Le Poisson Nourriture de Vérité


Février 2009








Par Michel Barbot







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Le poisson, symbole celtique par excellence, désigne généralement le saumon, manifestation de la Connaissance. Sa vision du Passé et de l’Avenir en fait un symbole de vie. Nourriture offerte, il apparaît comme un emblème christique. En Bretagne, il est placé à la pointe du clocher de certaines églises. La nef/église, carène renversée, dirigée par le poisson, poursuit sa navigation dans la mer céleste. Dans la tradition celtique, le saumon remonte la source. Il connaît le chemin qui mène à l’Illumination. Prenons son sillage…



La Grotte des Fées du Mont Ministre

Cette grotte, évoquée par Patrick Berlier et Thierry Rollat dans leurs écrits, est l’objet de pertinents commentaires. Elle tient, en effet, une certaine importance dans la géographie symbolique de la venue au premier siècle de Marie-Madeleine en Gaule et précisément dans les Monts du Pilat.

Sur la paroi verticale à droite de l’entrée, apparaissent trois énigmatiques lettres : un D et un A latin ainsi qu’un Gamma grec.





L’inscription de la Grotte des Fées – relevé de Henri Panier
(Revue Dan L’tan n° 5)

Patrick Berlier dans le tome II de son livre « La Société Angélique » (ARQA édition), citant son ami Gérald Grau, écrit : « Le A est deux fois plus petit que les autres lettres, c’est donc un mi A. » Notant ensuite que le Gamma grec (3ème lettre) est un L renversé, Patrick applique à l’inscription les règles du grimoire. Soit la seule utilisation des consonnes, obéissant ici à la rime en L du langage anglé cher à Grasset d’Orcet :

« D mi A renversé L = D M R N V R S L = Demeure universelle
Universelle peut se lire uni vers elle. »

…Mais aussi, ai-je envie d’ajouter : « Uni vers EL », Dieu, en langue hébraïque. Et c’est bien également au travers de l’hébreu qu’il convient de lire cette inscription. Deux lectures deviennent possibles, compte tenu du L renversé ou du Gamma.

La première lecture révèle le mot DAL dont la signification est : « Porte » et « pauvre », « maigre », soit la porte étroite. Le mot Dal décliné en Daleth s’applique pareillement aux pages d’un livre, aux tablettes d’un livre, voir au livre lui-même.

La seconde lecture révèle le mot DAG : « Poisson » ! Le poisson devient d’autant plus intéressant dans le cas présent, qu’il n’est pas étranger à la lecture anglée de l’inscription, initiée par les lettres DM chères à Nostradamus et à son compère François Rabelais. Bien que l’Écriture DM soit expliquée par la langue latine, elle peut pareillement l’être par la langue hébraïque. Retenues en tant que mot, ces deux lettres écrivent DAM : le « Sang » et en tant qu’acronyme, les mots Daleth Maïm : la « Porte des Eaux », soit la signification précise des lettres Daleth et Mem !



Le tableau de la chapelle de la Madeleine

La chapelle de la Madeleine érigée dans une forêt de la commune de Pélussin, recelait jusqu’en 2001, année ou il fut volé, un tableau représentant Marie-Madeleine. Thierry Rollat dans son livre « Sur les Traces de la Vérité », relate l’enquête approfondie qu’il effectua afin de connaître l’origine de cette toile.



Reconstitution du tableau original faite par Patrick Berlier

Ce fut Jean-Baptiste Bonnel, dit Jean Bonnel, peintre local qui peignit cette œuvre. Né en 1861 au hameau de Vaubertrand où il décéda le 1er mars 1927, le peintre plâtrier Jean Bonnel portait plusieurs casquettes dont celle de garde-champêtre. L’enquête effectuée par Thierry Rollat démontre qu’il ne réalisa plus de tableau après 1914. L’œuvre de la Madeleine, peut-être commande d’une famille locale, pourrait, suivant l’hypothèse crédible avancée par Thierry, avoir été réalisée au 19ème siècle.

