resta longtemps pour les historiens Nantais une
énigme auréolée
aujourd’hui encore d’un certain mystère. Les chanoines de la
Collégiale des Saints-Donatien-et-Rogatien
furent contraints par le duc de Bretagne François Ier
de quitter
l’ancienne Chapelle-au-Duc, sise sur le chemin de Paris, hors les murs,
actuelle rue du maréchal Joffre, soit précisément
sur l’axe Est / Ouest de la
cité… Albert le Grand nous apprend
que la première
pierre de la chartreuse fut posée le 14 octobre 1446 en
présence de la noblesse
bretonne : « la
première pierre fut posée
par le duc François Ier lui-même.
– Une deuxième fut mise par le prince Arthur, comte
de Richemont,
connestable de France. C’était le vrai fondateur. »
(Citation faite par l’Abbé
Dalanoue : Saint Donatien
et Saint Rogatien de Nantes – 1904) Le Dominicain également
membre de l’Académie de
Nantes, fait mention des six pierres de fondation posées par six
hauts
personnages du duché de Bretagne. Chartreuse
de Nantes. Tableau conservé à la Grande-Chartreuse,
signalé par la Commission
archéologique de Nantes, le 29 octobre 1850. (Bull.
archéol. de la Loire-Inf.,
T.1, p. 85.) Jean-Baptiste Russon nous
apprend : « En
1457, Arthur de Richemont, devenu duc de
Bretagne après le décès de ses neveux
François Ier et Pierre II, fut
tout aise d’introduire officiellement les Chartreux dans leurs
nouvelles
cellules. Il était temps, d’ailleurs, que l’œuvre fût
achevée, car Arthur, âgé
de soixante-sept ans, duc depuis quinze mois seulement, mourut le
lendemain de
Noël 1458. Il fut inhumé, selon son désir dans
l’église des
Chartreux. » (La chartreuse des bienheureux
martyrs
Donatien et Rogatien, à Nantes », Bulletin de la
Société Archéologique
de Nantes, t. 73, 1933, p. 327-345) Statue
du connétable de Richemont par Arthur Jacques Le Duc
(1848-1918), devant
l'hôtel de ville de Vannes. La statue est datée de 1903. Nous lisons, toujours sous la
plume de J.-B.
Russon : « La
jeune veuve d’Arthur,
Catherine de Luxembourg – le connétable l’avait
épousée en troisièmes noces, en
1445 – lui survécut jusqu’en 1493. En veuve fidèle, elle
se constitua gardienne
du tombeau de son mari ; elle se retira en effet, dans la
chartreuse même,
en dehors de la clôture. Jusqu’au XIXe siècle
on put voir une
tourelle contenant des chambrettes au carrelage herminé :
c’était son
appartement. Quand elle mourut, elle fut enterrée avec son mari,
selon son
désir exprimé : en 1484, en effet, le 19 avril, elle
avait donné aux
Chartreux un ‘’tableau d’or, garny de plusieurs reliques de la passion
de Notre
Seigneur, des reliques de plusieurs saints & saintes’’ et
orné ‘’ de
saphirs, de balais et de grosses perles.’’ Elle demandait, en retour,
des prières
pour son mari et pour elle-même : ‘’ Nous voulons et
ordonnons,
ajoutait-elle, estre enterrée au dit
lieu des dits
chartreux… et en l’abbit de leur ordre.’’ » Le duc qui aurait
été empoisonné, était dit-on
très pieux, témoin « le
Reliquaire d’or
tres-pesant qu’il portoit toujours sur la poitrine ».
(Dom
Lobineau : Histoire de Bretagne T. 1) Le tombeau d’Arthur de
Bretagne dit le Justicier,
beau monument de la Renaissance, servit de reposoir du lundi 13 mars au
dimanche 19 mars 1514, au cœur reliquaire d’or d’Anne de Bretagne, sa
nièce,
qui par testament, avait ordonné que son cœur fût
transporté à Nantes et placé
dans le tombeau de son père le duc François II de
Bretagne, dans la chapelle
des Carmes (aujourd’hui dans la cathédrale
Saint-Pierre-et-Saint-Paul). Pierre Choque, seigneur de
Bellevue en
Saint-Clément, dans son récit narrant le transfert du
cœur royal écrit : « La
tombe où gisait le cœur avait été couverte d’un
drap de velours, puis un drap d’or moult riche. […] Et pendant qu’il
fut en
cette église, a été gardé, veillé et
bien accompagné jour et nuit ; messes
et offices furent dits sans discontinuer ; les roys d’armes et les
héraults de la princesse étaient là, revêtus
de leur cotte d’armes
déployées. » Curieux destin que celui de
Catherine de Luxembourg-Saint-Pol,
troisième épouse du duc de Bretagne Arthur III fondateur
de la Chartreuse de
Nantes. Elle était la fille de Pierre Ier de
Luxembourg-Saint-Pol,
comte de Saint-Pol et de Marguerite des Baux. Jeune veuve, la duchesse
de
Bretagne, poursuivit l’œuvre bienfaitrice de son mari pour la
Chartreuse des
Saints-Donatien-et-Rogatien, où elle résidera
jusqu’à mort… à l’exemple de
Béatrix de la Tour, épouse de Guillaume de Roussillon, en
la Chartreuse de
Sainte-Croix-en-Jarez… Patrick Berlier avance pour
Mercure, une autre
hypothèse en s’appuyant sur le poème de Loÿs Papon, Hymne
à la très illustre
princesse Marguerite de Valois, rédigé en 1597 :
« Curieusement,
ce deuxième tableau paraît lui aussi
comparable aux illustrations ornant ce poème. Quatre
scènes allégoriques
figurent les quatre parties du monde connu à la fin du XVIe
siècle.
