LES REGARDS DU PILAT
Dossier Juillet 2007
 
Pélasges, Argonautes et Pilat  
« RÊVERIES ÉSOTÉRIQUES »

Par Patrick BERLIER
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   Ce nouveau chapitre à ajouter au thème du Pilat mystérieux revient sur la Grotte des Fées du Mont Ministre, qui avait fait l’objet d’un dossier précédent se terminant sur des perspectives pour le moins fantasmagoriques. « Restons-en là, disais-je alors, et laissons encore une belle part au rêve ». Cette « fin » vous avait peut-être laissés sur votre « faim », amis internautes curieux et rêveurs ? Alors je vais satisfaire votre « appétit » ! Suivez-moi sur quelques sentiers glissants. Nous allons tenter de jeter quelques ponts fragiles entre cette grotte, la montagne qui l’abrite, le mystérieux peuple des Pélasges, la mythique épopée des Argonautes, et la région du Pilat. Mais rassurez-vous : ce n’est qu’un rêve…

CURIOSITÉS ET LÉGENDES DU MONT MINISTRE

   Le Mont Ministre est situé dans la partie nord-est de la ligne de crête du Pilat, entre le Crêt de la Baronnette et Mont Monnet. Il en constitue l’un des derniers sommets significatifs. L’appellation « Mont Ministre » est récente. Elle n’apparaît pas sur la carte d’état-major de 1857, où aucun nom n’est attribué à cette montagne. Le premier à la citer semble être Louis Dugas, dans son « Étude sur quelques monuments celtiques du Mont Pilat », publiée en 1927. Il évoque cette montagne nommée par les habitants des environs « Crêt du Ministre », en souvenir spécifie-t-il « d’une masure qu’un ministre protestant y aurait élevé en des temps imprécisés ». Louis Dugas trouva cette cabane sur la pente sud de la colline. Il en conclut que ce pasteur, ou ministre du culte protestant, aurait pu trouver refuge sur les pentes de cette montagne à l’époque des guerres de religion.


Le Mont Ministre surplombe le tranquille village de Chuyer

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   Sur les cartes anciennes, en particulier celle de Cassini (fin XVIIIe siècle) toute la ligne de crête entre le Col de la Croix de Montvieux et le Col de Grenouze est nommée « Côte des Pérouses ». Cette appellation est également répertoriée par le « Dictionnaire topographique du Forez », publié en 1946. Elle était donc toujours en usage à ce moment-là, bien que n’apparaissant pas sur les cartes d’état-major. À noter que ce dictionnaire ne signale aucun « Mont Ministre ». Pérouse est un toponyme très fréquent, il vient du latin petra, « pierre ». Les dérivés de petra sont paraît-il un appellatif géographique fréquent dans les noms de rochers et de crêtes pierreuses (1). La Côte des Pérouses, ce serait donc tout simplement la Côte des Rochers, lesquels ne manquent pas dans toute cette zone. 

   J’ai raconté dans le premier dossier comment la Grotte des Fées fut retrouvée dans les années 80, sur le flanc sud du Mont Ministre, par un groupe de passionnés qui devait devenir l’association Visages de Notre Pilat. Lors d’une séance de débroussaillage et de nettoyage, était découverte sur la paroi à droite de la grotte, à hauteur d’homme, l’inscription énigmatique :

DAΓ

   On dirait un mélange de lettres latines et grecques : un D, un A qui pourrait également être un Alpha majuscule, un Gamma majuscule. DAG ? 


L’étrange inscription de la Grotte des Fées
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   J’ai expliqué les recherches de M. Henri Panier, exposées dans la revue « Dan l’tan » (2). Ce graphiste était parvenu à la conclusion qu’un seul alphabet utilisait des caractères ressemblant aux lettres G, A et Gamma. Il s’agit de l’écriture apparaissant sur les « tables Eugubines », trouvées en Italie à Gubbio (d’où leur nom), ville d’Ombrie dans la province de Pérouse. Pérouse ? C’est aussi le nom que le Mont Ministre portait sur la carte de Cassini ! Étrange coïncidence. Comme je l’ai signalé, Pérouse est un toponyme très fréquent. Mais avouez que le hasard fait quand même bien les choses ! Les tables Eugubines sont attribuées par certains auteurs au peuple des Pélasges, lesquels sont parfois qualifiés du nom de Péluziens. « Un nom qui, il faut bien le dire, ressemble fort à Pélussin », remarquais-je en conclusion du premier dossier. Allons plus loin aujourd’hui… 

Pélasges et argonautes 

   La mythologie des Pélasges était fondée sur une déesse unique, Eurynomé, qui aurait fait naître le premier homme en Arcadie. Eurynomé est l’équivalent du sumérien Jahu ou Iahu, nom d’où serait issu le Iahvé des Juifs. Richard Khaitzine précise encore dans son livre « La Langue des Oiseaux » (3) que les Pélasges vouaient un culte au cheveu et au poil, culte qui se fondit dans celui de l’ergot du coq lorsque la civilisation Égéenne succéda à celle des Pélasges. On croit voir dans ces croyances l’origine du culte que certaines sociétés secrètes corporatistes de la Renaissance, telles que les Gouliards et surtout les Gilpins, vouaient au dard, à la pointe, à l’épine et au coq. À noter qu’en ancien français le mot poil signifiait aussi « poulet, coq ». Je développe largement tous ces thèmes dans mes livres « La Société Angélique », tomes I et II (plus de renseignements à partir du sommaire du site en rubrique Librairie). 


