<Retour au Sommaire du Site>

NOTRE SECOND INVITÉ DE NOVEMBRE 2007
  Nous l'avons aussi accueilli dans le Pilat. Nous l'avons aussi rencontré à Rennes-le-Château. Ce fin chercheur et auteur de renom, a même rejoint l'équipe rédactionnelle, de notre site "La Grande Affaire" et ce dès son lancement. Nous ne pouvons qu'en être très flattés. Christian Doumergue demeure un chercheur studieux, précis et pertinent. Il est un constat qui consiste à retenir que nous partageons de nombreux points de vue avec cet homme sérieux et particulièrement crédible, qui mentionne régulièrement toutes ses sources. Nous y reviendrons dans le futur, avec détails et arguments. Nous sommes en phase avec lui, sur un esprit général, dont un positionnement respectueux, qui implique écoute, débat et dialogue avec autrui, par conséquent avec les autres approches, sur les mêmes sujets. Voici son <Site personnel>. Vous pouvez aussi à présent mieux le découvrir...

Christian, entrain de prendre une photographie

Regards du Pilat :
Christian Doumergue, pour les internautes qui ne vous connaîtraient pas encore, rappelons que malgré votre jeunesse, vous êtes considéré comme l’un des meilleurs spécialistes du personnage de Marie-Madeleine, puisque vous avez publié un ouvrage monumental en deux tomes, plus de 1300 pages, sur ce sujet. Vous êtes d’ailleurs très prolixe en terme d’écriture puisque, après avoir suivi avec brio de solides études en histoire de l’art, archéologie, lettres modernes et littérature comparée, vous avez publié en gros un livre par an. Vos autres sujets de prédilection sont les Cathares, la gnose, et la célèbre et énigmatique affaire de Rennes-le-Château. Tout de suite une première question découle de cet énoncé sommaire de vos œuvres : tous ces thèmes auraient-ils un rapport entre eux ?

Christian Doumergue : Oui. Assurément. Le dénominateur commun entre ces différents thèmes est le christianisme, plus exactement : la remise en question du christianisme établi. Le catharisme, qui n’est autre qu’une renaissance, au moyen-âge, du gnosticisme chrétien de l’Antiquité, s’est construit, tout comme lui, sur une contestation du christianisme de la Grande Eglise. Pour les gnostiques, comme pour les cathares, le christianisme de l’Eglise de Rome est un christianisme dévoyé, bien différent de celui de Jésus ― dont eux, par une filiation qui repose sur l’idée d’une transmission d’écrits secrets, affirment être les détenteurs… Sans entrer dans les détails, sans nous livrer à un systématique jeux des différences, disons que ces différences reposent essentiellement sur ce que l’on pourrait appeler la « différence fondamentale » : pour les gnostiques, le monde matériel n’a pas été créé par Dieu, mais par une créature inférieure qui s’est faite passer pour Dieu auprès des Juifs et que les chrétiens de la Grande Eglise ont continué à adorer comme tel. De là, pour ainsi dire, découlent toutes les différences entre le ou les christianisme(s) romain(s) et les christianismes gnostiques… Marie-Madeleine est, précisément, au centre de cette querelle dogmatique. Elle est l’incarnation de cette scission entre plusieurs christianismes dès après la « disparition » de Jésus et de la véritable guerre à la légitimité qui débuta alors et se solda, osons le dire : malheureusement, par la victoire du christianisme romain… Les écrits gnostiques des premiers siècles opposent ainsi presque systématiquement Marie-Madeleine (qui passe pour être l’héritière légitime du Christ) à Pierre (qui est celui qui, par conservatisme notamment, a mal compris l’enseignement du Maître…) Quant aux écrits chrétiens de la Grande Eglise, ils firent tout, dans les premiers siècles, pour faire oublier l’importance de la figure de Marie-Madeleine dans le premier christianisme. Ainsi, certains auteurs, dans les transcriptions qu’ils firent d’écrits plus anciens, remplacèrent-ils le nom de Marie-Madeleine par celui de Marie, mère de Jésus. Il importait alors de faire tomber dans « l’oubli » celle qui, du point de vue de la légitimité, était une vraie menace pour l’Eglise…

L’affaire de Rennes-le-Château, quant à elle, rassemble tous ces thèmes… Marie-Madeleine est au centre de l’œuvre de l’abbé Saunière. Surtout, dans la reconstruction « plantardienne » de l’affaire Saunière, le fin mot de l’Affaire de Rennes est un secret d’ordre religieux, une remise en question du christianisme établi, dans laquelle Marie-Madeleine joue un rôle central… Après l’ère des « chercheurs de trésors », cette dimension de l’Affaire de Rennes est aujourd’hui devenue la plus importante… et quelque soit son origine, elle nous semble essentielle. Et de salut public.  

