NOVEMBRE
2021











Par
Christian Fitte


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LES MONNAIES dans la

région du Pilat (suite et fin)

 

Sesterces        Deniers   Ecus      Sols     Francs    Euros     Babets

Nous terminons cet aperçu des monnaies dans notre région avec la partie II (période royale)

et la partie III (monnaies de nécessité et période moderne).



PARTIE  II

Période royale


Féodalité et Moyen Age

 

En numismatique, on fait traditionnellement débuter la période « royale française » par l’avènement de la dynastie capétienne en 987. Cependant, dans la nouvelle Europe issue de l’éclatement de l’Empire carolingien, la France comme le Saint-Empire Romain Germanique mettrons des siècles à devenir des Etats vraiment puissants et centralisés.
Dans le « trésor de l’an mil » du Puy-en-Velay évoqué à la fin de l’exposé précédent, se trouvaient quelques Deniers de Robert II (996 à 1031), fils d’Hugues Capet, ainsi que des premiers empereurs Othon du Saint-Empire Romain Germanique (962 à 1002). C’est dans ce dernier Etat que se trouvaient alors la grande majorité de notre région et, parmi les rares monnaies locales, citons les Deniers d’Henri le Noir (empereur de 1038 à 1056) qui furent frappés à Lyon et à Vienne.

En fait, le centre du Moyen Âge va surtout être la période des monnaies dites « féodales » car le pouvoir va continuer à se fragmenter. La production monétaire va se décentraliser au niveau des seigneuries civiles ou religieuses qui obtinrent le droit de battre monnaie de la part de l’empereur, du roi ou d’un de leurs vassaux. Bien que les échanges restent encore faibles, ces monnaies vont donc être très  diverses en terme géographique et politique. Petites et minces, elles utilisaient peu de métal et étaient parfois frustes. Cependant leur étude est historiquement très intéressante.
Dans notre région, en supplément ou le plus souvent en remplacement des seigneurs locaux, les autorités religieuses furent nombreuses à exercer un pouvoir temporel et à émettre leurs monnaies :

*Dès le 11e siècle, les comtes de Lyon et Forez furent ainsi supplantés dans ce domaine par les archevêques de la ville.
Ci-après (à gauche), un de leurs Deniers d’argent. Frappé à Lyon au 12e s, son poids est de 1 gr. On reconnait, sur l’avers, le L barré de Lyon et, sur le revers, la croix pattée chrétienne. La légende en rond est « Prima Sedes Galliarum » = Premier Siège des Gaules.
Un trésor du 12e siècle fut trouvé le 26 juin 1882 à Thélis-la-Combe dans le massif du Pilat. Plus précisément dans le hameau d’Estival. Il se composait d’environ 2000 de ces Deniers de Lyon ainsi que de quelques-uns frappés par les évêques de Valence et les comtes de Savoie.

 * Les évêques de Viviers en Vivarais, comme ceux de Lyon, battirent monnaie jusque vers la fin du 14e siècle.
Ci-après (à droite), une de leurs petites Oboles
. Son poids est de seulement 0,38 gr d’argent mais on distingue nettement la crosse épiscopale.
Plusieurs furent trouvés à Saint-Jean-la-Vêtre (département de la Loire) et à Espaly-Saint-Marcel (Haute-Loire).


Exemples de Denier des archevêques de Lyon

et   d’Obole des évêques du Vivarais.

*Les évêques de Valence eurent le privilège d’émettre leurs monnaies à partir de 1145.
Ci-après (à gauche), un Gros d’argent de 3,12 gr des années 1285/1297 qui fut frappé par l’évêque de Valence Jean II.  Sur l’avers figure l’aigle du Saint-Empire Romain Germanique vu de face.
*Les Comtes du Valentinois émirent aussi leurs propres monnaies (de 1277 à 1419), concurrentes de celles de leurs évêques. Les types en étaient d’ailleurs très semblables.

*En Velay, à partir du 10e ou 11e siècle, les évêques du Puy rachetèrent le privilège de battre monnaie aux vicomtes de Polignac et le conservèrent ensuite jusque vers l’an 1300.
Ci-après (à droite), un de leurs Denier d’argent (1,73gr - diamètre 20mm) souvent trouvés en Haute-Loire et Loire.
Sur l’avers : croix  à  4  branches  arrondies avec légende « BEATE MARIE » (Bienheureuse Marie). Au revers : rosace à 6 branches arrondies avec légende « PODIENSIS » (du Puy).


Gros d’argent des évêques de Valence

et  Denier des évêques du Puy-en-Velay.

*Dauphiné du Viennois (
ou Comté d’Albon-Viennois) : l’empereur du Saint-Empire Romain Germanique accorda aux Comtes-Dauphins le privilège de battre monnaie en 1155. 
Ci-après (à gauche), il s’agit d’un Denier d’argent du comte-Dauphin Humbert 1er (1281 à 1307).
La légende de l’avers, autour du dauphin, est : H. DALP. VIEN. (Humbert Dauphin du Viennois). Celle du revers, autour de la croix, est : COMES ALBONIS (Comte d’Albon).
Le dernier Comte-Dauphin fut Humbert II. Dix-neuf de ses Florins d’or se trouvaient dans le trésor de la place des Terreaux à Lyon. En 1349, il passa un accord avec la France et, après lui, les Dauphins du Viennois furent les fils aînés du roi de France, premier pas vers l’intégration au royaume ainsi qu’origine de l’utilisation en France du terme « dauphin » pour désigner un successeur.

*Pour la même région, les archevêques de Vienne avaient déjà commencé de battre monnaie dans leur ville, à partir du 10e siècle, avec l’archevêque Sobon (931-952). Les frappes des archevêques continuèrent jusqu’en 1378, souvent à l’effigie de Saint Maurice. Ces monnaies furent retrouvées en grand nombre dans toute notre région du Pilat. Les frontières civiles et religieuses ne coïncidaient pas et, à l’époque, les archevêques viennois avaient aussi autorité sur l’autre rive du Rhône (régions de Condrieu, du Forez-Viennois et du Nord-Vivarais).