Le livre de Richard Khaitzine
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   Richard Khaitzine donne au chapitre où il aborde le sujet ce titre étonnant : « Nos ancêtres, les Pélasges Argonautes ». Il faut lire ce chapitre soigneusement et à plusieurs reprises pour comprendre le lien. Il se fait en particulier par l’intermédiaire de Raymond Roussel, un curieux écrivain adepte d’un club discret — peut-être la Société Angélique ? — auteur du surprenant roman « Locus solus » où il met en scène le coq Mopsus. Cet animal qui possède des pouvoirs de divination semble être un mixage du coq emblématique des Égéens, descendants des Pélasges, et de Mopsus, l’un des Argonautes qui accompagna Jason à la conquête de la Toison d’Or. Mopsus est aussi le nom d’un berger de l’Arcadie poétique décrite par les Bucoliques de Virgile ; et encore le nom du petit-fils de Tirésias, le devin qui comprenait la Langue des Oiseaux. Richard Khaitzine note également que le nom « Égéen » semble dérivé d’une racine eg désignant le chêne. Il enchaîne en évoquant les Fendeurs Charbonniers, ces mystérieux « frères du chêne » rattachés à la maçonnerie opérative dite du bois ou de la forêt. Des Charbonniers sont nés les Carbonari dont la branche allemande se nommait d’Ordre des Mopses

   Il faut ensuite faire appel à Fulcanelli, évoqué maintes fois par Richard Khaitzine. Fulcanelli est le pseudonyme sous lequel furent publiés au début du XXe siècle deux ouvrages de référence essentiels : « Le mystère des cathédrales » et « Les demeures philosophales ». Ces livres contiendraient les clés pour la compréhension du Grand-Œuvre alchimique. Derrière ce pseudo de Fulcanelli se cachaient plusieurs hermétistes de la Belle Époque, dont Pierre Dujols, un descendant des Valois. Le nom Fulcanelli est en fait l’anagramme de « l’écu final », lequel écu ou blason, apparaissant en effet à la fin desdits livres, représente un hippocampe. Comprenne qui pourra.


    Frontispice du « Mystère des cathédrales » de Fulcanelli, dessin de Julien Champagne. Corbeau et tête de mort sont les symboles de la putréfaction. Le corps est beau dans la mort : le calembour oiselé signale l’étape indispensable de la putréfaction dans la réalisation du Grand-Œuvre. Le crâne est une tête (chef, en ancien français, se prononce che) putréfiée, corrompue, et doit se lire « chef vil ». Avec le corbeau cela forme un rébus, en Langue des Oiseaux, signifiant « cheval courbe » : CHeF ViL CoRBeau = CHVLCRB = CHeVaL CouRBe


L’écu final de Fulcanelli. Le casque empanaché est le symbole de l’initié à la cabale ou Langue des Oiseaux. Le mot hippocampe vient du grec « hippos cambos » signifiant « cheval courbe » ! Ce cheval ou cabale courbe est bien sûr une évocation voilée de langue détournée, le langage oblique, qui doit servir à décrypter le livre.
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   Fulcanelli considère la langue des Pélasges comme l’origine de la langue française. Dans son ouvrage « Le Mystère des Cathédrales », il établit un lien entre les Argonautes, le chêne et le coq. Il se livre pour cela à une analyse du bas-relief « La Toison d’Or » de l’Hôtel Lallemant à Bourges, représentant Jason et la toison, sur fond d’une forêt de chênes. Rappelons que dans la mythologie grecque, ce pelage merveilleux était celui d’un bélier fantastique, offert en sacrifice à Zeus. Le dieu de l’Olympe en fut tellement heureux qu’il promit le bonheur absolu à quiconque détiendrait cette toison, tout en autorisant chaque mortel à tenter de la conquérir. C’est Æétès, roi de Colchide, qui possédait la Toison d’Or, lorsque Jason et les Argonautes partirent à sa conquête. Notons l’identité, dans la Langue des Oiseaux, entre Pélasges et pelage 


Jason et la toison d’or

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   Fulcanelli affirme que chêne et bélier « ne représentent qu’une même chose sous deux aspects différents ». Certains béliers, engins de guerre servant à enfoncer les portes, étaient sans doute en chêne. Mais il faut savoir que dans nos campagnes les anciens emploient encore l’expression « grand belin » pour désigner un certain type de chêne, et que ce mot belin en vieux français signifie mouton, ce qui est à l’origine du mot bélier. Ces termes désignent une certaine matière initiale de l’Œuvre, dont le hiéroglyphe céleste est le Bélier, à laquelle les anciens attribuaient un nom, « un à-peu-près, dont l’équivalent répond au chêne ». Fulcanelli s’excuse de ne pouvoir en dire plus sans outrepasser certaines bornes. Les mentalités ayant évolué, il est possible aujourd’hui d’aller plus loin sans trop choquer. Lorsque l’on sait que le mot chêne vient du latin populaire cassanus (lui-même tiré du gaulois) il est aisé de deviner que cet « à-peu-près » doit s’entendre casse-anus, ou autre expression équivalente un peu plus crue. Fulcanelli prend la peine de préciser que « seuls les initiés au langage des dieux (la Langue des Oiseaux) comprendront sans aucune peine, parce qu’ils possèdent les clés qui ouvrent toutes les portes ». Dont bien sûr la porte des latrines. 

   Fulcanelli poursuit son raisonnement en évoquant la noix de galle produite par les feuilles des chênes, terme qu’il rapproche de Gallia, la Gaule, et de gallus, nom latin du coq, qui de fait est devenu l’emblème de la Gaule tout en étant l’attribut de Mercure. Le mercure est parfois nommé en alchimie lait de vierge, et lait en grec se dit gala. Le mercure des philosophes est l’un des termes désignant la matière préparée. Il y aurait identité, toujours selon Fulcanelli, entre le kermès, une variété de chênes, et Hermès nom grec de Mercure. On pourrait poursuivre longtemps cette digression alchimique et ésotérique, mais cela nous éloignerait trop loin. 

   En résumé, voici un schéma à lire dans le sens des aiguilles d’une montre ou selon son inverse, en partant de n’importe quel mot :

 

Pélasges

poil

poulet

ergot du coq

pelage

 

 

Égéens

Toison d’or

 

 

eg

Argonautes

 

 

chêne

Mopsus

 

 

Charbonniers

Charbonniers

 

 

Mopses

chêne

galle, Gallia, gallus

coq

Mopsus

 

   On passe ainsi des Pélasges aux Argonautes, soit par une longue suite d’associations d’idées, soit très rapidement par jeu de mots. Rebondissons donc sur les Argonautes.

LES ARGONAUTES DANS LE PILAT ?

