RUBRIQUE
Mérovingiens
Décembre
2008







Par l'érudit très humble
Michel Barbot



UN TRÔNE POUR UN ROI, LE RÊVE DES FILS DE MEROVÉE


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     Des rois Mérovingiens aux évêques emblématiques de la Bretagne, notre ami Michel Barbot nous entraîne - dans cette véritable « queste » initiatique où il démontre une fois de plus son érudition et sa parfaite connaissance des arcanes secrets de son pays natal - vers la découverte d’un secret royal et fabuleux, dont les indices semés ça et là sur le sol breton, distillés par quelques initiés des siècles passés, composent les éléments d’un puzzle ineffable et éthéré. Comme j’aime à le répéter souvent : « Calez-vous bien confortablement dans votre meilleur fauteuil », amis internautes, et suivez Michel sur les terres embrumées des marais Guérandais. Ne perdez pas le sentier, surtout, le fil d’Ariane est ténu mais il vous mène vers la Révélation. Les portes de la Bretagne sacrée s’ouvrent devant vous…

Patrick Berlier



À MON PÈRE, L’ENFANT DES MARAIS…

Michel Barbot


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     En 383, Maxime, gouverneur romain de la Bretagne insulaire, reconnu empereur par ses troupes, débarque sur le continent et affronte l’empereur Gratien qu’il met en déroute près de Lutèce et poursuit jusqu’à Lyon. Maître de Nantes et de Rennes il récompense l’un de ses lieutenants, le Britanni Conan Meriadec, en lui donnant « le gouvernement de la Bretagne armoricaine ». Conan sera le premier roi de Bretagne. L’historien Jordanès écrit vers 551-552, dans ses Gestica, que l’un de ses successeurs, Riotim ou Riothamus, « roi des Bretons de la Loire », engagé par l’empereur Anthémius, part de Nantes en 469 à la tête de 12000 Bretons, afin de stopper l’avancée d’Euricus, roi des Wisigoths de Toulouse qui désirait réunir sous sa puissance tous les pays compris entre la Loire, l'Océan, la Méditerranée et le Rhône.

     Riotim entre dans le Berry et est reçu dans Bourges avant d’affronter Euricus sur les bords de l'Indre à Déols. Les Bretons, après avoir longtemps disputé la victoire, sont défaits et Riotim, forcé d'abandonner le pays, se retire sur les terres des Burgondes, qui tenaient pour l'empire romain. Malgré le gain de cette bataille, les Wisigoths ne se rendent pas alors maîtres du Berry, puisqu'il sera encore au pouvoir des Romains en 473. Le célèbre Sidoine Apollinaire, sénateur de Clermont en Auvergne, ami de Riotim, entretiendra une correspondance avec le roi breton. Sidoine, qui deviendra évêque de Clermont en 471, va jouer, ainsi qu’il sera vu plus loin, un rôle prépondérant dans l’énigme nantaise.

     Des chroniques et des vies de saints bretonnes font état d'un Riotham, roi de la Domnonée dans les années 460. La Domnonée, royaume de l'Armorique, s'étendait également sur une partie de la Grande-Bretagne. D'après l’historien breton Léon Fleuriot, le nom de Riothamus, terme signifiant « grand roi », s’applique à Ambrosius Aurelianus, l’oncle du roi Arthur. Pour l’historien britannique John Ashe, il s’agirait du roi Arthur (son expédition, et sa mort en Bourgogne, peut-être à Avallon), auraient constitué un des éléments de la figure aux multiples traits du Roi Arthur. Il convient ici de rappeler que, suivant Wolfram von Eschenbach, le troubadour templier auteur du « Parzival », le roi Arthur résidait à Nantes…



      Les Mérovingiens « Maîtres de Nantes »

     Jean-Anne Chalet dans son livre « Les Belles Heures du Comté Nantais » (Edijac 1985) écrit : « (…) les Francs de Clovis ont pénétré l’Armorique par le sud et se sont installés dans le pays, de manière relativement pacifique, il est vrai. Les chefs francs s’entendent à merveille avec l’Église, qui représente le véritable pouvoir établi dans le pays nantais. » Si Clovis n’asservit point la Bretagne, il se montre néanmoins très intéressé par les comtés de Rennes et surtout de Nantes.

     Peu avant 496 un chef militaire Saxon de l’armée Franque de Clovis nommé Chillon ou Marcill Chillon, remonte la Loire et organise le Siège de Nantes. Suivant Grégoire de Tours (De Gloria martyrum, livre I, chapitre 60), après soixante jours de siège, vers le milieu de la nuit, voilà qu'apparaissent aux yeux de Chillon et ses guerriers, deux processions d'hommes vêtus de blanc et portant des cierges allumés. L’une d’elle sort de la basilique Saint-Donatien et Saint-Rogatien et l’autre, de l’église Saint-Similien. Ainsi que le montre le vitrail de la basilique Saint-Donatien, les deux troupes séparées par la rivière Erdre, affluent de la Loire, se retrouvent à mi-parcours, se saluent, prient ensemble et reviennent à leur point de départ. Touché jusqu’au cœur par ce prodige, Chillon leve le siège et se convertit au Christ.