Ci-après (à droite), on peut voir une de leurs pièces en argent datant du 13e siècle. Elle fait partie du trésor de Pélussin, d’environ 2000 pièces (Deniers et Oboles), découvert le 9 mai 1909 par Jean-Baptiste Bonnel, habitant du quartier de Vaubertrand. Ces petites monnaies (0,9 gr pour un diamètre de 8mm) se trouvaient dans un vase enterré dans un de ses champs situé entre Virieu et la Croix de Montvieux.
Sur l’avers : la tête de Saint Maurice barbu avec légende « S.M. VIENNA » = St. Maurice (de) Vienne. Et, au revers : une Croix cantonnée de 4 besants avec légende : « MAXIMA GALL » = Plus Grande (ville) de Gaule, en référence à la rivalité avec Lyon qui était récemment devenue aussi importante que Vienne.


Deniers du 13e siècle du Dauphin de Viennois

et des archevêques de Vienne (Trésor de Pélussin).

* Les comtes de Forez,
qui ne battaient pas monnaie, commencèrent à utiliser peu à peu celles du royaume de France, lequel prenait de l’importance dans la région. Mais la majorité des pièces en circulation y étaient encore majoritairement lyonnaises et surtout viennoises.

Royaume de France

 
Le pouvoir royal français
prit peu à peu l’ascendant sur les seigneurs locaux, l’administration commença à se centraliser. Les monnaies nationales devinrent prépondérantes et Saint Louis (1226/1270) ordonna même que les pièces féodales ne puissent plus avoir cours que dans les fiefs concernés, en complément des monnaies royales qui devaient au contraire être acceptées partout.


Quant au Dauphiné, avant qu’il ne devienne français en 1349, il a possédé de façon successive ou simultanée plusieurs ateliers monétaires dans sa région Ouest, proche de la vallée du Rhône : outre Vienne et Valence, il y a eu La Côte-Saint-André, Saint-Georges-d’Espéranche, Bourgoin-Jallieu, Serves-sur-Rhône, Tournon-sur-Rhône. Ces derniers ne perdurèrent pas, contrairement à d’autres qui devinrent d’importants ateliers royaux français et dont nous aurons l’occasion de reparler comme Crémieu, Romans, Montélimar et bien sûr Grenoble.

Les Dauphins continuèrent quelque temps encore à émettre les leurs, bien après 1349 et le rachat de la province par la France pour le fils aîné du roi. Les ateliers régionaux frappaient donc à la fois des monnaies delphinales et des monnaies royales.

 

Suite à une fouille pratiquée dans l’ancienne église Saint Pierre de Saint-Pierre-de-Bœuf, des membres de l'association La Mémoire Pétribocienne, ont découvert des Deniers de cette époque. En particulier le Blanc (multiple du Denier) delphinal ci-dessous, frappé à Romans, qui date du milieu du règne de Charles VII, vers 1450, période où le Dauphin était Louis II, futur roi Louis XI.



 
Sur l’avers : un magnifique dauphin est entouré de la légende DALPHS * VIENNENSIS = Dauphin de Vienne.
Au revers de ce Blanc delphinal : la croix chrétienne légendée KAROLUS*FRAN*REX = Charles roi de France.

Le rattachement définitif des monnaies du Dauphiné à la Chambre des Monnaies de Paris se fit ensuite sous Louis XII, en 1504. Jusque là, et alors que les échanges économiques avaient peu à peu repris, un des problèmes de la population fut l’absence d’harmonisation entre les monnaies utilisées dont la valeur dépendait de la quantité de métal précieux qu’elle contenait. C'est-à-dire à la fois de son poids et de son titre (pourcentage du dit métal dans l’alliage). Or, pour la majeure partie de notre région, le système « viennois » a longtemps concurrencé le système « tournois » du royaume de France alors que les quantités d’argent entre ces monnaies variaient beaucoup entre elles (de la moitié au double environ). Sans parler des monnaies étrangères qui avaient également cours, nous en reparlerons.

Parallèlement la terrible guerre de Cent Ans contre les Anglais, débutée en 1337, s’est achevée en 1453. Une des monnaies d’alors est restée célèbre. Le roi de France Jean II avait été fait prisonnier dès 1356. Pour sa libération, une rançon de 3 millions de Livres fut exigée et on frappa pour cela, à 3 millions d’exemplaires, une nouvelle pièce d’or de 3,88 gr. Le roi y était représenté avec la légende habituelle « Francorum Rex » = roi des Francs. Jean II aurait dit qu’il serait ainsi franc et délivré, puisque franc signifie aussi affranchi, libre. La monnaie désignée sous le nom de « (Roi) franc » puis simplement de « Franc » avait la valeur de l’unité de compte monétaire, la Livre, et fut donc considérée comme son synonyme. C’est pour cela qu’à la Révolution ce terme de Franc sera choisi comme nouvelle unité.


Plusieurs trésors monétaires découverts dans notre région datent de cette période troublée, les propriétaires étant morts des suites du conflit.
Citons le fameux trésor de la place des Terreaux, à Lyon, qui est lié à cette guerre de Cent Ans. Découvert en 1993 lors de la construction d’un parking, le pot en terre qui le contenait (photo ci-dessus) avait en effet été enfoui entre 1358 et 1360. Sans doute caché pendant les troubles et la quasi-fermeture de la ville, son propriétaire a dû périr lors des terribles épidémies de peste qui ont suivi.