   L’aventure de Jason et des Argonautes est extrêmement connue, c’est l’une des plus fameuses épopées de la mythologie grecque. À bord de la nef Argo construit par Argos, Jason et les cinquante plus fameux héros de l’antiquité (Castor et Pollux, Hylas, Héraklès, Orphée...) réussissent, au terme d’un périple riche en péripéties, à naviguer jusqu’en Colchide, sur les rives orientales de la mer Noire. Là, Jason réussit à s’emparer de la Toison d’Or gardée par un dragon. Sans doute d’antiques expéditions de marins partis à la recherche de l’or — ou de l’étain — dans le nord du monde connu sont-elles à l’origine de ce récit, qui constitue une interprétation allégorique de leurs exploits. Cette épopée mythologique, qui a fourni les noms de plusieurs constellations de la carte céleste, ne présente aucun rapport, à priori, avec le Pilat, sauf peut-être par un détail peu connu...


Argos construisant la nef Argo avec l’aide de la déesse Athéna
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   Parmi les variantes de l’histoire concernant le retour des héros, il en est une assez surprenante. Au retour de Colchide, Jason décide de traverser la mer Noire d’est en ouest pour s’engager dans l’embouchure de l’Ister (Danube). Il fait remonter ce fleuve à la nef Argo jusqu’à la mer Adriatique. Jason emprunte ensuite l’Éridan, un fleuve mythique (pouvant s’assimiler, au moins partiellement, au Pô) qui l’amène jusqu’au Rhône, dans une région proche de sa source. La nef Argo descend ce fleuve et s’engage alors sur la Loire, qu’elle parcourt jusqu’à l’Océan, avant de revenir par le même itinéraire pour descendre le Rhône jusqu’à la Méditerranée, et enfin rentrer en Grèce. Le récit témoigne des ébouriffantes lacunes géographiques des Grecs, la plus frappante pour nous étant de voir communiquer le Rhône et la Loire. Aucune rivière, évidemment, ne permet de passer ainsi d’un fleuve à l’autre. Mais il faut noter que c’est au niveau du Pilat que le Rhône et la Loire sont le plus rapprochés : une quarantaine de kilomètres seulement les sépare. Alors, dans l’esprit des croyances géographiques approximatives des Grecs, une seule combinaison pouvait laisser espérer cette liaison : à partir du Rhône, remonter le Gier, puis le Janon, et descendre le Furan jusqu’à la Loire. Certes, ces rivières ne sont pas navigables, et une telle jonction est totalement chimérique, car le Janon et le Furan ne communiquent pas entre eux. Mais quand on prétend que le Danube permet de passer de la mer Noire à la mer Adriatique, ou que le Pô permet de franchir les Alpes, on ne se laisse pas arrêter par de tels détails !


Les légions romaines traversent le Pilat : passage aux Roches de Marlin ! (photo
www.paxaugusta.net)

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   Lorsque les Grecs, puis les Romains qui avaient adopté leur mythologie, débarquèrent en Gaule et remontèrent la vallée du Rhône, peut-être furent-ils tentés d’implanter des lieux de culte dédiés à ces héros fabuleux sur le théâtre même de leurs exploits supposés ? Si tel était le cas, il devrait en subsister des traces dans ces régions de la vallée du Rhône, du Pilat, et de la vallée du Gier, au moins dans la toponymie. Par exemple, la rivière Janon doit son nom à Janus, version latine du mot grec Jason, les deux signifiant « soleil guérisseur ». Janus était le dieu aux deux visages, on dit que le Janon lui doit son nom parce que cette rivière naît immédiatement sous la ligne de partage des eaux qui sépare les bassins de la Loire et du Rhône, donc les versants Atlantique et Méditerranée.


Carte schématique des bassins de la Loire et du Rhône, au niveau du Pilat
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   Quant à Pollux, il serait à l’origine du nom de la principale bourgade du Pilat, Pélussin, selon l’une de ses étymologies (4). Sans doute à cet endroit, à l’époque romaine, s’élevait un temple dédié à cette divinité. Les jumeaux Castor et Pollux (les Dioscures) sont des célèbres héros de l’antiquité qui faisaient partie de l’équipage de la nef Argo. Si Pélussin est Pollux, à quoi correspond Castor ? Il ne faut pas chercher bien loin pour trouver, tout près de Condrieu, l’Île du Beurre, nom qui est une déformation du vieux français bièvre pour « castor ». Le jeu des mots est facile certes, et il ne serait qu’un trait d’esprit, si par une curieuse coïncidence les villes de Condrieu et Pélussin, sur la terre du Pilat, n’offraient la même disposition et la même physionomie que les étoiles Castor et Pollux dans le ciel... 

   Dans le même style de curiosité, notons la présence près de Saint-Sauveur-en-Rue du lieu-dit Gimel, variante de Gémeau (5) ; ce nom désignait sans doute des rochers, ou des arbres, jumeaux, mais on ne peut s’empêcher de penser aussi à la constellation des Gémeaux, dont Castor et Pollux sont les deux principales étoiles... Le hasard faisant décidément bien les choses, tout comme les Gémeaux regardent au sud, de l’autre côté de l’écliptique, les constellations du Grand Chien et du Petit Chien, Gimel regarde au sud, de l’autre côté de la vallée de la Déôme, la forêt de Taillard dont l’un des sommets est le Suc des Trois Chiens...


Puis les premiers colons civils romains découvrent les paysages du Pilat (photo www.paxaugusta.net)
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   Si nous n’avions que ce genre de coïncidences, cette étude n’aurait même pas raison d’être... Mais le dieu Hasard a semé d’autres petites graines qui ne demandent qu’à germer ! Sur le versant nord de la vallée du Gier, aux frontières des départements du Rhône et de la Loire, le charmant village de Dargoire étage ses maisons sur le coteau. Il doit son nom à une contraction de l’appellation primitive D’Argoire, elle-même formée à partir du gaulois Argo Durum, « forteresse d’Argo ». Cet Argo était-il un chef gallo-romain établi en ce lieu ? Ou faut-il comprendre qu’il s’agissait d’une place dédiée au souvenir des Argonautes, aux temps gréco-romains ? Car la coïncidence est trop belle et laisse la porte ouverte à toutes les rêveries ! 

   On peut faire dire ce qu’on veut à de telles bizarreries, ou en tirer des interprétations audacieuses, mais voici que l’archéologie vient nous apporter un nouvel élément ! Le magnifique musée de Saint-Romain-en-Gal conserve une mosaïque représentant l’enlèvement d’Hylas. Elle fut découverte à proximité immédiate, sur la commune limitrophe de Sainte-Colombe, puis exposée pendant longtemps au musée des Beaux-Arts de Grenoble avant de revenir sur son lieu d’origine. Là il n’est plus question d’approximations, cette scène est clairement extraite de l’aventure des Argonautes et montre Hylas, parti chercher de l’eau, tombant sous le charme de deux nymphes, qui vont l’entraîner vers leur source où il disparaîtra à jamais. 