Le personnage personnifiant l’Afrique est placé dans une posture
analogue à
celle du Mercure nantais : corps adossé contre un talus, la
tête appuyée
sur le bras replié, allure nonchalante. Seuls l’autre bras et
les jambes
diffèrent. Mais en réalité il faut aller chercher
ces détails dans la gravure
symbolisant l’Europe. Un mixage des deux images produit un personnage
identique
bien qu’inversé, à celui du bas-relief.
Coïncidence ? Plutôt une source
d’inspiration commune : les gravures du Songe de Poliphile… »
Les
gravures Afrique (à gauche) et Europe(au centre) illustrant le
poème de Loÿs
Papon – le mixage des deux donne le personnage (à droite)
ressemblant à la fois
au bas-relief nantais et au personnage-modèle du Songe de
Poliphile Conservons cette
hypothèse Afrique et
revenons au premier bas-relief, celui de la déesse Fortune /
Occasion et ainsi
à Machiavel que
nous pouvons considérer comme le concepteur des bas-reliefs. Dans son livre Le
Prince, Machiavel écrivait : « Je
compare la fortune à l’un de ces fleuves dévastateurs
qui, quand ils se mettent
en colère, inondent les plaines, détruisent les arbres et
les édifices,
enlèvent la terre d’un endroit et la poussent vers un
autre. »
Cette image philosophique de la Fortune comparée à un
fleuve dévastateur, nous
permet, pouvons-nous le penser, d’avancer l’hypothèse, suivant
laquelle le
premier bas-relief pourrait lui aussi évoquer un lieu, voir
même confirmer le lieu
africain… tout au moins lié à l’Afrique par la sainte
présence d’un
personnage. Bien que la femme
du premier bas-relief, Fortune / Occasion, ne soit
représentée que par son
buste, elle est très souvent figurée avec sa roue. Dans
la symbolique
chrétienne la déesse Fortune a été
rapprochée par certains docteurs de
l’Église, à sainte Catherine que l’on représente
pareillement avec une roue. Sainte Catherine vécut
suivant la légende
chrétienne à Alexandrie, cité d’Égypte,
Perle de l’Orient et surtout dans le
contexte de cette étude, Porte de l’Afrique… Le fleuve
dévastateur auquel
Machiavel compare Fortune, n’est aucunement, dans la cité
nantaise, un fleuve
comparable au Nil avec son Delta… il s’agit beaucoup plus modestement
de
l’Erdre à sa confluence avec la Loire. Son petit delta
marécageux causa
jusqu’au Moyen Âge de terribles fléaux : des
inondations mais aussi la
fièvre des marais. Le Capétien Pierre Dreux, dit Pierre
Mauclerc, duc de
Bretagne (baillistre pour être précis jusqu’à la
mort de son épouse Alix) de 1213
à 1221 (puis à nouveau baillistre jusqu’à la
majorité de son fils Jean 1er
le Roux en 1237), fit creuser le lit qu’elle occupait encore au
début du XXe siècle dans l’actuel Cours des
Cinquante Otages. Nous avons découvert
dans le reflet de
l’Hermès ou Mercure du second bas-relief, une
représentation cachée des
Chartreux et donc de la Chartreuse de Nantes, nous découvrons
à présent avec
Fortune / Occasion, une représentation de sainte Catherine et
donc de la
Commanderie Sainte-Catherine des Templiers. La chapelle
Sainte-Catherine de ces
moines-chevaliers dite aussi du Bois Tortu, est symbolisée par
la tortue tenue
par Mercure de la main droite. Sainte Catherine, était, il
convient de le
noter, la patronne de Catherine de Luxembourg, qui demanda à
être « enterrée
au dit lieu des dits chartreux… et en
l’abbit de leur ordre ». La tête du Mercure
Nantais, inclinée contre sa
main gauche, accentue cette nonchalance ou indolence qu’il
présente. On disait
des Chartreux reclus à l’image des prisonniers au fond d’une
cellule, qu’ils étaient
en chartre, en langueur. Du Cange prétend que les malades
anciennement dits chartriers (latin carcerarrii),
l’étaient
par allusion de chartre
à chartreux. À Paris, les malades chartriers, tel
les enfants tombés en chartre,
étaient portés dans une chapelle des Chartreux
(Saint-Denis), pour obtenir leur
guérison. L’état de chartre
des Chartreux était dû,
disait-on, au fait que les Réformez de saint Benoît et
de saint Bèrnard,
font maigre toute l’année, mangent toujours maigre.
(Dictionnaire
universel françois et latin, volume III, 17 Différentes
hypothèses tournent autour de ces
bas-reliefs, l’une d’elle prétend que leur symbolisme trouverait
son origine au
Moyen Âge dans le savoir des Juifs qui occupaient cette rue de la
Juiverie. En
1835, les docteurs Ange Guépin (ami de Pierre Verne père
de Jules Verne) et
Charles-Eugène Bonamy, écrivent dans leur livre Nantes
au XIX e
siècle : « Vers
le milieu de cette
rue se trouve une maison qui occupe l’emplacement d’une ancienne
synagogue. […]
Ces tableaux sont allégoriques. Tiennent-ils de la religion
juive ? si ce
n’est directement, au moins doit-on, reconnaître qu’ils ont
dû être exécutés
sous l’influence des doctrines qu’elle enseigne : la figure
tournée vers
l’orient semblerait l'indiquer ». Les lecteurs
intéressés par ces bas-reliefs
peuvent découvrir cet article paru dans Presse Océan le
20 nov.
