Dossier
Mars 2007 |
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Par Thierry ROLLAT Au dernier recensement, deux cent quarante et un habitants peuplaient le petit village de Lupé. Discrète et pour ainsi dire complètement anonyme, cette minuscule commune du Pilat, du canton de Pélussin, est composée de seulement cent quarante six hectares, de terrains plats et dégagés. Pourtant, ce petit village mérite amplement que l'on s'attarde sur son Histoire, sur celle précisément de son splendide et remarquable Château. En rapport à ce monument, nous allons nous apercevoir qu'existe un assez riche et lointain passé, aujourd'hui peut-être partiellement oublié ; nous verrons que ce n'est pas seulement parce que des seigneurs occupèrent ces lieux durant de très longs siècles, que cette Histoire mérite d'être dépoussiérée. A l'époque gallo-romaine Lupé était déjà une place stratégique de première importance. Un intéressant contrôle entre la Vallée du Rhône et le Velay pouvait s'opérer naturellement. Cette voie intermédiaire était aussi une limite géographique entre différentes peuplades: les Francs, les Burgondes et les Wisigoths. L'abbé Batia dans son livre référence "Recherches Historiques sur le Forez Viennois" énumérera seulement cinq familles qui se seraient officiellement succédées comme seigneurs ayant entre autres possédé le château de Lupé ceci entre le onzième siècle et 1923, date de la parution du désormais célèbre ouvrage du très respecté écrivain religieux. En l'occurrence et citons les déjà pour mémoire, les Falatier, les Gaste, les Bressieu, les Baume-le-suze et les Mayol. Notons qu'en 1563 un certain Aymar François de Grôlée-Meuillon, dit Bressieu fut à la tête de ce Château. La baronnie de Bressieu était une des quatre issues du Dauphiné. Le château fut ensuite apporté en dot par une de ses descendantes, Catherine de Gaste unique héritière à son mari Rostaing de la Baume, Comte de Suze, ceci en 1598. Cette famille La Baume resta propriétaire jusqu'en 1729, où à cette date et suite à un procès, elle en fut dessaisi. Plusieurs personnages illustres auraient séjourné à Lupé. (1) C'est très flatteur que de retrouver cet illustre architecte comme repenseur de la conception toujours actuelle du château de Lupé. Philibert Delorme est né à Lyon vers 1510, d'une famille maître maçon et mort en 1570 à Paris. Admirateur de l'Antiquité, Delorme est considéré comme le prometteur de l'architecture classique en France. Son oeuvre théorique se retrouve dans son livre "l'Architecture" qui aura un retentissement considérable pendant près de deux siècles. Il est surintendant des bâtiments, architecte de Fontainebleau sous Henri II, puis des Tuileries et du Château Saint-Maur pour la reine mère Catherine de Médicis. Il réalise notamment le tombeau de François Ier (1547) et travaille au château d'Anet (1547/1555). Son séjour à Lyon est court mais il marque toute l'architecture lyonnaise de son empreinte, car on copiera son style pendant un demi-siècle. Il réalisa entre autres et pour exemple la somptueuse rénovation du Château de Jarnioux dans le Beaujolais, propriété qui se visite justement lors des journées du patrimoine. |
Si vous souhaitez
approfondir
vos connaissances sur le sujet, je vous invite vivement à lire
les
"Société Angélique" de Patrick Berlier, sorties en
2004 et 2005 et présentées dans notre librairie. On peut
y découvrir une quantité considérable d'anecdotes,
de recherches, de faits historiques incontestables. Vous pouvez
également,
si ce n'est déjà fait, acheter l'incontournable livre du
Patrimoine du canton de Pélussin, réalisé par
Visages
de notre Pilat et édité en 2004. Le village de
Lupé,
ainsi que le château ont un chapitre à leur intention. De
merveilleuses photos accompagnent les pertinents commentaires de Pierre
Dumas. Enfin, et toujours disponible auprès de Visages de notre
Pilat, vous pouvez vous rapprocher du célèbre ouvrage de
l'abbé Batia "Recherches historiques sur le Forez-Viennois" et
publié
en 1923.
Nous allons
à présent retrouver
notre nouvel invité, le dynamique nouveau vice-président
de l'association Visages de Notre
Pilat, le
très convivial Marcel Boyer.