Regards du Pilat : Vous paraissez actuellement vous recentrer sur Rennes-le-Château et sur le personnage de son sulfureux curé, l’abbé Bérenger Saunière. Votre ouvrage en deux tomes « L’affaire de Rennes-le-Château » fera sans doute date dans la compréhension de l’énigme. En particulier, il apporte un jour bien nouveau sur l’histoire de l’abbé Saunière, comparativement aux premiers écrits sur le sujet, ceux de Gérard de Sède en particulier. Comment jugez-vous la personnalité de Saunière, à la lumière de vos recherches ?

Christian Doumergue : Difficile de juger la personnalité d’un homme sur lequel on sait à la fois beaucoup et si peu. Quand je dis que l’on sait beaucoup, c’est surtout par rapport à la représentation que l’on avait de l’abbé du temps des écrits de Gérard de Sède que vous évoquez. Ecrits qu’il ne convient pas de dénigrer, puisque sans eux nous ne serions sans doute pas là à discuter d’aussi intéressantes questions, et qu’ils font partie d’un « processus » important dont on n’a pas encore mesuré toutes les dimensions… Pour différentes raisons, que j’ai exposées dans mon livre L’Affaire de Rennes-le-Château (ed. Arqa) ces écrits présentaient de l’abbé Saunière une vision romanesque : inventeur d’un mirifique trésor et amant de la belle Emma Calvé. Or on sait aujourd’hui grâce aux documents depuis lors retrouvés dans différentes archives que si l’abbé a trouvé un petit trésor, c’est essentiellement des donations pour beaucoup dues aux relations de son frère Alfred, prêtre lui aussi, qui ont fait sa fortune. Quant à sa supposée relation avec Emma Calvé… je pense personnellement qu’il s’agit d’une invention de plus de Pierre Plantard. Une invention qui est cependant loin d’être gratuite…

Si l’intérêt que l’on a prêté à l’étude de l’abbé Saunière depuis les livres de Gérard de Sède nous a permis de nous débarrasser des faux semblants, on ne peut cependant dire pour autant que la personnalité de l’abbé Saunière est aujourd’hui bien cernée. Pour l’homme public, certainement : Bérenger Saunière est un monarchiste convaincu et un caractère fort. Pour le Saunière intime, c’est plus complexe. De nombreux documents ont disparu. D’autres restent dans l’ombre. Ainsi, il est quasiment impossible d’appréhender certains aspects de sa vie. Pour ne prendre qu’un exemple : alors que ses carnets de correspondances gardent trace d’un abondant échange de missives avec son meilleur ami Edouard Auriol, on ne possède quasiment plus aucune de ces lettres qui auraient été d’un riche enseignement sur la vie intime du prêtre…

Ainsi, l’idée de « zones d’ombre » est-elle l’image qui résume le mieux la vie du prêtre. Ceci étant dit, on peut dessiner quelques contours. Même si cette image « angélique » est remise en question par beaucoup, je persiste à croire (notamment à la lecture de certaines lettres à Marie), que l’abbé Saunière était animé d’une véritable foi, et qu’il demeura dans le giron de l’Eglise. Y compris lorsqu’il fut en conflit avec son évêque : pensant à quitter Rennes-le-Château, il imagine s’installer à Lourdes. C’est assez significatif…

Toutefois, si on regarde bien les relations de l’abbé, on se rend compte qu’il n’est pas aussi « sectaire » que son « intégrisme » affiché pourrait le laisser penser… Les Roché, pourtant franc-maçons et anti-cléricaux affichés, évoluent dans son entourage… Entre autres. Cela ouvre bien des possibilités pour comprendre ce qui a pu se passer à Rennes-le-Château…

Regards du Pilat : Pensez-vous que l’abbé Saunière ait agi de son propre chef ? Ou bien était-il manipulé, et par qui ?

