AVRIL 2019
|
André
GEOURJON
|
LA PIERRE
DES TROIS EVEQUES Charronde,
LA VERSANNE DE
TOUT TEMPS AU GOUT DU JOUR CARTE
DE
L’EMPIRE CAROLINGIEN AU IXe SIECLE Reproduction
d’un vitrail réalisé par Michele Goudard,
créatrice de composition en verre Une
simple pierre ronde, Implantée
naturellement ou pas, A
vocation de limites territoriales ou religieuse depuis des
siècles, Une
destination touristique permanente, Qui
suscite interrogations et curiosité, Dont
le rayonnement n’a pas encore révélé les raisons
de cette lumière. De mémoire d’homme,
à La Versanne et plus
largement au niveau du Pilat, on a toujours entendu parlé de
cette pierre et de
ses légendes qui ont engendrés diverses initiatives. Un
sentier en boucle communal
qui porte son nom est régulièrement emprunté, le
site est souvent évoqué par
les passionnés de patrimoine, dans les années
quatre-vingt un ouvrage local
réalisé avec le concours du curé du Village
Antoine Javelle ayant pour titre
évocateur des racines à l’horizon en
fait son introduction par une photo de
cette dalle en granite pratiquement ronde accompagné
du texte suivant : ‘’c’est ici que tout commence’’. Un
autre religieux, l’Abbé Régis Heyraud professeur de
théologie dans plusieurs séminaires
dont St-Sulpice à Issy Les Moulineaux, n’a pas manqué
d’évoquer cette pierre
mystérieuse dans ses récits dont le livre écrit
à l’aube de ses 97 ans, La Versanne mon Pays
(2005).Louis
Bernard rédige dans le bulletin du Vieux Saint-Etienne en
septembre 1968 une
description remarquable de cette limite
pendant 2 siècles. L’argumentation de ce passionné de
patrimoine est en partie
inspirée des travaux d’Auguste Longnon, historien et
spécialiste de la Gaulle
Romaine. De récentes découvertes ont mis en valeur le
patrimoine archéologique
de proximité de la pierre sur le territoire de Saint-Sauveur en
rue, un
cromlech a été mis à jour aux Faves, en 2018 le
travail d’Eric Charpentier de
l’association Visages de notre Pilat a permis de démontrer le
lien mathématique
qu’il existe entre différents amas rochers de ce lieu et
d’autres plus éloignés
mais reconnus pour être de l’époque néolithique.
Connaitra-t-on un jour la
véritable histoire
de la Pierre des Trois Evêques ? Sa
situation Nous
sommes à 1100m d’altitude, en pleine
foret de résineux, à l’extrémité des
hauts-plateaux genesiens, au niveau de la
rupture de relief avec la vallée de La Déome laquelle
accompagne le regard
jusqu’au gigantesque massif alpin, à quelques pas de la limite
de partage des
eaux entre la Méditerranée et l’Océan Atlantique,
plus concrètement en limite
de commune entre Saint-Sauveur en Rue et La Versanne,
lieudit Charronde. L’accès le plus facile est
à partir des Chaumasses sur la commune de Saint-Régis du
coin, il faut
emprunter le sentier en boucle N°3 de La Versanne, balisé
jaune et vert, puis
marcher sur 1km environ. D’autres itinéraires sont possibles,
à partir de la
route D22 à 2.5km de l’Auberge du Grand-Bois il faut s’engager
sur le chemin de
Charronde, ou à partir de la ferme des Faves sur la commune de
Saint-Sauveur en
Rue. Pour ces deux derniers il n’y a pas de balisage. Le Sentier communal N°3 Le
paysage La déprise agricole
a eu raison de l’espace,
le pré qui jouxtait la célèbre pierre au
début du XXe siècle a été remplacé
naturellement par des pâturages puis par une
plantation de sapin, les deux fermes de Charronde ne sont plus que
vestiges et
ruines, les étroites dessertes de l’époque
délimitées en bordure par des blocs
de granites recouverts de lichens sont remplacées par des pistes
forestières
effemaires. Le point de vue est limité en raison du boisement,
la déforestation
d’une parcelle coté Sud-Est permet de donner plus de profondeur
de vision, et
d’imaginer qu’en l’absence d’arbre l’environnement aurait une toute
autre
configuration et permettrait peut-être de mieux comprendre
pourquoi l’homme à