Marcel est originaire de Rive-de-Gier et réside depuis une vingtaine d'années à Givors. Il est aussi très impliqué dans la gestion de sa ville dont il est ancien adjoint et aujourd'hui encore conseiller délégué chargé du tourisme. Visages de Notre Pilat et Marcel c'est une très longue histoire de fidélité, un engagement profond. Ce fut tout de suite, une attirance irrésistible et une osmose totale, tant les activités de cette association s'avéraient proches des aspirations et passions de Marcel. Chaleureux, particulièrement ouvert aux autres, il demeure un excellent orateur. Toutes ces qualités lui vont comme un gant et contribuent à porter haut son association, bien sùr entouré en cela par une solide équipe de bénévoles ; des personnes extrêmement impliquées et dévouées, et ce depuis de très nombreuses années : on ne le dira jamais suffisamment. Cette association, reconnue et estimée, particulièrement par les populations des cantons de Condrieu et Pélussin, rayonne en fait bien au-delà de ces limites virtuelles... C'est en somme, la mémoire associative du Pilat, de son passé, de son histoire, de son patrimoine...Précisons aussi, que Visages de Notre Pilat possède son propre site Internet et que vous pouvez le retrouver dans les liens amis de ce site. Nous vous proposons maintenant de mieux connaître Marcel et l'association grâce à l'entretien qu'il nous a gentiment accordé. |
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RDP : Pendant un peu plus de cinq ans, vous avez brillamment assumé la succession du très estimé Tonin Chavas comme président de la société historique Visages de Notre Pilat. Depuis moins d'un mois, vous avez passé la main à Michel l'Hortolat, au nom de l'alternance. Pouvez-vous nous définir succinctement les objectifs et les différentes activités proposés par cette association qui vient de fêter ses 27 ans ?
MB : Les objectifs
de l’association sont de contribuer à la conservation du
patrimoine
et à sa réhabilitation, et de le mieux faire
connaître
par les populations locales.
Ceci peut
concerner aussi bien des monuments que des objets plus modestes (ex. :
lavoirs, puits, croix, détails architecturaux, etc.), et d’une
manière
générale tous documents contribuant à une
meilleure
connaissance de notre histoire locale, ainsi que le patrimoine dit
immatériel.
Nos
activités
– outre le travail de recherche historique – concernent l’écrit
: publication de nos recherches historiques, réédition de
livres d’histoire locale devenus rares, parution d’une revue annuelle
Dan
l’tan à laquelle contribue nos adhérents ; et l’oral :
conférence
trimestrielle sur des sujets variés et rencontres avec les
habitants à l’occasion des manifestations locales. Etc.
RDP : Bien accaparé par votre activité professionnelle, nous pouvons constater que vous avez aussi pris la peine d’écrire plusieurs ouvrages, en l’occurrence sur des sujets plutôt variés. Comment vous est venue cette envie ou ce besoin d’écrire et plus précisément encore, dans une vie déjà bien remplie, comment peut-on trouver le temps de mettre en forme ses recherches en rédigeant un livre ?
MB : Je crois me souvenir avoir toujours écrit (plus ou moins …), c’est donc une démarche qui m’est assez ‘’usuelle’’. De même je m’intéresse à l’histoire depuis très longtemps, notamment à l’histoire locale et plus particulièrement à la vie des hommes et des femmes, pas seulement célèbres, qui font cette histoire, notre propre histoire. Puis l’envie de partager le résultat de ces recherches – qui sont souvent le fruit d’un travail collectif, cette connaissance de l’histoire au quotidien d’un petit pays, conduit naturellement à une mise en forme nécessaire. A partir de là la notion de temps est secondaire.
RDP : Nous allons en venir à vos livres. Mais auparavant, comment pouvez-vous expliquer l’exceptionnel accueil qu’a reçu, dans le Pilat et alentour, l’ouvrage d’équipe consacré au patrimoine du canton de Pélussin et édité par Visages de Notre Pilat en 2004 ?
MB : Il me semble que nous avons tous un très fort désir (plus ou moins exprimé peut-être) de mieux connaître nos origines, notre propre histoire et l’histoire de notre environnement. Cela peut expliquer pour partie la bonne assise de l’association dans le canton et au delà dans le massif du Pilat, et le succès de ses présentations de livres. Le livre sur le patrimoine du canton de Pélussin (un très beau travail collectif) recense non seulement des monuments mais aussi quantités d’objets qui pour être modestes sont autant de témoins de notre passé et constituent notre patrimoine commun. Ces objets : croix, lavoirs, puits, pierres gravées, porches et autres détails d’architecture, etc., nous les côtoyons tous les jours, ils font partie de notre quotidien sans que nous en ayons toujours conscience. Ce livre nous aide à voir et complète notre connaissance sur notre passé et notre environnement.
RDP : Devant une demande importante et après avoir épuisé la première édition, vous venez de procéder à une seconde édition de ce livre. Pensez-vous, notamment au vu des richesses de ce canton et plus largement du Pilat, qu’il y a matière à éditer un jour un ‘Tome 2’ ?
MB : Le sujet est loin d’être épuisé, des habitants, des lecteurs, des chercheurs, des adhérents de l’association nous signalent tous les jours ou presque, dans la sphère publique ou privée, tel ou tel objet digne d’intérêt.
Un exemple parmi tant d’autres : Le massif du Pilat est riche en sites mégalithiques, beaucoup sont connus depuis longtemps et ont été l’objets de remarquables études, d’autres sont de découvertes plus récentes, d’autres sont à découvrir, l’inventaire de ce patrimoine exceptionnel et son étude historique et environnementale pour l’ensemble du massif reste à faire.