Il y avait 543 pièces d’or et d’argent et l’on pense, au vu de leur diversité, que le propriétaire a dû être un de ces changeurs italiens qui vérifiaient et convertissaient toutes les monnaies en fonction de leurs poids et valeurs :
-Royales françaises : 13% du total (Ecus d’or et Gros tournois d’argent de Louis IX à Philippe VI).
-Monnaies féodales « françaises » : 12%. Surtout du Dauphiné au moment de sa vente à la France.
-Comté de Provence : 70%  (379 Sols provençaux d’argent appelés Parpaïolles).
-Pays étrangers : 5% mais très divers (Ducats et Florins d’or de Venise, Florence, Bohème, Hongrie, Orange ; Gros d’argent des Comté de Bourgogne, Lorraine ou du St-Empire Romain Germanique).

1453, fin de la guerre de Cent Ans, est la date choisie par convention pour clôturer le Moyen Age. Progressivement, le pouvoir royal va continuer ensuite à se renforcer sur le plan politique et, un peu plus lentement, sur le plan numismatique.

  Vérification des monnaies


Le rattachement à la France était alors presque partout intégré et les monnayages féodaux locaux en voie d’extinction. Cependant, comme le montre la découverte de 31 monnaies qui avaient été dissimulées dans une maison d’Annonay aux alentours de l’an 1500, les pièces utilisées par nos ancêtres étaient encore d’origines très diverses
 : Avignon (pape dissident), principauté d’Orange, principauté des Dombes, duché de Savoie, cantons Suisses de Berne et Soleure, Dauphiné et enfin 12 provenaient tout de même du royaume de France (Deniers de Louis XI, Charles VIII et Louis XII).
Les pièces françaises ne représentaient donc qu’un gros tiers sur du total ou un peu moins de la moitié si l’on inclut les 3 monnaies delphinales.

Pour les habitants de l’époque, cette variété des monnaies ne facilitait pas leur reconnaissance et la mémorisation de leur valeur, nous l’avions déjà évoqué avec les systèmes viennois et tournois. De plus, à cause de l’évolution du prix de l’or et de l’argent, le poids des pièces changeait souvent. Et les contrefaçons étaient fréquentes ainsi que les fraudes (rognage, remplacement par du métal moins noble, …).
La vérification des monnaies était donc une obligation pour nos ancêtres qui avaient plusieurs méthodes plus ou moins efficaces :
-la morsure (les métaux or, argent ou autres, ont des duretés différentes).
-le bruit que fait la pièce en « sonnant » sur le pavé est différent suivant que l’alliage métallique est correct ou qu’il ne l’est pas (« de bon aloi » signifiait « de bon alliage »).
-s’adresser aux changeurs qui exerçaient leur métier sur les foires et marchés. Ils connaissaient toutes les monnaies, faisaient les conversions, et vérifiaient avec leur balance (le trébuchet) leurs poids ou valeurs en métal précieux. D’où l’expression, encore utilisés de nos jours, désignant une bonne monnaie dont le bruit et le poids étaient corrects : « une espèce sonnante et trébuchante ».


L’illustration précédente est extraite du célèbre tableau «Le changeur et sa femme» de Quentin Metsys (1514) actuellement au musée du Louvre. Si les changeurs officiels ne se déplaçaient pas en dehors des villes, il était possible d’acheter des poids (ou pesons) monétaires tel celui trouvé dans un champ de Saint-Appolinard. En cuivre, laiton ou bronze, ils pesaient le même poids que les pièces d’or ou d’argent à vérifier en équilibrant la balance. La découverte d’un tel peson atteste, pour nos campagnes pilatoises, d’une économie d’échange déjà suffisamment importante pour nécessiter ces contrôles. De tels poids monétaires ont continué d’être utilisés dans les grosses fermes de notre région, pour les pièces françaises d’or et d’argent, jusqu’au 19e s.

L’identification des ateliers de frappe monétaire était aussi un élément de vérification pour les administrations et pour la population. Et c’est aujourd’hui un outil de travail des numismates et des historiens. Les ateliers royaux étaient encore très nombreux à cette époque et particulièrement dans le centre-est du pays. Deux types de codage de leur identification se sont succédé :
- A partir de 1389, sous le règne de Charles VI, on put reconnaître l’atelier qui avait produit une pièce par un « point secret » placé sous une des lettres de la légende de l’avers. En Dauphiné, cela se pratiquait déjà : sous la 1e lettre pour Crémieu, sous la 2e pour Romans. La province, rattachée à la France à cette époque, conserva cette habitude et ses premières lettres des légendes.
Parmi les pièces découvertes dans l’ancienne église de St-Pierre-de-Bœuf, se trouvait un « Blanc au lys » en argent (ci-après à gauche) : autour de la couronne royale, la légende y est « KAROLUS * FRANCORU * REX » = « Charles roi de France » et on constate que le point est gravé sous la deuxième lettre de la légende (sous le A de KAROLUS). Cette monnaie provient donc de l’atelier de Romans et date du règne de Charles VII (1429/1461).
La douzième lettre fut attribuée à l’atelier de Lyon dans la seconde moitié du 15e siècle.
- En 1540, vers la fin de son règne, François 1er introduisit une autre réforme pour les ateliers : leur marque devint une lettre majuscule placée au revers de la pièce de façon beaucoup plus visible. Paris hérita logiquement de la lettre A, Lyon eut la lettre D comme on peut le voir (ci-après à droite) au revers d’un Teston d’argent de François 1er (1540/1547), sous l’écu à la fleur de lys.


L’atelier de Romans obtint le Y mais arrêta sa production quelques années plus tard, comme beaucoup d’autres petits ateliers.
Grenoble se vit attribuer la lettre Z. Dernier des ateliers dauphinois, il restera ouvert jusqu’en 1772.
Comme nous le verrons ultérieurement, différents évènements ou conflits dans notre région entraineront des utilisations différentes ou supplémentaires de ces lettres d’atelier dans les villes de Livron, Valence, Le Puy-en-Velay, Vienne, Feurs, Lay et Roanne.