donner, à une période de son existence, du prestige
à ce lieu. Le
Climat Probablement que
l’altitude à plus de 1100 m
et son exposition à tout vent ont contribué à
isoler ce territoire lors de la
création des chemins et routes destinées aux engins
motorisés. Ici l’hiver y
est rude, certes un peu moins depuis quelques années,
l’évolution du climat
ayant fait son effet, néanmoins en fin de saison froide on
retrouve
régulièrement des arbres renversés ou
cassés par la force naturelle. Jadis, les
chutes de neige abondantes compliquaient tous déplacements ce
qui a conduit, d’après
les propos de nos anciens, les gens à créer des murs
suffisamment élevés
servant de sentier d’hiver comme le montre la photo ci-jointe. Au
dix-neuvième
siècle un homme se sentant très courageux a payé
de sa vie son déplacement dans
la tempête de Charronde aux Chomasses. Parfois, la force des
bourrasques figent
la neige sur le tronc des arbres créant ainsi un paysage
surnaturel. Pour bien
mesurer les turbulences et ressentir de
réelles sensations nordiques du Massif Central le lieu est
idéal, pas
surprenant qu’il soit inscrit dans Le
Triangle de La Burle évoqué dans le roman de Jean
Peyrard (2007), un espace
maudit entre les trois monts Aigoual, Mézenc et Pilat.
La
vie A quelques mètres
de la Pierre des Trois Evêques
se trouve une première ferme, plusieurs familles de paysans se
sont succédées
jusqu’au début du vingtième siècle. Vivant
très modestement comme beaucoup de
familles rurales à cette époque ils avaient en plus
l’inconvénient supplémentaire
de ne pas avoir l’eau à côté de la ferme, ils
devaient se rendre chez le voisin
à plus de 100m soit une difficulté quotidienne pour
alimenter le bétail en hiver. Ils
n’étaient pas
malheureux pour autant la vie de cette époque était
ainsi, prenaient le temps
de laisser leurs empreintes que l’on perçoit encore sur la
pierre ou jouer du
clairon à cet endroit les soirées d’été.
Mais cette mélodie a eu une fin au
début de la grande guerre, le fils mort au combat, son
père traumatisé a mis fin
à ses jours, sa sœur et sa mère ont quitté les
lieux en 1920 après la vente aux
enchères de l’exploitation agricole. Aujourd’hui le nom de
Bouvier est inscrit
sur l’anneau de la mémoire dans le Pas de Calais avec les
580 000 soldats
morts pour La France. L’autre ferme voisine,
sensiblement identique,
bénéficiait d’un équipement supplémentaire,
la forge. Placé nord-Ouest de la bâtisse
en continuité avec la grange et la maison d’habitation, la
famille Guichard a
forgé des outils ou autres pièces mécaniques
nécessaires aux travaux des
champs. Un engin, structure en bois équipée de larges
sangles, était utilisé
pour ferrer les bœufs. On peut raisonnablement imaginer que les fermes
avoisinantes
devaient se rendre ici pour équiper leur traction animale. On
peut aussi
également penser que le départ du voisin à
engendrer de la solitude et que cet
exode les a conduit à faire de même entre les deux guerres
mondiales. La guerre a
anéantie des vies mais aussi des lieux
de vie. Un
territoire patrimonial Cette Pierre Ronde telle
qu’elle est désigné
sur des anciens textes est indéniablement la’’
cathédrales ‘’ des lieux grâce à
la légende qui se perpétue depuis des siècles.
Scientifiquement aucune
démonstration n’atteste du rôle précis que cet
édifice dans notre histoire.
Certes, mais force est d’admettre aujourd’hui que les écrits
existants prouvent
qu’une réalité c’est bien manifestée un jour comme
en témoigne les anciennes
cartes ainsi que sa citation dans
l’ancien cadastre Napoléonien de 1837. A cette époque les
géomètres Berlier et
Raynaud ont noté sa présence sur la limite communale
entre Saint-Sauveur en Rue
et La Versanne, a contrario d’autres blocs rocheux aussi imposants
n’ont pas
été notés à l’exception de deux, Le Rocher
de Chaumas et le Rocher de l’Aigle,
placés à moins de 500m pour le plus éloigné
et également en limite de commune.
