Rubrique
Civilisations disparues

Janvier
 2024












Par
Michel Barbot


<RETOUR AU SOMMAIRE DE LA GRANDE AFFAIRE>

L’HYPERBORÉE : un continent perdu entre  Enfer et Paradis perdu des Moines Celtes

1ère partie

 

Jeune homme je me souviens de cet étrange sentiment plein de délice éprouvé lorsque je découvrais sous la plume d’un auteur comme Serge Hutin, l’existence en des temps oubliés, de continents disparus aux noms pleins de promesses : Atlantide, Mu ou Hyperborée.

Leur existence, bien que difficile à démontrer, me paraissait contredire d’une part, l’humanité fille d’Adam née de la glèbe il y a quelques six mille ans, et d’autre part, la théorie de l’évolution formulée par Charles Darwin affirmant un homme fils du singe. La vérité bien sûr est loin d’être aussi limpide, mais il me paraissait grisant de pouvoir la contourner quelque peu !

Les anciens Grecs évoquaient un continent ou une grande île, située au Septentrion du monde, où vivaient des géants plutôt pacifiques, détenteurs de la Sagesse primordiale. Dans la grande île de Thulé, assurément l’Islande, se trouvait la cité-mère de cette lointaine civilisation. Pythéas le navigateur, parti de Marseille en 330 av. J.-C., affirma avoir découvert l’île de Thulé au Nord de l’Atlantique. Ce navigateur aurait eu, suivant Gilbert Pillot, un illustre devancier en la personne d’Ulysse roi d’Ithaque. Le héros de l’Odyssée d’Homère (œuvre rédigée vers la fin du VIIIe siècle av. J.-C.) aurait, quelques quatre siècles plus tôt, franchit les Colonnes d’Hercule, puis faisant cap au Nord, atteint l’Irlande, l’Écosse et l’Islande. Cette hypothèse déjà avancée par quelques chercheurs dont le fameux Alain Bombard, loin de faire l’unanimité, tendrait à démontrer que l’Odyssée d’Homère serait un code dont les clefs révéleraient l'itinéraire secret qui conduisait à des terres riches en or et en étain… (Le code secret de l’Odyssée. Les Grecs dans l’Atlantique, éditions Robert Laffont, 1979)

L’ésotériste Paul Le Cour, fondateur de l’association ATLANTIS, dans un article titré L’Hyperborée et l’origine nordique des traditions, paru en 1950 dans le N° 146 de la revue Atlantis, présentait une Hyperborée, « gouvernée disait-on par un prêtre-roi que l’on faisait descendre de Borée ». Dans ce continent disparu, était née suivant cet auteur, la doctrine d’Aor-Agni. Les trois lettres sacrées de ce vocable – RGN – sont conservées, pensait-il, dans le nom du Groenland, « ‘’la Terre Verte’’ (green land) dans les langues du Nord […] le Groenland serait donc ‘’la terre d’Aor-Agni’’. » 

Pour Paul Le Cour, « il s’agit d’un mot clé, renfermant les lettres sacrées, révélatrices  des lois secrètes du Verbe auxquelles, à l’insu du profane, obéissent la formation et l’évolution du langage… ce qui nous ramène à l’apparition sur notre globe de l’Homo-Sapiens, l’homme de CRo-MaGNon. » (ATLANTIS N° 200)

Pour cet auteur, le vocable Aor-Agni « est en fait le nom ésotérique du Christ » ! (Paul Le Cour L’ÈRE DU VERSEAU, Dervy-Livres).

Serge Hutin, attaché de recherches au CNRS, affirmait un intérêt certain pour tout ce qui touchait aux continents disparus. Il rédigera ainsi, dans les années 60 et 70, pas moins de trois ouvrages dans lesquels il racontera avec une passion sincère, ce qu’il convenait de connaître sur ce passé oublié. Le premier de ces livres, Les civilisations inconnues, sera suivi par Hommes et civilisations fantastiques, puis par Des Mondes Souterrains aux Rois du Monde.