Ancien Régime et Révolution

Guerres de Religions

Plusieurs émissions furent faites, dans notre région, par les différents camps religieux en présence :
-Les protestants dirigés par Henri de Navarre (futur Henri IV) ou par Henri IV roi mais pas encore catholique, ouvrirent un atelier à Livron près de Valence, de 1577 à 1580, puis à Valence même en novembre et décembre 1592.  Ils utilisèrent la marque Z de l’atelier de Grenoble.
-A l’inverse, la Ligue catholique opposée à Henri IV occupa plusieurs ateliers pour y frapper des monnaies aux noms du précédent roi défunt, Henri III, ou du cardinal Charles de Bourbon, prétendant au trône sous le nom de Charles X.
Lyon frappa des monnaies au nom d’Henri III, en 1592, et au nom de Charles X entre 1590 et 1594.
Au Puy-en-Velay, l’atelier fut ouvert entre 1590 et 1593 pour des monnaies au nom d’Henri III et de Charles X. Ci-après (à gauche), l’avers d’un Douzain « aux deux H », en billon frappé au Puy-en-Velay en 1592. Sa marque d’atelier « P » est bien visible sous l’écusson fleurdelisé. La légende est : HENRICUS III DG FRANC REX (Henri III par la Grâce de Dieu Roi des Francs).


Pièces catholiques : Douzain frappé au Puy (1592)

et 1/4 d’Ecu nantais (1598) retrouvé  Chavanay.

L’Ouest de la France, très catholique, fut encore plus concerné par ces productions et il n’est pas surprenant de voir que le 1/4 d’Ecu d’argent de 1597 découvert à Chavanay (ci-dessus, à droite, avec légende CAROLUS X  DG  FRANC  REX = Charles X par la Grâce de Dieu Roi des Francs) venait de Nantes, dernière ville prise en 1598 par Henri IV qui en profita pour promulguer immédiatement son fameux Edit de tolérance religieuse marquant la fin de la guerre civile.

Une monnaie étrangère de la même période a été retrouvée, au milieu du 20e siècle et toujours à Chavanay, par M.Eugène Chol alors qu'il creusait un puits. Il s’agit d’un demi-Carlin d’argent de Philippe II, fils et successeur du grand Charles-Quint. Produite dans les années 1580/90, elle est aussi liée aux guerres de Religions puisque Philippe II, ardent défenseur de la Ligue catholique, fut en guerre contre la France d’Henri IV entre 1595 et 1598. Ci-après, photographie prise par M. Didier Chol, petit-fils du découvreur de cette monnaie :



« Doubles tournois » de Louis XIII

La population utilisait des petites monnaies de cuivre pour les achats courants (Deniers tournois puis « Doubles tournois ») et on dut en augmenter fortement la fabrication. De 1637 à 1643, environ un demi-milliard de ces pièces furent mises en circulation : le pays retrouvait, après plus de 1300 ans, le niveau de production monétaire de l’Empire romain !
Notre région fut grandement mise à contribution puisque Lyon (marque D) fut l’une des grandes villes choisies pour ce travail. De plus, en 1642/43, cinq nouveaux ateliers privés dits de « l’axe Loire-Rhône » furent créés pour seconder Lyon : Roquemaure près d’Avignon (marque R inversé) et, plus proches de nous, Valence (marque V), Vienne (V barré), Feurs (F ou F barré) et Lay, près de Roanne
(L ou L barré).


Notons qu’il s’agissait en France des dernières frappes artisanales au marteau (à l’origine de l’expression battre monnaie) technique archaïque et souvent de mauvaise qualité. A partir de 1645 se généralisa la frappe au balancier à percussion, plus puissante, toujours centrée et régulière.

Ecus du Dauphiné sous Louis XIV, et lyonnais sous Louis XV

Des monnaies spécifiques ont continué d’exister dans le Dauphiné, sous l’autorité royale.
Les dernières furent produites à Grenoble, pour Louis XIV, en 1702. Ce sont les Ecus dits « aux insignes de France et du Dauphiné » (ci-après, à gauche). La marque Z de l’atelier de Grenoble se trouve sous l’écusson aux dauphins et fleurs de lys.

L’atelier de Lyon continuait de produire, avec Paris, la majeure partie des monnaies qui circulaient dans notre région. Par exemple, sous Louis XV en 1744, cet Ecu de 29gr d’argent dit « au bandeau », d’une valeur de 6 Livres (120 sols). La marque D de l’atelier de Lyon est sous l’écusson fleurdelisé (ci-après à droite). Les légendes sont : LUD (Louis) XV + D.G. FR.ET.NAV.REX (Par la grâce de dieu roi de France et Navarre). Et au revers : SIT NOMEN DOMINI BENEDICTUM (Que soit béni le nom du Seigneur).
C’est alors l’apogée en France de la puissance royale de droit divin !


A cette époque également, dans le langage courant, « argent » est devenu définitivement synonyme de monnaie et de richesse. En effet, les petites pièces en bronze ou en cuivre, utilisées dans la vie de tous les jours, avaient peu de valeur et le peuple ne possédait quasiment jamais d’or. C’est donc en pièces d’argent, en particulier Ecus, demis ou quarts d’Ecus, que se concrétisaient pour nos ancêtres les parts d’héritage, dots, transactions importantes ou économies que l’on cachait avec soin.

Louis XVI et la République

Ensuite, la situation politique va profondément évoluer à la fin du règne de Louis XVI.
Les troubles engendrés par la Révolution entraînant une pénurie des métaux, il fut décidé fin 1790 de faire fondre les statues de bronze et surtout les cloches des églises pour la frappe des nouvelles monnaies. Dans notre région, Roanne fut choisie pour la fabrication des flans puis, avec un atelier monétaire complet en 1792/1793, pour remplacer Lyon perturbée par la guerre civile contre Paris.