2019 : Nantes. En quête d’histoires : au
Bouffay, ces bas
reliefs énigmatiques. « Le
Nantais Paul
Michel donne une analyse des bas-reliefs toujours aussi
mystérieux de la rue de
la Juiverie dans le quartier du Bouffay. » Pour ce
Nantais, bon
nombre de personnes pourraient « les
décoder
aisément dans certains cénacles ésotériques
tels que francs-maçons, alchimistes
ou kabbalistes ». Ce Nantais n’hésite pas
à citer dans son
commentaire quelques titres de films cinématographiques… Bien que nous ne puissions
nullement affirmer que
le n°11 de la rue de la Juiverie fut le premier lieu de
rassemblement d’une
Angélique nantaise, nous savons que dans cette rue fut
imprimé en 1637, le
premier livre majeur de cette Académie Nantaise,
rédigé par Pierre Biré,
Président de ladite académie. Ce live au contenu
surprenant, voir déroutant,
est connu sous le titre EPISEMASIE OV RELATION D’ALETIN LE MARTYR : Le
livre de Pierre Biré et détail localisant le lieu de son
impression L’Académie
de Nantes ou la Pléiade nantaise Le 16 juillet 1924,
l’abbé Arthur Bourdeaut,
historien et conférencier Nantais émérite,
gratifie lors de l’Assemblée
générale de la Société d’Histoire et
d’Archéologie, tenue à Nantes, ses
vénérables confrères d’une conférence
articulée : AUTOUR D’ALBERT LE
GRAND ET DU DIEU VOLIANUS. Le Dominicain Albert le Grand,
ainsi que
l’indique l’historien, fut membre d’un cénacle nantais connu
sous le seul nom
de l’Académie. Ce cénacle par ses activités
apparaissait proche de l’Académie
de Paris qui deviendra la toujours célèbre
Académie Française. Pendant que les
Académiciens Parisiens en 1637 entreprenaient l’examen du Cid,
les
Académiciens Nantais s’emparèrent du livre d’Albert le
Grand afin de le
soumettre à leur critique. Ce livre tant attendu par toute la
Bretagne, devait
être publié par le plus grand des imprimeurs de l’ancien
duché. « Nantes
avait dans ses murs nombres d’imprimeurs
dont un surtout était doué d’un rare esprit d’entreprise
P. Doriou. C’était le
plus considérable de la ville et de la province. » Page
de titre du livre d'Albert le Grand Albert le Grand, membre du
cénacle, avait coutume,
avant même l’impression de La Vie des Saints de Bretaigne,
de présenter
quelques pages dont la lecture animait les réunions du
cénacle. Arthur
Bourdeaut nous apprend que ces réunions
avaient lieu dans l’ancienne paroisse Saint-Laurent au domicile de
Pierre Biré,
le Président du cénacle. Cet homme, avocat de formation,
s’intéressait tout
particulièrement à l’archéologie naissante,
à l’alchimie ou bien encore aux vielles
médalles des anciens. « Cette
Académie, ainsi que
l’affirmait dans sa conférence A. Bourdeaut, ne reçut
les faveurs d’aucunes
lettres patentes. Elle n’eut pas même de statuts ; elle ne
tenait pas de
procès-verbaux de séances. Elle n’en a pas moins
existé. Le compte rendu de ses
assises a même fait l’objet d’une publication. » L’historien disait pouvoir en
indiquer le siège
et les principaux membres. « Par
deux de ses principaux
membres, elle se rattache au groupe de lettrés qui s’agitaient
autour de
Mercœur, l’un des princes les plus érudits du XVIe
siècle ». Le désastre de la
Ligue qui réduisit à néant
tous les rêves bretons du duc de Mercœur, eut raison du
cénacle mercurien.