Pour cet auteur, l’Hyperborée fut peut-être le premier continent habité sur notre planète. Un continent qui « s’effondra en laissant d’importants vestiges dans les régions situées sur la périphérie de l’océan Glacial Arctique au début de l’ère tertiaire – pour employer la classification usuelle des géologues. Cependant, à l’époque où existait cette masse continentale, l’actuelle zone arctique terrestre, avait un climat tout différent de celui qu’elle connaît aujourd’hui : c’était une zone tropicale ! Les érudits comme les savants en conviennent ; n’a-t-on pas découvert au Spitzberg et au Groenland les restes fossiles de magnolias, de figuiers, de palmiers, de fougère arborescentes (typiquement tropicales), d’animaux des régions chaudes ? En revanche, les scientifiques nient toujours que l’homme ait pu vivre dans ces régions à l’époque. »

Serge Hutin poursuit : « Cette brutale inversion du climat s’expliquerait par un déplacement de l’axe terrestre qui, lui-même, aurait causé le changement de position des deux pôles. On conçoit qu’un tel bouleversement n’ait pas manqué de soulever un gigantesque raz-de-marée. »

L’auteur enchaîne avec la glaciation dite de Würm-III, qui se déroula au début du dixième millénaire avant l’ère chrétienne : « Il est évident que la fonte des énormes masses liquides glacées des pôles, de même que de certains glaciers (songez aux mammouths sibériens, qui furent littéralement congelés vivants), fut un phénomène très rapide. Cette fonte subite ne manqua pas d’entraîner l’engloutissement de territoires considérables. »

Serge Hutin évoque aussi l’Irlande, l’île des Quatre Maîtres. Elle était divisée en en quatre provinces initiales : Connaught (Connacht), Ulster (Ulad), Munster (Mumu), Leinster (Lagin). Au centre se trouvait le royaume du Haut-Roi, Meath (Mide, Milieu en irlandais ancien) dont le territoire se constituait d’une parcelle des quatre royaumes. 

Ces quatre royaumes pérennisaient les « îles au Nord du Monde », au nombre de quatre, d’où étaient venus les Tuatha Dé Danann. Dirigées par les Quatre Druides, ces îles avaient nom : Falias (d’où venait la Pierre de Fal ou Pierre du Pouvoir et de la Légitimité), Gorias, « Feu » (d’où venait la lance de Lug), Findias, « Blanche » (d’où venait le glaive de Nuada) et Murias, « Mer » (d’où venait le chaudron de Dagda). (Françoise Le Roux et Christian-J. Guyonvarc’h : Les Druides – Ouest-France Université). René Guénon, dans Le Roi du Monde, évoquait en ces termes l’île des Quatre Maîtres : « Mais cette dénomination, de même d’ailleurs que celle d’île verte (Erin) s’appliquait antérieurement à une autre terre beaucoup plus septentrionale, aujourd’hui inconnue, disparue peut-être, Ogygie ou plutôt Thulé, qui fut un des principaux centres spirituels, sinon même le centre suprême d’une certaine période. »

Le Chinois Tchouang-Tseu penseur du IVᵉ siècle av. J.-C., avait connaissance de l’île des Quatre Maîtres : « L’empereur Yao se donna beaucoup de peine, et s’imagina avoir régné idéalement bien. Après qu’il eut visité les Quatre Maîtres, dans la lointaine île de Tiou-Chee (habitée par des ‘’hommes véritables’’, Tchenn-Jen) il reconnut qu’il avait tout gâté. L’idéal c’est l’indifférence du surhomme qui laisse tourner la roue cosmique. »

Cette tradition altérée se retrouve au pays de Canaan, avec Qiryath Arba, la Ville des Quatre, nom primitif de la cité d’Hébron, le Tombeau des Patriarches. Les Israélites découvrirent l’ancienne « métropole des Anaqim », les Géants, Fils d’Anak  (le plus grand des Anaqim), vivant avant le Déluge.