Christian Doumergue : La notion de « zones d’ombre » que je viens d’évoquer revient ici au premier plan et il est difficile de donner, à ce jour, une conclusion définitive… On en est, il faut l’admettre, réduit à l’hypothèse. Et on peut même hésiter à relier l’abbé Saunière au « mystère » qui constitue aujourd’hui le véritable arrière plan de l’affaire de Rennes. Je m’explique…

On sait aujourd’hui que le dénouement, le début et la fin de l’histoire, se trouve non pas à Rennes-le-Château, mais à Rennes-les-Bains. Lorsqu’il a monté le mythe du « curé aux milliards » par le moyen d’opuscules déposés sous de faux noms à la Bibliothèque Nationale de France (ce sont ces opuscules qui donnent pour la première fois la trame « mythologique » complète de l’affaire Saunière : découverte de parchemins, montée à Paris, à St Sulpice, rencontre avec Emma Calvé, etc. ; de Sède en reprendra certains passages presque mot pour mot), Pierre Plantard n’a cessé, alors qu’il mettait Saunière au premier plan, d’attirer discrètement, et de plus en plus, l’attention sur Rennes-les-Bains. Ainsi, la plupart des pseudonymes choisis par Pierre Plantard et Philippe de Chérisey pour signer les opuscules de la BNF, renvoient-ils à la petite station thermale. Prenons un exemple : Walter Celse-Nazaire. Celse et Nazaire sont les deux saints auxquels est dédiée la petite église de Rennes-les-Bains. Autre exemple : Madeleine Blancasall évoque clairement la Blanque et la Salz, deux rivières se rejoignant à l’entrée Sud de Rennes-les-Bains, précisément à proximité de la source de la Madeleine… Bref, tout cela pour dire que Pierre Plantard n’a donné de l’abbé Saunière la vie romancée que l’on sait que pour attirer artificiellement l’attention sur Rennes-le-Château et, de là, conduire « ceux qui savent lire entre les lignes » jusqu’à Rennes-les-Bains. Si dans ce développement récent, Rennes-le-Château fait donc partie intégrante de l’Enigme à déchiffrer, la question se pose quant à son rôle du vivant de l’abbé Saunière. Faut-il penser que l’on a voulu faire jouer aux constructions du prêtre le même rôle de « phare » dont Plantard allait les investir dans son « Œuvre », ou bien s’agit-il d’un phénomène distinct que le pur hasard aurait placé à proximité de Rennes-les-Bains… et qui aurait par la suite été habilement utilisé par Pierre Plantard, pour « parler en étant sûr qu’on ne puisse le comprendre…» (je reprends ici l’intention que lui prête Gérard de Sède dans L’Or de Rennes…)

On aurait tendance de pencher en faveur de cette seconde idée à la lecture des papiers de l’abbé Saunière, puisque l’on y trouve absolument aucun élément laissant envisager que le prêtre ait pu appartenir à un quelconque groupe occulte… Mais l’étude de ses constructions, notamment de l’église, nous incite à penser que certains ont alors bien conçu Rennes-le-Château comme ce « Phare » nécessaire pour attirer l’attention sur le secret de Rennes-les-Bains…

Même si l’on a beaucoup exagéré cette idée, au point de la discréditer, il y a de fait des « anomalies » dans l’église de Rennes-le-Château, dont la plus signifiante est sans doute celle qu’on ne voit pas : l’absence de la représentation de l’apparition du Christ ressuscité à Marie-Madeleine. Alors que toutes les scènes de la vie de la sainte sont présentes, la plus importante n’a pas été figurée… Et l’on peut vite comprendre pourquoi lorsque l’on s’intéresse à la question de la Résurrection…

Ces éléments (pensons encore au grand relief dominant le confessionnal, et à ses détails incontestablement singuliers…) laissent envisager l’existence d’une intention cachée dans ces réalisations. Mais, au vue de ce que je disais précédemment sur le catholicisme toujours constant du prêtre, je ne pense pas que l’abbé Saunière ait été le chef d’orchestre du projet. Ce qui laisserait entendre qu’il ait été manipulé. Cela cadre avec le portrait psychologique qu’on sait de lui. Il avait, psychologiquement et caractériellement parlant, les traits requis pour être l’ « entrepreneur » idéal des œuvres de Rennes-le-Château, notamment une volonté de laisser sa trace ici-bas. Cela le rendait facilement influençable et aveugle au véritable sens du projet que certains lui soufflèrent… 

