LES REGARDS DU PILAT


 Dossier 
 Mars 2007
Le fantastique Château de Lupé au fil du temps...

Par Thierry ROLLAT

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  Au dernier recensement, deux cent quarante et un habitants peuplaient le petit village de Lupé. Discrète et pour ainsi dire complètement anonyme, cette minuscule commune du Pilat, du canton de Pélussin, est composée de seulement cent quarante six hectares, de terrains plats et dégagés. Pourtant, ce petit village mérite amplement que l'on s'attarde sur son Histoire, sur celle précisément de son splendide et remarquable Château. En rapport à ce monument, nous allons nous apercevoir qu'existe un assez riche et lointain passé, aujourd'hui peut-être partiellement oublié ; nous verrons que ce n'est pas seulement parce que des seigneurs occupèrent ces lieux durant de très longs siècles, que cette Histoire mérite d'être dépoussiérée.

     Effectivement, le Château de Lupé s'impose aujourd'hui comme l'un des plus beaux joyaux du patrimoine du Pilat ; l'un des rares conservés dans un état qui suscite ce plus grand respect. Ce dernier demeure avant tout une superbe propriété privée qui de nos jours ne se visite plus et c'est bien dommage. Le public pourrait découvrir d'exceptionnelles rénovations réalisées sous l'impulsion d'un dynamique et chaleureux propriétaire qui a beaucoup oeuvré par lui- même pour rendre à son bien une âme toute particulière, en l'occurrence sensible et authentique, qu'elle n'a pas toujours eu au fil des siècles. 

    Faisons donc à présent un sérieux retour dans le temps...

    Il existe deux explications lointaines au nom 'Lupé'. Certains se réfèrent au latin 'lupus' qui signifie loup, autrement dit nous aurions été en présence d'un lieu infesté jadis par les loups. D'autres préfèrent y trouver une origine beaucoup plus ancienne encore, gallo romaine en l'occurrence. Dans ce dernier cas un certain Luppius, personnage romain, dont à présent on ne sait plus rien, aurait occupé cette place stratégique il y a près de deux mille ans. Notons que Lupé s'est longtemps écrit avec deux 'p', nous en retrouvons bien deux chez ce Luppius. Mais notons aussi que la ressemblance entre Lupé et Lupus finirent par faire conserver le loup comme emblème des seigneurs du coin. Difficile donc d'affirmer avec certitude la vraie origine du nom, les deux proposées demeurant finalement assez complémentaires.



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    A l'époque gallo-romaine Lupé était déjà une place stratégique de première importance. Un intéressant contrôle entre la Vallée du Rhône et le Velay pouvait s'opérer naturellement. Cette voie intermédiaire était aussi une limite géographique entre différentes peuplades: les Francs, les Burgondes et les Wisigoths.

   Un peu plus tard, vers les VI ème et VII ème siècle nous serions en présence d'une énigmatique principauté. Un chanoine, Jean Marie de la Mure, la mentionne comme telle, ceci en 1674. Nous touchons la un point très important sur les occupants de cette époque ; sur ce site ayant donc précédé le château. Un certain André Bouthiebbe signale cette famille de Lupé comme descendante d'une dynastie sacrée, celle par excellence des Mérovingiens. Cet élément, tout sauf banal, est aussi repris par notre ami Patrick Berlier dans son livre "la Société Angélique, Tome 1", ceci dans un chapitre fouillé et justement en rapport à Lupé, son château et ses prestigieux occupants en des époques diverses. 

    Etienne Mulsant nous livre également une information précieuse sur le sujet en accréditant ce lien de sang avec les premiers Mérovingiens. Il écrit 'les origines de cette maison de Lupé se perdent dans celles de la famille de même nom établie en Armagnac, dont celle de Forez était un rameau'.  Les Luppé d'Armagnac demeurent une des six familles françaises officiellement descendantes de Clovis par les hommes. Pour information les autres sont Comminges, Grallard, Gramont, La Rochefoucault et Montesquiou. 