Ces quatre îles  se retrouvent dans la carte du Mercator représentant l’Hyperborée :

 

L’Hyperborée. Gérard Mercator (1596) – le rocher noir et élevé et les quatre fleuves du jardin d’Eden

 

Il est un livre intriguant placé au cœur du  Sepher ha-Zohar ou Livre de la Splendeur (nous le retrouverons plus avant) et dont le nom est Siphra Di-tzeniutha, soit le Livre Occulte (traduction de Jean de Pauly) ou le Livre du Secret (traduction Paul Vulliaud), un livre qui selon P. V. « s’adresse seulement à des adeptes susceptibles de saisir pleinement ce qui est dit à demi-mot ». P. V. propose deux intéressantes traductions : la littérale et la paraphrasée. Dans la première nous lisons :

« (Gen., 6, 4) : ‘’Les Nephilim (géants) étaient sur la terre.’’ C’est d’eux qu’il est écrit (Gen., 2, 10) : ‘’Et de là il est divisé en quatre parties.’’ De l’endroit où le jardin est divisé, ils sont appelés les ‘’Tombés’’ (Nephilim), comme il est écrit : ‘’Et là, il se divise.''

« Ils étaient sur la terre. En ces jours et non à l’époque suivante. Jusqu’à ce que vint Josué ; et les enfants d’Elohim ont été cachés jusqu’à l’apparition de Salomon, qui s’unit au filles d’Adam… »

Ce commentaire, « dit à demi-mot » est étrange. Il ouvre Le Livre du Secret et ce « livre concerne l’équilibre de la ‘’Balance’’ ». Dans la traduction paraphrasée, P.V., dans une note, indique : « La Kabbale désigne par le nom de ‘’Balance’’ ce qui est constitué par le principe masculin et le principe féminin équipondérés. » Cette « Balance » évoque la pesée des âmes appelées à s’incarner. Si l’équilibre n’est pas conforme, il y aura « division ». Ainsi lorsque les Fils de Dieu virent que les filles de l’Adam étaient belles, suivant le Livre de la Genèse 6-4, l’équilibre n’était pas respecté. Les Géants (les Nephilim, les Tombés) nés de ces unions ne pouvaient subsister… Ce déséquilibre remontait, suivant ce livre, jusqu’à la « pesée de l’âme ».

Ces géants pré-diluviens avaient, suivant le Rabbi Rashi de Troyes, trois noms : Nephilim (les Tombés du Ciel), Anaqim ou Anakim (les Colliers) et Rephaïm (les Médecins)…

Suivant le Livre d’Hénoch, les Nephilim qui se sont croisés avec les Filles de l’Adam (de l’homme) seraient tombés sur le Mont Hermon. Bien qu’ils soient présentés comme des Fils de Dieu ou Benei Élohim, il convient de les différencier des Fils de Dieu présents au Nord du monde ; ceux-là même que le patriarche Énoch rencontrait lorsqu’il quittait sa maison…

Le Grand Nord où se trouvaient, pensait-on, les plus hautes montagnes, était voué au Mal.  De terribles démons, tel Baal, n’occupaient-ils pas l’une de ces montagnes ? Mais au Grand Nord que se dressait la montagne des Fils de Dieu : dite la Montagne du Conseil ou du Rendez-vous (Livre d’Isaïe 14-13). Le rabbin russe Malbim (1809-1879), grand commentateur de la Torah, avançait pour  ce verset cette intéressante lecture : « les Fils de Dieu (les Benei ha-Elohim) qui habitent le pays, les hautes montagnes qui leur sont destinées […] ‘’le mont du Rassemblement qui est ‘’à l'extrême nord’’, où les Fils de Dieu *étaient assis […] entre la terre et le ciel ». *siégeaient, habitaient.

 

Du Nord compté par le Radaq au Nord conté par John Flanders

Nous découvrons sur le Net, après traduction, un texte énigmatique : BiblicalRalia North Auteur : Gesher Educational Enterprises. https://lib.cet.ac.il/Pages/item.asp?item=4347

Le second paragraphe, chiffré, bien qu’incomplet (dans le texte hébreu, mais plus encore dans la traduction proposée), se présente comme une citation d’un texte du Rabbi David Kimhi, dit le RaDaQ, grammairien, philosophe et exégète biblique provençal de Narbonne (1160 ? – 1235 ?), fleuron de la famille Kimhi. Ce texte évoque le Tsaphon ou Nord :

