REPORTAGE REGARDS DU PILAT
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Par Thierry ROLLAT
Novembre 2003
UNE EXCURSION CHEZ MERLIN
ET SA PIERRE QUI CHANTE


L'un des plus mystérieux site mégalithique du Pilat, les Roches de Merlin, demeure un véritable cadre de pèlerinage, ceci depuis des milliers d’années. Lorsque l’on s’y rend, on peut ressentir l’étrange atmosphère qui règne. Elle s’apparente plutôt à de l’hostilité, tout au moins à première vue. On se retrouve alors entraîné aux frontières de croyances ésotériques...Peu importe d'où l'on arrive, il faut d'abord s'aventurer un petit moment en voiture, sur les hauteurs communes aux villages de Longes et de Sainte-Croix-en-Jarez. La première fois, il n'est pas rare de se tromper de chemin, tellement les tracés sinueux favorisent les erreurs d'orientation. Le décor, dans cette campagne, quasi désertique, tend à décourager les curieux qui naviguent à vue dans le ferme but de se rapprocher du lieu magique. Lorsque l'on ne connaît pas l'itinéraire, mieux vaut choisir de se renseigner le plus rapidement possible auprès de rares personnes que l'on peut apercevoir au bord de la route ; car au final, il peut s’avérer nécessaire de se résoudre à sonner chez des habitants pour y glaner les renseignements utiles. Le dernier hameau, avant les roches mythiques, possède depuis un certain temps, bien malgré lui d’ailleurs, un signe distinctif de mauvais présage : une maison entièrement brûlée de l’intérieur qui offre un spectacle désolant ! Enfin, à ce moment-là, on peut s’apprêter à garer sa voiture. Il faut terminer à pied la rituelle marche sur les traces de Merlin l’enchanteur, héros légendaire de romans bretons. Il faut prendre la peine d’investir ce site fantasmatique en toutes saisons, à la tombée de la nuit, le jour, qu’il pleuve, qu’il vente, qu’il neige ou même en plein soleil. Systématiquement, vous tomberez sous le charme, plutôt sous l’enchantement. Ce haut lieu du paganisme, se trouve perché au milieu de ronces, de genêts et de bruyères ; un chemin étroit vous conduit au royaume des premiers Dieux. Pourtant les seuls vrais occupants sont des vaches, regroupées dans un pré, envahi par les buissons. Le silence y règne généralement ; il peut être occasionnellement dérangé par des coups de feu en saison de chasse, plus couramment par des vététistes ou des adeptes du moto-cross de plus en plus nombreux à venir se perdre ici. Il y a une vingtaine d’années, des hectares de maquis sont partis en fumée. Les arbres ont été sacrifiés à cette nature impitoyable, certains rochers en portent encore les traces... De là-haut, on domine à perte de vue la vallée : un grand spectacle devant autant de modernisme ! Cette position, donne l’impression de se retrouver à l’abri des méfaits du progrès, une sorte de retour extrême aux sources. Certains prétendent même que ce voyage au pays des mégalithes à valeur de thérapie, comme un bon remède contre le stress. Il suffit alors de s’abandonner à une observation paisible et prolongée. Le Pilat ne possède qu’un site de cette envergure spirituelle, pas étonnant qu’il véhicule autant de légendes.

La Pierre qui Chante demeure la star des lieux. Celle-ci présente d’honorables mensurations, de trois mètres cinquante de long, pour un mètre vingt sur sa plus grande largeur. Apparemment, elle a été calée sans pierre de soutien , sûrement posée ainsi depuis des milliers d’années. Certains lui donnent un visage, une figure humaine. Pour des initiés aguerris, elle serait volontairement taillée avec des yeux et une bouche, d’autres pensent qu’elle pourrait chanter ! Ce dernier point se trouve nuancé par des férus de vieux français qui nous signalent que chanter signifiait enchanter. Leur érudition nous offre une possible explication du nom de cette mystérieuse pierre. Nous n’insisterons pas ici sur les petits malins qui prétendent réellement avoir enregistré les vocalises de cette pierre magicienne.