Vers 1636, deux des survivants Pierre Biré de la
Doucinière et Albert Padioleau
de Launay, ressuscitèrent le cénacle de l’hôtel de
Briord où le duc, tenait
sa cour. Hôtel de
Briord – carte postale
ancienne Le 15 septembre 1582
Philippe-Emmanuel de
Lorraine, duc de Mercœur est nommé par le roi Henri III,
gouverneur de la
Bretagne. Il s’établit à Nantes avec les
prétentions de son épouse Marie de Luxembourg,
duchesse d’Étampes et de Penthièvre, descendante de la
duchesse Jeanne de
Penthièvre et de son mari Charles de Blois. Aimée des Nantais, qui
la
surnomment « La belle Nantaise », elle revendique
ses droits
héréditaires sur le duché de Bretagne. C’est ainsi que le duc de
Mercœur qui deviendra
chef de la Ligue bretonne, s’affirma, poussé par sa femme, comme
chef de
lignage. Il établit un gouvernement indépendant
à Nantes, tenant sa Cour
dans l’Hôtel de Briord. Il donna à son fils les titres de
« prince et duc
de Bretagne ». Les croix de Lorraine du château de
Nantes, comme à Dinan,
furent sculptées sur les fortifications qu'il faisait renforcer. Duc de Mercoeur
- gravure sur
cuivre de Dominicus Custos Recueil,
l’Atrium Heroicum ou
Galerie des Héros En 2019 les Éditions
Petit à Petit publient le
second volet d’une trilogie Docu-BD de prestige. Ce second tome
titré NANTES
D’ANNE DE BRETAGNE À D’ARTAGNAN, comporte en prélude
des chapitres, un
documentaire et texte historique très intéressant
signé Guy Saupin. C’est ainsi
que dans le paragraphe titré LA RENAISSANCE
ÉPHÉMÈRE D’UNE CAPITALE,
nous pouvons lire : « Nantes
capitale de
la Ligue en Bretagne, prend sa revanche sur Rennes avec
l’érection d’un
parlement. […] Le château retrouve la vie particulière du
temps des ducs avec
une cour animée de nombreuses festivités. Le duc de
Mercœur y goûte
particulièrement la vie littéraire, dans un
cénacle de poètes qualifié parfois
trop vite de Pléiade nantaise. Une ‘’pièce à
machines’’, avec des décors mobiles
spectaculaires, préfiguration du futur opéra italien, est
jouée au château en
1596. » Nous avons vu que le Florentin
Nicolas Machiavel
effectua son dernier séjour dans la cité de Nantes en
1515 peu après Marignan.
Bien que le second bas-relief de la rue de la Juiverie ne soit
daté que du
siècle suivant, l’humaniste pourrait être à
l’origine de leur création. Le
prince de Lorraine résidait à Nantes dans la seconde
moitié du XVIe
siècle, soit à une époque où les membres du
cénacle de la rue de la Juiverie
officiaient toujours. Il paraît réaliste de penser que ce
cénacle de la
Juiverie fusionna avec le cénacle du duc de Mercœur – à
supposer, bien sûr,
qu’ils soient bien distincts l’un et l’autre. La maison de l’actuel n°11
de la rue de la
Juiverie avec ses bas-reliefs, était assurément connue du
Maître de l’Hôtel de
Briord. Deux bas-reliefs représentant par croisement des
différents niveaux de
lecture, le dieu Mercure d’une part, et une déesse Fortune
devenue miroir d’une
Catherine de Luxembourg d’autre part, ne pouvaient que donner des ailes
au pied à un duc de Mercœur, qui plus est, époux
d’une princesse,
héritière du duché de Bretagne, répondant
au nom de Marie de Luxembourg… ! Le rêve était
beau, il se réalisa. L’antique
noblesse bretonne voulut reconnaître dans ce prince celui qui
allait redonner
au vieux royaume, puis duché de Bretagne, le prestige qui fut le
sien durant
plusieurs siècles. Les victoires que remporta le duc de Mercœur
sur les champs
de bataille en tant que Chef de la Ligue et Protecteur de
l’Église catholique
et romaine en Bretagne, le firent comparer au héros de la
révolte juive, Judas
Maccabée. La comparaison était belle, mais il n’en avait,
suivant les
historiens, pas toutes les qualités. Après la mort du roi
Henri III (dont l’épouse
était la sœur de Mercœur), le monarque Breton abdiqua et
renonça à gouverner la
Bretagne. Le roi Henri IV à présent assis sur le
trône de France, choisit pour
sceller cette reddition, la capitale bretonne où régna
un temps le duc
de Mercœur, pour signer le fameux édit de Nantes le 13 avril
1598. Le symbole
était fort ! Le duc de Mercœur restait au
fond de lui ce
chevalier quasi monacal qu’il avait toujours été. Il se
tourna vers de
nouvelles croisades. En 1599 avec son frère Henri, comte de
Chaligny, il rentre
au service de son suzerain l’empereur Rodolph II de Habsbourg, qui lui
offrit,
avec l’accord du roi de France Henri IV, la charge de
lieutenant-général des
armées impériales en Hongrie pour le combat contre les
Turcs. L’empereur
alchimiste, ainsi qu’il fut surnommé, fit venir le duc de
Mercœur à Prague, ville magique, en 1598 et « le reçut
comme un Ange descendu du Ciel. » : L'histoire de
Philipe Emanuel de
Lorraine Duc de Mercœur par Jean Chrysostome Bruslé de
Montpleinchamp, P. 251 2e
édition : La
Haye, Abraham Acher 1691 La réputation de ce
prince de la Maison de
Lorraine, l’avait précédé. Il fut en effet,
pareillement reçu, par l’archiduc
Mathias de Habsbourg, frère de Rodolphe II dans la cité
hongroise de Javarin
: Page 230 du
même livre Cette réception
angélique faite par deux des plus
hauts personnages de l’Europe chrétienne de cette toute fin du
XVIe
siècle, semble témoigner d’une connaissance au sein de la
Maison des Habsbourg
de la nature angélique du duc de Mercœur. L’image d’un duc de Mercœur Ange
descendu du ciel, venu de Nantes (la cité d’Armon
suivant les Immortels
de la l’Académie de Nantes) prend soudain une curieuse
résonance, surtout si
l’on se remémore la traduction du 134e vers de La
Prophetia
Merlini de Jean de Cornwall : « Les
montagnes d’Armon atteindront les nuages avec leurs cimes. ».