Marie-Madeleine est représentée dans une grotte qui serait dit-on, la Grotte des Fées. La sainte apparaît en méditation devant un parchemin dont le sommet devient la coiffe d’un crâne posé sur un autel où figure également le flacon de nard. On distingue dans le paysage environnant la Croix du Crêt de l’Œillon positionnée en 1867, ainsi que le Pic des Trois Dents. Dans la réalité ces lieux ne sont pas visibles de la grotte mais nous avons ici un kaléidoscope visant à associer des lieux appartenant à la géographie sacrée du Pilat et à révéler peut-être, à demi-mot, un autre lieu sacré de la région.



Pic des Trois Dents – photo de Christian Lelièvre


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Thierry, rendant hommage à Jean Bonnel écrit : « La peinture de la chapelle inspirait une volonté de retranscrire des détails avec finesse, le respect scrupuleux d’attributs sacrés. ». C’est effectivement l’idée que l’on ressent en admirant la richesse symbolique et sacrée de la toile. Thierry reconnaît avec une forte probabilité : « l’intervention d’un religieux », peut-être un prêtre de Pélussin.

Ce plus que plausible prêtre avait une connaissance certaine de la langue hébraïque, de la Bible et des traditions s’y rapportant ainsi que des codes utilisés par les Kabbalistes juifs. L’observation que je fis de la reconstitution du tableau original due à Patrick Berlier, me permit de remarquer que la grotte avait curieusement la forme d’un éléphant. Je m’empressais de demander l’avis de d’autres personnes, omettant volontairement le plus souvent, d’indiquer ce que j’y voyais. Eh bien, la vision était commune : un éléphant ! Patrick Berlier confirmait et ajoutait : « Il se trouve qu'il est encore plus net sur les photos que j'ai du tableau, que sur ma reconstitution. » Dans la symbolique médiévale, l’éléphant apparaît très souvent comme la représentation d’Adam et plus rarement, comme celle de Jésus le Nouvel Adam.



L’éléphant du tableau de la chapelle Sainte-Madeleine
À gauche : photo du tableau original.
À droite : les traits de l’éléphant, tel que l’on peut l’imaginer.

Marie-Madeleine médite devant un parchemin comportant 17 lignes. Nombre ô combien symbolique, ne figurant plus, hélas, sur la copie aujourd’hui placée dans la chapelle depuis le vol de l’original. Tout ne peut être dit sur cette clef numérique. Il convient néanmoins de rappeler que la valeur secrète de 17 est 153 (1+2+3+…+17), nombre des POISSONS de la seconde Pêche miraculeuse des Évangiles. Raoul Auclair dans son livre « Mystère de l’Histoire » (Nouvelles Éditions Latines) avait su mettre en relief l’aspect prophétique de cette divine pêche… Les eaux de cette pêcherie, par le nombre 17 vont nous ramener à l’Écriture DM (non exclusive, quoiqu’il en soit, à la région des Monts du Pilat). En effet, les lettres Daleth – Mem (Porte et Eaux) ont dans l’alphabet hébreu, une valeur de position respectivement égale à 4 et à 13, soit 17 !



Les mystères de l’éléphant

Dans son petit livre, particulièrement instructif « Singularité de l’éléphant d’Europe » (GINKGO éditeur), Pascal Varejka, aborde différents aspects liés à l’éléphant tel qu’il est perçu en Europe de l’Antiquité à nos jours. On y apprend que suivant la chanson de geste Girard de Roussillon, l’empereur de Constantinople a fait don de plusieurs pachydermes à Charles Martel. Retenons en passant, d’après l’auteur du livre : « Ce n’est pas un hasard si les comtes de Savoie sont parmi les premiers en Europe à avoir choisi le proboscidien comme emblème. Ainsi le sceau de Thomas de Savoie, comte de Flandre, figurait un pachyderme, comme l’atteste un document de 1258. Emmanuel-Philibert, duc de Savoie de 1553 à 1580, en a également introduit un dans ses armoiries : un éléphant entouré de moutons, qui évoque la mansuétude souvent mentionnée de l’éléphant d’Europe et sa douceur notamment à l’égard des ovins et qui annonce le pouvoir politique du souverain savoyard – se montrer doux à l’égard des faibles, sévères à l’égard des méchants. »