Mais si l’on peut conjecturer que Saunière a été manipulé… difficile de dire par qui. Mon idée à ce sujet est qu’il faille sans doute chercher au sein même de ses relations ecclésiales… Mais là encore, la carence de documents est telle, qu’il est à ce jour impossible d’apporter une réponse certaine. Tout au plus peut-on constater l’emprise de cette influence sur certains papiers du prêtre relatifs aux travaux. Ainsi les changements de nom de la Tour Magdala, d’abord appelée Tour du Midi, puis Tour de l’Horloge ― deux noms probablement jugés trop explicites par les véritables chefs d’orchestre du projet…


(couverture) La Tombe perdue, le nouvel ouvrage de Christian Doumergue, dont la sortie est annoncée pour le 3 décembre aux éditions Pardès. Il est dès à présent en pré-commande sur <Amazon.fr>
<Retour au Sommaire du Site>

Regards du Pilat : Vous faites partie des tenants de l’hypothèse « tombeau du Christ » pour expliquer le secret de Rennes-le-Château. Pouvez-vous développer rapidement cette théorie ? Repose-t-elle sur des éléments tangibles ?

Christian Doumergue : L’idée de la présence du tombeau du Christ à Rennes-le-Château, ou plus exactement à Rennes-les-Bains, repose sur divers éléments… Les plus anciens remontent à l’Antiquité, aux premiers temps du christianisme et à la question que pose la disparition du corps de Jésus de la tombe où on l’avait disposé après la descente de la croix… Le christianisme romain a expliqué cette disparition en s’appuyant sur la croyance en la résurrection charnelle de Jésus. Et depuis c’est cette vision qui a prévalu. Mais les choses ne sont pas aussi simples… De nombreux christianismes dissidents, notamment gnostiques, ont, dans l’Antiquité, rejeté cette idée. Ils croyaient en la résurrection, mais donnaient à celle-ci une définition strictement spirituelle, une définition en tout point comparable à celle que les bouddhistes donnent au processus de l’Eveil. Les deux termes sont d’ailleurs employés comme synonymes l’un de l’autre dans certains écrits gnostiques. Et donc, pour ces chrétiens, Jésus était ressuscité, puis était mort. Et non l’inverse. Les milieux Juifs, de leurs côtés, ont colporté très tôt l’idée que le corps de Jésus avait été secrètement enlevé de la tombe où il avait été ostensiblement déposé, pour être mis à l’abri ailleurs. Ce qui est intéressant, c’est que ces traditions mettent en scène, pour certaines d’entre elles, un jardinier. Or, c’est à un jardinier que Marie-Madeleine s’adresse dans l’Evangile de Jean pour lui demander de la conduire jusqu’au corps de son Maître, corps dont elle attribue précisément le rapt au dit jardinier. Bien sûr, elle reconnaît ensuite sous les traits du soi-disant jardinier ceux de son Maître. Mais le texte de Jean est de ce point de vue si confus qu’on ne peut que penser qu’il a été maintes fois remanié, réécrit, pour cadrer avec l’évolution progressive du dogme. Ainsi, Marie-Madeleine est-elle placée au centre du mystère de la disparition du corps du Crucifié et tout laisse penser que c’est elle qui, à cause de la proximité qui l’unit à Jésus du vivant de celui-ci, récupéra le corps et en prit soin… Qu’en fit-elle ? La réponse à cette question découle de la résolution d’une autre : que devint-elle ? De nombreuses traditions affirment qu’elle se rendit dans le Sud de Gaule où elle termina sa vie… L’Histoire officielle remet en question l’origine historique de ce légendaire. Mais l’Histoire officielle est partisane, et j’ai par ailleurs démontré que la présence dans ce légendaire couché par écrit au moyen-âge d’éléments appartenant à des christianismes antiques (la place accordée à la femme dans la prédication par exemple), suffit à démontrer l’origine ancienne de ces traditions. Et donc le fait qu’elles reposent bien sur une base historique. Peut-on pour autant dire que le corps de Jésus a été ramené en Gaule à ce moment là ? On en est encore, de ce point de vue là, au stade des conjectures, des recoupements de faits. Il en sera ainsi tant qu’aucune découverte archéologique ne sera là pour vérifier l’hypothèse. Mais en matière d’éléments tangibles, on peut déjà en citer quelques-uns… Il y a déjà plusieurs années, j’ai mis en avant un reliquaire conservé à la Sainte Baume et représentant l’embarcation amenant Marie-Madeleine et les siens d’Orient en Occident… A l’avant de cette barque repose un corps momifié qui, incontestablement, garde le souvenir du rapatriement d’un corps embaumé en Gaule… Plus récemment, j’ai trouvé une confirmation à l’hypothèse de la présence du tombeau du Christ dans le Sud de la France dans un écrit rédigé vers 720 dans le Midi. Ce texte consacré à la conversion au christianisme de l’empereur romain Tibère affirme que celui-ci se rendit en Septimanie (l’actuel Languedoc Roussillon…) pour y construire une grotte au nom du Christ, autrement dit y ériger un ensemble souterrain auquel on a du mal à trouver une fonction autre que funéraire… Affirmation troublante quand on sait que plusieurs traditions conservées dans différents apocryphes affirment que Marie-Madeleine se rendit à Rome pour y rencontrer l’empereur Tibère et lui demander réparation de la mort de Jésus. L’appui d’un empereur pourra sembler surprenante, mais, comme je le démontre dans mon dernier livre à paraître début décembre (La Tombe Perdue, éditions Pardès), tout cela n’est qu’une « affaire de famille »...