Scène d’intérieur dans une maison romaine. En arrière-plan, la mosaïque de l’enlèvement d’Hylas (photo
www.paxaugusta.net)

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   Il faut rappeler qu’Hylas est aussi l’un des personnages du roman « l’Astrée », d’Honoré d’Urfé, lequel établit comme principe que le Forez, nouvelle Arcadie, était une région gouvernée par les femmes, tout comme la civilisation des Pélasges, depuis qu’Hercule était venu s’y installer avec son épouse. Revisitant les mythes, Honoré d’Urfé avait fait de l’enlèvement d’Hylas un gracieux épisode d’amour. Enfin la présence d’Hercule dans le Forez était également évoquée par un prêtre contemporain de Dom Polycarpe de la Rivière, poète à ses heures, nommé Louis Jacquemin. Son long poème intitulé « Antiquitez du lieu de Saint-Genez de Malifaut et environs », écrit en 1623, conte une antique bataille livrée par « Hercule et ses soldats gaulois » contre les brigands qui infestaient les bois du Pilat. Cette œuvre sur laquelle il y aurait long à dire, laisse une place de choix à la Langue des Oiseaux. 

    Que conclure ? Il est évident que l’épopée des Argonautes a fait l’objet de développements multiples, et les Romains ont largement puisé dans les thèmes de la mythologie grecque pour décorer leurs maisons. Tous ces hasards pris isolément ne signifient rien, mais leur accumulation est troublante malgré tout. On peut aussi imaginer que le Pilat, pour les civilisations antiques, offrait l’aspect d’une montagne peu accessible et donc énigmatique. Au XVIe siècle, Jean du Choul le comparait encore à un Olympe gaulois et y voyait « le siège de phénomènes mystérieux qu’il faut voir pour croire » (6). 

   On dit encore que la déesse Pallas plaça dans les cieux la nef Argo et tout son équipage, où ils forment depuis lors plusieurs constellations... Depuis notre région, si l’on observe les astres par une belle nuit d’hiver, on remarque vers le sud un certain nombre d’étoiles très brillantes : les plus élevées sur l’horizon sont Castor et Pollux, de la constellation des Gémeaux. Au sud-ouest la longue constellation Éridan déroule ses méandres. Entre les deux passe la voie lactée, fleuve d’étoiles que l’on pourrait assimiler au Rhône. En la suivant des yeux, on aperçoit, très bas sur l’horizon sud, la Poupe de la Nef des Argonautes : telle l’Argo s’éloignant en descendant le Rhône, elle disparaît à l’horizon, la majeure partie de la constellation étant « de l’autre côté ». Mais juste retour des choses, son étoile principale Canopus sert de balise aux engins spatiaux : c’est dans le ciel qu’il faut chercher aujourd’hui le souvenir des Argonautes...


La nef des Argonautes est devenue une constellation…
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Notes

1 : D'après Albert Dauzat, «Dictionnaire étymologique des noms de rivières et de montagnes en France».

2 : Numéro 5. Cette revue annuelle est éditée par l’association « Visages de notre Pilat ». 

3 : Richard Khaitzine, « La langue des Oiseaux », chapitre 4, Dervy 1996. 

4 : Albert Dauzat, « Dictionnaire étymologique des noms de lieux en France» . 

5 : D’après Albert Dauzat, op. cit. 

6 : Jean du Choul est l’auteur de la toute première description du Mont Pilat (« De monte Pylati », 1555). À ce sujet, voir aussi le chapitre « Des fils du brouillard aux fils de Goulia », dans le tome I de « La Société Angélique ».

Maintenant nous vous proposons de retrouver notre nouvel invité, notre ami Michel BARBOT,
un spécialiste reconnu, qui intervient dans de nombreuses énigmes, réparties sur un large territoire.

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Ami de beaucoup plus longue date avec Roger Corréard, l'archiviste auto-proclamé de Théopolis, et de Patrick Berlier, le Druide du Pilat, Michel Barbot est entré en contact avec moi après avoir lu "Le Vieux Secret", mon premier ouvrage. Avec ce personnage chaleureux, sincère et profondément humain, ou plus encore, là aussi, humaniste, nous avons échangé avec implication, sur ces sujets passionnants et attenants au souterrain de Trèves. Il est progressivement devenu un très grand ami. Il a éclairé d'un regard nouveau certains pans de cette enquête pointue et exceptionnelle. Vous pouvez retrouver plusieurs articles sous sa signature dans les archives "Trèves et son énigme". A présent, il a complètement intégré notre équipe rédactionnelle des Regards du Pilat et collabore également indépendamment avec plusieurs revues nationales dont le renom n'est plus à faire. On citera particulièrement : Sentinelle News, Pégase et Atlantis. Précis, réfléchi et doté d'un esprit novateur, il a régulièrement matière à proposer d'autres angles pour appréhender des problématiques, énigmes et investigations plutôt difficiles. Fidèle, il entretient des amitiés épistolaires dans une atmosphère conviviale, avec des personnages d'horizons divers, et ainsi contribue solidement, dans une réciprocité naturelle et de confiance, à avancer sur bien des sentiers et chantiers, parfois très délicats. Pour moi il est une très bonne image du chercheur et ceci à bien des titres. Être en phase, partager un esprit d'approche, ouvert, tolérant, progressiste, de bonne harmonie, s'assimilent chez Michel à des réalités extrêmement concrètes, que j'ai la chance de vivre avec lui, toute l'année, car à ses côtés en permanence, même s'il vit dans l'Ouest de la France. Il a des compétences spécifiques dont nous allons prendre connaissance dans l'interview. Thierry Rollat.
Regards du Pilat :  Pensez-vous que l'abbé Chavannes, qui a laissé des écrits précieux sur l'énigme de Trèves, dans la seconde moitié du 19ème siècle, puisse avoir proposé tous les éléments qu'il possédait à propos du souterrain ? Autrement dit, peut-on envisager qu'il ait omis de préciser certaines données pourtant portées à sa connaissance ?