Ces deux derniers qui
jaillissent à plus de 2 mètres du sol sont en alignement
parfait avec la Pierre des Trois Evêques avec une orientation
Ouest-Est. Bien
qu’ils soient cadastrés ils n’ont pas la popularité de la
pierre légendaire, la
densité de la végétation les rend peu visibles
l’étymologie de leur désignation
n’a rien de particulier semble-t-il, alors pourquoi avoir
perpétué leurs
existences sur les relevés
topographiques de la première importance. C’est une
interrogation supplémentaire.
Peut-être que le travail en cours d’Eric Charpentier,
intitulé Cadran du Pilat,
sur l’ensemble du site apportera un éclairage sur des faits du
fond des âges. Non loin de ces amas
rochers singuliers, sur
la commune de Saint-Régis du Coin, se
trouve la tourbière aménagées de Gimel dont
l’histoire à 8 000ans. Un
patrimoine naturel d’exception, prouvé scientifiquement, qui
révèle la nature
des végétaux présents sur ces terres au fil des
siècles, et qui peux donner
entre autres des informations utiles à la configuration
paysagère de ce
territoires et ainsi contribuer, peut-être, à
l’éveil de la vérité sur
cette mystérieuse Pierre des Trois Evêques.
Et
la légende continue Dans le cadre d’une action
culturelle en 2004,
des adolescents du village de La Versanne ont engagés un travail
récréatif pour
présenter l’ensemble du potentiel des lieux à partir d’un
sentier pédestre. La
faune, la flore, et le patrimoine naturel sont évoqués
dans une brochure, ainsi qu’une version de
la légende déjà
mentionnée dans le livre ‘’Notre Pilat’’ de C.Berthier et
R.Bargeron, Trois
Evêques se seraient réfugiés dans une ferme proche
de la pierre pendant les
guerres de religion … on ne peut
qu’espérer pour eux que leur génération connaitra
un jour toute la vérité et
que le soleil continuera de briller longtemps sur leur
chemin préféré tels qu’ils l’écrivent
dans le poème
ci-dessous. Ecoute les
enfants de La Versanne bercés par
le cri des ânes. Regarde la
nature s’éveiller sur ce joli
sentier. Ecoute les
enfants sur les arbres à l’heure
d’escalader. Touche la
rosée du matin et la fraîcheur sur
tes mains. Contemple
cette pierre témoin du passé, Où
trois évêques venaient pour y discuter. Explore les
tourbières pour y prendre un bol
d’air. Regarde le
soleil se lever et se coucher sur
ton chemin préféré. Hume ces fleurs avant
qu’elles ne meurent. Christophe,
Pauline, Adeline, Melanie, Thomas,
Emilie, Mickael Avec le
concours de l’espace Socio-culturel de
La Déome, La Mairie
de La Versanne et le service environnement du Parc du
Pilat. |
Nous vous proposons à
présent de retrouver un nouvel invité, qui affectionne en
plus tout particulièrement ce haut Pilat.
|
1/
Les Regards du Pilat : Bonjour, Pierre-Bernard. Beaucoup,
parmi les chercheurs érudits ou simples amateurs, connaissent
votre attrait
pour l’Histoire et le Patrimoine régional, outre votre
persévérante implication
dans la sauvegarde et la transmission du parler occitan. Sans
interruption,
depuis votre jeunesse, vous prenez part à la vie d’associations
- de renom -
telles que la Société d’Histoire du Pays de Saint-Genest
Malifaux, La Blaguée
du Patois de Chaucître de Taillard, Visages de notre Pilat,
l’association de
Protection du Patrimoine et de l’Histoire de Sorbiers, Forez-Jarez,
etc. D’où
provient cette passion qui vous anime ?
Pierre Bernard Teyssier :
Il ne s’agit pas d’aller chercher très loin !