Regards du Pilat : On a vu l’abbé Saunière se rendre en divers lieux ; on parle aujourd’hui des Alpes Maritimes, de l’Espagne, ou même de la Serbie… il y a quelques années s’était développée l’hypothèse dite « du Pilat », selon laquelle l’abbé Saunière serait venu dans notre région pour y trouver une partie du secret de sa richesse, destination qu’il aurait signalée par divers signes dans l’ornementation de son église. Globalement, qu’en pensez-vous ?

Christian Doumergue : Difficile de se prononcer sur la question. En réalité, l’hypothèse Pilat, qui paraît bien séduisante, repose sur peu d’éléments, et, pour ainsi dire, aucune preuve. Je parle, bien sûr, de l’implication de l’abbé Saunière. Personne n’a pu en effet voir les documents originaux sur lesquels s’appuie, notamment, cette piste de recherche. Dès lors, difficile de la considérer comme certaine. Quant aux supposés clins d’œil au Pilat dans l’église de Rennes-le-Château, là encore, je reste assez sceptique. Il m’apparaît ainsi assez artificiel de faire correspondre l’arrière plan du bas relief de l’autel de l’église de Rennes-le-Château avec les paysages du Pilat. Dire que les créneaux de l’une des constructions visibles sont une allusion au Pic des Trois Dents, me semble, par exemple, un rien abusif… En outre, mais j’avoue que cette question est difficile à trancher, je ne crois pas, comme je l’ai dis tantôt, que l’abbé Saunière ait eu un rôle aussi actif dans l’élucidation du mystère qui plane sur la région de Rennes-le-Château et qui est peut-être, pour sa part, relié au Pilat… 

Regards du Pilat : Parallèlement, on a vu l’abbé Saunière résider régulièrement à Lyon, ville qui lui aurait servi de base pour ses excursions pilatoises, et où il aurait participé aux activités de diverses sociétés secrètes ou discrètes. Là encore, globalement, qu’en pensez-vous ?

Christian Doumergue : J’aurais tendance à vous faire la même réponse. Là encore, aucune preuve n’existe à ce sujet… Bien sûr, ce n’est pas un argument pour rejeter en bloc cette piste. Mais lorsque l’on s’intéresse à l’abbé Saunière, d’aucuns ont tellement dit sur sa vie, ont prêté à celle-ci tellement d’épisodes jamais advenus, qu’il incombe de pratiquer une démarche de vérification systématique. Et cela passe malheureusement par la preuve irréfutable.