     En ce qui nous concerne, un certain Valdebert, seigneur de Lupé, résidait à Lupé avec ses frères, ceci en date de l'an 665, toujours selon les sources de Jean-Marie de la Mure. Il intervint précisément dans les affaires de l'évêque de Lyon, le futur martyre Saint Ennemond; est mentionné comme Valdebert de Lupé en Forez. Avant la minutieuse enquête de Patrick, aucun auteur contemporain à Jean Marie de la Mure ne reprendra dans ses écrits l'existence d'une famille Lupé ayant été donc à la tête de cette hypothétique et bien mystérieuse principauté.



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    L'abbé Batia dans son livre référence "Recherches Historiques sur le Forez Viennois" énumérera seulement cinq familles qui se seraient officiellement succédées comme seigneurs ayant entre autres possédé le château de Lupé ceci entre le onzième siècle et 1923, date de la parution du désormais célèbre ouvrage du très respecté écrivain religieux. En l'occurrence et citons les déjà pour mémoire, les Falatier, les Gaste, les Bressieu, les Baume-le-suze et les Mayol.

    Les premiers Falatier auraient d'abord possédé les deux châteaux de Malleval, peut-être qu'un seul pour Visages de Notre Pilat, ceci au milieu du onzième siècle. On les retrouve au treizième siècle de façon certaine, seigneurs de Lupé. Dans le cartulaire de St Sauveur en rue, l'abbé Batia a retrouvé un écrit visant une donation faite par Guigue Falatier, ceci en 1275. Il s'apprêtait à cette date à partir en Terre Sainte, où cinq ans plus tôt nous rappel l'abbé Batia la huitième et dernière Croisade venait de se terminer à Tunis à la mort de St Louis. Nous verrons un peu plus loin qu'à cette même date, le Château de Lupé, avec l'assentiment de ces mêmes seigneurs, abrita une réunion assez exceptionnelle. Précisons qu'à cette époque et ce jusqu'au quatorzième siècle, on parlait d'une grosse maison forte en lieu et place du château. On retrouve par exemple en 1378 un certain Hugues de Falatier qui reconnaît des limites territoriales et prétend tenir du Comte de Forez 'sa maison forte de Lupé'.

    Ce château fort primitif devint une demeure de plaisance au XVème siècle sous l'impulsion des Gaste. Cette famille resta au château jusqu'à la fin du XVIème siècle. L'aspect défensif extérieur fut conservé, avec la présence d'une tour massive et d'une rangée de mâchicoulis. A l'intérieur, de grandes fenêtres prirent place donnant sur une majestueuse cour, conçue en la circonstance par l'architecte extrêmement renommé Philibert Delorme (1). On peut presque s'en interroger, au sens que ce 'château de campagne' puisse avoir retenu l'attention de cet illustre personnage.

     Les Gaste proviennent de la baronnie d'Argental, ils en étaient des chevaliers. Ils arrivent à Lupé avec Gaston Ier de Gaste qui devient seigneur de Lupé en 1423 par son mariage avec Louise Falatier. Ce même Gaston de Gaste en 1436 obtint pour son château de Lupé les droits de haute et moyenne justice (2) par conséquent les habitants de sa seigneurie n'étaient plus contraints de se rendre à Malleval pour ces types de justice. Mais il alla plus loin encore en fondant à Lupé un centre religieux qui les libéra de l'obligation de se rendre à la messe à Maclas. Lupé devint ainsi autonome grâce à l'érection d'une chapelle, annexe de Maclas. Le curé ou vicaire de Maclas devait alors célébrer une messe tous les dimanches matin et également les jours de fêtes.



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    Notons qu'en 1563 un certain Aymar François de Grôlée-Meuillon, dit Bressieu fut à la tête de ce Château. La baronnie de Bressieu était une des quatre issues du Dauphiné. Le château fut ensuite apporté en dot par une de ses descendantes, Catherine de Gaste unique héritière à son mari Rostaing de la Baume, Comte de Suze, ceci en 1598. Cette famille La Baume resta propriétaire jusqu'en 1729, où à cette date et suite à un procès, elle en fut dessaisi.