« Le commentateur Radaq croyait que la racine du mot Tsaphon (nord) est Tsephen (chiffrée), qui est le Tsad (côté) de la Terre du Nord : le Mossetar (Refuge) en dehors du domaine de l’orbite du soleil. Il y a des annotations gravées au nord (Tsaphon) de Leshon Tsoph (la langue flottante)… de Tatsephit  (l’observation), etc. » 

Le mot Tsaphon (deux occurrences), apparaît comme le mot clef du texte. Il signifie « Nord », « caché », mais aussi « Pays caché », « Pays obscur ».  La lettre initiale Tsadé, initie aussi dans ce texte, les mots Tsephen, Tsad et Tsoph. Elle apparaît également dans le mot Tatsephit, forme moderne du mot biblique Tsephit. Le mot Tatsephit signifie : « observation », « garde », « veille », « sentinelle », « guet ».

Le Tsadé est aussi en hébreu le nombre 90. Cinq Tsadé initiant un mot, vont révéler le nombre 450. Or ce nombre, ainsi que nous le découvrons dans le livre Dictionnaire de Guimatria de Georges Lahy (Éditions Lahy), apparaît comme la guématrie (valeur numérique) du mot Lou’hot, « tables », « tablettes ». Et ce mot se révèle – nous le verrons – au travers du mot Baar présent dans le texte.

En 1936, le grand auteur Belge Jean Ray / John Flanders publie un court roman en deux parties : Aux tréfonds du mystère et Le formidable secret du Pôle. En 1960, le maître Gantois, va s’associer de brillante façon à Michel Jansen (pseudonyme de Jacques Van Herp) pour une adaptation considérablement augmentée du roman. Le livre sera édité aux Éditions Pses  sous le titre : La porte sous les eaux.

Dans cette adaptation nous découvrons le redouté îlot rocheux de Rockall sis entre l’Irlande et l’Islande. L’un des protagonistes du roman indique  : « Je savais déjà que l’îlot de Rockall, le plus oriental de l’Europe, situé à 450 km. de l’Ecosse, que Rockall et son satellite Hazelwood étaient tout ce qui émerge d’une grande terre disparue, longue de 450 km., large de 80. Ce rocher muet, sombre, inhospitalier, a dominé un monde dont l’histoire est ensevelie sous les flots. » J. Van Herp et John Flanders insistent par deux fois sur ce nombre 450 ! Le nombre 80 correspond à la guématrie bien connue du mot hébreu Késs : « Trône »… Le lys présent sur les pièces juives au retour de l’exil babylonien, sera encore présent au Moyen Âge chez les juifs du Portugal. C’est en ce pays à l’époque de Christophe Colomb, que le lys sera utilisé sur les cartes pour représenter le Nord. La croix de Malte représentera l’Orient (Jérusalem). Le lys apparaîtra ensuite sur les boussoles des navigateurs. C’est à ce titre que Baden Powell le père du scoutisme, utilisera la fleur de lys. Deux étoiles (10 branches : la Loi scoute) à 5 branches dans le lys, symbolisent les 5 buts du scoutisme. Nous y retrouvons le 4+5 nordique… les 5 Tsadé (Côtés) du texte du Radaq…

J. Flanders fasciné par les mystères du Pôle Nord, l’antique Thulé, prolongera cet intérêt avec son superbe roman Geheimen uit het Noorden, soit en néerlandais, Secrets du Nord. Les Éditions NéO le publieront en français sous le titre La brume verte. Le lecteur intéressé par cet ouvrage, pourra se reporter à mon conte : NOËL PRÈS D’UN MUR QUE L’ON CROYAIT PERDU.

http://regardsdupilat.free.fr/voeuxdixhuit.html

John Flanders, chose rare, glissa plusieurs notes dans ce roman. Dans l’ultime note, il écrit :

« Dans son magnifique ouvrage, La mer du Groenland, le célèbre et regretté pionnier français du Pôle, le Dr Charcot, exprime son regret, de ne pas avoir trouvé de légendes sur l’énigmatique rocher océanique, le Rockall, en dehors de celle du séjour de l’ermite Paul, serviteur de Dieu, sur ce récif solitaire.

« Il admet pourtant que les contes au sujet du ‘’Pays de Bush’’, peuvent également avoir trait au Rockall et représente une certaine similitude avec ceux de la ville d’Ys et du rocher immergé irlandais ‘’Hy Brassil’’. 