Ceci étant dit, si je doute que l’abbé Saunière lui-même ait eu contact avec les diverses sociétés lyonnaises du XIXe siècle et du début du XXe qui ont évolué dans le monde de l’ésotérisme, celles-ci sont intéressantes et, pour certaines, présentent des liens directs avec l’Affaire qui nous intéresse. Lyon est ainsi un lieu important pour l’Eglise Gnostique. On y trouve Bricaud qui est un proche du docteur Fugairon. Ce dernier, s’éloignant de Léonce Fabre des Essarts, qui succéda à Jules Doinel à la tête de l’Eglise Gnostique, va fonder avec Bricaud une nouvelle église gnostique… Or, comme je crois l’avoir montré dans mon livre L’Affaire de Rennes-le-Château, Fugairon est une pièce maîtresse du puzzle qu’il nous intéresse de reconstituer. Lié à ces figures, en ayant vu passer d’autres, le Lyon des dernières années du XIXe et des premières du XXe garde donc des éléments importants pour comprendre l’Enigme. Que Saunière ait directement à voir avec cela, par contre, reste pour moi à démontrer…



(Ostie) Christian Doumergue devant le comptoir de Narbonne à Ostie (Italie), ancien port de Rome. C’est vraisemblablement de là que Marie-Madeleine embarqua pour la Gaule…



(Rennes-les-Bains) Christian Doumergue à Rennes-les-Bains, le véritable point de départ de l’ « Affaire de Rennes-le-Château » et le cadre de son dénouement, à venir…

<Retour au Sommaire du Site>

Regards du Pilat : Christian Doumergue, vous avez vous-même récemment séjourné dans le Pilat, à l’invitation de l’équipe des « Regards du Pilat ». Qu’avez-vous retenu de ce périple pilatois, que vous a-t-il apporté, a-t-il changé votre regard et votre approche personnelle ?

Christian Doumergue : Ce que j’ai surtout retenu, c’est l’incroyable omniprésence du légendaire de Ponce Pilate dans la région. Je connaissais bien sûr le supposé tombeau de Pilate à Vienne, que j’ai pu enfin voir en « vrai ». Il m’apparaît en effet important de découvrir un site dans sa réalité matérielle, précisément pour ce qui en émane alors d’ « immatériel », et qu’une photographie ne pourra jamais capter… Par contre, j’ignorais l’existence d’une kyrielle d’autres sites que les traditions ont rattaché à la supposée venue de Ponce Pilate dans la région, je pense notamment au rocher d’Hérode et de Pilate, que j’ai eu le plaisir de découvrir en votre compagnie… Donc, pas de changement de regard, ni d’approche. Mais une forme de confirmation supplémentaire à l’idée qu’il s’est bien passé quelque chose d’essentiel sur le sol gaulois lié à l’ « Affaire Jésus » au premier siècle de notre ère. Car enfin, même si toutes ces légendes se sont artificiellement greffées sur un certain nombre de sites qui n’ont peut-être pas vu eux-mêmes passer le préfet de Judée, il n’y a pas de fumée sans feu. En tout cas aucune raison pour que tout cela éclose brusquement  sans qu’il y ait une origine historique à ce phénomène ! Si les « historiens officiels » expliquent que le légendaire de Marie-Madeleine en Provence est né au moyen-âge dans le seul but de promouvoir le culte des reliques de la sainte, et participe ainsi en quelque sorte d’une mystification à but lucratif, comment expliquer que des esprits religieux aient fait artificiellement venir dans leur région Ponce Pilate, un personnage on ne peut plus négatif dans leur esprit ? Ils n’avaient à cela absolument aucun intérêt… Ni de valorisation, ni lucratif. 

Regards du Pilat : Ponce Pilate apparaît en filigrane dans vos livres, qu'une tradition légendaire que vous venez d’évoquer voit lié au Mont Pilat, bien qu'une autre tradition tout aussi vivace situe sa tombe au Mont Pilate en Suisse. Dans votre livre sur Marie-Madeleine, vous citez un curieux récit d’Alexandre Dumas, Impressions d’un voyage en Suisse, contant l’ascension du Mont Pilate suisse en 1531 par un frère Rose-croix. Comme vous le faites justement remarquer, la description de Dumas ressemble davantage au Pilat français… En particulier, alors que le Pilate compte sept sommets, Dumas parle de trois sommets, et signale la légende selon laquelle ces trois sommets auraient été créés pour rappeler l’image des trois croix du calvaire, soit exactement la tradition attachée au Pic des Trois Dents. Maintenant que vous avez vu de vos yeux ledit Pic des Trois Dents, pensez-vous que Dumas ait vraiment voulu laisser un message orientant vers le Pilat français ? Et parallèlement, que pensez-vous de ces croyances voyant Ponce Pilate finir ses jours dans le Pilat, au point de donner son nom à cette montagne ?