Cela remonte, pour l’essentiel, à
mon
enfance à la campagne. Par un fait singulier pour
l’époque - la ferme
familiale se trouvant à l’écart du village – on ne m’a
mis sur le chemin de
l’école qu’à l’âge de six ans. Pour autant, presque
sept décennies plus tard,
je trouve que cette prime enfance a été pour moi un
merveilleux cadeau. En
effet, mes parents et mes quatre sœurs ainées ne
m’élevaient pas en sauvage. Loin de
là ! La maisonnée était
très animée, outre que la garde, par ma mère, de
jeunes citadins candidats à un
« bol d’air » fut, pour moi, très
tôt, un « booster » de
curiosité à l’égard du vaste monde. Je
considère avoir, de la sorte, bénéficié
des conditions optimales d’immersion
dans la « vraie nature ». On
me disait « enfant sage », je n’en étais
pas moins curieux de tout.
Déjà très intrigué, je l’avoue, par le
« sens caché des choses » !
Plus ou moins consciemment, j’ai pris goût à la paisible
conversation entamée
avec les arbres, les animaux, les
sources, les roches, même … et les gens, bien sûr !
Par la suite, dans
l’arène de la vie, j’ai dû comme tout un
chacun, joliment ferrailler. Accepter, le plus loyalement possible,
« les
points de passage » entre certaines séquences
vitales, autrement
dit : les « bardos » chers à la
vision tibétaine. Pourtant, la
question se résume toujours à savoir si, chemin faisant,
les avantages et les
contraintes qui se bousculent, par grappes,
sur la page blanche d’une
existence n’auraient pas, toutes ensemble, qu’une seule et même
finalité. Permettre
à chaque être de trouver sa place dans l’Univers en
poursuivant sa propre Quête !
Que de grandes causes à défendre, certes ! Chacun se
doit d’y prendre sa
part. Mais, il est aussi offert à chacun de palper ne serait-ce
qu’une
brindille de l’Insaisissable… Dès
lors, s’abstenir
d’entrer dans le au jeu ne serait-il pas quelque peu sacrilège ?
Enfin, toujours pour
répondre à votre question, tout au long
de ma vie, il y a eu les livres ! Bien avant de pouvoir caboter
mentalement chez les Grecs ou les Latins ou, au gré des saisons,
de m’enticher
de tel ou tel philosophe, j’avais déjà pris goût
à fréquenter la bibliothèque
du village. Celle de la paroisse, à vrai dire. Ce n’était
pas encore la
super-médiathèque communale dont est aujourd’hui
doté Saint-Genest-Malifaux,
mais l’on aurait pu tout aussi bien y voir apposé, au fronton,
une devise,
celle qui a donné le titre, en 2009, d’un ouvrage que j’ai
déjà eu l’occasion
de citer ici, à Regards du Pilat ; le
beau livre du moraliste Jacques de Coulon : « Soyez poète de votre vie ».
Hélas ou plutôt « Dieu,
merci ! », la fringale des livres aboutit souvent à
l’addiction. Dans mon
propre cas, plutôt que de faire montre d’un absolu déni,
j’ai choisi de soigner
le mal par le mal ! Peu importe, dès lors,
les restrictions de tous les thérapeutes du
bien-être. Eh, comme aurait
dit, autant l’une que l’autre, mes deux grands-mères :
« Tiens
bon ! »
2/
Les
Regards du Pilat : Parlons
maintenant de la Font Ria. L’idée,
au départ, était que, sur ce blog, vous tentiez
d’éclairer quelque peu le
lecteur à-propos des premiers passages ou séjours des
humains en Haut-Pilat. Et
voilà qu’article après article, votre chronique multiplie
les circonvolutions
autour d’un lieu précis : la Font-Ria ! Cette source
immémoriale, qui
se situe justement sur la commune de Saint-Genest Malifaux, a, depuis
des
lustres, capté votre attention. Y a-t-il encore un
mystère qui serait parvenu à
vous échapper sur un tel sujet que vous maitrisez pourtant si
bien. Si oui,
quel pourrait-il être ?