Ce
vers, ainsi que nous avons pu l’avancer dans notre article
consacré à
Nostradamus, servit d’appui au Mage de Salon pour son quatrain IV-95
daté de
l’année 1557, dans lequel est évoquée l’Armonique
terre. L’Ange descendu du ciel,
dans la cité
d’Armon, fait soudain écho aux anges évoqués dans
Genèse 6, 1-4, descendus sur
Terre, suivant la tradition transmise par le grand Rashi, au temps de
Jared
pour enseigner les hommes. Ces anges, ainsi qu’indiqué dans
l’étrange Livre
d’Énoch, seraient descendus sur le Mont Hermon ou (H)Armon… Ici
les étymologies
se chevauchent, mais la symbolique est là. Les nuages de La
Prophetia
Merlini présents sur les montagnes d’Armon, sont les anges.
Les Nephilim,
ou anges tombés (descendus) du ciel, sur Armon, sont aussi
appelés Nebilim,
« les Nuages ». Le quatrain de Nostradamus
est daté de l’année 1557 (un
an avant la naissance de Mercœur). Au-delà de son aspect
prophétique, apparaît
pouvons-nous le penser le témoignage en cette même
année, de la présence à
Nantes, d’une Académie Angélique ou du Brouillard, dont
les Nubis ou Nuages de La
Prophetia Merlini seraient les membres. Et l’Académie Nantaise
fut unie à l’Académie
Lyonnaise ? Il arriva un temps où
les filiales des Académies
italiennes coupèrent le cordon ombilical. Les grands humanistes
Italiens, à
l’origine de ces cénacles, n’étaient plus. Bientôt
la Rose-Croix et les
Maçonneries affichèrent leur existence jusqu’alors
secrète. C’est ainsi qu’une
filiale académique, pour survivre, fut dans l’obligation
d’intégrer le
giron d’une autre filiale académique, qui de fille
devenait à présent mère.
C’est ainsi que l’Académie Nantaise prit contact, semble-t-il,
avec une
Académie Lyonnaise dont la réputation n’était plus
à faire parmi les Immortels
membres des cénacles de France. Patrick Berlier n’hésite
pas à présenter
l’Académie Nantaise, comme une antenne lyonnaise de la
Société Angélique.
Patrick doit avoir raison mais ainsi que nous le verrons rapidement, le
cénacle
nantais paraît avoir contacté les Immortels ou
Anges Lyonnais,
avant même la création de la Société
Angélique. Le Dominicain Albert le Grand,
arrive à Nantes en
1633, précédé d’une belle réputation. On
savait qu’il préparait une œuvre
d’importance pour toute la Bretagne : La Vie des Saints de la
Bretaigne.
Membre de l’Académie de Nantes, il assiste aux réunions
du cénacle chez le
Président Pierre Biré dans la paroisse Saint-Laurent. Le
Dominicain voue un
intérêt certain aux Moines Celtes, et tout
particulièrement aux Moines Kuldées,
les Amis de Dieu. Ces moines également bâtisseurs vont
apporter leur savoir aux
moines de Cluny, puis aux moines de Citeaux. La Prophetia Merlini
fut
étudiée dans les écoles kuldéennes de
Grande-Bretagne. Ce récit de Jean de Cornwall
– bien que cette longue étude ne permette pas d’en aborder le
sujet – intéressa
semble-t-il Pierre Biré le numismate… Albert Padioleau, compagnon
angélique de la
première heure de Pierre Biré, rédigera des
stances élogieuses pour le livre du
Père Albert le Grand. Le Dominicain y est présenté
comme la Perle de la
Bretagne mais surtout comme ALTER ANGELUS. Pour le cénacle,
Bretagne signifiait
Nantes. La perle pourrait désigner le grade qu’il avait dans le
cénacle ?
Quant à l’ALTER ANGELUS, il interroge à l’instar de
l’Ange descendu du Ciel. La
notion d’Alter Angélus, très importante au Moyen
Âge et à la Renaissance
évoquait la Lumière du Christ. En août 2019 je me
rapprochais de notre ami
Patrick Berlier afin de connaître son avis sur l’ALTER ANGELUS.
Dans un
courrier daté du 15 septembre, il me répondit : « Le
père Albert le Grand est présenté comme alter
angelus, ce qui peut se
traduire ‘’l'autre Angelus’’, le premier étant en effet Nicolas
de Lange
surnommé l'Angélus. » D’où la
réflexion suivante de Patrick : « Ce cénacle nantais,
que tu évoques longuement,
paraît en effet bien ressembler à un avatar de la
Société Angélique
lyonnaise. » Plus qu’un avatar, je pense
que le cénacle
nantais fut plutôt – devient même – une antenne de la
Société Angélique
lyonnaise, ce que d’ailleurs Patrick avançait
précisément. Dans ce courrier envoyé
à Patrick, je formulais
l’hypothèse d’une rencontre dans la cité de Blois entre
le cénacle de Lyon et
le cénacle de Nantes. Le duc de Mercœur, Président du
cénacle nantais,
beau-frère du roi de France Henri III et gouverneur de Bretagne,
assista aux
États généraux de Blois en 1588. Or, il
apparaît que Balthazar de Villars,
gendre et successeur de l’Angélus, Nicolas de Lange
à la tête de la
Société Angélique lyonnaise, y assista
pareillement, ainsi que Patrick l’écrit
dans son livre La Société Angélique (T.