Les cloches réquisitionnées devaient être transportées jusqu’à Commune-Armes, nom de Saint-Etienne à cette époque, avant d’être acheminées jusqu’à Roanne en transport fluvial sur la Loire. Ci-après à gauche, une pièce de trois Deniers frappée à Roanne en 1792 : elle est encore en cuivre car, en particulier dans les campagnes comme le Pilat, la population majoritairement très religieuse mit beaucoup d’inertie dans cette récupération des métaux. C’est fin 1793 / début1794 que les cloches furent finalement démontées et expédiées. Sauf une pour les services civils et quelques rares exceptions comme La-Valla-en-Gier qui réussit à se faire oublier en prenant plusieurs fois prétexte que les chemins étaient « pleins de glaces ».
Au revers de cette pièce, faisceau et bonnet phrygien révolutionnaires ont remplacés couronnes et fleurs de lys royales. Par contre, le côté face est encore à l’effigie de Louis XVI. La gravure monétaire ayant bien progressé, le portrait était très ressemblant. C’est grâce à une de ces pièces que le roi, malgré les vêtements simples qu’il portait, fut reconnu au relais de poste de Varennes lors de sa tentative de fuite vers des bastions royalistes. Avec les conséquences que l’on sait …

Dès août 1793 (an II) l’adoption du système décimal remplaça l’ancien système de Charlemagne. Et, avec les décrets d’avril et août 1795 (an III), le Franc divisé en Décimes et Centimes pris la place de la Livre comme nouvelle unité.
La première pièce ainsi officiellement émise, en janvier 1796 (an IV), fut celle de 5 Francs de 25 gr en argent qui remplaçait l’ancien Ecu de 6 Livres. Son coté face représentait Hercule, du graveur Dupré, modèle qui sera ensuite repris sous les 2e, 3e et 5e Républiques.

Ci-après, à droite des 3 Deniers de Roanne (Louis XVI) : une des premières pièces de 5 Francs de Lyon (an 9 = entre 23/9/1800 et 22/9/1801).


Les pièces plus courantes, dans les bourses du peuple, étaient bien sûr les Centimes et les Décimes, en bronze ou en cuivre. Le Décime eu peu de succès et ne fut produit que jusqu’en l’an 9 (1800/1801). Par contre, les Français restèrent attachés au Sol (ou Sou) qui était l’unité intermédiaire dans l’ancien système, c'est-à-dire 1/20 de la Livre. L’équivalent (1/20 du Franc) étant égal à 5 centimes, on continua pendant très longtemps d’appeler la pièce de 5 centimes « 1 Sou ». De nos jours, on rencontre toujours le Sou dans de nombreuses expressions populaires.

Découvertes monétaires pour cette période


 
Parmi les pièces perdues que l’on retrouve de manière isolée aujourd’hui, du règne de  Louis XIII à la période révolutionnaire, il y a beaucoup de Liards, de Sols puis surtout de doubles Deniers tournois et de Centimes républicains qui furent frappés en quantité.
Ces petites monnaies de cuivre ou de bronze, de peu de valeur intrinsèque, n’ont pendant longtemps été que peu recherchées mais on en retrouve dans le sol avoisinant les anciens lieux d’habitation.
Par exemple, Le Progrès de la Loire du 28 juillet 2018 faisait état de la découverte, par de jeune stéphanois, de pièces anciennes dans une parcelle agricole de Saint-Genest-Malifaux. Rappelons à ce sujet que toute trouvaille doit être partagée entre le découvreur et le propriétaire des lieux, et que si elle présente un intérêt historique, il faut en avertir le Service Régional de l'Archéologie (l'Etat pourra alors en disposer pendant cinq ans avant de les restituer ou de les racheter).

Comme on le voit sur la photo ci-après, les monnaies du centre et de droite, même si elles n'ont aucun caractère historique, sont intéressantes car bien représentatives de la transition entre la royauté et la république. Et l'on peut penser avec émotion à ceux qui les ont utilisées il y a plus de 200 ans, dans cette petite commune du Pilat, et à leurs vies dans ces périodes difficiles :
-En haut, le revers aux 3 fleurs de lys d’un double Denier tournois en cuivre de Louis XIII. Ces monnaies avaient été frappées en grande quantité dans notre région comme nous l’avons vu.
-A l’extrême droite une pièce constitutionnelle de 12 Deniers Louis XVI n’est déjà plus Roi de France et de Navarre mais encore, comme il est écrit au-dessus de son buste, « Roi des françois ». Elle est en cuivre ou en métal de cloche et a été frappée à Paris en 1791 ou 1792.
-Au centre une des premières pièces de 5 centimes républicaines, avec la tête féminine au bonnet phrygien, légendée « République Française ». Elle est en bronze et date de la période du Directoire ou du Consulat (an 5 à 9, c'est-à-dire 1795 à 1801).

Pour les trouvailles plus importantes, les causes ont pu être personnelles (familiales) mais il est possible, le plus souvent, d’y associer des évènements historiques particuliers : sous Louis XIII, la répression contre les huguenots et plusieurs jacqueries. Sous Louis XIV, la Fronde en début de règne, ensuite quelques révoltes locales puis les guerres ruineuses qui ont entrainé désorganisation de l’économie et épargnes de précautions. Sous Louis XV, les faillites bancaires de Law (tentative d’introduction de la monnaie-papier). Sous Louis XVI, enfin, la Révolution.