« Quoiqu’il en soit, il y a quelques années, je recueillis de la bouche d’un instituteur islandais, un récit populaire dans lequel il est question d’un vaste continent submergé, dans le Nord, partant du Groenland et dont le Rockall serait un promontoire.

« La légende affirme que ‘’ses derniers habitants vivent encore dans de gigantesques cavernes sous le fond de l’océan’’, et comme le Rockall est creux, ils peuvent monter à son sommet par un escalier haut de plusieurs miles.

« Ils y apparaissent de temps à autres. Ce sont des géants affreux et cruels, qui éprouvent un plaisir infernal à tendre des pièges aux navires pour les faire échouer sur les récifs.

« En écrivant ce récit, je me suis inspiré de cette légende. Mais attention, c’est intentionnellement que je dis ‘’légende’’ ».

Voir pour le Rockall, l’intéressant article d’Imago Mundi : https://www.cosmovisions.com/Rockall.htm

La « légende » de ce continent disparu n’est aucunement farfelue. C’est ce que l’on peut lire à partir de très intéressants articles de GEO : « Une équipe internationale de géologues, animée par Gillian Foulger, professeure émérite de géophysique au département des Sciences de la Terre de l’université de Durham (Royaume-Uni), pense avoir découvert un continent immergé géant et caché sous l'Islande. » https://www.geo.fr/environnement/icelandia-lislande-est-elle-le-centre-dun-vaste-continent-englouti-205353

La taille de ce continent nommé Icelandia « sous-tend la dorsale Groenland-Islande-Féroé et le complexe de microplaques Jan Mayen, couvrant une superficie d'environ 600 000 km 2. Il est contigu au plateau des Féroé et à des parties connues de la marge continentale sous-marine au large de la Grande-Bretagne. Si ceux-ci sont inclus dans une ‘’Grande Islande’’, la zone entière est d'environ 1 000 000 km 2en taille. » https://pubs.geoscienceworld.org/gsa/books/edited-volume/2323/chapter-abstract/130412282/Icelandia?redirectedFrom=fulltext

La carte d’Islandia montre que ce continent s’étendait du nord au sud, depuis île de Jan Mayen jusqu’à la zone du Plateau de Rockall.

 

La carte d'Islandia

@UBO_UnivBrest @CNRS @UBS_universite @durham_uni 11:24 AM 1 juil. 2021

 

Revenons à présent au mot Tsaphon (Nord). Le sens premier de ce mot en hébreu (il en existe un second), est « caché », de-là le mot Tsephen présent dans le texte : « chiffré », « codé », « écriture secrète ». Le mot Tsad, « côté », toujours présent, donne son nom à la lettre Tsadé qui aussi la lettre du Juste, le « Tsadiq ». Sur ce côté, le « bon Côté » se trouverait suivant le Radaq, un Mossetar, un « refuge », un « lieu où l’on se cache », un « secret ». En ce lieu se découvriraient des annotions, ou textes gravés : des Baarim. Ce pluriel (singulier Baar) vient du verbe Baar, « expliquer », « graver », « creuser », d’où l’autre signification du mot lorsque prononcé Béer : « puits ». Le choix de ce mot permet de supposer des textes gravés dans des puits.

La Bible connaît deux occurrences du mot Baar. La première apparaît dans le Livre du Deutéronome 1-5 avec le sens plus spécifique « d’explication ». La seconde apparaît dans le Livre d’Habacuc 2-2 avec le sens de « graver distinctement » sur des tables. Dans le commentaire de la Bible annotée de Neuchâtel (1899) nous pouvons lire : « 2.2 Les tables, dont il est ici question, sont sans doute des tableaux de bois ou de pierre sur lesquels le prophète devra graver soigneusement les paroles de l'oracle et qu'il exposera ensuite aux yeux du peuple, afin que tous en puissent prendre connaissance. Le mot employé (luchoth*) rappelle les tables de la loi (Exode 34.28). » *Le mot est aujourd’hui plus communément transcrit, en France, sous la forme Lou’hot ou Louħot. 

