LA NOUVELLE RUBRIQUE
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Un Coin Sympa
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Avec la rubrique « Balade », nous vous avons
promenés sur toute la longueur de l’échine minérale du Pilat, sur la ligne de
crête entre le col du Tracol et le Pet du Loup. Succédant à cette série de
balades, s’ouvre aujourd’hui la nouvelle rubrique « un coin sympa ».
Pourquoi ce titre ? Lorsque le Parc Naturel Régional du Pilat fut créé, il
publia très rapidement une revue trimestrielle Le Journal du Parc, qui
dans ses premières années, avant de se consacrer à d’autres thèmes, puis de
disparaître purement et simplement, faisait la part belle aux randonnées et
découvertes du massif, la plume étant souvent laissée en l’occurrence à
l’Association des Guides Animateurs du Pilat. Parmi ces rubriques il en était
une qui traitait chaque fois d’un lieu particulier, racontant son histoire,
décrivant ses curiosités, en un mot donnant envie d’aller le découvrir. Cette
rubrique se nommait Un coin sympa. Beaucoup d’amoureux du Pilat la
regrettent. Alors nous avons décidé de la ressusciter, en vous proposant aujourd’hui :
Le Premier Épisode
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Une Flânerie autour de la Croix Pilherbe
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Sur la commune de Chuyer il est un coin particulièrement
sympa, c’est le petit col sur la route de Pélussin, à 1 km au sud, où s’élève
la croix de Pilherbe. On peut garer la voiture sur le terre-plein au pied de la
croix, ou choisir d’y grimper à pied depuis Chuyer par les Ferranches. C’est un
croisement de petites routes, à ce carrefour il est possible de monter au
hameau du Montant, et de là rejoindre la D. 7 et le col de Pavezin, ou de
descendre vers le hameau du Grand Marat, et de là rejoindre la D. 19 au niveau
du hameau d’Ecotay. Le lieu est paisible, une jolie vue se dégage sur le
village de Chuyer, niché au pied du Mont Ministre, et de l’autre côté vers les
sommets du Pilat, le Pic des Trois Dents et l’Œillon. Pourtant, que de
curiosités et de lieux chargés d’histoire, dans un si petit périmètre. |
Au carrefour de la croix de Pilherbe.
Au fond : le
village de Chuyer
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LA CROIX DE PILHERBE C’est une haute croix de pierre, aux branches fleurdelisées
enserrées dans un cercle garni de perles, selon la mode celtique très en vogue
au XIXè siècle. Elle est plantée sur un socle de section carrée orné
d’une Piéta côté nord, lui-même posé sur un large piédestal en
escaliers. Une inscription, côté sud du socle, nous apprend que le 6 août 1876
la population affligée a fait le vœu d’ériger ce monument, et de s’y rendre
chaque année en procession le 3 mai (jour de l’Invention de la Sainte-Croix), « pour
la préservation de la grêle et des autres fléaux dévastateurs ». Dans
les croyances populaires et ancestrales, c’est en effet en cet endroit que
naissaient les plus horribles tempêtes, la grêle venant détruire les récoltes sur
pied en un instant. D’où ce nom de Pilherbe, qui vient de « pile herbe ».
Depuis que la croix et sa procession existent, suite à ce vœu, le lieu maudit a
semble-t-il été exorcisé. Il faut ajouter qu’on en a profité pour masquer à
jamais, sous le large piédestal, un rocher creusé d’une alvéole, qui n’avait
semble-t-il pas une bonne réputation. D’après Georges Pétillon, qui dressa un
inventaire des richesses archéologiques du Pilat, connu sous le nom de Dossier
Pétillon, il s’agissait en réalité du second Pied de Samson. On sait qu’au
flanc du Mont Ministre, près du lieu-dit Bonnebouche, un rocher porte la trace
d’un énorme pied, trace naturelle pour les uns, creusée par l’homme pour les
autres, que la légende a attribué au géant Samson. Celui-ci l’aurait laissée en
se baissant pour boire l’eau du Rhône. On en a conclu qu’il se tenait à cheval
au-dessus du fleuve, mais la légende ne dit rien de tel. Il avait peut-être
bien les deux pieds côté Pilat, le second à l’emplacement de la croix de
Pilherbe, soit il faut bien le dire au même niveau que le premier, et dans une
position parallèle par rapport au Rhône.