Pierre Bernard Teyssier : Au moment où vous
me faites l’honneur de m’interviewer
- cher (re)-découvreur, avec le « Quadran du
Pilat » (plus
d'infos) de la
Pierre-des-trois-évêques - j’ai
déjà
guidé modestement les lecteurs de ce blog vers différents
gisements de données
concernant la Font-Ria. Cependant, l’exploration… de pareilles sources
(!) est
loin d’être achevée, si tant est qu’elle puisse
l’être, tant le champ de
recherches s’avère vaste et
varié. Sans,
d’ailleurs, quitter la Font-Ria, épicentre, en effet, de ma
démarche, il y a
lieu de distinguer nettement deux sujets ou deux thèmes de
recherche : à
l’avant-scène, le thème énigmatique du
poème gravé sur les pierres de la
« Font », au XVIIème siècle selon
toute vraisemblance ; en
remontant beaucoup plus loin dans
« l’espace-temps », le thème, tout
aussi énigmatique, des tailleurs de
silex
qui ont opéré en ces lieux. Des chasseurs-cueilleurs du
« mésolithique » nous dit-on… de bonne
source !
La Font Ria
3/
Les
Regards du Pilat : Toujours
à propos de la Font Ria. Si « Ria »
signifie Royal en langue ancienne, de quel Roi pourrait-il
s’agir en
remontant alors loin les siècles ?
Pierre Bernard Teyssier : L’abbé Jean
GRANGER (à qui je dois d’avoir expressément
guidé mes pas vers de telles « raretez »,
alors que j’étais encore
« novice » en la matière) use, en effet,
de l’expression
« Font-du-Roy » pour parler de la Font-Ria. De
même qu’à la
« Pierre-des-trois-évêques », tout le monde se voudrait virtuellement
délecter d’un épiscopal festin,
qui donc, tout en évitant de piquer du nez dans la source du
Cotatay,
dédaignerait de s’y incliner au passage de quelque grandissime
monarque ?
Pourquoi, d’ailleurs, faudrait-il exclure définitivement que tel
ou tel des rix
gaulois - que certain chercheur
(Noël GARDON, le premier, semble-t-il) a cru débusquer
derrière la Perdrix (Peyre-de-rix) du mont
Pilat - soit, à loisir, venu
accomplir, à la célèbre
Font, tel rituel particulier en lien avec le caractère
sacré de ladite source ?
Parmi les spécialistes du druidisme, qui donc irait railler
pareille
hypothèse ? Encore moins que tout autre : certains
familiers de la
« baguette magique », qui ne doutent plus de la
présence, dans le sol
de Faro, de substructions d’époque très ancienne, voire
d’époque gauloise ! Par
analogie avec le Bia do Ré (le Bief
du Roi), singulier tonneau des Danaïdes repérable dans le
Grand-Bois (tout
proche), sous l’Ancien Régime, on pourrait aussi estimer, comme
le Chat Botté
de La Fontaine, que tout, en son domaine, appartient, si ce n’est au
roi en
personne, du moins à M. le Marquis de Carabas, vraisemblable
cousin… du comte
Amelot (dont le Sapin Géant couronne majestueusement le
fief dans le
Grand-Bois) ! Notez qu’une
« Font-Réal » (Fonte Regali)
est également relevée dans le Roannais, sur
la commune de Saint-Rirand, par le Dictionnaire
toponymique de M.DUFOUR (/Chartes
du Forez, année 1240). Tel
qu’encore patoisé localement, l’occitan, enfin, ne rechignerait
guère à nommer
le lieu Font du Rio, sans trop savoir
si le « o » final doit
vraiment s’entendre tel ou bien « a »…
Plus globalement, ceux qui s’adonnent à la toponymie sont
unanimes : sans un
tel processus de « re-motivation », beaucoup de noms de lieux, taraudés par
l’usure du temps, seraient déjà tombés en
quenouille !
4/
Les
Regards du Pilat : De
manière générale, le Pilat recèle de
très
nombreux sites mégalithiques. Qualifierez-vous, alors, en
partant de là, notre
Massif montagneux comme une région majeure de France en rapport
justement avec
ses propres sites mégalithiques répartis ici ou
là ?