Michel Barbot :  Il apparaît évident que l’abbé Chavannes de Trèves n’a pas présenté au lecteur tous les éléments qu’il possédait. Ainsi que je le développe dans mon article « l’Énigme de Trèves – Théodore Ogier et l’abbé Chavannes », il révéla au travers de mots choisis avec précision, des clefs permettant de percer, en partie, les ténèbres protégeant l’accès au souterrain et donc à son ‘’contenu’’. Ces clefs apparaissent tout à la fois étymologiques et numériques. On peut penser également que l’historiographe Th. Ogier, conscient que les sites voisins de la « Croix Saint-Adon », du château des Chances ou de Tartaras (pour ne citer que ces trois lieux)  ne seraient pas étrangers au « Vieux Secret », se soit rapproché des érudits locaux, proches de l’abbé de Trèves…

Regards du Pilat : Doté  d'un esprit d'analyse conséquent, vos connaissances en matière d'ésotérisme sont importantes.  Pensez-vous que dans l'énigme de Trèves il faille rechercher dans ses directions, quelques précieuses explications ? Y a t'il eu selon vous des cryptages semés ici ou là ?

Michel Barbot : Il me paraît certain que les paroles de l’abbé Chavannes  relatées notamment par Th. Ogier,  comportent quelques cryptages. Lorsque j’évoque une clef numérique, je fais allusion aux nombres 22 et 14 mis en valeur dans l’article précité.  Le premier nombre se révélait à partir du mot RUES figuré par deux fois, tandis que le second apparaissait avec les lettres E P V E – T O B L (notamment anagramme des mots BÊTE et LOVP ― identité latine du U et du V…).  Si l’adition de ces deux nombres révèle le nombre 36, nombre important de la Kabbale hébraïque, il apparaît que le nombre 22 fasse référence à la totalité de l’alphabet hébreu composé de 22 lettres, d’où le choix par l’auteur du Livre de l’Apocalypse – l’apôtre Jean suivant la tradition – de répartir son livre en 22 chapitres. Dans le dernier chapitre de ce livre, l’auteur met en garde celui qui oserait ajouter des paroles à ce livre ; autrement dit, ajouter un 23e chapitre. André Douzet dans son livre « Nouvelles Lumières sur Rennes-le-Château » (éd. Aquarius) épiloguant sur les dernières paroles que l’abbé Bérenger Saunière aurait prononcé : « JEAN VINGT TROIS », évoque cette mise en garde clamée par l’apôtre Jean. Mise en garde qui va jusqu’à menacer celui qui oserait un tel acte, de subir les plaies décrites dans ce livre. Pour A. Douzet, les sept plaies « pourraient être en fait, sous forme symbolique, les étapes d’un parcours… ».

André Douzet émet ensuite une nouvelle hypothèse relative aux ultimes paroles de l’abbé Saunière. Elles pourraient comporter un aspect prophétique en rapport avec le pape Jean XXIII qui fut en 1935 l’auteur de prophéties publiées notamment par les éditions J’ai Lu. À la fin du livre apparaît la liste dite des 26 noms (26 comme les 26 lettres de notre alphabet). La dernière, que je nommerai la Prophétie Z…est ainsi rédigée :

MARLE ― Tu te reconnaîtras quand tu te verras sur la Bête triomphante. Alors tu changeras le nom de ta mère.

Cette prophétie dès plus hermétique est titrée MARLE. Ce mot apparaît dans les dictionnaires d’ancien français avec le sens de « mâle ». Ce « MARLE » est lié à la Bête dont le nom apparaît précisément dans le décryptage numérique opéré à partir des paroles de l’abbé Chavannes. A. Douzet dans le livre précité, émet au sujet du nom MARLE, l’hypothèse suivant laquelle ce nom pourrait évoquer l’unique commanderie templière du Pilat, la commanderie de Marlhe d’où serait parti, suivant une tradition légendaire, peu de jours avant la chute du Temple un attelage léger mais sévèrement escorté en direction de la Chartreuse de Sainte-Croix-en-Jarez. Dans cette Chartreuse furent, par ailleurs, semés des cryptages liés à n’en pas douter à l’énigme de Trèves.

Regards du Pilat : Depuis votre lecture approfondie du Vieux Secret, on peut raisonnablement penser que vous avez eu en partie le temps de digérer le contenu de cette enquête. Vos convictions vous portent t'elles à penser que nous soyons face à une énigme majeure et complexe ?

Michel Barbot : Ma lecture du « Vieux Secret » et la réflexion qui en a découlé me donnent effectivement à penser que nous sommes face à une énigme majeure mais au combien complexe. Que cette énigme soit de nature royale et trésoraire, ne fait pour moi aucun doute mais je me garderai bien dans l’immédiat d’épiloguer sur la nature précise de ce legs. Ainsi que j’ai coutume de le dire : « À chacun son Graal… ! » La localisation d’un même trésor varie suivant les auteurs, et même de livre en livre, pour certains de ces auteurs… alors prudence !

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Regards du Pilat :  Vos premières approches du Pilat, bien antérieure à l'énigme de Trèves, vous les devez à Patrick Berlier. En ayant pas mal travaillé avec lui sur plusieurs sujets présentés dans ses derniers livres, que retenez-vous précisément de ces colossaux travaux que sont les deux tomes de la Société Angélique ?

Michel Barbot : C’est vrai que jusqu’à ce jour, Patrick Berlier et moi, nous avons pas mal travaillé sur les sujets présentés notamment dans ses deux derniers livres consacrés à la Société Angélique. L’œuvre est effectivement colossale, souvent tentaculaire et donc dès plus difficile à cerner. Cette discrète société d’origine lyonnaise semble avoir été très intéressée par les Monts du Pilat. Ainsi n’est-il pas surprenant en l’année 1618 de voir Dom Polycarpe de la Rivière, membre de la Société Angélique, nommé prieur de la Chartreuse de Sainte-Croix-en-Jarez.

La devise de la Société Angélique était : ET IN ARCADIA EGO dont la traduction française est : « Et moi (je suis – j’étais) en Arcadie ». Cette devise connue également des Adeptes de l’Art d’Hermès, met en relief le thème de la double articulation. La Société Angélique œuvre suivant une double articulation : l’une terrestre et l’autre arcadienne. L’une et l’autre se chevauchent, s’interpénètrent. L’Arcadie est la Terre de l’Ours, or la piste de l’Ours passe en partie dans le Pilat.

