Le Poisson Nourriture du Monde Futur
(suite du Poisson Nourriture de Vérité)


Février 2012









Par Michel Barbot








Notre « Poisson Nourriture de Vérité », tel le poisson « girouette » du clocher de quelques églises bretonnes, poursuit depuis février 2009 (et même bien avant), date de la mise en ligne de l’article, sa navigation céleste. Les Fils de Noé prolongent la longue pérégrination qui bientôt, les fera passer des eaux initiatiques des Poissons aux eaux baptismales du Verse-Eau.

Au détour d’une vague maligne, de saintes vigies protègent et orientent ces pèlerins de l’Océan vers la Lumière de ce Port Espérance dont le guetteur en terre du Pilat n’est autre que Marie-Madeleine.





Le mot DAG inscrit dans la pierre de la grotte des Fée du mont Ministre, dirige le pèlerin pilatois vers cette énigmatique DAGA (la tombe immergée) qui prend toute son importance à la lumière du… ou plus justement de… la PILA (l’Eléphante en hébreu) ainsi qu’il a été démontré dans la première partie de cet article. Lorsque je découvris cet(te) éléphant(e) dans la copie du tableau de la chapelle de la Madeleine réalisée par Patrick Berlier, je ne connaissais pas encore cette « LETTRE A M. MULSANT A PROPOS DU MONT PILAT », rédigée à Lyon le 26 janvier 1867 par A. Péan. Ce fut Patrick Berlier qui découvrit sur le site de la B.M. de Lyon (http://collections.bm-lyon.fr/PER00247795#page) ce courrier dans lequel l’auteur évoquant les diverses étymologies relatives au Mont Pilat, semble privilégier la piste sémitique en évoquant le mot « Pil », « Phil » : « éléphant ».


Désireux de pouvoir donner une certaine crédibilité à son hypothèse, A. Péan écrit : « Vous allez me demander sans doute pourquoi le nom de certaines montagnes, dans notre vieille Europe, s’est plutôt revêtu de la forme sémitique pil que des formes aryennes bal, pal, etc ? Ah ! » L’auteur de cette lettre sitôt posée sa question, répond : « Le peuple, quel qu’il soit, qui laissa ce pil ou phil comme une marque ineffable de son passage en Gaule, eut une de ses stations primitives non loin du Taurus et du Caucase, à l’ouest des grands empires araméens du bassin de l’Euphrate et du Tigre ; et sa langue, alors, reçut l’appellatif de ‘’montagne’’ usité dans ces empires, en même temps que beaucoup d’autres appellatifs des façons d’être de la nature extérieure. »

Face à la longueur de son développement, l’auteur préfère remettre à plus tard la besogne qui consisterait à « détailler, par le menu, le nom et l’origine du peuple » dont il parle.

Les propos de M. A. Péan, bien que datés de 1867, peuvent trouver prolongement dans les allégations de F. Gabut datées de 1901 (ETUDES D’ARCHEOLOGIE PREHISTORIQUE, parues à Lyon, aux éditions A. Storck & Cie. Imprimeurs – Editeurs) : 

« Au crêt de la Perdrix, la montagne par sa forme se suffit à elle-même : cependant c'est un des hauts lieux par excellence, un bouton lithique qui distille aux esprits de l'air le lait mystique de la terre ; c'est une des montagnes sacrées sur lesquelles s'arrêtait l'arche de Noé, c'est-à-dire où hommes et animaux ont trouvé la sécurité, alors que les plaines étaient envahies par les eaux provenant de la fonte des grands glaciers. »

F. Gabut donnait à ce peuple postdiluvien du Pilat le nom de Philolithe : soit les Amis de la Pierre. Le nom de ce peuple, en utilisant la langue des oiseaux, et les passages existants entre les langues, peut s’entendre « Eléphant(s) de Pierre », ce qui naturellement nous renvoie à notre Eléphant du P(h)ila formulé par M. A. Péan et que l’on retrouve apparemment, tout comme le mammouth, sculpté dans le bois de vieux arbres du Pilat (http://papy.martial.over-blog.com/article-un-mamouth-dans-le-pyla-78308102.html).

Ce Pilat que F. Gabut écrit sans T, nous apparaît comme la Piste de l’Eléphant ; piste jalonnée par ces arbres séculaires prenant la forme des imposants pachydermes.





L’éléphant du tableau de la chapelle Sainte-Madeleine

À gauche : photo du tableau original.
À droite : les traits de l’éléphant, tel que l’on peut l’imaginer.