Symbole royal, à l’époque de François Ier, il acquiert son aspect « habitacle » à l’époque romantique, ainsi que l’évoque Jean-Paul Clébert dans son « Bestiaire Fabuleux » (Éditions Albin Michel) : « À l’époque romantique, ce sera à l’intérieur même de l’animal que se trouvera l’habitacle, après l’imagerie hugolienne de l’éléphant de plâtre construit place de la Bastille par Ledoux et dans lequel (incongruité monumentale dirait P. de Mandiargues) le jeune Gavroche se retire comme Jonas dans la Baleine. »

Et c’est bien cet aspect symbolique, bien qu’incongru de l’éléphant, qu’il nous faut retenir. Détail curieux ? C’est à partir de cet éléphant, ou plus précisément son ancien emplacement, que les héros de la série de M6 « La Lance de la Destinée » accèderont au dédale permettant de retrouver la Sainte Lance.

Marie-Madeleine est entrée dans l’éléphant/habitacle tout comme le fait Poliphile dans « Le Songe de Poliphile » de Francesco Colonna (éditions IMPRIMERIE NATIONALE pour la traduction française). 



L’éléphant du « Songe de Poliphile »

La sainte médite dans un paysage rêvé. La couleur bleue de son vêtement n’est pas sans rappeler la couleur de la cité de Louz. Jacob dans le lieu terrible qu’il baptisera « Bethel » : la « Maison de Dieu », va s’endormir la tête posée sur la fameuse pierre et évoluer au travers de son rêve dans l’antique cité de Louz.



En Provence, le village de Lioux (près de Gordes – Vaucluse) est établi au pied d’une falaise impressionnante, dite « falaise de la Madeleine ». La tradition y voit l’un des refuges de la sainte en Provence. Le village de Lioux n’est pas sans rappeler la cité de Louz, même si ce nom vient en fait du grec leukos, blanc, en référence à la falaise en calcaire blanc. La similitude ne s’arrête pas là, puisque cette localité a pour blason un éléphant d’azur, c’est-à-dire bleu. J’aurai l’occasion de revenir sur ce village et sa falaise lorsque notre second site « les nouveaux regards » abordera les mystères de la Provence.


Patrick Berlier






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Pascal Varejka nous apprend que l’éléphant figurait jadis dans les synagogues Ashkénazes d’Europe, ainsi que dans des manuscrits, comme le Mahzor de Worms, un livre de prières datant de 1272, ou le fameux Pentateuque du duc de Sussex, manuscrit du début du 14ème siècle conservé à la British Library, à Londres. La page de titre de ce Pentateuque comporte un éléphant à corps de bovin, placé au centre de l’Étoile de David et portant sur son dos une immense couronne aussi large que lui symbolisant apparemment la couronne que l’on place sur la Thora. L’éléphant de l’ancienne synagogue de Horb, en Allemagne, aujourd’hui conservé au musée de Jérusalem, possède également un corps de bovin et porte sur le dos une tour, symbole de la Thora.

La tour portée par l’éléphant ashkénaze, se dit en hébreu Migdal, origine de Madeleine ou Magdala… P. Vareijka évoque également l’aspect prophétique de l’éléphant juif citant le roman de Gorgio et Nicolas Pressburger, « l’Éléphant vert » qui rappelle que rêver d’un éléphant est en général propice. Le protagoniste du roman ayant vu un énorme éléphant vert en songe, se précipite chez le Rabbin qui ayant consulté le Talmud lui dit : « Cet éléphant est un messager. Il est venu dans ta maison pour t’annoncer quelque chose. (…) que chez toi écloront des prodiges, que des évènements grandioses se produiront pour toi. » Le Talmud de Babylone (Berakhot 56b-57a) énonce ceci : « On est assuré de l’accomplissement d’un miracle (…) à la vue (en songe) d’un éléphant. La vue de plusieurs (éléphants) indique que l’on sera l’objet de nombreux miracles. »

Le Rabbin qualifie ou associe l’éléphant du rêve par deux mots clefs : messager et prodiges. Le moment est venu de donner le nom hébreu de l’éléphant : Pil, mot dont la racine est Pala : « prodige », « émerveillement » ou bien encore, Nefil : « tomber », avec le sens ici de « tomber en sommeil pour une vision prophétique », comme révélé dans le Livre des Nombres 24-4. Nefil génère le mot Nefilim, les Messagers descendus sur Terre avant le Déluge…

Le tableau nous montre réunis en un seul, différents sites du Pila (ancienne forme de Pilat). Or, si l’on écrit au féminin le mot hébreu Pil, on obtient… Pila ! Bien sûr la véritable étymologie des Monts du Pila(t) ne peut être hébraïque, mais il est des passages entre les langues qu’il convient d’utiliser, ainsi qu’à dû le faire le prêtre qui a participé à la conception du tableau.