Certains auteurs ont également rapproché le mot grec ARCADIA de l’araméen ARQÂ, nom donné suivant le Zohar (grand livre de la tradition hébraïque) à l’une des sept planètes habitées. La planète ARQÂ n’apparaît qu’une seule fois dans la Bible, dans le Livre de Jérémie au chapitre 10, verset 11 : « Ainsi dis-leur : les Elâhayâ (Elohim) qui n’ont créé ni dî-shemayâ (le ciel) ni Arqâ, seront exterminés de Aréa (Terre). Éléh ! »

Les traducteurs bibliques préfèrent traduirent Arqâ et Aréa par le même mot : « Terre », alors que, suivant le Zohar, il s’agit de deux terres bien distinctes mais complémentaires. Aréa, nom araméen de notre terre, est associée à Arqâ, planète à la double articulation, formée de deux parties, l’une toujours inondée de lumière et l’autre toujours plongée dans les ténèbres. Deux chefs régnaient dit le Zohar, sur Arqâ à la venue de Caïn sur cette planète. Caïn opéra l’union de ces deux « chefs » qui, bien qu’unis possédaient deux têtes… symbole d’un gouvernement bicéphale. Ce verset du Livre de Jérémie évoque une sélection parmi les Elohim, seuls quelques uns d’ente eux, suivant le Zohar peuvent circuler librement, à la fois sur notre Terre et sur celle d’Arqâ.

Les Elohim, les Anges originaires d’Arqâ mais seulement ceux détenteurs de Déah : la « Connaissance » (l’ARQÂ DÉA) peuvent utiliser la « fissure du rocher » permettant suivant le Zohar de passer entre les deux terres. En araméen, les trois premières lettres du mot ARQÂ écrivent le mot ÉRAQ désignant un « clepsydre », soit une horloge à eau…

Les membres de la Société Angélique : les Anges de l’Arcadie auraient – théoriquement – eu la maîtrise de la « fissure du rocher ». Bien que le Zohar présente ces expressions au premier degré, il est évident que les commentaires rabbiniques diffèrent sur le sujet car il y a aussi toute une symbolique autour de ces thèmes. Il n’en reste pas moins que les membres de l’Angélique ont dû faire leur, ce verset rédigé en araméen mais terminé par un mot hébreu : Éléh : « Cela », s’appliquant ici à Dieu qui signe cette sentence.

Regards du Pilat :  D'une manière générale, les pistes qui mènent à Rennes-le-Château sont nombreuses et ce au départ de multiples régions. Justement que vous inspirent les liens présumés avec le Pilat (Marie-Madeleine, Girart de Roussillon et les Mérovingiens, Ste Croix, la célèbre Toile Volée, Dom Polycarpe...) ?

Michel Barbot : La réponse  à cette question est loin d’être simple ! C’est vrai que les pistes qui mènent à Rennes-le-Château, sont nombreuses. Il est un fait, Marie-Madeleine est venue en Gaule mais la question est : « Dans quelle partie secrète de la Gaule, Marie-Madeleine a-t-elle vécue ? » Pour les uns, elle aurait accosté en Provence sillonnant ce territoire du Sud au Nord, tandis que pour d’autres, elle accosta dans le Roussillon avant de se diriger dans la région des Corbières. Je n’ai pas les connaissances suffisantes pour trancher, même s’il serait tentant d’affirmer qu’elle est venue dans les Monts du Pilat ainsi que tenterait à le démontrer la Toile volée. Quoiqu’il en soit, si Marie-Madeleine était juive, comme l’était Jésus, elle était originaire de Magdala – d’où son nom – petite ville située sur la côte orientale de la mer de Galilée. Ce territoire et cette mer doivent leur nom aux Gaulois émigrés dans cette partie du monde et l’on peut penser que Marie-Madeleine possédait déjà avant d’arriver en Gaule quelques rudiments de la langue de nos lointains ancêtres, parlée jadis de l’Irlande à l’Europe centrale.

Reste évidemment l’idée du trésor ; est-il un, est-il multiple ? Tous répondent unanimement : « Il s’agit du trésor d’Israël ». Ce qui d’ailleurs semble cohérent. Mais ce trésor fut-il réparti en un seul et unique endroit ? Pour moi la réponse est négative. Il existe à n’en pas douter plusieurs gîtes secrets du Lion répartis en des lieux bien précis à laquelle la « Géographie sidérale » de Guy-René Doumayrou (éd. 10 18) couplée aux travaux de Roger Facon n’est assurément pas étrangère ! De même, le « trésor » est-il rentré en Gaule en sa totalité avec les Wisigoths ? Là encore, la réponse me paraît négative. Des juifs ont pu déjà, bien avant l’arrivée des Wisigoths, pénétrer notre sol avec un « trésor », tout comme les Templiers aux XIIe siècle ont pu pareillement ramener – notamment – l’Arche d’Alliance dans le Royaume de France.

Il m’est difficile d’associer tous les noms évoqués dans la question, bien qu’il y ait, à n’en pas douter un lien unissant tous ces personnages ou ces œuvres d’art, qu’il s’agisse de la Chartreuse de Sainte-Croix-en-Jarez ou de la célèbre Toile volée.

Regards du Pilat :  Non sans lien avec Rennes-le-Château. Pouvez-vous nous parler du Parc de la Garenne-Lemot, près de Nantes, créé par le sculpteur lyonnais Lemot, dans lequel est reconstitué le tombeau des Bergers d'Arcadie de Poussin, un protagoniste qui revient dans les thèses explicatives du mystère "Saunière" ?

Michel Barbot : Le Parc de la Garenne-Lemot situé non loin de Nantes sur la commune de Clisson, est assurément important sur la piste menant vers l’Énigme de Rennes-le-Château. Si les historiens clissonnais divergent quant à l’étymologie de Clisson, certains la font dériver du mot CLÉ. Haut-lieu de l’époque gauloise, cette cité fut le siège d’une importante commanderie templière sur le site de la Madeleine. L’historien Ogée dans son « Dictionnaire de la province de Bretagne » (1787) signale que Poussin dans son tableau « Diogène rejetant son écuelle » a peint en arrière-plan le château de Clisson.