Pierre Bernard Teyssier : Une remarque tout
d’abord : il me semble que
beaucoup d’historiens, désireux d’asseoir le
« corpus » de leurs recherches,
se focalisent trop, par nécessité sans doute, sur la
période qu’ils prétendent
cerner. Mais, pourquoi faudrait-il récuser un tel contexte
universitaire ?
Parce qu’à l’instar de toutes les catégories que notre
intellect prétend créer,
cela n’a guère le mérite, à bien des
égards, d’être satisfaisant.
Question : comment discerner, de la sorte, ce que l’on nomme
parfois
« l’esprit des lieux » ? Il me semble,
personnellement et sans
même trop solliciter K.G. Jung, que les mythes et les
légendes, si l’on en
pénètre finement le sens, se révèlent,
alors, d’un grand secours et non pas
comme des « balivernes », au
rang desquelles certains s’empressent naïvement de les
réduire. L’Odyssée,
autrement, aurait sombré depuis fort longtemps dans le Grand
Compostage auquel est
irrémédiablement voué le cortège de tant d’
« avant-gardes »
multiples et variées. L’abbé Antonin BOUDAREL, l’un des
plus vénérables
historiens de Saint-Genest-Malifaux, dans « Vieux papiers,
vieilles
histoires » (inédit) affirmait bien, quant à
lui, que les Genésiens, à
l’origine, étaient des Ligures, mais, hélas, l’affaire
n’allait guère plus
loin…
C’est un peu comme si,
juste après avoir congédié – ou
conjuré ! - le fantôme
d’un
« Ponce Pilate », qui, certes, n’avait
guère plus de chance de
hanter le Pilat que d’autres recoins de Suisse ou d’ailleurs, beaucoup
de
chercheurs avaient résolument mis un sérieux frein
à leur intuition et à toute
forme de perspicacité. Forçant parfois la dose de
scientisme ambiant, faisant désormais
fi des légendes comme de « balourdises »,
pourquoi, à quelques
exceptions près, s’est-on, en général, très abondamment« lavé
les mains »
de toute forme de questionnement sur les grandes migrations qui
auraient pu
laisser des traces dans le Pilat ? Voilà, sans doute, de
quel côté lorgner
pour comprendre que les silex mésolithiques découverts
à la Font-Ria aient bien
failli sombrer dans l’oubli. Qu’en sera-t-il des voies antiques, des
oppida ou
de certains mégalithes décelés et
consciencieusement « mis en
examen » par différents chercheurs, y compris ces
tout derniers
mois ; j’espère ardemment, pour ma part, qu’un brin
d’intérêt assorti d’un
zeste de considération vienne encourager la mise en valeur d’un
tel
patrimoine. A chacun de nous, humblement,
dans la période, d’y contribuer selon son degré de
passion, son allant et ses
moyens !
5/
Les
Regards du Pilat : Si,
à vos yeux, il en existe un, avez-vous
une prédilection pour un site mégalithique plus
majestueux que les autres dans
le Pilat ?
Pierre Bernard Teyssier : La réponse se lit
déjà en filigrane dans votre
question, avec un tel casting,
c’est irrémé-diablement
Chaucître, qui tient la rampe ! Notre montagne
« sacrée » est dotée
d’un tel trésor de bijoux minéraux : la Pierre
Saint-Martin, La Pierre
Pinguole, la Carriole, la Pierre d’Airelle, la Teyssonnière, la
Pierre du
Clapier etc., etc., toutes plus chargées de mystères les
unes que les autres !
Mais, cela n’enlève son charme ni à la Pierre des
Gaulois, au dolmen de La
Blache, mais, chut … plutôt que de brusquer les choses, ne
vaut-il pas mieux,
en ces hauts-lieux, s’acheminer à pas de loup…
La Carriole
6/
Les
Regards du Pilat : La
Pierre des Trois Evêques, certainement
trop mal connue, reste un repère historique primordial en Pilat
et très
au-delà, n’ayons pas peur des mots,
à
l’échelle de l’hexagone. Intrinsèquement que
représente-t-elle pour vous ?