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Le roi Salomon et les défenses ivoirines de l’éléphant

Cantique des cantiques VII - 5 :

Ton cou est comme une tour divoire (Shen),

Tes yeux sont comme les viviers d’Eshbon,

Près de la porte de Bath-Rabim :

Ton nez est comme la tour du Liban

qui regarde Damas.

I Rois 10 – 22 : « De fait, le roi avait une flotte à destination de Tarshish, naviguant avec la flotte de Hiram, et qui revenait tous les trois ans avec une cargaison d’or et d’argent, d’ivoire (ShenHabîm), de singes et de paons. »

Cantique des Cantiques 5 – 14 :

Ses mains, des sphères d’or remplies d’émeraudes (Tarshish) ;

Son ventre, un bloc d’ivoire (Shen) évanoui dans des saphirs.

Sur le tableau de la chapelle de la Madeleine, l’Eléphant de pierre est associé à Marie de Magdala. La raison de cette association nous est révélée dans le nom de la cité d’où était originaire Marie sœur de Lazare. La petite ville de Magdala située sur la grande route qui reliait Jérusalem à Damas, devait son nom à la tour (hébreu Migdal), sentinelle qui veillait sur la mer de Galilée et sur les caravanes chargées de marchandises et d’ivoire. L’éléphant, monture des rois, portait sur son dos une tour d’où la raison pour laquelle dans le Cantique des Cantiques de Salomon (ch. VII, v. 5), le Bien-aimé compare le cou de la Bien-aimée à :une tour d'ivoire.

Dans ce livre, l’ivoire est appelé SHEN soit la « dent ». La tour d’ivoire que le roi poète nomme aussi tour du Liban (Lebanon = « blanc », couleur de l’ivoire), « regarde Damas la Rouge », jadis étape importante sur la Route de l’Ivoire. C’est dans cette cité que des Hermétistes en quête de Connaissance, auraient découvert la Lumière de Damas ou Don de Dieu.

La « vision de Damas » est matérialisée dans le verset par les « viviers d’Eshbon ». Le vivier ou parc à poissons apparaît comme un élément hautement symbolique dans cette Route de l’Ivoire ou Piste des Eléphants. Le mot hébreu « Brakoth » : « viviers » est aussi « bénédictions », « présents », « dons » de Dieu.

Louis Charbonneau-Lassay dans « Le Bestiaire du Christ » (Editions Albin Michel), évoque le temple de la déesse poisson Atargatis-Derceto de Hiérapolis en Syrie dont la statue était couverte d’or et de gemmes éblouissantes, de toutes couleurs, apportées d’Egypte, d’Ethiopie, d’Arménie, de Phénicie, Médie et Babylonie. Le grec Lucien (La Déesse syrienne), écrivait, environ deux siècles avant notre ère : « Dans le vivier sacré qui touchait à son temple, on élevait en son honneur des poissons vénérés qui venaient, à l’appel des prêtres, manger dans leurs mains. Corseletés d’or, ils portaient aux ouïes, aux nageoires et parfois aux lèvres, de riches joyaux où rutilaient les pierres les plus précieuses. A Rome, un bassin semblable, un temenos fut établi prêt du temple de la ‘’déesse syrienne’’, sur le Janicule ; il ne fut détruit que sous Constance II, mort en 361. »

Des auteurs, tel Louis Charpentier dans « Les Mystères Templiers » (Editions J’ai Lu) ont évoqué les caches trésoraires que les Templiers possédaient au fond d’un vivier ou d’un étang (la forêt d’Orient…) situé près de la commanderie.

Il paraît intéressant de mentionner à présent la découverte que fit Léon Mizelles dans l’Yonne à Flacy, dans le bois de la Garenne. Alerté par un chasseur, L. Mizelles découvrit « cinq salles souterraines creusées naturellement dans le sol crayeux du pays ». Jacques Duchaussoy qui relate ces découvertes dans le N° 270 (septembre/décembre 1972) de la revue ATLANTIS, écrit : « Ces chambres étaient desservies par des souterrains pratiquement comblés en raison de la nature du terrain, et qui les reliaient, entre autres, en passant par la ‘’Ferme’’ des Chateliers, à la commanderie templière de Coulours, fondée la première par Hugues de Payns, et dont parle Louis Charpentier dans son ouvrage Les Mystères Templiers. »

Léon Mizelles ne put pénétrer que dans la salle, haute de trois mètres, où il découvrit avec l’ami qui l’accompagnait, des graffiti templiers.