   En 1734 François Mayol le racheta. Les Mayol étaient originaires de Provence ; ils possédaient des territoires importants autour d'Aix et de Sisteron. Au début du XIXème siècle cette même famille en fit don aux religieuses de St Joseph. Ces dernières transformèrent complètement l'intérieur.

    Durant la seconde guerre mondiale, un autre Mayol, sans doute un de leurs descendants, Monseigneur Mayol de Lupé devint l'aumônier d'une division S.S. composée de Français, qui se fondit ensuite dans la division Charlemagne. Ce religieux serait précisément intervenu sur ordre des Nazis ,à Gisors en Normandie. Il aurait été dépêché sur le site du château, le point central de l'énigme révélée au grand public dans les années soixante par Gérard de Sède dans le livre 'les Templiers sont parmi Nous'. Mais nous touchons là une affaire, certes intéressante, mais qui jusqu'à preuve du contraire est sans lien avec Lupé et son Histoire. 

    Abandonné et délaissé le château de Lupé fut finalement racheté par un particulier qui avec patience, goût et courage le rénova entièrement durant ces dernières décennies.



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    Plusieurs personnages illustres auraient séjourné à Lupé. 

    Fin 1274, le château aurait donc servi d'abri discret à une réunion au sommet entre le roi de France, Philippe III le Hardi, le pape Grégoire X et les archevêques de Lyon et de Vienne. L'archevêque de Lyon était alors Aymar de Roussillon, fraîchement élu quelques mois plus tôt. Il était le frère de Guillaume, ce dernier venait d'être missionné au concile de Lyon qui vit ce même Aymar devenir archevêque. Guillaume devait alors partir en Terre Sainte (il partit en octobre 1275) à une date charnière dans l'Histoire des Croisades : il fallait sauver l'essentiel ! Il n'était plus question de renverser les forces en présence, la cause chrétienne était entendue, le repli définitif allait sonner. Dans ce contexte, gageons que cette secrète rencontre à Lupé pu servir d'échanges fructueux entre les différents protagonistes, notamment pour s'entretenir de cette impérieuse et délicate mission. Nous pensons que Guillaume était sans doute aussi présent. Patrick Berlier nous précise encore qu'à cette date Lupé se trouvait dans le saint empire germanique, cela permet d'accroître le caractère secret de cette discrète mais au combien importante rencontre.

   Rabelais a séjourné à Lupé ; il y aurait écrit certaines de ses oeuvres, mais surtout il était très proche de Philibert Delorme. Beaucoup moins sûr, mais pourtant évoqué, Nostradamus, ami de Rabelais, serait aussi venu à Lupé.

     Lupé est aujourd'hui un petit village bien tranquille, ancré au coeur du canton de Pélussin. Le château demeure à l'abri du regard du passant et du touriste. Il est pourtant merveilleux. C'est un héritage architectural du XVI ème siècle, de plan polygonal avec une cour Renaissance. 

     Autre remarque, tout près du château, la jolie petite église érigée en 1883 aurait dit-on inspiré le sulfureux prêtre de Rennes le Château, à cette époque, évidemment Bérenger Saunière, jusqu'à s'en inspirer pour réaliser la sienne. Certains croient même aujourd'hui reconnaître des saints languedociens autour de l'église de Lupé , anachroniques ici même dans le Pilat, et semblant défier le temps, comme laissés là pour nous rappeler le passage bien mystérieux dans le Pilat du célèbre curé audois. Nous demandons à être convaincus de pouvoir observer de réels saints languedociens ici même, mais néanmoins, un jour prochain, un chercheur s'engage apparemment à nous les montrer...