De Pila à Daga

L’inscription DAG de la Grotte aux Fées devient parlante plus encore, si à l’instar de Pila (l’éléphante), on l’écrit au féminin. Voici que se matérialise la Daga(h). Le féminin singulier est figuré en hébreu par la présence à la fin d’un mot de la lettre Hé, prononcé « a ».

Dans la Bible, la Daga n’apparaît, en tant que nom, que deux fois au féminin. Tout d’abord dans le livre de l’Exode 7-21, pour désigner l’ensemble des poissons morts du Nil, et de façon étonnamment curieuse dans le Livre de Jonas. Alors, qu’au chapitre II, verset 1, il est indiqué que Jonas fut absorbé par un poisson mâle, le verset suivant, sans aucune explication, évoque un poisson femelle. Les traducteurs ne s’arrêtent aucunement sur cette anomalie ne retenant que le mot « poisson ». Les Kabbalistes juifs se sont quant à eux penchés sur cette particularité. Jonas aurait été l’hôte de deux poissons… ainsi que l’indique Virya dans son livre « Le Grand Œuvre de Jonas » (éditions Georges Lahy) : « Pour le Zohar, la dagah est un poisson mort, ou plus exactement une tombe, puisque Yonah est descendu dans le Shéol, le Royaume des morts. » Ceci est pour le Zohar II-48a, la raison pour laquelle, Jonas dit « j’ai crié des entrailles du tombeau ».

Virya insiste sur la notion égyptienne de la Dagah. Jonas au verset 3, dit : « j’ai crié, de ma limite, vers Yhwh, et il m’a répondu ; du sein du Shéol ». Virya choisi de traduire le mot tsarah, « détresse », par « limite », indiquant la parenté du mot avec l’expression mitsarah, « limite », origine du mot mitsraïm, nom hébreu de l’Égypte. Puis il ajoute : « La dagah apparaît lors des épreuves en Égypte, mentionnées dans le livre de l’Exode 7-21, qui conduira à la sortie du pays. Littéralement, Mitsraïm (Égypte), signifie ‘’ bornes ‘’, ‘’ limitations ‘’, le peuple hébreu est donc en état de limitation en Égypte. ».

La tradition hébraïque enseigne que le sarcophage de Joseph, fils de Jacob et vice-roi d’Égypte suivant la tradition juive, se trouvait au fond des eaux du Nil dans une Dagah. Selon le Zohar, Moïse fit remonter le sarcophage en prononçant un Nom sacré.

La Daga – poisson ou tombeau sous les eaux – s’associe au mot Pila (éléphante) au travers de la caverne biblique de Makpéla, le Tombeau des Patriarches sis dans la ville d’Hébron. Le nom de cette caverne est un nom unique, formé sur la racine Képél : « double », « repli ». Deux pièces, suivant le Zohar, composaient cette caverne. La porte séparant ces deux pièces, donnait accès au jardin d’Éden (Zohar I-127a). Abraham pénétrant pour la première fois dans ce lieu, aperçut Adam sur cette porte. Une lumière perpétuelle illuminait l’endroit. « (…) la terre se souleva d’elle-même et mit au jour deux tombeaux. Au même instant Adam apparut sous sa forme réelle et sourit à Abraham. » (Zohar I-128a).

La caverne Double ou caverne du Pli… est aussi suivant le Zohar, compte tenu du Hé final de Makpéla, dite caverne du « redoublement du Hé », expression allusive aux deux Hé composant le Tétragramme Yod–Hé–Vav–Hé, thème que j’évoquais déjà dans mon article « L’Inscription de Trèves : Secret Royal » mis en ligne en juin 2006 sur RDP.