Ceci est bien illustré par plusieurs intéressantes découvertes faites dans notre région :
-A Septème, près de Vienne, fut découverte en 1904, chez le marquis d’Albon, une marmite contenant 30kg de pièces d’argent de Louis XIV, soit la bagatelle de 1200 Ecus !
-A Roche-la-Molière, près de Saint-Etienne, ont été trouvés 23 Louis d’or de Louis XIV mais aussi 12 monnaies espagnoles. Ces dernières étaient surtout des pièces de 8 Réales très utilisées dans les colonies espagnoles d’Amérique centrale, au Mexique puis aux Etats-Unis, à la création de ce pays, et qui sont à l’origine du symbole du Dollar en forme de 8 barré ($).
-A Lyon, c’est dans le tiroir d’une vieille table achetée en 1954 que les enfants d’un ouvrier découvrirent 28 Louis d’or de Louis XV provenant surtout des ateliers de Paris, Lyon et Grenoble.
-A Satillieu, près d’Annonay, on voit encore que c’est pendant les périodes troublées que des économies bien cachées sont le plus souvent perdues. Un noble ou un riche bourgeois possédait 280 Louis d’or frappés pendant les règnes de Louis XV et Louis XVI mais la Révolution lui fut fatale et tout cela ne fut redécouvert qu’en 1999, lors de travaux effectués dans le quartier (voir illustration ci-après).
L’examen des marques d’atelier des pièces a montré que le plus grand nombre venait de Lyon (D). Puis Paris (A) était classiquement bien représenté ainsi que Montpellier (N), province du Languedoc dont dépendait le Vivarais. Presque tous les autres ateliers du pays étaient représentés, attestant d’une bonne circulation à cette époque. On peut faire le parallèle avec les ateliers romains ou nos Euros : nos pièces sont en majorité locales mais un nombre non négligeable vient aussi des autres régions ou pays avec lesquels nous avons le plus d’échanges.


En conclusion de cette partie, signalons que les régimes politiques vont rapidement se succéder après la Révolution (1e République, Directoire, Consulat, 1e Empire, Restauration royale, 2e République, 2e Empire, 3e République). Ceci n’a eu que peu d’influence sur la circulation locale de nos monnaies si ce n’est une centralisation accrue de la production.
L’atelier de Lyon,
le dernier qui subsistait  dans notre région, cessa son activité en 1858. Il en fut de même, à quelques années près, pour tous les ateliers des autres provinces. A partir de 1878, seul subsista en France, pendant environ un siècle, l’atelier de la Monnaie de Paris (avec des exceptions durant les deux guerres mondiales). Contrairement aux époques précédentes, il n’y a donc plus ensuite, du moins pour la monnaie officielle et métallique, de spécificités locales ou régionales.
Il faut cependant noter, en particulier pendant la guerre de 1914/1918, les très intéressantes
monnaies dites « de nécessité » qui ont été nombreuses dans le Pilat.




PARTIE III

Monnaies de nécessité et période moderne


A côté des monnaies officielles, apparaissent dans les périodes troublées de notre histoire des monnaies parallèles. Elles sont en général tolérées par les pouvoirs publics parce qu'elles répondent à un besoin vital de l'économie locale, d’où leur nom de « monnaies de nécessité ».
Il en a été émis pendant la Révolution, la guerre de 1870, énormément pendant la guerre de 1914-1918, puis beaucoup moins lors des guerres ou crises suivantes. Il en a également été émis pour des raisons pratiques ou pour une utilisation privée. Elles ont revêtu différentes formes : jetons-métal, billets-papier, tickets-carton et timbres-monnaie. Ce sont des témoignages précieux de notre histoire et de nos commerces locaux.

La Révolution et la guerre de 1870

 

Comme nous l’avons vu, la pénurie de métal pendant la Révolution affecta rapidement l’économie et la fonte des cloches ne suffira pas à produire suffisamment de pièces. Pour cette même raison, les monnaies de nécessité de cette période seront essentiellement en papier.
Les assignats officiels ne permettaient pas les petites transactions compte tenu de leur valeur importante. Pour faire face à cette situation, les départements, les municipalités et les caisses patriotiques émirent entre 1791 et 1793 des bons ou billets de confiance inférieurs à 10 Sols.
La commune de Condrieu
décida, le 5 septembre 1792, d'émettre pour 25 000 Livres, la moitié  en mandat de 5 Sous, un quart en mandat de 3 Sous et le dernier quart en mandat de 2 Sous (ci-dessous à gauche).  L'émission sera interrompue par un décret de la Convention Nationale du 8 novembre 1792. Sur les 25 000 Livres prévues, il n'en sera donc mis en circulation que pour 4 690 Livres.
Dans notre région on trouve également des billets de confiance dans les communes d’Annonay, de Lyon, de Rive-de-Gier, de Saint-Etienne, de Saint-Jean-Bonnefonds, de Serrières et de Vienne.


Au printemps 1793, un conflit politique avec Paris entraina le siège de Lyon entre le 9 août 1793 et le 9 octobre 1793. Cela fera aussi l’objet d’émissions de monnaies de nécessité de siège que l’on appelle monnaies obsidionales. Les monnaies émises par les assiégés sont essentiellement de papier, sous forme de billets de confiance de 25 Sols (ci-après à gauche), 50 Sols, 5 Livres et 20 Livres.
En plus des Lyonnais de souche, nombre d’habitants de la région ont été piégés dans la ville et ont donc utilisé ces monnaies.


Monnaies de nécessité émises à Lyon  : lors du siège de 1793

et    pendant la guerre de 1870.

La guerre de 1870 avec la Prusse, comme lors de la Révolution, va plonger le pays dans une période d’instabilité politique et économique qui entrainera une pénurie de la monnaie. Il se crée des émissions locales à l’initiative d’institutions comme les communes et les Chambres de commerce mais aussi par des associations et entreprises privées.
Dans notre région on en trouve à Lyon (le Département puis l’Association de la Fabrique Lyonnaise ont émis des billets de 1 Franc et 5 Francs : exemplaire ci-dessus à droite), à Annonay (Union des membres de la Chambre de commerce), à Rive-de-Gier (Société Anonyme des Houillères), à St-Etienne (Association du Commerce Stéphanois) et à Vienne (Sociétés bancaires)
.