Il reconnut dans le graffiti « A », l’image de la « Baraka » de l’Islam, le signe de protection par excellence. Dans le graffiti « B » apparaît un signe rappelant le Zaïn hébraïque associé aux mots LUX : « Lumière » et DAGU. L’idée du vivier confirmée par le mot DAGU, est associée à l’image de la Baraka, soit précisément ce mot qui au pluriel désigne les viviers d’Eshbon !

Pour obtenir de plus amples informations au sujet des graffiti templiers de Flacy, il convient de lire également mon article « Retour sur les découvertes archéologiques traditionnelles de Léon Mizelles » (ATLANTIS 445 – 2e trimestre 2011).

Les Viviers, en hébreu « Barékoth », sont associés dans le verset du Cantique, au mot Eshbon dont la signification est : « compte, calcul, combinaison » mais aussi « pensée »…

Il appert que pour percer le secret de ces viviers et de leur Daga, il convient d’en découvrir le calcul, la combinaison

Suivant le Targoum l’expression « viviers d’Eshbon » s’applique aux scribes « remplis de sagesse comme la piscine d’eau. Ils savent calculer les embolismes et les années intercalaires, ils fixent le commencement des années et des mois, et affichent la date à la porte du grand conseil. »

Salomon, le roi poète situe les « viviers d’Eshbon » près de la Porte ou de la Grille (numérique ?) de Bath-Rabim dont la signification est : « Fille de la Multitude… des Grands… d’un grand nombre ». La « Fille de Rabim consonne avec : « Fille de Habim ». Ce dernier mot apparaît dans I Rois 10 – 22. Ce verset indique que le roi Salomon, tous les trois ans, faisait venir de Tarshish par bateaux, de l’or, de l’argent, des singes, de l’ivoire et des paons. Cet ivoire habituellement écrit dans la Bible avec le mot SHEN : « dent », est ici écrit avec le mot SHENHABIM que les spécialistes de l’hébreu biblique s’accordent à reconnaître comme signifiant mot-à-mot : « dent d’éléphant(s) ».

Cet Habim (pluriel de majesté), aurait, bien qu’inusité dans la Bible, un singulier, en Hab, mot dit-on d’origine hindou, mais connu également en Egypte. Ecrit avec un Hé, de valeur 5 et un Beth, de valeur 2 (soit une guématrie totale de 7), Hab apparaît ainsi identique par sa valeur numérique au mot Dag, le « poisson » du vivier, inscrit sur la pierre de la grotte de la Dame : Marie-Madeleine qui se présente à nous comme la Fille de Habim ou Fille de l’Eléphant....

Le verset 5 – 14 du Cantique des Cantiques permet d’avancer plus encore dans cette quête pilatoise : « Ses mains, des sphères d’or remplies d’émeraudes; son ventre, un bloc d’ivoire évanoui dans des saphirs » (5:14). Dans le texte hébreu du verset le mot SHEN, « dent », « ivoire », est précédé par le mot ÉCHET qui désigne un objet bien poli, chef-d’œuvre d’ivoire vert, ingénieusement travaillé. Le dictionnaire Hébreu-Français Sander/Trenel rappelle que le mot ÉCHET signifie tout d’abord : « penser, se souvenir ».  Le chef-d’œuvre est-il pensé ou pense-t-il lui-même ? Ce chef-d’œuvre n’est assurément pas banal, mais a-t-il sa place dans un commentaire consacré au tableau de la Madeleine ?  Sachant notamment que l’éléphant du tableau ne possède pas ou plus ses défenses.

Ce bloc d’ivoire, ivoire qui pense (?) correspond au « ventre » du Bien-aimé. Le mot hébreu ici traduit par « ventre » est Méï : l’intestin. Le Méi ici chef-d’œuvre en ivoire, évanoui ou serti de saphirs, devient lorsqu’il est prolongé par un Lamed ou L, un vêtement jadis porté par les nobles et les princes. Dans les communautés Achkénazes, le rouleau est attaché par une « ceinture » et recouvert d’un manteau : le Méïl. Certains Kabbalistes rappellent que le mot hébreu SAPIR (pluriel Sapirim) qui clôt le verset, est apparenté par sa racine au mot Sépher : le « Livre ». L’objet évoqué dans le verset paraît comme le support de l’écriture qui fut jadis peau de bête, os, tablette, intestin ou bien encore rouleau de parchemin. Le verset pourrait évoquer un rouleau soutenu aux extrémités par des baguettes ou manches de bois ou d’ivoire, appelés en hébreu « Atsé hayyim », soit : « arbres de vie ». Ces « arbres de vie » qui, dans l’Antiquité pouvaient être d’ivoire, nous rappellent les arbres/éléphants du Pilat qui eux même nous rappellent la parabole rabbinique des cinq aveugles. Les aveugles n’ayant jamais vu un éléphant, en auront une approche différente les uns des autres. Pour  le cinquième, alors qu’il s’accrochait à l’éléphant à genou, l’animal lui apparaissait comme un tronc d’arbre en mouvement. Le rabbin affirma que tout en ayant tort, les aveugles avaient raison et qu’il en était de même pour Dieu, chaque homme se le représentait de façon différente et pourtant Dieu était bien réel.