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    Il existe aussi à Lupé et ce depuis le XIXème siècle un chemin de croix. Il comporte 30 stations, bâties en murs de pierres, où les statues ont été retirées. Par le passé, le vendredi saint, le curé suivait ce chemin de croix et s'arrêtait durant ce trajet cérémonieux à chaque station.

    Pour finir, notons que comme tout château qui se respecte, une légende de souterrains accompagne l'histoire d'un tel bien. Rien de concret à notre connaissance.

    En revanche et suivant une piste-rumeur, en 1988, il a été réalisé une étrange manoeuvre sous la direction des pompiers du canton. Le puits du château fut vidé en totalité de son eau et là une découverte intrigante s'est manifestée. A près de sept mètres sous terre, taillée dans le granit, une cavité-réserve d'eau conséquente, est apparue aux intervenants. Qui a creusé à même le rocher cette importante pièce ? A t-elle toujours eu fonction de réserve d'eau ? A qu'elle époque a t'elle été réalisée ? Toutes ces questions sont restées sans réponse ; ces doutes contribuent à entretenir encore aujourd'hui un petit mystère lié directement au merveilleux château de Lupé.



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(1) C'est très flatteur que de retrouver cet illustre architecte comme repenseur de la conception toujours actuelle du château de Lupé. Philibert Delorme est né à Lyon vers 1510, d'une famille maître maçon et mort en 1570 à Paris. Admirateur de l'Antiquité, Delorme est considéré comme le prometteur de l'architecture classique en France. Son oeuvre théorique se retrouve dans son livre "l'Architecture" qui aura un retentissement considérable pendant près de deux siècles. Il est surintendant des bâtiments, architecte de Fontainebleau sous Henri II, puis des Tuileries et du Château Saint-Maur pour la reine mère Catherine de Médicis. Il réalise notamment le tombeau de François Ier (1547) et travaille au château d'Anet (1547/1555). Son séjour à Lyon est court mais il marque toute l'architecture lyonnaise de son empreinte, car on copiera son style pendant un demi-siècle. Il réalisa entre autres et pour exemple la somptueuse rénovation du Château de Jarnioux dans le Beaujolais, propriété qui se visite justement lors des journées du patrimoine.

   La cour Renaissance du château de Lupé est précisément son oeuvre. Philibert Delorme a aussi laissé un patrimoine remarquable dans le vieux Lyon. C'est lui qui connaissait particulièrement  Rabelais et qui 'l'invita' à séjourner au château de Lupé, justement lorsqu'il entreprenait les travaux de rénovation du château. Notons qu'ils étaient tous deux membres de la ténébreuse Société Angélique ; Patrick y revient largement et admirablement dessus, notamment dans le Tome 2 de son livre "la Société Angélique" que vous retrouvez dans notre rubrique librairie. Indépendamment, on prête à Philibert Delorme un acte particulier, celui d'avoir sur commande mis enceinte la belle-fille de François Ier, la célèbre Catherine de Médicis, épouse d'Henri II ; ce dernier étant dit-on déficient à ce niveau-là. Cette anecdote demeure sérieuse et apparemment authentique ; cette idée et initiative proviendrait directement de François Ier, alors admiratif et proche de Philibert Delorme et qui voulait assurer ainsi la descendance royale de son fils. Retenons que cette descendance prendra forme en la personne de François II. Grasset d'Orcet, adepte de la langue des oiseaux, décryptera des oeuvres de Rabelais qui en son temps développait déjà cette affaire d'adultère 'sur commande', au plus haut niveau du royaume.

(2) Haute Justice : justice pour les crimes, ce droit donne la possibilité de prononcer les condamnations à mort et de les 
      exécuter.
      Moyenne Justice : justice (entre la basse et la haute) pour des délits graves mais ne méritant pas la mort.
      Basse Justice : justice ordinaire, pour les petits délits.