Le vitrail de la basilique Saint-Donatien



     Jean Paul Lelu dans un article titré « Un Mont ‘’Gargarius’’ à Nantes »’, publié dans le numéro 92 du Bulletin de la Société de Mythologie Française, situe le campement de Chillon sur le Mont Goguet… Mont du Géant : « Le Mont Goguet est bien le seul point d'où l'on pût voir d'un même coup d'oeil les églises de Saint-Similien et de Saint-Donatien. C'est donc bien sur le Mont-Goguet qu'il faut placer Chillon et son armée. Il faut voir dans ce récit davantage l'écho d'une tradition mythologique, qu'un épisode proprement historique. Si c'est de l'histoire, c'est de l'histoire pensée en termes de mythe. Chillon, campé sur le Mont-Goguet (qui est sans doute un "Mont Tombe"), a vu des fantômes, des représentants de l'Autre Monde. La vision de sainte Brigitte de Suède au Monte Gargano de Pouilles exprime aussi d'une certaine façon ce contact avec l'Autre Monde, puisqu'elle y a vu des anges. Mais les processions nocturnes illuminées se retrouvent au Mont Gargan du Limousin : il s'agissait là d'aller chercher le soleil au sommet du mont, de faire renaître l'astre de vie. »

     J.-P. Lelu démontre ensuite que les lieux évoqués dans le Siège de Nantes, appartiennent à la géographie solaire de la cité nantaise. Ce récit légendaire comporte assurément d’autres entrées de nature symbolique.

     En 560, à la mort de Conobre, comte breton de Nantes, Clotaire, fils de Clovis, s’empare de la ville et la confie à saint Félix, premier comte/évêque de la cité. Un texte anonyme, écrit au 17e siècle, énumère plusieurs Francs, « comtes », « maîtres » ou « seigneurs » de Nantes. En 593, on trouve Childebert, roi d’Austrasie, « maître de Nantes », après la mort de son oncle Gontram, puis Tierri, fils de Childebert, de 595 à 612. En 623, le texte cite Dagobert, roi d’Austrasie, en tant que « maître de Nantes ». En 632, Judicaël roi de Bretagne, repousse les Francs jusqu’au Maine. Le « bon roi Dagobert » envoie des renforts qui se heurtent aux Bretons. On avance de part et d’autre et, ainsi que l’écrit J.-A. Chalet : « finalement, grâce à saint  Éloi, on parvient à une sorte de ‘’traité d’alliance’’. Judicaël accepte de rendre hommage, simple au roi des Francs, qu’il va visiter en sa bonne ville de Creil ».

     De 655 à 678, Childebert, fils de Clovis II est dit « maître de Nantes », comme le sera Dagobert II qui sera assassiné en 580. L’Austrasie est gouvernée durant quelques années par les Maires du palais et les Seigneurs… Les gouverneurs Francs se font évêques d’épée. À Nantes apparaissent de nouveaux seigneurs surnommés les « trois A » : Agathée, dit Asquier, comte/évêque de Nantes vers 680 ; Amélon (Amnon ou Amithon), vers 700 et Aemilien, tué en 725 par les Sarrasins, près de la ville d’Autun, où il « il portait du secours » (1). Salvi, Le dernier comte/évêque de Nantes participa en 732, à la bataille de Poitiers aux côtés de Charles Martel. 



     (1) Certains historiens Nantais voient dans l’épisode « saint Émilien », la confirmation de l’hypothèse suivant laquelle, l’Église de Nantes reliée à la Métropole de Tours, dépendait primitivement de celle d’Autun. La bataille se déroula à Saint-Jean-de-Luze (actuelle commune de Saint-Émiland près d’Autun). Le 22 août, jour de la mort de l’évêque, a lieu un important pèlerinage autour du tombeau de saint Émilien ou Émiland, qu’un cantique de l’office du saint nomme : « incomparable trésor ». Dans le légendaire de la commune, lié à saint Émilien, apparaît en filigrane, le thème énigmatique de la cité de Luz biblique… de Bethel (la Maison de Dieu – la Pierre) qui se prolonge dans Bethléem (la Maison  du Pain). Suivant Fernand Guériff (L’Église Saint-Nazaire – éd. Jean-Marie Pierre), des moines venus d’Autun au 6e siècle, auraient choisi le rocher de Saint-Nazaire pour y déposer les reliques du saint].

     La vérité sur les « trois A » demeure bien mystérieuse. Présents dans la mémoire de la cité, ils sont absents des catalogues épiscopaux de Nantes. Les deux premiers sont généralement considérés comme des usurpateurs tandis que le  troisième ne serait, pour certains, que la transposition nantaise d’un obscur martyr d’Autun qui aurait vécu dans les premiers siècles du christianisme. Ainsi perdure le mystère des « trois A ».  