La bibliothèque secrète du Pilat ou la bibliothèque de Zerobabel

L’un des mots clefs inhérent à l’histoire ésotérique du Pilat, serait précisément le mot « vivier». Louis Charbonneau-Lassay une fois encore nous révèle des éléments d’importance sur les viviers sacrés :

« On trouve encore aujourd’hui des viviers sacrés en Asie : A Saravanne, dans le Laos indochinois, la bibliothèque bouddhique est établie sur pilotis au-dessus d’une pièce d’eau ‘’où grouillent des poissons sacrés’’ – Alix Amé, Une française au Laos, 1932.

L’idée de viviers sacrés associés à l’éléphant ou à son ivoire évoque à n’en pas douter la notion de livre(s), de bibliothèque ; une bibliothèque dans laquelle seraient entreposés notamment des « Elépantini Libri » ou Livres d’Ivoire. L’auteur de l’excellent blog « DICTIONNAIRE DU LIVRE DE TITIVILLUS », indique : « Une édition ancienne du manuel ‘’Roret’’ de la reliure distinguait les ivoires blancs déjà un peu anciens des ivoires verts provenant des bêtes récemment abattues et des ivoires bleus préhistoriques provenant de l’un des mammouths fossiles. »

L’hébreu Pil (Eléphant) est apparenté à l’arabe Fil qui nomme la sourate AL FIL  l’Eléphant du Coran. Cette sourate de 5 versets se présente ainsi  traduite par André Chouraqui :

1. Ne vois-tu pas comment ton Rabb (Seigneur) à traité les Compagnons des Elephants ?

2. N’a-t-il pas fait de leur fourberie un fourvoiement ?

3. Il a envoyé contre eux les oiseaux Abâbîl

4. leur jeter des pierres empreintes, 

5  qui les a mis en fauches fanées.

Cette Sourate évoque l’expédition réduite à néant, conduite en 570/571 contre le temple de la Mecque par Abraha (sans M), prince éthiopien monté sur un éléphant blanc.

Des auteurs tels Michel Louis Lévy « La Tour de l’Eléphant » (site Midrach) ainsi que cet auteur anonyme du site le « Champ du Midrash » (Les Eléphants), ont démontré que cette sourate serait en partie inspiré par un épisode du Livre des Macchabées ; épisode lui-même inspiré de celui de la Tour de Babel.

L’auteur anonyme rapproche également le verset 1 de la Sourate du verset 29, chapitre 50 de Jérémie  annonçant la chute de Babel :

Payez-la selon ses œuvres (shalmu la ke-pe’ala)

tout ce qu’elle a fait, faites-le lui.

 
« On retrouve dans notre Sourate,
écrit l’auteur anonyme, le même verbe : p’l (fa’ala rabbuka) qui consonne avec fil, l’éléphant.

En effet, le mot hébreu pe’ala : « œuvres », est le même mot que l’arabe fa’ala : « faire », « œuvrer » qu’A. Chouraqui traduit par « traiter ». Et ce mot se présente, de par les lettres qui le composent comme une évocation du Pil ou Fil : l’Eléphant.

Dans la Sourate ABABIL évoque BABEL. Les oiseaux Abâbîl, d’après la tradition, avaient la tête comme celle d’oiseaux voraces et ne furent jamais plus observés dans la région. Les pierres empreintes ou pierres portant des marques faites au ciel,  jetées par les oiseaux étaient des pierres brûlantes. Elles rappellent les pierres se détachant de la Tour de Babel. Les empreintes ou marques célestes gravés sur les pierres ont mis en fauches fanées (expression associée à la destruction de Babel ou Babylone dans les prophéties), les Compagnon de l’Eléphant. Cette expression, suivant certains commentaires, peut aussi se traduire par papiers mâchés. L’idée de papier apparaît intéressante au vu des empreintes ou marques célestes… lettres de feu !