Si vous souhaitez approfondir vos connaissances sur le sujet, je vous invite vivement à lire les "Société Angélique" de Patrick Berlier, sorties en 2004 et 2005 et présentées dans notre librairie. On peut y découvrir une quantité considérable d'anecdotes, de recherches, de faits historiques incontestables. Vous pouvez également, si ce n'est déjà fait, acheter l'incontournable livre du Patrimoine du canton de Pélussin, réalisé par Visages de notre Pilat et édité en 2004. Le village de Lupé, ainsi que le château ont un chapitre à leur intention. De merveilleuses photos accompagnent les pertinents commentaires de Pierre Dumas. Enfin, et toujours disponible auprès de Visages de notre Pilat, vous pouvez vous rapprocher du célèbre ouvrage de l'abbé Batia "Recherches historiques sur le Forez-Viennois" et publié en 1923.

Vous avez là, l'essentiel de mes sources. Je suis à votre disposition pour plus de renseignements.

Nous allons à présent retrouver notre nouvel invité, le dynamique nouveau vice-président
de
l'association Visages de Notre Pilat, le très convivial Marcel Boyer.

Marcel est originaire de Rive-de-Gier et réside depuis une vingtaine d'années à Givors. Il est aussi très impliqué dans la gestion de sa ville dont il est ancien adjoint et aujourd'hui encore conseiller délégué chargé du tourisme. Visages de Notre Pilat et Marcel c'est une très longue histoire de fidélité, un engagement profond. Ce fut tout de suite, une attirance irrésistible et une osmose totale, tant les activités de cette association s'avéraient proches des aspirations et passions de Marcel. Chaleureux, particulièrement ouvert aux autres, il demeure un excellent orateur. Toutes ces qualités lui vont comme un gant et contribuent à porter haut son association, bien sùr  entouré en cela par une solide équipe de bénévoles ; des personnes extrêmement impliquées et dévouées, et ce depuis de très nombreuses années : on ne le dira jamais suffisamment. Cette association, reconnue et estimée, particulièrement par les populations des cantons de Condrieu et Pélussin, rayonne en fait bien au-delà de ces limites virtuelles... C'est en somme, la mémoire associative du Pilat, de son passé, de son histoire, de son patrimoine...Précisons aussi, que Visages de Notre Pilat possède son propre site Internet et que vous pouvez le retrouver dans les liens amis de ce site. Nous vous proposons maintenant de mieux connaître Marcel et l'association grâce à l'entretien qu'il  nous a gentiment accordé. 

RDP : Pendant un peu plus de cinq ans, vous avez brillamment assumé la succession du très estimé Tonin Chavas comme président de la société historique Visages de Notre Pilat. Depuis moins d'un mois, vous avez passé la main à Michel l'Hortolat, au nom de l'alternance. Pouvez-vous nous définir succinctement les objectifs et les différentes activités proposés par cette association qui vient de fêter ses 27 ans ?

MB : Les objectifs de l’association sont de contribuer à la conservation du patrimoine et à sa réhabilitation, et de le mieux faire connaître par les populations locales.
Ceci peut concerner aussi bien des monuments que des objets plus modestes (ex. : lavoirs, puits, croix, détails architecturaux, etc.), et d’une manière générale tous documents contribuant à une meilleure connaissance de notre histoire locale, ainsi que le patrimoine dit immatériel.
Nos activités – outre le travail de recherche historique – concernent l’écrit : publication de nos recherches historiques, réédition de livres d’histoire locale devenus rares, parution d’une revue annuelle Dan l’tan à laquelle contribue nos adhérents ; et l’oral : conférence trimestrielle sur des sujets variés et rencontres  avec les habitants à l’occasion des manifestations locales. Etc.

RDP : Bien accaparé par votre activité professionnelle, nous pouvons constater que vous avez aussi pris la peine d’écrire plusieurs ouvrages, en l’occurrence sur des sujets plutôt variés. Comment vous est venue cette envie ou ce besoin d’écrire et plus précisément encore, dans une vie déjà bien remplie, comment peut-on trouver le temps de mettre en forme ses recherches en rédigeant un livre ?