Au lendemain des guerres de Vendée en 1798, le peintre Nantais Pierre Cacault (1744-1810), après avoir poursuivi une carrière artistique à Rome jusqu’en 1793, s’installe à Clisson. Son frère François (1743-1805), collectionneur d’œuvres d’art, diplomate alors en poste à Rome, négociateur du traité de Tolentino entre le Directoire et le Pape et de l’acquisition par la France de la Villa Médicis à Rome, rejoint de temps à autre son frère à Clisson. En 1804, nommé sénateur de Loire-Inférieure (actuelle Loire-Atlantique), François décide avec son frère Pierre de rassembler dans un musée qu’il bâtit sur les hauteurs de la Madeleine à Clisson, sa collection de peintures, gravures et sculptures.

Au printemps 1805, Frédéric Lemot, sculpteur Lyonnais d’origine, sur l’invitation des frères Cacault, fit le voyage de Paris à Clisson. Grand-prix de Rome de 1790 et déjà artiste parisien reconnu de tous, F. Lemot fut subjugué par le site clissonnais qui lui rappelle l’Italie et la campagne romaine autour de Tivoli. Dès son premier voyage, il acquiert le bois de la Garenne, ancienne réserve de chasse des seigneurs de Clisson. Plus tard membre de l’Institut, F. Lemot sera titré baron de Clisson.

Il façonnera la Garenne, à laquelle il lèguera son nom, en s’entourant d’artistes, dessinateurs, voyageurs du Grand Tour, tous disciples de Poussin et de Piranèse. Les frères Cacault et F. Lemot réinventent l’Arcadie en s’inspirant notamment de Tivoli, l’antique Tibur romaine et du Parc d’Ermenonville cher à Nerval et à Jean-Louis Bouquet. F. Lemot aimait à rappeler que Nicolas Poussin s’inspira du site des bords de Sèvre nantaise, l’affluent de la Loire qui baigne la cité de Clisson, nouvelle Tivoli sur Sèvre. En fait, si le château aux dires d’Ogée, figuré sur le tableau de Poussin est celui de Clisson, les paysages seraient ceux de la campagne romaine bien que très semblables à ceux de la campagne clissonnaise.

Un tailleur de pierres de Clisson, d’après un dessin de Mathurin Crucy, exécute au sommet d’un rocher le tombeau à l’antique, rectangulaire et surmonté d’un couronnement avec fronton et acrotères aux angles. Une inscription peinte, aujourd’hui disparue, référence à Virgile et à Nicolas Poussin, clamait : « ET IN ARCADIA EGO »… devise de l’Angélique lyonnaise puis parisienne que le sculpteur F. Lemot Lyonnais de naissance, ne pouvait que faire sienne. Ce Clissonnais d’adoption resta néanmoins fidèle à Lyon, cité pour laquelle il sculpta en 1825 l’énigmatique statue équestre (la Cabale…) du roi Louis XIV en figure d’empereur romain.

F. Lemot, concepteur de l’ensemble de son projet, fait appel pour la mise au net de ses dessins préparatoires, aux talents de l’architecte néo-classique Nantais Mathurin Crucy (1749-1826), grand-prix de Rome de 1774 et auteur de la majorité des édifices et des fabriques du parc. Au cours des années 1820 l’architecte parisien Pierre-Louis van Cleemputte succèdera à Mathurin Crucy. Après la mort de F. Lemot en 1827, ce fut son fils Barthélemy (1810-1883) qui poursuivit l’œuvre de son père dans la seconde partie du XIXe  siècle.

Dans son livre « Arsène Lupin Supérieur Inconnu », Patrick Ferté, bien que ne parlant aucunement des frères Cacault, du sculpteur F. Lemot et du Parc de la Garenne-Lemot, consacre néanmoins un chapitre à « Clisson haut lieu initiatique », évoquant l’importance de cette cité dans le roman de Maurice Leblanc « Dorothée danseuse de cordes » ainsi que dans cet autre roman de M. Leblanc : « La vie extravagante de Balthazar ». Le romancier d’origine normande impose dans ce roman l’identification de Balthazar avec Diogène, référence suivant P. Ferté au tableau de Poussin et à la cité de Clisson. Il apparaît également suivant Gérard de Sède, ainsi que l’indique P. Ferté, que Clisson est l’un des trois points d’un triangle rectangle dont les deux autres points sont Arques, près de Rennes-le-Château et Stenay… L’auteur fait également état d’un argument majeur,  l’abbé Olier fondateur de Saint-Sulpice de Paris, fut à l’âge de 17 ans et ce durant 17 ans (1624-1642) PRIEUR DE CLISSON ! Enfin, il rappelle dans un second chapitre que Clisson fut la filiale clé de l’abbaye d’Ension (actuelle Saint-Jouin-de-Marnes) près de Loudun dans les Deux-Sèvres…

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Regards du Pilat :  En chercheur ouvert et curieux, vous avez déjà planché sur l'énigme qui entoure Rennes-le-Château. Vopus avez donc quelques idées assez construites. En toute objectivité, pensez-vous qu'un jour on validera enfin une thèse officielle et presque incontestable sur la provenance de la fortune du curé Audois ?

Michel Barbot : Affirmer qu’un jour on validera une thèse officielle et presque incontestable sur la provenance de la fortune du curé Audois, est à ce jour encore très hasardeux. Il faudrait dans un premier temps connaître avec certitude la nature du « trésor » de l’abbé Saunière. Pour ma part, le « trésor » me semble – en partie – intimement lié au Pech de Bugarach, thème déjà abordé dans mes articles publiés par Pégase. J’évoque dans un prochain article appelé à paraître dans le Bulletin Pégase, des faits totalement inédits, prolongement de deux précédents articles.

Regards du Pilat :  Dans vos différents travaux, vous faites fréquemment appel à la Kabbale hébraïque. Pouvez-vous nous définir en quoi consiste vraiment celle-ci et d'où vous vient cette attirance prononcée ? Par la même, comment avez-vous acquis certaines compétences en ce domaine apparemment très pointu ?