III p. 173). Se sont-ils
rencontrés ? Patrick accepte l’idée que : « Le
duc de Mercœur a pu en effet rencontrer Balthazar de Villars aux États Généraux de Blois
en 1588. » Portrait
de Balthazar de Villars
(Bibliothèque Municipale de Lyon) Dans ce livre, Patrick
évoque la Harangue que
Balthazar de Villars prononça aux États
Généraux. Cette harangue, comme tous
les discours qu'ils prononçait, fut notée par ses soins
dans un livre qu'il
tenait au fil des années. Particularité étrange,
le texte de cette Harangue
était assorti d’un petit dessin, un rébus forestier dont
les fruits y
trouvaient une place d’importance. Patrick me commenta ainsi sa
découverte de
la Harangue et son contenu : « C'est
en recopiant, dans le
grand livre qu'il tenait, le discours qu'il prononça à
cette occasion que Balthazar de Villars écrivit
HRANGVE au lieu de
HARANGVE et assortit son texte d'un petit dessin, le seul apparaissant
dans la
totalité du livre, que j'avais pu consulter sous forme de
microfilm à la
Bibliothèque Municipale de Lyon. […] Ce petit dessin se
présente ainsi : Dessin de
Balthazar de Villars « On
y voit, ainsi que je
l'explique dans mon livre, des fleurs, des fruits, des feuilles... On y
reconnaît nettement à droite des feuilles de chêne
et des glands, et ce qui
paraît être des fraises ou des framboises. À gauche
il y a deux petites grappes
de raisin. Pas de pommes de grenade par contre, à moins de
considérer les deux
fruits en haut à gauche (que je n'ai pas réussi à
identifier) comme des
grenades très allongées ? » Dans son livre, Patrick
indique que les glands,
les fraises des bois et les feuilles du dessin, forment « le rébus bien connu
FRuits FeuiLLes, donnant FoRêt FiLs par le
grimoire, et signant là sans doute son appartenance à
l’ordre des Forestiers
Fendeurs Charbonniers ou Frères du chêne. Comme pour
enfoncer le clou, au lieu
d’écrire HARANGVE selon son habitude, ce jour-là il
‘’oublie’’ le premier A
pour écrire HRANGVE, ce qui peut se prononcer ‘’hache rangue’’,
et ainsi
particulariser la hache, emblème par excellence des
Fendeurs. »
Patrick rappelle ensuite, à juste titre que les lettres finales
V et E « sont les
initiales des mots Vertu et Espérance,
mots sacrés des Charbonniers… » J’invite une
fois encore le lecteur
à ce reporter au livre de notre ami afin de découvrir le
commentaire dans son
entier. Le
titre HRANGVE La lecture par le grimoire
opérée par Patrick
apparaît étonnante ! Ce décryptage
apparaît en fait comme une paraphrase
du verset 22, chapitre 49 du Livre de la Genèse.
Alain-Abraham Abehsera,
médecin ostéopathe installé aujourd’hui à
Jérusalem, est l’auteur de deux
livres ben curieux : BABEL LE LANGAGE DU 21ème
SIECLE
(Éditions Eqev, Jérusalem) et BABEL La Langue Promise
(Éditions
Biblieurope, Paris). Dans ces deux ouvrages, il se livre « à son autre passion, la
découverte d’un langage
universel. » Le chapitre 49 du Livre de la
Genèse, est
rédigé dans un hébreu obscur, lisible au
mot-à-mot mais d’une traduction
presque impossible. L’auteur démontre dans ces deux livres que « les langues aussi
différentes fussent-elles,
reproduisent les mêmes jeux de mots. » Le
verset 49 qu’il étudie
dans les deux livres, est très étrange. Il s’agit de la
bénédiction prophétique
de Jacob à son fils Joseph. Au mot-à-mot, nous avons
après traduction, les mots « Fils
de la
fécondité, Joseph, fils de
fécondité des feuilles (alei) de l’œil (aïn), la
présence de feuille
devient bien plus claire si, au lieu de lire forat en
hébreu (fécondité),
on le lit en français. Il se lit alors non pas forat,
mais forêt ;
or, en quoi la forêt est-elle féconde si ce n’est
en feuilles…
L’introduction du français donne donc une première
homogénéité à ce verset, qui
devient : Fils de la forêt, Joseph, fils de la
forêt, feuille/œil.