Il convient d’indiquer que si Makpela est le nom de la caverne, c’est aussi le nom du champ où elle se trouve ; champ au sujet duquel il est dit dans le Zohar (I-129a) : « (…) l’Écriture dit ‘’ au champ plié ‘’ (macpelâ) ; mais elle ne dit pas ‘’caphoul’’. »

Les Kabbalistes, rédacteurs du Zohar jouent ici sur les mots. Macpelâ et cap(h)oul ont pourtant de par leur racine, la même signification. La subtilité amorcée mais non développée par le Zohar, nous révèle une Miqva Pila. Pila évoque bien sûr l’éléphante… Miqva (le Kaf de Macpéla permute ici en Qof), en hébreu biblique (Isaïe 22-11), est un réservoir d’eau entre deux remparts. Le même mot prononcé Miqvé, désigne un « bain rituel ». Petite parenthèse, le « champ plié », prononcé en français, ainsi qu’il sera développé dans la seconde partie de cet article, peut se lire en langue oiselée : « champ paillé »

Pila/Daga ou l’éléphante/poisson apparaît en Europe dans l’iconographie. P. Varejka évoque à ce sujet, notamment l’éléphant/poisson du 12ème siècle ornant le plafond de l’église Saint-Martin de Zillis en Suisse. La Makpela, la caverne d’Adam, étudiée en tant que réservoir d’eau entre deux remparts, nous renvoie précisément au Songe de Poliphile. Il conviendra de l’évoquer sous cet angle dans la seconde partie de cet article.



4 Mains pour 5 Parts

Il apparaît que la Daga (Poisson femelle ou Tombeau immergé) soit dans l’énigme pilatoise, intimement liée avec la Pila (Éléphante). L’écriture hébraïque de ces deux mots comporte un certain enseignement si l’on scinde le mot Pila en deux parties (Pil a). L’éléphante fait ainsi place à l’éléphant suivi de la lettre Hé :



Dag a Pil a, en hébreu

Lues comme il se doit, de droite à gauche, ces sept lettres hébraïques forment une phrase qui se traduit ainsi :

La Daga de l’Éléphant est 5.

La particularité hébraïque de cette phrase est qu’elle commence par un Daleth (la Porte) et se termine par un Hé (le Souffle), soit les quatrième et cinquième lettres de l’alphabet hébreu, permettant également d’écrire les nombres 4 et 5. Le Hé final de la phrase perdra ici sa prononciation habituelle et se lira Hamesh (cinq). En tant que mot, Hamesh signifie « armer », « équiper ». Ce terme, ainsi que l’explique Alain-Abraham Abehsera (BABEL La Langue Promise – éditons DORA) est intimement lié à la nourriture et aux cinq armes naturelles de l’homme (les deux pieds, les deux mains et les dents) qui lui permettent d’obtenir et couper sa nourriture. Tandis que le nombre 4 qui le précède peut avoir en hébreu le sens de « avoir faim » ; faim que le nombre 5 permettra d’assouvir.

Ces deux lettres dans la phrase, enclosent les mots Geh (limites) et Pil (éléphant). Geh est un synonyme de mitsarah, « limite », et ainsi de mitsraïm, nom hébreu de l’Égypte. Dans le N° 331 de la revue ATLANTIS consacré aux « Carrés magiques et Mandalas », Gérald Scozzari présente un article titré « La clé des carrés (dits magiques) par la Tradition hébraïques ? Les 7 secrets de la Sagesse ». Dans son analyse du Carré de Vénus, carré d’ordre 7, il met en relief le mot Geh (limites), précédé du mot Bag, (nourriture, pâture…).

L’association des nombres 4 et 5 nous renvoie sur un plan biblique à l’Égypte et plus précisément à l’Égypte de Joseph qui fut suivant la Bible, vice-roi de Mitsraïm… des Limites. André Chouraqui le célèbre traducteur et commentateur de la Bible, écrit : « On note que le chiffre 5 revient à plusieurs reprises dans la saga de Iosseh (…) L’arithmétique égyptienne étant fondée sur le chiffre 10, comme la nôtre (…). »