Christian Doumergue :Concernant Dumas, je pense qu’effectivement il y a une volonté d’orienter le public vers le Pilat français. Son texte n’est pas anodin. Cette citation d’un « frère Rose Croix » est très troublante. Je me défends de vouloir absolument retrouver des détenteurs du « Secret » partout (la trop grande systématisation de cette théorie risque de finir par la discréditer…), mais je crois que ce texte est néanmoins à considérer sous cet angle… En tout cas comme troublant. Et les relations de Dumas pourraient parfaitement expliquer cela. On oublie trop souvent la très forte imbrication entre le monde des Arts et celui de l’ésotérisme au XIXe siècle… Pour ce qui concerne la venue et la mort de Ponce Pilate dans le Pilat, on en revient à ce que nous évoquions précédemment. Je vous disais en reprenant une imagerie populaire qu’il n’y a, à mon sens, pas de « fumée sans feu ». Encore faut-il dans notre cas déterminer de quel feu il s’agit… Et là, la question est ardue. Il y a en quelque sorte deux hypothèses. Soit Pilate est bien venu dans la région et c’est ce qui explique la résurgence plus tardive de ce légendaire. Soit il n’y est pas venu, et c’est par un phénomène de déplacement, de déformation de la vérité historique, que ce légendaire s’est fixé ici. Cette seconde hypothèse admettrait que Pilate s’est bien rendu en Gaule, mais pas nécessairement dans la région du Pilat. En somme, seule la ressemblance phonétique entre Pilat et Pilate aurait déterminé le placage sur la région des récits relatifs à la venue de Pilate en Gaule… Il est à ce jour difficile de trancher entre ces deux idées… et seule, là encore, une découverte archéologique permettra de trancher… Maintenant, concernant le Pilat suisse, les choses me semblent un peu plus claires. Ce qui est certain d’après les historiens, c’est que, contrairement au Pilat français, le Pilat suisse est redevable de son nom au préfet de Judée. C’est bien le légendaire l’entourant qui a donné son nom au site montagneux… et non le nom porté par celui-ci qui a contribué à fixer là ces récits comme ça a été peut-être le cas pour le Pilat français. Pour autant, je ne pense pas, et là par contre avec de quasi certitudes, que Pilate se soit jamais rendu en suisse. Le Pilat suisse était appelé Septimer, à cause des sept sommets le caractérisant. Or, il est assez probable que parmi les anciens textes évoquant la venue de Pilate en Gaule, il était question, pour toute précision géographique relative à sa destination, de la Septimanie. C’est en tout cas ce que laisse conjecturer La Vengeance du Sauveur, l’écrit de 720 que j’évoquais tantôt… Reposant sur une même étymologie, les deux mots ont pu donner lieu à confusion. J’explique dans mon livre La Tombe Perdue, que, pour ma part, je considère que la localisation de la mort de Pilate dans le Pilat suisse est due à cette déformation tardive…  

Regards du Pilat : Restons dans le Pilat pour revenir à vos premières amours, Marie-Madeleine. On sait que son séjour à la Sainte-Baume en Provence est très largement légendaire, et semble constituer un contre-feu de l’église à l’époque où se développait le catharisme en Languedoc. Divers écrits, en particulier ceux de Patrick Berlier, ont envisagé sous le couvert d’une hypothèse de travail un séjour de Marie-Madeleine dans le Pilat. Croyez-vous que la sainte ait pu au moins passer par notre région, puisque d’autres traditions la voient aussi séjourner en Auvergne ?

