LES EAUX DU PILAT
JANVIER 2008
L’EAU DES FONTAINES DE Saint-Étienne
par Patrick BERLIER
Près de
deux millénaires après les Romains, la ville de Saint-Étienne a voulu elle
aussi construire son aqueduc, pour alimenter les fontaines publiques avec l’eau
des sources du Grand Bois. L’idée n’était pas nouvelle, déjà ce projet avait
été évoqué au temps de Napoléon Ier. Mais au milieu du XIXème
siècle, avec l’accroissement de la population, les besoins se firent plus
pressants, d’autant plus que les barrages du Pas de Rio et du Gouffre d’Enfer
n’étaient encore qu’à l’état de projet. En 1861 la ville acquit 200 hectares de
terres marécageuses, situées au cœur du Grand Bois. Puis elle aménagea sur ce
terrain la « Maison des Gardes », simple abri de chantier en bois sur
un soubassement de pierres, ainsi que la « Cambuse », une
construction en pierre servant d’écurie et de grange, située juste en face.
Seul ce bâtiment a subsisté, il a été rénové pour servir d’abri aux
randonneurs. Les travaux purent alors débuter et
furent rondement menés : 800 sources captées, 54 km de drains et de
canalisations, pour déverser toute cette eau dans l’aqueduc principal, long de
18 km, sur lequel près de 200 regards seront aménagés, ainsi que des
déversoirs. L’ouvrage fonctionne toujours. Aux canalisations en terre cuite des
débuts ont succédé des tuyaux en fonte, puis en PVC alimentaire. Le promeneur
curieux en trouvera des débris, des uns et des autres, en bordure de certains
chemins. L’aqueduc lui-même est très semblable à celui des Romains, sauf que
ses éléments sont préfabriqués, en particulier la voûte. Les premières sources captées sont situées un peu en dessous du Creux du Loup. L’aqueduc proprement dit démarre près du Tremplin. Lorsqu’en quittant le parking on descend à droite par le « chemin des sources », ou « chemin de l’aqueduc », on remarque les regards, à intervalles réguliers. Ce sont de grosses dalles maçonnées pourvues d’un « couvercle », placées au bord du chemin et qui intriguent parfois les passants. On remarque également des gués dallés, en travers du chemin, destinés à faciliter la traversée de petits ruisseaux. Puis au terme d’un cheminement agréable on arrive à un grand carrefour de chemins où s’élève une pancarte non moins intrigante : |
ICI LA PORTE DE FER
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Il faut
prendre à droite le chemin descendant, et puis tout de suite sauter à droite en
contrebas, pour découvrir en bas du talus ladite porte, une simple grille, en
fer comme son nom l’indique ! Pour éviter l’érosion de l’aqueduc, la pente
est faible sur tout son tracé, mais il lui faut pourtant, de temps à autre,
descendre d’un niveau. Cela se réalise au moyen d’une chute verticale, le
trop-plein éventuel étant évacué avant la chute par un conduit, fermé par une
porte en fer.
Passé le
Pont Souvignet, l’aqueduc longe alors le Furan par sa rive gauche, invisible la
plupart du temps. À ce niveau-là les captages ne fonctionnent plus, il a fallu
les fermer car la qualité de l’eau s’était détériorée. L’aqueduc ne réapparaît
en surface qu’en bordure du barrage du Pas de Rio, et déverse à cet endroit une
bonne partie de son eau dans le Furan. Puis par un pont il passe sur la rive
droite, longe la Roche Corbière et arrive jusqu’à Rochetaillée. Il faut
préciser qu’il ne sert plus de nos jours qu’à alimenter ce village. Il
continuait jadis au-delà, jusqu’aux réservoirs du Portail Rouge, mais ce
tronçon ne sert plus que d’égout pour évacuer les eaux usées de Rochetaillée
vers Saint-Étienne. Le Grand Bois est aujourd’hui pour l’essentiel la propriété de la ville. Les 200 hectares d’origine sont devenus 640 hectares aujourd’hui, et le domaine communal s’accroît en moyenne de trois hectares par an. Ces acquisitions ont permis la protection des sources, et constituent accessoirement une garantie foncière non négligeable. L’assainissement du Grand Bois par le captage de ses sources a favorisé le développement de la forêt. Elle était autrefois beaucoup moins importante, et entrecoupée de nombreux pâturages. Les troupeaux qui y paissaient posèrent d’ailleurs très rapidement un problème : le drainage des sources avait en effet supprimé les points d’eau où s’abreuvaient les vaches. Il fallut aménager des abreuvoirs sur les conduites, les fameux « bachats ». Les dernières vaches ont quitté le Grand Bois dans les années 70, mais à cette époque la randonnée pédestre prit un essor considérable et il fallut conserver certains bachats à leur intention. Sachant qu’un randonneur boit moins qu’une vache, mais que certains jours il y a plus de randonneurs qu’il n’y avait de vaches autrefois, les responsables municipaux posèrent l’équation en ces termes et conclurent qu’il fallait conserver cinq bachats. |
Ainsi s’achève notre série des Histoires d'Eau du Pilat réalisée en neuf épisodes. Un grand bravo au Druide du Pilat pour ce thème original traité avec passion. Cette rubrique sera prochainement remplacée en MAI 2008 par :
« Les Guerres du Pilat »
Toujours grâce à la plume et les recherches pointues de notre ami Patrick Berlier
On pourra toujours par ailleurs consulter ces anciennes Histoires d'Eau
en Archives RDP.
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