Pierre Bernard Teyssier : Comme le suggère
votre question, voilà donc une roche qui,
dans son apparente simplicité, a beaucoup de choses à
dire ! Personnellement,
avec ma vaste lignée d’ancêtres nés dans le
décor rustique de Chaucître, de
Gimel et de Ruthianges, je ne peux que ressentir un lien quasi
génétique avec
la Pierre des Trois Evëques. Cela va encore au-delà, car ce
« monument » symbolise, pour moi, des valeurs
auxquelles je suis
singulièrement attaché, notamment celles qui m’ont
toujours engagé à tisser du
lien. Les Roches Jumelles marquant, à une lieue plus au sud,
leur empreinte,
n’en sont-elles pas, d’ailleurs, un chainon singulier ?
7/
Les
Regards du Pilat : Comme
la Pierre des Trois Evêques, toutefois
à une échelle moindre, la Pierre de Bégusieux sur
la commune de Planfoy se
présente comme une ancienne borne. Elle a déjà
fait l’objet d’études de votre
provenance. Que pouvez-vous nous dire à son sujet ?
Pierre Bernard Teyssier : C’est bien plus de sept
fois que j’avais tourné ma langue
dans la bouche, avant que le livre d’Albert Grenier, sur La
Gaule, opportunément ouvert à la bonne page, ne me
tombe, un
certain jour, entre les doigts. Il y était question d’un
« ex-voto »
trouvé à Alésia et
dédié, par des
forgerons, à « Ucuetis et Bergusiae ».
Bergusia est une divinité
gauloise présidant à des énergétismes
liés à la poésie, à la médecine et
à la
forge. De là à entrevoir, en ce haut-lieu, une
sympathique lucarne entrouverte
sur le mythe de Furania, la bourgade
ancestrale de Saint-Etienne, il n’y a qu’un pas, qu’il me plait d’avoir
allègrement franchi. Quant aux Brigands, à
qui quelques historiens prêtent d’avoir assailli la garde de
Labienus, si ce
n’est de César lui-même, comment ne pas les deviner,
à la bonne saison, en
train de se rassembler, pour une digne cérémonie, dans
l’orbe tout à fait
charmante de la Pierre Bégusieux ? Ceux de nos contemporains qui
ont daigné
voir là une « pierre de mariages » n’en
ont, du reste, pas tous été
pour leurs frais, mais c’est encore une autre histoire …
8/
Les
Regards du Pilat : La
Chartreuse de Sainte-Croix en Jarez reste
un site incontournable du Pilat lorsque l’on évoque le Pilat,
son patrimoine,
son histoire et ses fleurons. En remontant vers des époques
reculées, établissez-vous
des liens avec les Roches de Marlin voisines de quelques
kilomètres seulement,
et si oui lesquels ?
Pierre Bernard Teyssier : Eh, oui, entre
Chantemerle, à une lieue de Bégusieux, et la
Roche de Marlin, l’Enchanteur n’aura cessé de poursuivre
Viviane ! En auront
mystérieusement subsisté les répons sonores
d’Echo ! Essayez donc, vous
verrez bien !
9/
Les
Regards du Pilat : Certains
Saints et leur histoire ne vous
sont pas indifférents. Nous vous avons par exemple un jour
rencontré à une
belle conférence donnée sur Saint-Martin par
l’éminent abbé Martin. C’est de
Saint-Antoine et ses trois cochons que nous voudrions vous parler. Il
est notamment
présent comme vocable d’une chapelle de Roisey dans le Pilat. Il
semblerait que
vous lui prêtiez une intime origine égyptienne. Qu’en
est-il exactement ?
Pierre Bernard Teyssier : Ah, il serait bien trop
long de retracer ici toute l’histoire !
Mais, j’invite « ardemment » (tel est bien le mot
qui convient,
puisque le sujet touche au fameux « mal des
ardents », dont la
thérapie fut longtemps l’œuvre de l’Ordre des Antonins) nos
lecteurs à rendre
visite, dans l’Isère, au très joli village de
Saint-Antoine-L’abbaye, où
pourront alors comprendre bien des
choses touchant non seulement à l’ergot de seigle, mais, aussi,
à la grande
Histoire, voire au sort de l’Europe …