L’année 570 durant laquelle naquit Mahomet, est traditionnellement appelée « l’année de l’éléphant » ou « l’année Aleph » en référence aux évènements qui s’y seraient déroulés. M.-L. Lévy en vient à se demander si le nom de la lettre Aleph pourrait-être à l’origine de celui de l’éléphant qui nous est connu par le grec ancien. Bien que les Arabes n’aient connu le secret chinois du papier qu’après la bataille de Talas en 751, le procédé était connu en Chine depuis l’Antiquité.

L’auteur anonyme rappelle qu’en hébreu, l’éléphant (fil) évoque phonétiquement un prodige (fele, niflaot) et aussi une chute (nfl). « Or c’est par ces prodiges que Dieu va permettre aux Juifs de vaincre des armées grecques. Les Empires tomberont, et notamment Babel (nafela babel) d’où sans doute la référence coranique à Babil, Babel. »

Le nom de Babel (la Porte de Dieu), origine selon la Bible de la confusion des langues, a suscité tout au long des siècles des questions auxquelles écrivains et peintres ont tenté de répondre. L’écrivain Jorge Luis Borges s’en inspira pour rédiger sa nouvelle « La Bibliothèque de Babel » parue dans Fictions, ouvrage qui inspira par la suite Umberto Eco pour l’inquiétante tour bibliothèque de son roman « le nom de la Rose ». Bien avant Borgès, Charles Baudelaire dans le poème « La Voix », évoqua cette bibliothèque de Babel :

Mon berceau s’adossait à la bibliothèque,

Babel sombre où roman, science, fabliau,

Tout, la cendre latine et la poussière grecque,

Se mêlaient. J’étais haut comme un in-folio.
 

Plus récemment, R. Musil dans L’Homme sans qualités (Seuil, 1995) s’inspira de cette bibliothèque de l’absurde : science sans conscience :

« Ainsi je me trouvai réellement dans le Saint des Saints, de la bibliothèque. J’avais l’impression, je t’assure, d’être entré à l’intérieur d’un crâne. Il n’y avait rien autour de moi que des rayons et leurs cellules de livres, partout des échelles pour monter, et sur les tables et les pupitres rien que des catalogues et des bibliographies, toute la quintessence du savoir, nulle part un livre sensé, lisible, rien que des livre sur des livres. »




La Bibliothèque de Babel apparaît comme une tentative vouée à l’échec pour un rétablissement de la bibliothèque idéale tel qu’elle aurait pu exister avant le Déluge. La tradition hébraïque évoque les Villes du Livre liés aux Néphilim ou bien encore aux Fils de Caïn. Les Néphilim missionnés sur la Terre par Dieu, auraient outrepassé leur mission en s’unissant aux Filles de l’Adam. Il convient de se rappeler ici, que l’éléphant : FIL/PIL, est rapproché de la racine NFL, soit Néfila : la « chute » et donc des « Néfilim ». Les bâtisseurs de Babel, « Compagnons de l’Eléphant », en voulant recréer l’aspect sombre d’avant le Déluge, n’ont fait que précipiter leur chute qui apparaît comme la confusion des langues.

Suivant la tradition l’Arche de Noé plus qu’un zoo, était une bibliothèque. Le nom même de l’arche en hébreu : «  Tébah », signifie aussi « mot » ce qui confirmerait que l’arche fut plus dictionnaire, qu’animalerie. C’est aussi pour cette raison que dans les synagogues, l’arche dans laquelle les rouleaux de la Torah étaient placés était appelée Thébah.

Depuis quelques années, Alain-Abraham Abehsera, s’évertue au travers de différentes langues, dont l’hébreu ou le français – mais pas uniquement – à démontrer que les différentes langues de la terre ont eu un tronc commun. Dans son dernier livre « BABEL La Langue Promise » (éditions Dora), il écrit dans son avant-propos : « Avec Babel, on entrera, tout éveillé, dans le chaos. Dans le tohu-bohu des débuts où rien ne se distingue. Pas même le temps qui passe et sépare. »

C’est cette entrée dans le tohu-bohu des origines qui permettra à l’auteur de découvrir que : « Il n’existe qu’une seule parole humaine, un vaste hologramme dont les langues ne sont que les morceaux brisés. »