La Grande Guerre

 

C'est la guerre de 1914-1918 qui entraine les émissions de monnaie de nécessité les plus importantes. La pénurie de petite monnaie fait souffrir l’économie locale et cela va ouvrir la voie à des initiatives de la part des acteurs économiques qui vont émettre des monnaies sous la forme de jetons, cartons ou billets avec la mention d'une valeur en Francs ou en quantité de produits.
Pour les communes et les Chambres de commerce, ce sera avec l’autorisation de l’État, sous la condition que les émissions soient garanties par le dépôt d'une somme équivalente auprès de la Banque de France. Par contre, syndicats, unions de commerçants, entreprises et commerçants émettent sans garanties en se basant uniquement sur la confiance entre émetteurs et usagers.

Les monnaies des Chambres de commerce
Le Pilat est concerné par les émissions des Chambres de Lyon, Saint-Étienne, Annonay et Vienne.
Pour Lyon : 12 émissions entre 1914 et 1922 (coupures de 50 cents et 1 de Franc). Pour Saint-Étienne : deux émissions en 1914 (coupure de 1 Franc) et 1921 (coupures de 25 centimes, 50 centimes et 1 Franc). Grace aux archives des Chambres de commerce, nous savons que le cumul des émissions pour Lyon, Saint-Etienne, Annonay et Vienne a représenté 53,9 millions de Francs.

Les jetons des commerçants et entreprises
Les monnaies des Chambres de commerce seront insuffisantes pour faire face à la pénurie. Les commerçants émettront aussi des monnaies sous forme de jetons en métal ou en carton. En général utilisables uniquement chez l'émetteur, elles permettront aussi de fidéliser la clientèle.
On en trouve une quantité importante dans les villes industrielles aux portes du Pilat comme St-Etienne, St-Chamond, Rive-de-Gier, Vienne, Givors, Annonay ... mais les communes rurales du Pilat n'échappent pas à ce phénomène. En voici quelques exemples :



Les monnaies privées


En dehors des périodes troublées, et sans que cela soit forcément motivé par une raréfaction de la monnaie nationale ou un problème économique, de nombreux organismes privés ont émis des monnaies pour leur usage interne. Ce phénomène, qui s’étale de la moitié du 19e siècle à la seconde guerre mondiale, est plutôt motivé par un souci de ne pas voir circuler d’argent à l’intérieur d’un établissement afin de faciliter et sécuriser les paiements internes.

- Les jetons militaires ont été utilisés de 1850 à 1940. Ils servaient dans les mess, les cantines et les coopératives. Il y avait des régiments émetteurs de jetons à Lyon, Saint-Etienne et Vienne (ci-dessous à gauche) où se trouvait la majorité des soldats de la région du Pilat.                                              

- Les entreprises et les coopératives, liées à l’essor économique de la fin du 19e siècle, émirent des jetons-monnaies pour leurs cantines et économats. Les Ecoles des Frères Maristes en ont ainsi émis pour un usage interne à chaque école ou entre les établissements afin d’éviter la circulation de véritables monnaies. La date de 1901 sur des jetons de 0,50 F montre que ce n’était pas lié à la pénurie de métaux comme pendant la Grande Guerre. En aluminium et d’un diamètre de 2 à 2,5 cm, il existait quatre valeurs faciales : 5 c, 10 c, 50 c et 1 F. Ces jetons-monnaies ont du être utilisés dans les nombreux établissements Maristes de la région et en particulier dans le Pilat : maisons-mères de La Valla-en-Gier et Saint-Chamond, pensionnat de Pélussin, écoles de Marlhes, Saint-Sauveur-en-Rue, Saint-Genest-Malifaux, Bourg-Argental, ...



La monnaie papier

 

Les expériences de Law sous Louis XV, puis des assignats révolutionnaires de 1790 à 1796, ont été des échecs. Après l’impossibilité de reconvertir ces billets à la demande, en argent ou d’or, puis les faillites qui en ont découlé, la méfiance des Français s’est longtemps fait sentir.
La Banque de France, créée en 1800, restaurera très progressivement la confiance. Des
comptoirs régionaux, ont existé au 19e siècle et ont également assuré l’émission des billets. Le Comptoir de Lyon, inauguré en 1808, a aussitôt émis des billets de 250 Francs (ci-après, à gauche).

Après une fermeture provisoire, seize comptoirs régionaux de la Banque de France (dont Lyon) sont ouverts entre 1836 et 1840 et produisent de nouveaux billets de 1000 à 250 Francs. En 1848, la 2e République ouvre près de 100 succursales dans toutes les principales villes de France. La succursale de Grenoble est ainsi créée et celle de Lyon ouvre une annexe à Saint-Etienne.
Progressivement, des billets de valeur plus faible sont mis en circulation : ceux de 200 et 100 F. au milieu du 19e siècle, puis ceux de 50 F. Cependant, dans la vie quotidienne des Français, la généralisation de l'usage du billet ne date que du début du 20e siècle. Ceci grâce aux petites coupures de 5 et 20 F. qui remplaçaient les pièces de 5 F. en argent (l'Ecu) et de 20 Fr en or (le Napoléon).