Michel Barbot : La Kabbale hébraïque prend dit-on officiellement naissance en Espagne et en Provence dans le Haut-Moyen-Âge mais elle existait  déjà depuis des millénaires et l’on trouve sa présence dans les livres de l’Ancien Testament. Le mot Kabbale vient de l’hébreu Qabala dérivé du verbe leqabel et de la racine qbl, qui signifie « recevoir », « accueillir ». La Kabbale est la tradition secrète, l’aspect ésotérique du judaïsme. Commentaire codé de la Bible, elle regroupe l’ensemble des techniques de lecture et de déchiffrage des textes. L’ouvrage le plus important de la Kabbale est le Sepher-ha-Zohar : le Livre de la Splendeur. Dans ce livre il est dit que les lettres de la Tora sont des « chevaux de feu », d’où l’idée que les Kabbalistes soient des Chevaliers. Cette association d’idée permet un rapprochement entre la Kabbale hébraïque et la Cabale occidentale dont le nom vient de « cabalos », le « cheval ».

j’ai découvert la Kabbale hébraïque au début des années 80 en lisant les livres d’A. D. Grad parus chez Robert Laffont. Très vite j’ai souhaité découvrir le Zohar auquel se référait très souvent cet auteur. Je fis donc l’acquisition de ce fleuron de la Kabbale édité en 5 volumes par Maisonneuve et Larose. Si j’y retrouvais bien les passages clés des livres d’A D. Grad, je dû me résoudre à fermer ce livre pour quelques années tant ce qui s’y trouvait me paraissait hermétique. Je découvris par la suite les ouvrages de Robert Graffin qui m’apportèrent beaucoup dans le domaine. Je me familiarisais ainsi avec les lettres hébraïques et les thèmes associés. Je fus enfin en mesure de rouvrir le Zohar, puis de découvrir d’autres livres importants de la tradition hébraïque présentés notamment par Virya, sans oublier l’indispensable commentaire du Pentateuque rédigé au Moyen-Âge par le célèbre Rabbi Rashi de Troyes.

La Kabbale hébraïque m’a beaucoup apportée dans mes recherches comme a pu m’apporter à d’autres moments la tradition celtique. Car, il convient de ne pas l’oublier, le Christianisme apparaît en Occident comme le croisement de ces deux courants de pensée.

Regards du Pilat :  Indépendamment vous vous passionné pour une interprétation bretonne des quatrains de Nostradamus, personnage envoûtant qui a oeuvré aux quatre coins de France et qui aurait dit-on séjourné occasionnellement  au château de Lupé dans le Pilat.  Qu'en est-il de vos travaux en rapport à ce décryptage breton ? 

Michel Barbot : Certains quatrains de Nostradamus concernent effectivement la Bretagne et plus largement le Grand Ouest (Vendée – Bretagne – Maine-Normandie…). Tenter de percer le mystère de ces quatrains fait effectivement partie de mes activités. Il y a tout d’abord le quatrain II – 22 dans lequel est évoqué le « Nombril du monde », soit l’île Dumet, sise au large de Piriac en Presqu’île de Guérande (lire à ce sujet mon article consacré à l’île de Sarek de Maurice Leblanc, paru dans Pégase) et Arton, commune du Pays Nantais, ainsi que d’autres mystères liés à cette région qui m’est chère. Le quatrain VIII – 36 consacré à la cité de Guérande, antique Uenn Ran, cité de Sainct Aulbin et de la Saulne a fait également l’objet d’un article. Dans cet article je notais les liens existants entre ce quatrain et la région des Monts du Pilat…Les quatrains IX – 19 et IX – 20 ont fait l’objet de recherches approfondies évoquées en partie dans deux articles parus dans SENTINELLE NEWS. J’y développais, notamment pour le 20e quatrain  de cette Centurie, une piste nouvelle avancée par Jean-Paul Clébert ; piste que j’ai suivie physiquement dans sa totalité de Rennes à … Rennes-en-Grenouilles où je découvris une clef qui m’ouvrit quelque secret royal lié à la forêt d’Écouves près d’Alençon. Je me suis pareillement intéressé au quatrain V – 75 prenant une fois encore à contre-pied la lecture généralement admise. Il s’avère en effet que chaque mot de ce quatrain se réfère au Borc Men, soit en breton le Bourg de la Pierre, siège au Moyen-Âge la commanderie templière de Nantes. Parmi les autres quatrains bretons sur lesquels je me suis arrêté, figure le quatrain IX – 87 évoquant la forest de Touphon. Cette forêt, évoque pour moi, la forêt de Touffou sise au Sud de Nantes. Ici encore je vais à l’encontre des hypothèses habituellement avancées. Dans cette forêt de grande importance sur un plan ésotérique, se trouvait au Moyen-Âge une abbaye où reposa Olivier de Machecoul, dit Olivier de Braine. Il fut le fils Pierre de Dreux dit Pierre Mauclerc, ou Pierre de Braine, prince capétien de la Maison de France et Duc de Bretagne affilié à l’Ordre du Temple ainsi que d’autres membres de l’énigmatique Maison de Dreux. L’épitaphe de la dalle funéraire de son fils Olivier de Braine, viendrait semble-t-il confirmer la piste Sud-Nantes de ce quatrain de Nostradamus. 

Regards du Pilat :  Vous écrivez pour des revues et magazines, vous collaborez avec des correspondants à propos d'énigmes diverses, vous intervenez aussi avec pertinence sur ce site. Vos points de vues demeurent très appréciés. Peut-on raisonnablement penser qu'un jour vous publierez un livre ? Avez-vous une idée sur le sujet éventuel ?

Michel Barbot : Publierai-je un jour un livre dans lequel je développerai quelques unes de mes recherches ? Dans l’immédiat je répondrais non et ceci par manque de temps. Un jour, peut-être, lorsque je serai en âge de prendre ma retraite, pourrais-je raisonnablement penser à écrire un livre. Je n’ai à ce jour, il faut bien l’avouer, guère de retour sur mes articles. Alors laissons le temps au temps et comme le disent nos voisins d’Outre-Manche : WAIT AND SEE… ATTENDRE ET VOIR !

Regards du Pilat :  Michel, un grand merci et à bientôt sur ce site, où vous nous présenterez, ce qui sera un appréciable complément d'informations, d'études et de recherches, une belle surprise sur un sujet qui appartient à la Grande Affaire.

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En Novembre prochain, avec notre ami Eric Charpentier, un
Dossier exceptionnel en perspective, où nous étudierons :
La fameuse Fondation de la Chartreuse de Ste-Croix-en-Jarez


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LES REGARDS DU PILAT