Relié ainsi à d’autres versets de la Bible, où
l’homme est fréquemment comparé
à un arbre fruitier, le verset devient un peu plus clair : Jacob
bénit son fils
préféré en lui souhaitant d’être aussi
fécond en descendance ou en influence
qu’une forêt féconde en feuilles. » Après avoir
résolu cette première juxtaposition forat
(fécondité) à feuille, l’auteur justifie
ensuite la juxtaposition fils
(ben) à feuille (alei) : « Ces
deux mots ne sont pas
homonymes en hébreu mais le sont clairement dans les langues
latines. En effet,
fils, fille, filial, filleul, etc…, dérivent de la racine latine
FL et sont
homonymes de feuille. On a ainsi en complément de
forat/feuille, la
relation suivante : Relation
Filial - Feuille "Trois
des termes du verset ont
été ainsi reliés : fécondité,
feuille et fils". L’auteur relie ensuite le
thème de l’œil (fils de la fécondité, fils de la
feuille/œil). Homonymie
partielle de feuille (fille) et œil en français, mais que le mot
pupille
confirme néanmoins. Par contre homonymie parfaite, notamment en
espagnol :
« hijo est fils, hija, fille ;
hoja
est feuille ; ojo est œil ; et la
prononciation
est quasiment identique pour les trois termes. » Dans son second ouvrage,
l’auteur compare le verset à
un « champ de
signification, champ qui
émet, vivant, jusqu’à ce jour ». Dans
ce chapitre XV du livre qu’il
nomme Feuilles de l’œil, il titre l’un des
sous-chapitres : Grand-Père
bucheron… Pour pénétrer le verset, il convient
suivant l’auteur
d’agir : « Comme
tout botaniste
consciencieux envoyé sur le terrain, il faut procéder
d’abord par une récolte
et un rangement. » L’auteur conclut ainsi ce
sous-chapitre : « Ici,
cependant, la notion de construction
est associée, non à la pierre, mais à la feuille
et à la fertilité ». Nous avons ici une lecture que
les Forestiers Fendeurs
Charbonniers ou Frères du chêne, n’auraient pas
reniée. Les rituels de la
Fenderie et de la Charbonnerie comportaient quelques notions
héritées de la
Kabbale hébraïque. Nous trouvons sur le Net, une
intéressante
étude : Une histoire de famille. Tirée du
livre de l’abbé Hervé
BENOÎT, Les grands vitraux de Bourges, Centre Saint Jean
de la Croix,
2006. L’étude porte sur le vitrail du patriarche
Joseph (Cathédrale de Bourges, XIIIe siècle). « Les donateurs du vitrail
sont des artisans du bois
dont le saint patron est le Joseph de l’Évangile. Ils sont
représentés dans les
trois médaillons inférieurs : les charpentiers (2), les
charrons (3) et les
tonneliers (3). » L’auteur de l’article nous apprend
que le conte Le Petit Poucet (Voir Contes de Ma
Mère l’Oye,
par Charles Perrault)
est une adaptation de l’histoire biblique de Joseph : «
Il était une fois un Bûcheron et une
Bûcheronne, qui avaient sept enfants, tous garçons. Le
plus jeune était fort
petit, et quand il vint au monde, il n’était guère plus
gros que le pouce, ce
qui fait qu’on l’appela le Petit Poucet. Survient une famine, qui
contraint les
parents à se séparer de leurs enfants, en les perdant
dans la forêt… » Bien que le nombre des enfants
diffère, douze dans
l’histoire de Joseph et sept dans l’histoire du Petit Poucet de
Perrault
(personnage lié avec son frère au Brouillard…) nous
pouvons admettre que les
deux récits soient apparentés. Dans le conte de Perrault,
les enfants sont les
fils d’un Bûcheron et d’une Bûcheronne, ce qui tenterait
à prouver que
l’hypothèse « Grand-père
bûcheron » développée par A.-B. Abehsera
n’était pas inconnue de certains initiés Bûcherons… Le dessin de la HRANGVE
n’apparaît pas sans lien –
semble-t-il – avec cet obscur verset biblique totalement tourné
vers la forêt.
L’hypothèse ici proposée serait que le duc de Mercoeur
rencontra bel et bien Balthazar de Villars
aux États généraux de Blois en
cette année 1588. Le successeur de l’Angélus, lui
aurait présenté son
HRANGVE et le dessin qui l’accompagne. Le journaliste et romancier
Thierry Guidet, grand
admirateur de la ville de Nantes où il a exercé ses
talents de journaliste,
notamment pour le journal Ouest-France, est l’auteur d’un roman
symbolique Une
affaire de cœur. Le cœur en question est le
cœur-reliquaire d’or de la
duchesse de Bretagne, deux fois reine de France. Aujourd’hui
pièce majeure du
musée d’Obrée, le cœur fut à la demande d’Anne de
Bretagne placé dans le
Tombeau de son père François II duc de Bretagne. Thierry Guidet, dans son roman
à clés présente le cœur
d’Anne de Bretagne tel un Graal, objet de tous les désirs pour
les nostalgiques
d’une Bretagne indépendante avec Nantes pour capitale. Nantes
est présentée
comme la FORÊT : « Elle
bruit de langages
inconnus ; y fleurissent les croyances, les raisons de vivre, de
mourir
et, parfois de tuer. […] D’étranges chevaliers sortent de
Brocéliande tandis
que des druides émergent de la nuit des temps. » On y découvre dans la
Forêt de Nantes, l’utilisation
du calendrier des Druides : chaque mois correspond à un
arbre, ou un
végétal. Des lettres accompagnent les cartes
représentant les 13 arbres : « -
Les signes du bois, l’alphabet
des arbres ! « Chaque
lettre est la première du
nom d’un arbre. On retrouve d’ailleurs cela dans l’alphabet irlandais
moderne.