Le chapitre 41 du Livre de la Genèse relate le songe de Pharaon dans lequel sept vaches grasses montent du fleuve et pâturent dans la prairie marécageuse (ahou). Puis sept autres vaches maigres montent à leur tour du fleuve et dévorent les sept vaches grasses. Joseph révéla à Pharaon que les sept premières vaches évoquent sept années d’abondance qui seront suivie par sept années de disette. Joseph placé par le roi à la tête de l’Égypte élabore un plan destiné à faire face aux sept années de disette. En quoi cet épisode biblique et donc l’Égypte, peut-il tenir sa place dans l’énigme pilatoise ? Une partie de la réponse sera développée dans la seconde partie de cet article. Il conviendra ici de s’attarder sur une particularité du tableau de la Madeleine que seul un retournement à 45° permet de visualiser. Voici qu’apparaît un Moine Bleu ! Ce moine semble tenir dans ses bras une boule plus ou moins sphérique. Ce fut mon ami Christian Lelièvre qui repéra cet étrange personnage, lui reconnaissant en fait dans un premier temps une toute autre identité. Pour ma part j’y reconnus, bien que schématisé, un moine. Les anciens clichés du tableau que Patrick Berlier reconsidéra, confirmèrent la présence de cet énigmatique « moine » présent en trompe-l’œil dans le vêtement bleu de Marie-Madeleine.


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Le « moine bleu » du tableau de la chapelle Sainte-Madeleine.
À gauche : rotation du tableau et détail du moine bleu.
À droite : les traits du moine bleu, tel que l’on peut l’imaginer.

Le moine tenant une boule (la Terre) n’est pas sans rappeler le singe de la Porte Étroite présent sur une vielle demeure dans le quartier résidentiel juif de la vielle cité de Lunel, grand centre de la Kabbale dans la France médiévale. Lunel – la Cité de la Lune – ainsi qu’on le découvre en lisant le beau livre de Madeleine Ribot-Vinas (Lunel, la Kabbale et l’Étoile – éditions Lahy), fut selon la tradition fondée par des Hébreux : les pescaluna ou pêcheurs de lune. Qualifiée par les Juifs de nouvelle Jéricho (la cité de la Lune), elle pérennisa les mystères de Migdal Yericho (la Tour de Jéricho… Magdala dont le nom se retrouve précisément dans celui de Marie de Magdala ! Les anciens clichés représentant le tableau de la Madeleine montrent curieusement sur certaines parties du corps de Marie-Madeleine, au niveau des bras, une possible présence simiesque. Motifs en trompe-l’œil ou tout simplement, ainsi que le suppose Patrick Berlier : « Des craquelures, des déchirures, des estafilades… » ? Autrement dit, l’usure de la toile ? 



Tête simiesque apparaissant dans le bras de Marie-Madeleine,
sur une ancienne photo du tableau d’origine

Par sa capuche le moine bleu du tableau peut rappeler un Chartreux. La boule (la Boule-Angerie) à la rotondité imparfaite qu’il tient dans ses bras, pourrait évoquer le globe/monde du blason cartusien. Il conviendrait pareillement d’évoquer le Chartreux ou chat bleu introduit en France à la suite des Croisades. La légende veut que les moines Chartreux l’aient élevé dans leurs Chartreuses. Bien que l’on ne connaisse pas son origine, il serait pour certains, le croisement du chat Manul et du chat d’Égypte. Buffon, au 17ème siècle, dans son « histoire naturelle », le mentionne sous le nom de « Chat de France ».

Le thème du Moine Bleu ou homme bleu est très présent dans la littérature fantastique romanesque, souvent de façon négative, homme ou démon, tel dans la nouvelle de Gustav Meyrink « Le Cardinal Nappelus » ou bien encore dans l’œuvre du grand Jean Ray/John Flanders. Il convient de lire la nouvelle de cet auteur belge, « Ronde de nuit à Kœnigstein » et surtout son roman « La Vallée du Sommeil » dans lequel, se fondant sur une vielle légende anglaise, il raconte l’histoire d’une cité/royaume souterraine des environs du mont Snowdon où vivait jusqu’au 18ème siècle, un peuple mystérieux – les Hommes Bleus – venu du lointain Orient à une époque très reculée. « On y parle de la lumière de la lune retenue captive dans des lampes de diamant, et de brouillards rampants, tuant ou pétrifiant les audacieux qui tentaient de s’introduire dans le royaume interdit. »