MB : Je crois me souvenir avoir toujours écrit (plus ou moins …), c’est donc une démarche qui m’est assez ‘’usuelle’’. De même je m’intéresse à l’histoire depuis très longtemps, notamment à l’histoire locale et plus particulièrement à la vie des hommes et des femmes, pas seulement célèbres, qui font cette histoire, notre propre histoire. Puis l’envie de partager le résultat de ces recherches – qui sont souvent le fruit d’un travail collectif, cette connaissance de l’histoire au quotidien d’un petit pays, conduit naturellement à une mise en forme nécessaire. A partir de là la notion de temps est secondaire.

RDP : Nous allons en venir à vos livres. Mais auparavant, comment pouvez-vous expliquer l’exceptionnel accueil qu’a reçu, dans le Pilat et alentour, l’ouvrage d’équipe consacré au patrimoine du canton de Pélussin et édité par Visages de Notre Pilat en 2004 ?

MB : Il me semble que nous avons tous un très fort désir (plus ou moins exprimé peut-être) de mieux connaître nos origines, notre propre histoire et l’histoire de notre environnement. Cela peut expliquer pour partie la bonne assise de l’association dans le canton et au delà dans le massif du Pilat, et le succès de ses présentations de livres. Le livre sur le patrimoine du canton de Pélussin (un très beau travail collectif) recense non seulement des monuments mais aussi quantités d’objets qui pour être modestes sont autant de témoins de notre passé et constituent notre patrimoine commun. Ces objets : croix, lavoirs, puits, pierres gravées, porches et autres détails d’architecture, etc., nous les côtoyons tous les jours, ils font partie de notre quotidien sans que nous en ayons toujours conscience. Ce livre nous aide à voir et complète notre connaissance sur notre passé et notre environnement.

RDP : Devant une demande importante et après avoir épuisé la première édition, vous venez de procéder à une seconde édition de ce livre. Pensez-vous, notamment au vu des richesses de ce canton et plus largement du Pilat, qu’il y a matière à éditer un jour un ‘Tome 2’ ?

MB : Le sujet est loin d’être épuisé, des habitants, des lecteurs, des chercheurs, des adhérents de l’association nous signalent tous les jours ou presque, dans la sphère publique ou privée, tel ou tel objet digne d’intérêt.

Un exemple parmi tant d’autres : Le massif du Pilat est riche en sites mégalithiques, beaucoup sont connus depuis longtemps et ont été l’objets de remarquables études, d’autres sont de découvertes plus récentes, d’autres sont à découvrir, l’inventaire de ce patrimoine exceptionnel et son étude historique et environnementale pour l’ensemble du massif reste à faire.

RDP : De patientes et très longues recherches menées par vos soins ont abouti à la parution, il y a quelques années, d’un livre consacré au destin peu commun d’un pélussinois,  Joseph Paret, expatrié en Louisiane. Pouvez-vous nous résumer brièvement cette incroyable aventure du dix neuvième siècle ?

MB : Joseph Paret fait partie de ces nombreux jeunes prêtres de la région recrutés pour les Missions étrangères au cours du 19ème siècle. La Louisiane était certainement l’une des plus importantes Missions. Lyon jouait alors un rôle majeur dans ce mouvement qui a marqué fortement la vie et la communauté religieuse de l’époque.
Paret (1807 – 1872) rejoint la Louisiane en 1847, il y restera jusqu’en 1868. Il sera pendant près de 20 ans curé de Little Red Church sur les rives du Mississippi à quelques km au nord de La Nouvelle Orléans, au cœur d’une région de grandes plantations dédiées à la culture de la canne à sucre. Au cours de son séjour il peint en vue cavalière, sur un modeste carnet de dessins, une trentaine de maisons de plantation, des habitations, l’église, le presbytère, etc. Tout cela, sauf 2 maisons de plantations a disparu lors de la guerre de Sécession. Ces aquarelles sont donc d’inestimables témoignages sur la vie antebellum : l’architecture, les paysages, la vie sociale, les tenues vestimentaires, l’organisation économique des plantations, les modes de déplacement sur terre et sur le Mississipi. Ces aquarelles ont fait l’objet d’une publication par Louisiana State University à Baton Rouge : Plantations by the River, 2000, avec texte d’accompagnent bilingue anglais-français. Un autre document laissé par Paret a également fait l’objet d’une publication (Visages de notre Pilat, 1993), il s’agit de son Journal d’Amérique pour l’année 1853 dans lequel le prêtre parle de son quotidien à Little Red Church.