Ces signes n’avaient pas seulement une fonction utilitaire, mais aussi
une
dimension symbolique, peut-être même magique. En
hébreu, c’est pareil :
chaque lettre est aussi un chiffre ; chaque mot, un nombre, un
message
codé.» La HRANGVE et le dessin de
Balthazar de Villars sont
autant de messages codés dont le successeur de Nicolas de Langes
est passé
maître. Le H initial, la Hache, est la lettre qui convient
assurément à la cité
de Nantes, la Forêt. Telle est certainement l’une des raisons,
pour lesquelles
l’évêque Gaulois Nonnechius Ier de Nantes est
représenté avec une
hache. Le sujet n’est pas unique… Le verset de la
bénédiction prophétique annoncé par
Jacob à son fils Joseph, nous parle de filial(e), de fille,
de feuille… Balthazar de Villars fait
pareillement lorsque dans
son dessin il synthétise cette FORÊT ; une
forêt qui pourrait bien
correspondre à Nantes. Pour les membres de l’Angélique
Nantaise, Nantes par son
nom secret : ARMON, signifierait « la pomme de
grenade » (hébreu
Ha R(i)MON) mais elle serait également la Ville de la Vigne, du
Raisin. Balthazar de Villars, à l’image du
Grand-père bûcheron formulé par
A.-A. Abehsera dans sa lecture de la bénédiction
prophétique adressée par Jacob
à son fils Joseph, pourrait avoir évoqué dans son
dessin, la naissance d’une fille
ou filiale nantaise placée sous les signes du raisin
(et de la
pomme de grenade). Le raisin ainsi que le démontre A.-A.
Abehsera, est
homonyme de la raison, ce que confirme l’hébreu SKL =
intelligence et
grappe de raisin. Le duc de Mercœur a-t-il vraiment rencontré
Balthazar de
Villars aux États Généraux de Blois en cette
année 1588 ? Il paraît bien
difficile de l’affirmer mais il y eut assurément une rencontre
lors de laquelle
fut validée l’entrée de l’Académie de Nantes dans
le giron de la Société
Angélique de Lyon. Balthazar de Villars, un
Frère du Chêne, représente la
cité de Lyon, dans son aspect angélique. Comment
ne pas évoquer ici Jean
du Choul, membre du mouvement angélique lyonnais et auteur d’un De
varia
quercus historia, « ouvrage
savant de
botanique consacré au chêne. » Patrick
Berlier dans le T. III de La
Société Angélique, nous présente cet
ouvrage comme étant : « Rédigé
entièrement en latin, le livre contient des
passages très curieux qui semblent former des allusions
appuyées à l’ordre des
Forestiers ou Charbonniers. » Jean du Choul le Forestier,
était le fils de Guillaume
du Choul. Pierre Biré, Président de l’Académie de
Nantes cite Guillaume
Choul, qu’il présente comme l’un des « rapporteurs
de vielles médalles des anciens »… Terminons cette longue
étude par ce motif
sculpté, visible au-dessus de la porte d’entrée du n°
6 de la place du Bouffay
à Nantes. Il pourrait pérenniser un premier rapprochement
entre l’Académie de
Nantes et un cénacle lyonnais précurseur de la
Société Angélique. Les
deux Griffons de la place du Bouffay (photo Mappy) Cette sculpture
présente deux griffons. « L’insaisissable
les a, dit-on, attachés par
la queue, les empêchant ainsi de le
poursuivre ! » Ils sont
présentés comme les gardiens de la cité
de Nantes. Mais ces gardiens évoquent peut-être les
premières heures angéliques
et brumeuses de la cité nantaise. Patrick Berlier dans le tome
III de La Société
Angélique, évoque dans la cité de Lyon en
1523, rue Ferrandière la présence
de l’énigmatique imprimeur Sébastien Greif : « ‘’Bastien,
imprimeur.’’ C’était la première occurrence écrite
où apparaissait son
nom. » L’imprimeur, plus connu sous le prénom et le
nom de Sébastien
Gryphius, se nommait « en réalité
Sébastien Greif, il est né vers 1492 à
Reutligen, en Souabe dans le sud de l’Allemagne. » Dans son atelier se
réunissaient les membres des
cercles lyonnais, telle l’Académie de Fourvière. Patrick
n’hésite pas à
écrire : « En
effet, on ne peut pas
imaginer que Gryphius ne soit pas lui-même l’adepte de ces
groupes, voire le
meneur de l’une de ces sociétés qui se
développeront dans le brouillard
succédant aux années d’espoir du début de ce
siècle. […] De même il est
impensable qu’il ne participe pas à l’AGLA, la
société secrète de la
corporation des imprimeurs, même si ses biographes sont muets sur
ce
point. » Patrick, dans le T. II de La
Société Angélique,
écrit : « Grasset
d’Orcet voit dans
Sébastien Gryphe le président – pour ne pas dire
le vénérable –
de la Société Angélique. Ce fut sans doute vrai,
mais au temps où la Société,
pas encore Angélique, se nommait Brouillard ou Sodalitum.
Gryphe,
vieillissant, passa sans doute le relais à partir de 1552 au
jeune Nicolas de
Langes, qui n’avait que 27 ans. » Dans le T. III, Patrick
écrit : « Greif,
qui est un nom assez répandu outre-Rhin,
peut se traduire par ‘’griffon’’. Sébastien prendra cet animal
comme emblème et
changera son nom en Gryphius, variante du latin gryphus qui
désigne le
même animal fabuleux. Ce n’est qu’à titre posthume qu’on
lui donnera le nom de
Sébastien Gryphe, sous lequel il est plus connu
aujourd’hui. » L'emblème
de Sébastien Gryphius Bien que la sculpture des deux
griffons soit
postérieure au XVIe siècle, elle pourrait
pérenniser le
rapprochement entre l’Académie de Nantes et le Brouillard de
Lyon dans les
années 30 ou 40 de ce siècle. L’Angélique Nantaise
bien que connue de certains
érudits, tel l’abbé Arthur Bourdeaut, reste aujourd’hui
encore inaccessible
derrière son épais manteau de brouillard. |
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