Toujours dans le domaine du papier, à partir de 1865, on peut aussi noter l'utilisation du chèque bancaire.
Ci-après
(à droite d'un billet du Comptoir de Lyon en 1810) figure un exemple de chèque très local "Pélussin, Condrieu, St-Rambert-d'Albon, Le Péage-de-Roussillon" datant de 1915 :



Pour l'émission des billets, la guerre de 1870/71 constituera un tournant. Craignant l'investissement de la capitale, la Banque de France installera une nouvelle imprimerie à Clermont-Ferrand pour les petits billets de 50 à 5 Francs. Puis après la défaite, la centralisation deviendra la règle.
Le siège parisien reprit seul la production mais, depuis 1918, il ne s'occupe plus que de la création des nouveaux modèles de monnaie, la totalité de la production industrielle nationale étant réalisée à l'imprimerie nationale de Chamalières, dans la banlieue de Clermont-Ferrand.

Les billets d’Argental : à cette centralisation il faut signaler l’exception notable, très peu connue, de la guerre de 1939/1945 la fabrication nationale des billets de 500 Francs (symbolisant la Paix) s’est faite dans notre région du Pilat, précisément dans une usine désaffectée du hameau d’Argental.
Craignant l’arrivée de l’armée allemande, la Banque de France avait à nouveau pris ses précautions. Pour avoir une unité de secours dans un endroit retiré, elle s’adressa à la grande imprimerie privée parisienne Desfossés-Néogravure qu’elle fit installer à Argental, dans l’ancienne usine de tissage Jarosson. Puis elle lui sous-traita la production de ses nouveaux billets de 500 Francs. Le lieu était isolé, en contrebas de la vieille chapelle, près de la rivière l’Argental dont le nom, lié à celui de ce hameau de Bourg-Argental, résonne ici de façon curieusement prémonitoire !
La production continua jusqu’à la fin de la guerre puis ce billet fut retiré de la circulation. Pendant environ cinq ans, 8232 séries de 25 000 billets, soit un total de deux cent cinq  millions huit cent mille billets, sont donc sortis des presses d’Argental ! Ils étaient imprimés en taille douce et en quadrichromie, technique toujours utilisée aujourd'hui pour obtenir du relief et des traits bien nets.



Développement du commerce local

 

Depuis la seconde guerre mondiale, plusieurs initiatives monétaires visant à favoriser le commerce local ont eu lieu. Des Unions économiques et commerciales ont ainsi émis des bons commerciaux sous forme de billets utilisables uniquement dans les commerces adhérents. Des expériences de ce type ont eu lieu à Firminy, à Saint-Etienne et à Lyon avec des billets allant de 5 F à 1 000 F.
Des communes, associations ou sociétés ont émis, entre 1991 et 1998, des ECUS (Unité de Compte Européenne qui a précédé l’Euro) puis des Euros « temporaires » afin de promouvoir une manifestation ou à titre publicitaire : Brignais, La Côte-St-André, Lyon, St-Etienne, Vienne, …

Ultime forme de monnaie pour le développement du commerce local : les monnaies locales complémentaires. Elles ont été reconnues par la loi de 2014 sur l’économie sociale et solidaire et ont pour but de développer l'économie locale en favorisant le commerce et la production de proximité. Dans le Pilat, une monnaie locale complémentaire a ainsi été créée, « le Babet du Pilat ». Babet est un terme local du Forez désignant la pomme de pin. Les premiers billets de ce nom ont été mis en service en 2018.
La gestion en est assurée par l’association Monnaie Locale du Pilat dont le siège est à Bourg-Argental. Après y avoir adhéré, vous pouvez changer des Euros pour des Babets dans des comptoirs implantés dans plusieurs communes. Puis les dépenser chez les commerçants, associations ou entreprises locales qui les acceptent ainsi que lors des importantes manifestations commerciales ou culturelles pilatoises.




Dématérialisation de la monnaie ?


Nous avons vu la transformation de cet outil d’échange qui a traversé les siècles dans notre région. Après avoir longtemps été constitué d’un métal ayant une valeur intrinsèque, l’usage de la monnaie repose entièrement aujourd’hui sur la confiance. En 1800 les pièces représentaient 90% des échanges, aujourd’hui c’est moins de 1%. Le papier compte pour près de 10% mais c’est en monnaie immatérielle informatisée que se font maintenant environ 90% des échanges. Pour les petits achats utilisant les pièces, de nouvelles pratiques voient le jour (« Monéo », cartes sans contact, téléphones mobiles, …). La disparition semble inéluctable.
Mais curieusement, pour parler de ce que l’on possède sous forme papier ou dématérialisée, on dit toujours que « l’on a de l’argent » comme s’il s’agissait d’un stock de pièces de ce métal. L’usage, à travers les mots que l’on emploie, a la mémoire longue. Les pièces de monnaie ont sans cesse été présentes dans la vie quotidienne de nos ancêtres. Elles feront toujours partie de notre histoire.
La monnaie papier est-elle également appelée à disparaître ? La prédiction semble plus difficile.
D’un côté, se sont partout développé des SEL (Systèmes d’Echanges Locaux de biens, services et savoirs entre habitants d'un même secteur géographique). Sur Pélussin et ses environs, PELUSSEL existe depuis 1997. Basé sur la convivialité et l'entraide, son unité (la prune) n'est pas matérialisée et ne sert qu'à la comptabilité, chacun devant s'équilibrer en recevant autant de services qu'il en donne.
Mais d’un autre côté, ont aussi fait leur apparition des monnaies locales complémentaires, y compris dans notre Pilat avec son BABET.
Tout comme les civilisations, les monnaies ont une durée de vie limitée (notre Euro ne sera pas éternel) mais le Babet du Pilat  nous permet de terminer ce texte, consacré à celles de notre région, par une note d'actualité positive !

PS : pour ceux que le sujet intéresse, ils pourront utilement lire, aux éditions Visages de Notre Pilat, l’ouvrage « De la Gaule à l’Europe, les monnaies dans la région du Pilat » dont cet article est un résumé adapté. Une bibliographie et des références détaillées y sont aussi présentes.


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Jean Artero