J’en étais là dans mes réflexions sur les Moines Bleus lorsque Patrick Berlier informé de la présence du moine bleu sur la toile, me parla des Frères Bleus ou Frères Maristes, bien connus dans la région du Pilat. Marcellin Joseph Benoît Champagnat, né à Marlhes (Loire) le 20 mai 1789, au hameau du Rozet est le 10ème enfant de la famille. Le 12 août 1816 nommé vicaire à La Valla-en-Gier sur les flancs du Pilat, il achète une petite maison près du presbytère pour y abriter son Institut des Petits frères de Marie dont le rôle sera l’éducation des enfants de la paroisse.





Le Rozet, hameau natal de saint Marcellin Champagnat,
et la chapelle construite pour sa béatification

Face au succès, Marcellin fonde d’autres établissements, notamment à Marlhes et au-delà. Déclaré vénérable dès 1920 par le pape Benoît XV puis béatifié en 1955 par le pape Pie XII, il fut canonisé le 18 avril 1999 par le pape Jean-Paul II. Les Frères Bleus, aujourd’hui présents sur cinq continents, s’installent en Orient en 1895 et notamment à Alep en Syrie en 1904 où ils prennent possession du « TERTRE d’ABRAHAM » où séjourna suivant la légende le patriarche.

Les Frères Maristes ou Frères Bleus, à l’instar de leurs prédécesseurs les Frères Lassalliens ou Frères des Écoles chrétiennes, étaient familièrement surnommés les « Frères quatre bras » à cause de leur manteau qu'ils portaient sans enfiler les manches.

Le peintre Jean Bonnel fut-il un élève des Frères Bleus ou Frères quatre bras ? Rien n’est moins certain, aussi faut-il certainement chercher ailleurs la raison pour laquelle figurerait sur le tableau un tel Frère. Si ces Frères sont appelés Frères Bleus, c’est bien entendu, rapport à la couleur de leur tenue vestimentaire mais cette tenue ne ressemble pas précisément à celle du Moine Bleu du tableau ; moine hiératique possédant apparemment deux bras droits tenant la pierre presque ronde. Ce serait bien, en ce sens, dans la direction des « quatre bras » qu’il convient de chercher.

L’Inde du Brahmanisme comporte son lot de divinités à quatre bras (et plus), mais c’est me semble t-il une fois encore la Bible et précisément le Livre de la Genèse qu’il convient d‘ouvrir afin de trouver la clef de ces quatre bras ou quatre mains.

Lorsque Joseph eut décodé le songe de Pharaon, ce dernier le nomma vice-roi d’Égypte. Pour faire face aux sept années de disettes (les sept vaches maigres), Joseph dit au peuple : 

« Et ce sera aux récoltes,
donnez le cinquième à Pharaon,
Les quatre mains seront pour vous,
pour la semence du champ, pour votre manger,
pour qui est dans vos maisons,
et pour le manger de votre marmaille. »
Livre de la Genèse 47 – 24. Traduction André Chouraqui.

Ce verset apparaît comme la réalisation du verset 34 (nombre/clef ainsi qu’il sera vu dans la seconde partie de cet article) du chapitre 41 dans lequel Joseph indique à Pharaon le plan qu’il lui faudra établir pour faire face aux sept années de disette :

« Il quintera la terre de Mistraïms
pendant les sept ans de satiété. »

Dans sa traduction, A. Chouraqui utilise le verbe « quinter » (hébreu himésh) qui en ancien français signifiait : « partager en cinq parties ». La quinte désignait une sorte de redevance. Le traducteur explique ainsi sa traduction : « néologisme formé par analogie avec le vieux français ‘’ dîmer, lever la dîme ‘’. (…) L’hébreu est formé sur hamésh, ‘’ cinq ’’. Pharaon divise Misraïms en cinq régions, ou plus probablement, prélève un cinquième du revenu. Dans un autre sens, le verbe hamash au participe passé se dit d’une armée équipée et rangée en ordre. »

Le fait que Pharaon quinte la terre d’Égypte implique en hébreu qu’il a pareillement, armé, équipé le pays. C’est l’idée que retiennent Rashi de Troyes et Aquila. Le temps est compté, aussi Pharaon charge-t-il des Péqidim de cette mission. Le Paqid (Péqidim au pluriel) désigne en hébreu, un préposé mais aussi un commissaire, un inspecteur ou un chef d’armée. Joseph assisté des Péqidim, quintera le pays.