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LE HAMEAU DU MONTANT Par la petite route du haut nous accédons, en voiture ou à pied, à un
petit hameau posé à flanc de coteau. La première maison est une demeure
écologique, dont l’électricité est fournie en grande partie par une éolienne
tournant au vent, et visible de fort loin. Puis d’autres maisons plus
anciennes, bien restaurées, se présentent. Et voici qu’à droite, nous
découvrons, incrustée dans la maçonnerie d’un petit bâtiment, une statuette
rustique à l’allure anthropomorphe, un visage posé sur un tronc sans bras ni
jambes. « L’étrange statue du Montant », comme on l’a nommée dans les
années 80, fut examinée par des spécialistes. Lesquels ne sont pas d’accord
entre eux, les uns la faisant remonter à l’Âge de Bronze, ce qui n’est déjà pas
si mal (4000 ans environ), les autres carrément au Magdalénien (12000 ans). Qu’importe…
La statue est toujours là et veille sur le chemin, puisse-t-elle encore
longtemps interpeller les passants par son étrange sourire de Joconde.
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LA PIERRE À CUPULES DE PILHERBE Revenons au carrefour et prenons la route du bas, en
direction du Grand Marat. Dans un pré à droite émerge une roche en partie
couverte de ronces. Au pied du poteau télégraphique planté là et servant
judicieusement de repère, une partie dégagée présente deux groupes de cupules,
séparés par une rainure. Dans la partie gauche, côté nord-est, une grosse
cupule est entourée de plusieurs autres plus petites. Dans la partie droite,
côté sud-ouest, sept cupules régulières semblent dessiner la constellation de
la Grande Ourse. Pour les tenants d’une origine mégalithique, le site est
mineur par son faible nombre de cupules, mais fort intéressant par son aspect
« astronomique » pouvant justifier d’un ancien culte des étoiles.
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La pierre à cupules de Pilherbe. Les 7 cupules.
LE GRAND MARAT Nous
revenons à la route et poursuivons vers le hameau dont on
aperçoit
les toits. Trois ou quatre maisons, massives et austères,
s’agglutinent sur un
replat de terrain. Le nom est la déformation de
« Grange de Marat »,
et ce Marat-là n’était autre qu’un ancêtre
éloigné du célèbre révolutionnaire
assassiné dans sa baignoire par Charlotte Corday. Ce hameau nous
rappelle aussi
le temps des « granges ». Aux XVIè et XVIIè
siècles, plusieurs familles bourgeoises, notamment lyonnaises, se constituèrent
une réserve foncière en achetant de nombreuses « granges ». Derrière
ce terme volontairement simpliste se cachaient en fait des exploitations
agricoles, leur assurant revenus et ravitaillement appréciables. Les temps
étant alors peu sûrs à cause des guerres de religions, ces propriétés rurales
étaient parfois fortifiées. C’est ainsi que beaucoup de terres sur le piémont
rhodanien passèrent entre les mains de familles comme les Androd (« la
Grange d’Andros » près de la Chapelle-Villars), et surtout les Villars, de
Condrieu, qui furent à la tête de multiples domaines, disséminés entre Pélussin
et Loire-sur-Rhône, dont le Grand Marat. On peut prendre le chemin, face aux
bâtiments, pour accéder à un point de vue dominant largement le piémont.
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LA CROIX BLANCHE Nous poursuivons sur la petite route qui longe le Grand
Marat. Le hameau dépassé, nous voici sur une courte ligne droite descendante. À
droite, se présente une croix de fonte, peinte en blanc éclatant pour perpétuer
son nom : la Croix Blanche. À gauche un large chemin monte depuis
Métrieux. À droite, la limite entre deux terres semble en former le
prolongement. Nous croisons ici l’ancienne voie romaine de Condrieu à Pélussin.
À gauche il n’en reste qu’un chemin, dont la largeur trahit l’origine romaine.
À droite les champs ont eu raison de la route antique, dont le tracé se
remarque cependant par la limite entre les terres. La Croix Blanche est un
toponyme typique fréquemment rencontré sur les anciennes voies romaines. Les
bornes milliaires qui les balisaient étaient en souvent en pierre blanche, et
ces bornes ont par la suite été christianisées par l’implantation de croix. Notre
croix blanche en fonte n’a fait que pérenniser une appellation très ancienne.
On pourrait suivre la voie romaine en direction de Pélussin : après les
terres où elle disparaît, on la retrouve, intacte mais couverte de
broussailles, dans le bois. Puis après les Auberges, autre toponyme typique,
elle a été remplacée par une petite route qui en conserve le tracé, et descend
vers la Guintranie. Là s’élève une autre croix, qui elle aussi sans doute a
remplacé une borne milliaire. La distance entre la Croix Blanche et la
Guintranie est exactement celle d’une lieue gauloise, soit 2426 m, la valeur en
usage dans notre région.
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La Croix Blanche
(Photo Daniel Bergero)
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Notre flânerie s’achèvera à deux pas de la Croix Blanche. Là, une accueillante aire de pique-nique éparpille ses tables sous les arbres. À la belle saison, le lieu est propice aux retrouvailles champêtres, aux casse-croûte rustiques, aux siestes campagnardes… À bientôt ! Patrick Berlier |