Ce commentaire peut prévaloir pour le commentaire du Nord fait par le Radaq. Un loua’h (pluriel lou’hot.. – « h » guttural) est aussi un « calendrier », un « programme ». Ces lou’hot sises dans un lieu creusé ou puits, apparaissent dans le texte codé par le Radaq, comme spécifique au Nord.

L’expression Leshon Tsoph, « langue flottante » semble comporter une double lecture, comme l’ensemble des mots dans ce texte. L’idée d’un texte codé du Radaq (bien qu’incomplet), se laissait entrevoir avec le mot « Tsephen », « chiffré », « codé ». La « langue flottante » pourrait-être synonymique de « la lecture flottante » d’un texte consistant à lire rapidement les contenus enregistrés afin de préparer le codage ou le décodage.

Mais Leshon Tsoph pourrait correspondre aussi et principalement, à un lieu, à une spécificité géographique précisément nordique. Le mot Leshon, la « langue » (masculin ou féminin en hébreu) nomme aussi une zone géographique, telle la Presqu’île de Lisan (la « langue » en arabe) qui sépare en deux parties la mer Morte entre la Jordanie et Israël. Cette langue géographique avançant dans la mer Morte est évoquée deux fois dans la Bible, (Livre de Josué 15) aux versets 2 et 5 : « … La limite* du côté nord commençait à la langue de mer » (verset 5 – Traduction Pirot-Clamer). *Ou « frontière ». Le texte inspiré du Radaq apparaît assez proche dans sa conception, de ce verset biblique. Nous y retrouvons les mêmes mots, ou synonymes.

Il paraît intéressant de signaler, ainsi  que l’indique Michael Drosnin (La Bible : Le code secret II – Éditions Robert Laffont), le mot Lissan ou Leshon apparaît codé dans la Bible, avec les mots « CLÉ DU CODE » ou « ARCHE D’ACIER ».

Le Leshon du Radaq est associé au mot Tsoph, « flottant », « nageant ».  Et ce mot apparaît, après le mot « caché », comme le seconde signification du mot Tsaphon qui désigne le Nord :

« Plusieurs érudits dérivent Tsaphon* de Tsoph* (=nager), de sorte que Tsaphon* signifierait correctement ‘’la terre maritime’’. » *Mots écrits en hébreu dans le Klein Dictionary 

La « Langue flottante » dans l’hypothèse nordique du monde, pourrait correspondre à la « langue glaciaire » qui indique l'avancée d'un glacier dans une vallée ou bien un glacier qui s’écoule dans un fjord, voir une immense plateforme de glace flottante s’étendant au-delà du littoral.

Bien qu’il ne soit guère possible de localiser le territoire mentionné par le Radaq, il convient de signaler la présence en Islande, de différents noms de lieux formés autour du mot « tunga », « langue ». La langue islandais comporte l’expression  « fljótandi tunga », la « langue flottante ». 

L’expression hébraïque Leshon Tsoph ou Langue flottante, m’intriguait, aussi me suis-je arrêté sur la guématrie hébraïque.              

Leshon Tsoph, « Langue flottante ».

Lamed 30 + Shin 300 + Vav 6 + Noun 50 + Tsadé 90 + Phé 80  =  556

Fort de ce nombre 556, j’ai vérifié dans le Dictionnaire de Guimatria de Goerges Lahy les occurrences liées à cette guématrie. L’une de ces occurrences concerne le mot Tinouq ou Tinoq (Tav 400 – Noun 50 – Vav 6 – Qof 100) , « nourrisson ». Le nom était intéressant… mais je ne m’y suis plus attardé. Et puis, alors que je me replongeais dans le premier roman polaire de J. Flanders, j’y découvrais les surprenantes paroles de l’un des héros reçus par des savants dans l’île de Jan Maeyen : « Prend-on Jan Maeyen pour une pouponnière ? » ou « Prendrait-on l’île de Jan Maeyen… » (Adaptation de 1960).

C’est peu et c’est beaucoup ! La tradition supposée de pygmées habitant jadis dans les cavernes des volcans éteints de l’île, pourraient apparaître comme un début de réponse.