Christian Doumergue : Oui. C’est tout à fait possible. Même si on a limité la geste magdalénienne à la seule Provence, il apparaît (notamment avec l’exemple de Massiac, dans le Cantal, où selon la tradition locale la sainte aurait vécu en ermite durant plusieurs années…) que ce périmètre est à élargir… Une raison qui aurait pu pousser Marie-Madeleine à se rendre dans votre région, c’est la présence de Pilate… Personnellement, je n’ai toutefois rien trouvé à ce sujet. Tous les éléments à ma disposition me ramènent, invariablement, vers la Narbonnaise… Mais, évidemment, ces éléments ne représentent que, disons 10% du puzzle… et encore, en étant généreux dans notre estimation. Donc, concrètement, rien d’impossible à ce que Marie-Madeleine, ou, et j’aurais tendance à préférer cette idée, des membres de sa « famille spirituelle » (appelons ainsi les premiers disciples rassemblés autours d’elle…), se soient rendus dans le Pilat. N’oublions pas que les rives du Rhône furent un des grands centres gaulois du christianisme gnostique, comme devait en témoigner Irénée de Lyon dans ses écrits…   

Regards du Pilat : Votre carrière littéraire semble promise à un bel avenir. Avez-vous d’autres projets, à court ou long terme, et sur quels thèmes ?

Christian Doumergue : (Sourire) Oui, plusieurs projets, tous unis par la même thématique, à savoir celle qui unissait déjà entre eux mes précédents ouvrages (la quête du christianisme premier) et, au-delà, la rencontre avec un système de pensée apte à rendre l’homme « libre ». Donc, concrètement, plusieurs essais en tête, dont l’un, achevé, sortira au début du mois de décembre. Je l’ai déjà évoqué brièvement au fil de cet entretien. Ce nouveau livre a pour titre : La Tombe perdue et est sous-titré : « Le corps du Christ repose-t-il dans le Sud de la France ? » Ce sont les éditions Pardès qui se chargent de l’éditer. L’ouvrage est entièrement consacré à la question du devenir du corps de Jésus après sa mort et vous devinez bien, à son sous-titre, où je pense qu’il se trouve encore aujourd’hui. Je ne vais pas évoquer ici cet ouvrage dans le détail, mais signaler simplement qu’il sera, entre autre, question d’un nouveau site, jamais évoqué jusque là par aucun chercheur… site que j’ai pu retrouver à partir d’un texte daté du moyen-âge ― et que ce site pose énormément de questions. Mais bon, je n’en dirais pas plus pour le moment… Pour ce qui est de mes autres projets, parmi beaucoup d’autres, il y en a notamment un sur l’Eglise gnostique de Doinel… qui m’apparaît comme un mouvement essentiel, et pas seulement pour les raisons évoquées précédemment dans mes livres, à savoir ses connexions avec l’Affaire de Rennes-le-Château… Le plus important la concernant est peut-être ailleurs, dans un rendez-vous politique manqué qui aurait pu donner une autre direction à nos sociétés… Puis un autre projet, aussi, qui me tient à cœur, et que j’inscris dans cette logique combinant quête de sens et action politique… Je reste volontairement flou sur le sujet. (Sourire) Je travaille également à la publication d’un roman. Vous n’aurez sans doute aucun mal à en deviner la thématique première, le point de départ… Mais la forme fictionnelle me permet d’aller plus loin. D’aborder des sujets que je n’ai pas encore traités dans mes essais, la fiction s’appuyant ici sur la réalité, et donc un travail de recherche préalable. La fiction me permet en outre, en mettant en scène des personnages « vivants », d’explorer plus en profondeur l’âme humaine. Ce qui est finalement notre propos dans nos recherches : retrouver notre âme…       

Regards du Pilat : Christian Doumergue, il nous reste à vous remercier pour votre accueil chaleureux et simple, reflet de votre personnalité, et pour ces réponses qui vont sans doute éclairer nos fidèles internautes.

Christian Doumergue : Merci à vous…

<Retour au Sommaire du Site>


Les Trois Dents

Christian dans le Pilat

La Pierre qui Chante


(Reliquaire) Détail d’un reliquaire conservé à la Sainte Baume (Var) : à l’avant de
la barque conduisant Marie-Madeleine en Gaule figure un corps momifié…


En MARS 2008, avec Patrick BERLIER,
un très "fin" Dossier,
où nous étudierons

"Un Trésor de symbolismes :
le portail roman de Bourg-Argental"