Celle-ci, possède également un deuxième nom : la Pierre du Diable. Une légende prétend que le diable serait parti du Dauphiné, avec ce gros roc sur le dos, fatigué il l’aurait posé en  cet endroit sans pouvoir jamais le reprendre. L’Eglise ne doit sûrement pas être étrangère à cette histoire, qui se raconte depuis longtemps au coin du feu dans les chaumières avoisinantes. C’était sans doute pour faire fuir les fidèles chrétiens de ce haut lieu, préalablement celtique, puis païen et maléfique, en tout cas trop fréquenté selon l’Eglise, que cette dernière l’aurait jadis baptisé ainsi ! Une autre légende précise que si l’on s’y endort dessus, on se réveille gagné par la folie ou à l’opposé par la connaissance universelle. Le site fut évidemment avant tout mégalithique. On peut toujours observer une multitude de pierres à cupules, réparties sur ce vaste territoire. Certaines sont reliées entre elles par des canaux. Des livres nous précisent que deux dolmens prenaient jadis place sur ce site. La dynamite aurait eu raison de l’un d’entre eux, quant à l’autre, plus petit, par conséquent plus fragile, la nature se serait elle-même chargée de sa disparition ! On assimile parfois tous ces rochers mystérieux à des animaux, croyant y reconnaître sculptés dans la masse pierreuse, un chat ou encore un dauphin... Un ensemble de chercheurs insiste sur un constat d’alignement géographique des Roches de Merlin sur d’autres sites mégalithiques des environs précisément, ceux de château Bélize sur les hauteurs de Pavezin, de Pierre Juton ou encore du Menhir du Flat. Pour ces spécialistes, le hasard n’avait pas de place dans le choix de ces lieux ; nos lointains ancêtres auraient donc eu une logique d’échelle pour établir leurs sites ! Ces roches, pour d’autres amateurs de ces époques, seraient réparties selon des critères calqués sur des constellations. Sans mettre de l’eau au moulin de ces chercheurs, force est de constater que du moment qu’on aborde un sujet en rapport aux cupules, on entend parler de théories célestes : Merlin n’y échappe donc pas ! La Pierre qui Chante demeure un élément central. On aurait sur cette roche célébré des rois, soient les maîtres environnants de l'époque moyenâgeuse, les Roussillon en l'occurrence. Car, un vieux document situe précisément cette fabuleuse pierre, censée révéler de futurs souverains, sur la paroisse de Pavezin. Il devient donc important d'approfondir ce fameux article. Le texte parle de trois pierres, dont l’une est précisément nommée la Liafail parlante. Ce renseignement s’avère particulièrement intrigant. Il y a des présomptions pour que celle-ci soit la Pierre qui Chante. Dans ces vieux écrits, la comparaison demeure flatteuse, car ce paragraphe se réfère certainement à l’un des plus hauts lieux de la mythologie celtique, celui du Tara irlandais. Ce site reconnu par les spécialistes, contient notamment la Pierre de la Destinée. Une légende, se calquant pour partie sur une réalité historique, relate que chaque fois qu’un futur souverain s’y asseyait dessus, la pierre poussait un cri. Pendant mille ans, les rois d’Irlande y furent couronnés, avant que ce cérémonial ne s’exporte en Ecosse. Il parait vraisemblable qu’un cérémonial semblable ait perduré ici à Merlin... Quoiqu’il en soit Merlin, garde une bonne partie de ses mystères, ce qui laisse  perplexe, tient au fait que personne ne soit en mesure d’affirmer avec certitude pourquoi on parle de “Pierre qui Chante” ou encore de “Pierre du Diable”. L’article du vieux journal, ici évoqué, nous interpelle, mais gageons que ceux qui l’ont écrit, il y a plus de deux cens ans, avaient probablement des informations beaucoup plus fiables que celles que nous avons à notre disposition ! Le temps qui passe, trahit inexorablement la mémoire collective. Nous devons donc envisager que sous l’ère chrétienne, ce lieu fut improvisé pour des cérémonies sacrées, car n’en doutons pas, le christianisme, doctrine diffusée grâce à des supports écrits, l’a aussi été par communication orale...

Thierry Rollat

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Une "Troisième Pierre qui Chante", quelque part dans le Pilat, près de Trèves.

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