RDP : On sent que vous vous êtes particulièrement impliqué dans la rédaction de ce livre. Qu’est-ce qui vous a autant passionné pour parvenir à récolter autant d’éléments sur ce personnage, peu connu de ses contemporains, dans son propre canton natal ?

MB : La qualité des documents de Paret, leur très grande importance pour l’histoire de la Louisiane.
C’est donc à l’exceptionnel témoin de son temps que je me suis intéressé, avec la volonté de faire connaître aux louisianais ce remarquable patrimoine.
Dans le même ordre d’idée je travaille actuellement à une autre recherche historique sur un autre missionnaire en Louisiane, contemporain de Paret et natif de Chavanay. Il s’agit d’Auguste B. Langlois devenu un botaniste célèbre et reconnu par ses pairs aux Etats-Unis au point que son nom a été donné à un herbarium et à une vingtaine de plantes … Dans Langlois c’est le scientifique qui m’a intéressé et là aussi son exceptionnel destin.

RDP : Un autre de vos livres, qui intéresse aujourd’hui encore un très large public, est consacré au Château féodal de la Chance, aujourd’hui plus qu’en ruines, ceci sur la commune des Haies. Comment avez-vous procédé pour glaner des éléments aussi précis, sur l’histoire d’un bien aussi ancien ?

MB : En collationnant des renseignements dans diverses notices historiques et avec l’opportunité et la … chance d’avoir pu consulter des archives privées.

RDP : En vous appuyant notamment sur un manuscrit d’un abbé Antoine Grandjean, curé d’Echalas de 1910 à 1922, vous avez fait paraître un ouvrage sur les Chol (ou Choul) et les origines de Longes. Ce livre est devenu une référence. Que retenez-vous aujourd’hui de cette initiative ?

MB : La satisfaction d’avoir pu révéler un manuscrit inédit de Grandjean et attiré un peu plus l’attention sur son rôle d’historien, d’avoir travaillé sur toute la période la ‘’Renaissance lyonnaise’’ et le plaisir de voir que mes archives ont été utilisées par le groupe d’histoire d’Echalas (Histoire d’un village du Parc du Pilat, 2005).

RDP : L'avant dernier livre édité par Visages de Notre Pilat concerne le centenaire de la Galoche, train de campagne qui venait de St Héand et dont le terminus se situait à Maclas. Cet ouvrage, distribué jusqu’à St Etienne a également rencontré un franc succès. Sans être trop indiscret, pouvez-vous nous dévoiler les projets et futures parutions de votre association ?

MB : La réflexion est en cours. L’idée évoquée plus haut d’un livre consacré aux mégalithes du Pilat suit son chemin. Michel Lhortolat, notamment, a déjà réuni une belle documentation sur le sujet.

RDP : Résidant depuis de très nombreuses années à Givors vous n’êtes sûrement pas insensible au projet bien avancé visant à faire de votre ville une ville porte du Pilat. Que vous inspire cet aboutissement ?

MB : D’autant moins insensible que j’ai porté ce projet pendant 10 ans jusqu’à son aboutissement en août 2003. Je représente d’ailleurs la ville de Givors au sein du Parc.

RDP : Un grand merci à vous Marcel pour cet entretien spontané et des plus précis.

En Juillet prochain, avec Patrick Berlier, nous étudierons : Pélasges, Argonautes et Pilat

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