Le texte biblique pour la part de Pharaon, dit simplement « le cinquième », alors que pour le peuple, le texte dit : « les quatre mains ». Sachant d’une part que le nombre cinq évoque ici en premier lieu, le partage de l’Égypte, nous voyons se matérialiser la géographie sacrée bien connue notamment des Celtes (l’île des Quatre Maîtres – Irlande et Thulé) ou des Hébreux (Qiryat-Arba : la Ville des Quatre). Bien que dites des Quatre Maîtres, ces cités ou îles, sont en fait partagées en cinq parties. En Irlande, les quatre royaumes des Quatre Maîtres, entourent le royaume du Haut-Roi, tandis qu’à Qiryat-Arba, les Quatre Maîtres de la cité sont les quatre fils du Géant Arba, un Réphaïm.

Dans la tradition hébraïque cette géographie sacrée est intégrée au temps sacré. Le monde dure symboliquement 7 ans durant lesquels vont se succéder Quatre Empires. C’est le sens que donne Daniel (l’alter ego de Joseph pour le décryptage des rêves) au rêve du roi Nabuchodonosor dans lequel apparaît une statue d’or. C’est aussi le sens donné à l’Échelle de Jacob. Le quatrième empire est celui d’Édom qui désigne pour le Talmud, Rome et les Nations qui verront le jour après-lui. Après le Temps des Nations, apparaîtra suivant la tradition la cinquième époque, l’Ère Messianique.

Suivant le Zohar (I-196a et b), les sept années de famines « par le mérite de Joseph, qui était un juste, firent qu’affluèrent en Égypte de grandes richesses » : l’or et l’argent que les pays voisins apportèrent durant les sept années de disette afin d’en obtenir du froment. Le Zohar identifie ce métal à celui que les Hébreux reçurent des Égyptiens en quittant le pays (Psaumes 105-37, Exode 3-22 et 12-35). Cet or et cet argent furent transformés suivant le Livre de l’Exode en Kéli d’or et d’argent. Il s’agit dans ce cas précis, d’objets faits en métal précieux : vases ou meubles. Aux Kéli sont associés les vêtements. Rashi note : « Ils y attachaient plus de valeur qu’à l’or et qu’à l’argent. » L’importance de ces vêtements égyptiens aux yeux des hébreux, pourrait donner à penser qu’ils sont indispensables pour la manipulation des Kéli ? Le trésor ainsi récupéré par les Hébreux était si important que le texte dit : « Ils dépouillèrent (vidèrent) l’Égypte » (Exode 12-36).

Ce trésor correspond aux « quatre mains » de l’époque de Joseph. En hébreu le mot Yad, « main » signifie aussi « part », ainsi que « force », « puissance ». Il s’agit assurément d’un trésor de « puissance 4 » pour reprendre une expression bien connue aujourd’hui, caractéristique d’un jeu qui se veut un jeu de maîtrise du monde. Le thème se retrouve dans les textes sacrés avec les Quatre Cavaliers, le cinéma a puisé dans ce thème (aventure, western…) ainsi que la BD : les Quatre Fantastiques, œuvre que l’on dit être précisément de puissance quatre. Le père de cette BD n’est autre que le célèbre Stan Lee, père de nombreux héros de BD et personnage très au fait de la symbolique et de l’ésotérisme.

Yad signifie aussi « côté » ; quatre mains, quatre côtés, soit l’aspect sacré du carré avec sont point central : le 5… Enfin, Yad est aussi un « endroit », un « lieu », sur lequel pouvait se trouver pareillement un Yad évoquant ici un monument, une stèle ou un arc de triomphe, soit la Porte que nous rencontrerons dans la seconde partie de cet article.

À suivre…

Michel Barbot


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nous retrouverons plus tard notre ami Michel
avec la suite, un Dossier prometteur ou 'prophétique' ?



Le Poisson Nourriture du Monde Futur


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