L’auteur résume à la fin de son livre, sa quête au cœur des langues, à un rêve : « (…) je fus emporté dans une ville cachée par les brumes. Ma confusion était absolue, et je ne peux vous dire s’il s’agissait de Jérusalem, Babylone ou mille autres villes connues. A peine arrivé, j’ai entendu une voix appeler : ‘’ Zerubabel ! Zerubabel ! ‘’ (…) De loin, j’aperçus un amoncellement de cristaux carrés, morceaux d’une Tour brisée qui avait dû être bien haute. De près, ces carrés semblaient durs comme la pierre et fluides comme l’eau. Sur le premier cristal, je reconnu mon visage, sans traits, entremêlé de mon nom, sans lettres. Je ne m’étais jamais perçu ainsi. (…) j’ai vu,  en ma pierre, toute la création se refléter, de tous les points de vue. C’était beau. La voix revint et m’intima de construire avec ces pierres une maison à hauteur d’homme, pas une tour. »

Si Babel était sombre, Zerubabel ou Zorobabel (Semence – Dispersion – de Babel) se veut lumière. Ce fut Zerubabel, fils d’exilés juifs, natif de Babylone qui, suite à un édit de Cyrus, construisit le 2e Temple de Jérusalem. Zerubabel est présenté avec le prêtre Josué comme l’un des deux Oliviers, Fils de l’huile (Zacharie IV – 11 et 14). L’image de ces deux « Fils de l’huile » fut si importe qu’ils réapparaissent avec les deux témoins de l’Apocalypse de Jean au chapitre 11. Ils prophétisent dans la Ville Sainte avant d’être tués par la Bête surgie de l’Abîme. Leurs cadavres restèrent sur la place de la Grande Cité, Sodome ou Egypte trois jours et demi puis Dieu les ressuscita et ils montèrent au ciel. Toute une littérature chrétienne a été écrite au sujet de ses deux personnages, discutant notamment sur l’identité de ces nouveaux Fils de l’huile. Zerubabel est l’auteur du Livre de Zerubabel, ouvrage apocalyptique évoquant la venue du Messie.

Ainsi que les commentateurs du Livre des Macchabées rédigé en grec, on pu le noter, l’éléphant y est essentiellement appelé la Bête. Dans l’Apocalypse de Jean, la Bête monte de l’Abîme, un mot qui nous rappelle curieusement le second nom hébreu de l’éléphant !

Il convient à présent de retrouver le Mont Pila(t) que nous n’avons en fait pas quitté. Sur le Pila(t) et donc sur l’Eléphant plane l’ombre de la Société Angélique dont Le Songe de Poliphile était le livre par excellence. L’éléphant tient dans le Songe une place importante. Poliphile découvre « le monstre en manière d’éléphant (…) avant que de trouver le dragon : car il a été formé de pierre en une grandeur excessive… » (Page 130 – l’Imprimerie nationale Editions 1994) L’éléphant de pierre surmonté d’un obélisque se dresse sur un soubassement entaillé de caractères égyptiens hiéroglyphiques. Dans l’un des côtés, une porte permet à Poliphile de monter en la concavité de l’éléphant (pages 43 à 45). Il y trouve deux sépulcres sur les couvercles desquels se dressent les images d’un homme nu couronné et d’une femme nue pareillement couronnée rappelant Adam et Eve. Chaque sépulcre était éclairé par une lampe perpétuelle. L’homme tient un sceptre de la main droite et de « la main gauche reposée sur un écusson, courbé en forme de carène de barque et taillé autour à la semblance d’une tête de cheval, auquel était écrit de lettres hébraïques, grecques et latines. »

C’est, partant de ces inscriptions hébraïques, que j’avais rédigé un texte, inédit à ce jour, il y a de cela environ six années. « De l’éléphant au « maître de l’abime », tel était le titre que je donnais à ce texte. Je me rends compte aujourd’hui combien il était approprié au vu de ma présente étude. Il convient également de relire tout particulièrement les chapitres 37, 38 et 39 du roman « Le voyage au centre de la terre » de Jules Verne où l’on pénètre, s’emble-t-il certains mystères inhérents à cet Abîme du Pila(t), de l’Eléphant car en ce lieu se trouve peut-être cette Bibliothèque de « Zerubabel » dont Marie-Madeleine sous le regard bienveillant de l’éléphant de pierre, étudie l’un des rouleaux dont les 17 lignes originelles peuvent nous rappeller le Déluge biblique.

Le tableau de la chapelle de la Madeleine comporte encore son lot de mystères sur lesquels il conviendra de s’arrêter dans un prochain épisode…



Reconstitution du tableau original faite par Patrick Berlier

À suivre…

Michel Barbot


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