RDP : De patientes et très longues recherches menées par vos soins ont abouti à la parution, il y a quelques années, d’un livre consacré au destin peu commun d’un pélussinois, Joseph Paret, expatrié en Louisiane. Pouvez-vous nous résumer brièvement cette incroyable aventure du dix neuvième siècle ?
MB : Joseph
Paret fait partie de ces nombreux jeunes prêtres de la
région
recrutés pour les Missions étrangères au cours du
19ème siècle. La Louisiane était certainement
l’une
des plus importantes Missions. Lyon jouait alors un rôle majeur
dans
ce mouvement qui a marqué fortement la vie et la
communauté
religieuse de l’époque.
Paret (1807
– 1872) rejoint la Louisiane en 1847, il y restera jusqu’en 1868. Il
sera
pendant près de 20 ans curé de Little Red Church sur les
rives du Mississippi à quelques km au nord de La Nouvelle
Orléans,
au cœur d’une région de grandes plantations
dédiées
à la culture de la canne à sucre. Au cours de son
séjour
il peint en vue cavalière, sur un modeste carnet de dessins, une
trentaine de maisons de plantation, des habitations, l’église,
le
presbytère, etc. Tout cela, sauf 2 maisons de plantations a
disparu
lors de la guerre de Sécession. Ces aquarelles sont donc
d’inestimables
témoignages sur la vie antebellum : l’architecture, les
paysages,
la vie sociale, les tenues vestimentaires, l’organisation
économique
des plantations, les modes de déplacement sur terre et sur le
Mississipi.
Ces aquarelles ont fait l’objet d’une publication par Louisiana State
University
à Baton Rouge : Plantations by the River, 2000, avec texte
d’accompagnent
bilingue anglais-français. Un autre document laissé par
Paret
a également fait l’objet d’une publication (Visages de notre
Pilat,
1993), il s’agit de son Journal d’Amérique pour l’année
1853
dans lequel le prêtre parle de son quotidien à Little Red
Church.
RDP : On sent que vous vous êtes particulièrement impliqué dans la rédaction de ce livre. Qu’est-ce qui vous a autant passionné pour parvenir à récolter autant d’éléments sur ce personnage, peu connu de ses contemporains, dans son propre canton natal ?
MB : La qualité
des documents de Paret, leur très grande importance pour
l’histoire
de la Louisiane.
C’est donc
à l’exceptionnel témoin de son temps que je me suis
intéressé,
avec la volonté de faire connaître aux louisianais ce
remarquable
patrimoine.
Dans le
même
ordre d’idée je travaille actuellement à une autre
recherche
historique sur un autre missionnaire en Louisiane, contemporain de
Paret
et natif de Chavanay. Il s’agit d’Auguste B. Langlois devenu un
botaniste
célèbre et reconnu par ses pairs aux Etats-Unis au point
que son nom a été donné à un herbarium et
à
une vingtaine de plantes … Dans Langlois c’est le scientifique qui m’a
intéressé et là aussi son exceptionnel destin.
RDP : Un autre de vos livres, qui intéresse aujourd’hui encore un très large public, est consacré au Château féodal de la Chance, aujourd’hui plus qu’en ruines, ceci sur la commune des Haies. Comment avez-vous procédé pour glaner des éléments aussi précis, sur l’histoire d’un bien aussi ancien ?
MB : En collationnant des renseignements dans diverses notices historiques et avec l’opportunité et la … chance d’avoir pu consulter des archives privées.
RDP : En vous appuyant notamment sur un manuscrit d’un abbé Antoine Grandjean, curé d’Echalas de 1910 à 1922, vous avez fait paraître un ouvrage sur les Chol (ou Choul) et les origines de Longes. Ce livre est devenu une référence. Que retenez-vous aujourd’hui de cette initiative ?
MB : La satisfaction d’avoir pu révéler un manuscrit inédit de Grandjean et attiré un peu plus l’attention sur son rôle d’historien, d’avoir travaillé sur toute la période la ‘’Renaissance lyonnaise’’ et le plaisir de voir que mes archives ont été utilisées par le groupe d’histoire d’Echalas (Histoire d’un village du Parc du Pilat, 2005).
RDP : L'avant dernier livre édité par Visages de Notre Pilat concerne le centenaire de la Galoche, train de campagne qui venait de St Héand et dont le terminus se situait à Maclas. Cet ouvrage, distribué jusqu’à St Etienne a également rencontré un franc succès. Sans être trop indiscret, pouvez-vous nous dévoiler les projets et futures parutions de votre association ?
MB : La réflexion est en cours. L’idée évoquée plus haut d’un livre consacré aux mégalithes du Pilat suit son chemin. Michel Lhortolat, notamment, a déjà réuni une belle documentation sur le sujet.
RDP : Résidant depuis de très nombreuses années à Givors vous n’êtes sûrement pas insensible au projet bien avancé visant à faire de votre ville une ville porte du Pilat. Que vous inspire cet aboutissement ?
MB : D’autant moins insensible que j’ai porté ce projet pendant 10 ans jusqu’à son aboutissement en août 2003. Je représente d’ailleurs la ville de Givors au sein du Parc.