L’Islande, pour ce texte inspiré du Radaq, apparaît comme une hypothèse pleine d’intérêt, au même titre que l’île de Jan Maeyen (ou Mayen). Dans l’article Histoire des Juifs en Islande (Wikipédia) nous apprenons, que : « L'histoire des Juifs en Islande débute avec le passage de marchands juifs et l'arrivée des convertis sur l'île dès le XVIIe siècle. L'île chrétienne reste hostile au judaïsme et aux Juifs, ce qui ne permet pas l'installation de Juifs au cours de l'histoire. » Et pourtant : « Dès le XIe siècle, les Juifs sont appelés par des moines avec le mot Gyðingar, un dérivé du mot Guð (Dieu). »

L’Islande qui ne comptait, il y a peu encore, que quelques 250 Juifs, n’eut pas de rabbin avant l’année 2018. Le rabbin Avi et son épouse Mushky Feldman ont  établi dans la capitale  Reykjavik, le Centre juif Habad-Loubavitch d'Islande, une communauté que nous retrouverons plus avant.

Pour les Juifs contemporains, le voyage en Islande est devenu aujourd’hui LE voyage à effectuer. la communauté juive locale très active, n’est pas en reste dans l’accueil des touristes Juifs. Les excursions dans La Snaefellsnes, ou « péninsule de Snæfell », située dans l'Ouest du pays, reste très prisée par les touristes venus d’Israël. À son extrémité s'élève du haut de ses 1 446 mètres, le Snæfellsjökull, célèbre volcan du Voyage au centre de la terre de Jules Verne… Les guides touristiques Israéliens nomment cette péninsule mystérieuse : « l'Islande en miniature ». Ceci est d’autant plus intéressant que le Voyage en Islande est appelé par les Juifs : Massa leArèts beReshit : le Voyage au Pays de la Genèse !

Pour John Flanders (roman La brume verte), saint Brendan l’Irlandais (484 ? – 578) avait découvert le secret de l’antique Thulé. Il édifia vers 555 dans la future île de Jan-Mayen, l’Abbaye du Pôle, au pied du volcan le plus septentrional du globe, le Beerenberg ou Montagne des Ours, haut de ses 2545 m. Le navigateur Vénitien Nicolo Zeno visita l’abbaye en 1396 ainsi que rapporté dans un manuscrit publié en 1558 : la Relation des Zeno. Cette île passait pour être l’une des entrées de l’Enfer.

Hypothèse du roman de J. Flanders, Saint Brendan (Brendaan) avait découvert la Sphère de Feu… « un navire !... un sous-marin… ». Cette gigantesque sphère découverte par l’Apôtre du Nord, présentée comme « l’abbaye de Saint-Brendaan », apparaît comme « le plus formidable secret que le pôle ait jamais connu et dont une partie seulement pourra être révélée »… Elle fut construite « quand les derniers hommes de Thulé virent leurs dernières terres livrées à la désolation finale ». Elle apparaît comme « une nef invraisemblable, une arche monstrueuse » ; une arche que l’auteur oppose à l’arche de Noé qui servit à « sauver la vie sur terre ». Ce musée flottant, « devait enclore toute la science de Thulé, et surtout ses territoires et païennes conquêtes ». « Au cours des siècles, la nef fantastique où se réfugiait la dernière civilisation de Thulé, vogua sous les eaux, dans une direction sempiternelle : les Orkneys ou Orcades (îlot situé entre les îles Westra et Rownsa), l’île de Jan Mayen (volcan Beerenberg) et le Groenland… « au gré d’une loi de voyage absolument mystérieuse encore ». Dans la première version du roman, les îles Orkneys ont fait place en fin de roman, aux îles des Hébrides. Les Orkneys retrouverons leur place dans l’adaptation de 1960.

Dans le texte inspiré du Radaq, il est écrit après traduction : « Il y a des annotations gravées (Baarim) au nord (Tsaphon) de Leshon Tsoph (la langue flottante) ». Or, le mot Baarim, rappelons-le, prononcé Beerim signifie « puits » au pluriel. Et le singulier Beer, se retrouve – c’est intéressant ! – (passage entre les langues…) dans le nom du volcan de l’île Jan Maeyen : le Beerenberg ou Montagne des Ours.

 



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