     Le statut de comte/évêque initié à Nantes par les Mérovingiens perdura de 560 à 720. Il semble légitime de penser qu’ils étaient au fait d’un secret nantais connu des évêques locaux depuis  saint Clair et même plus avant. Ce secret – quel était-il ? –  intéressa semble-t-il au plus au point les Mérovingiens.


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     L’épopée de saint Clair

     Suivant l’ancienne tradition, remise en cause dès le 17ème siècle par les historiens, mais entretenue aujourd’hui encore à Réguiny dans le Morbihan où il a fini ses jours, c’est en l’an 69 que saint Clair, le premier évêque de Nantes, reçoit du pape saint Lin, successeur de Pierre, mission d’évangéliser la Corne de la Gaule (la Bretagne), région où palpite le Druidisme. Le Pontife lui remet comme insigne de sa mission, le « clou qui avait transpercé la main droite de Saint Pierre crucifié à Rome ». Pour sa mission, Clair est assisté du diacre Déodat (Dieudonné) dont le nom, porté plus tard par des juifs de France, est considéré comme la traduction de l’hébreu Elqana : « Don de Dieu », mais aussi… « Roseau de Dieu »…

     Dès son arrivée à Nantes, Clair édifie la première église et envoie Déodat à Port Saliocan (2) afin d’y rencontrer Drennalus (Drennualus) missionné depuis la Grande-Bretagne par Joseph d’Arimathie, le Porteur du Graal. Cette rencontre sera le point de départ d’un long périple en Bretagne au cours duquel ils vont œuvrer à la vigne du Seigneur.

     (2) Cette antique cité portuaire de Port Saliocan correspond à Port-Liocan situé entre le Conquet et Saint-Matthieu dans le Finistère. Le nom même de cette cité est ainsi compris : « Lio(u) : couleur » et « Can : blanc », soit en vieux breton « la Couleur Blanche ». Un jeu de mots est également possible avec le vieux breton Lia : « mégalithe », « dolmen », et « pierre tombale » en vieil irlandais. Le SA initial que l’on oublie curieusement de traduire semble identique aux SA guérandais évoquant une « saline ». La cité de Saliocan apparaît curieusement associée et confondue avec la Liugonaus ou Leuconos, actuelle Saint-Valery-sur-Somme, historiquement reliée à Montreuil-sur-Mer…



     Déodat et Drennalus, de par le D qui initie leur nom, mettent en avant le sigle DD signant le Donum Deï ou Don de Dieu, bien connu des hermétistes, que Déodat personnifie par son nom même. Drennalus ou Drennualus est un nom symbolique celte également à la double lecture, composé du celtique Dren, « épine » et de Ali, terme préceltique ayant le sens de « sacré » ou de Ualus, « valeureux », « chef », « souverain » (3).
 
     (3) Ce terme apparaît en Pays de Guérande avec les Trévali, anciens Ali-villa. Fernand Guériff indique dans sa monographie « L’Alésia de Guérande », que ce vocable est géographiquement relié aux Alésia, cités sacrées des anciens Celtes liées au sel. Faut-il ainsi s’étonner que la rencontre de Déodat et de Drennalus, ait eu lieu à Saliocan ?

     La rencontre de DrennAlus (l’Épine chef ou sacrée) et de Elqana (le Roseau de Dieu), semble démontrer que les auteurs médiévaux qui ont raconté l’épopée de ces deux évangélisateurs, l’ont pensé à la lumière du célèbre Cad Goddeu ou Combat des Arbres, poème bardique de Taliesin contemporain du roi Arthur, dans le Pays de Galles du 6ème  siècle. Ce poème eschatologique fut tout au long des siècles, l’objet de commentaires visant à en développer les différents niveaux de lecture. Ce Combat des Arbres, bataille cosmique et royale, met en scène les arbres de la forêt.

     L’Épine (épine blanche ou aubépine) ainsi que le Roseau sont présentés dans le Combat des Arbres comme des Chefs solides. De la première il est dit : « l’aubépine, mal aimée qui porte le même habit. » et du second symbole de vie, attribut de la royauté pharaonique et du scribe : « Le roseau à la course rapide. » Dans le calendrier druidique des arbres, le mois de l’Aubépine s’étendait du 13 mai au du 9 juin tandis que le mois du Roseau s’étendait du 28 octobre au 24 novembre, soit deux périodes complémentaires dans l’année.

     Saliocan la mystérieuse est le sujet d’âpres discutions quant à sa localisation. Certains auteurs l’assimilent à la cité de Morlaix, bien que le Port-Liocan voisin du Conquet breton confirme semble-t-il sa positon. Il est de fait que la tradition fasse venir Drennalus en l’an 72 à Morlaix (nous retrouvons la même date pour sa venue à Port Saliocan) – sous le pontificat de saint Lin, et l’Empire de Vitellus (4). Il y édifia un petit oratoire (la chapelle Saint-Jacques) ainsi qu’une croix dotée au-dessous d’une petite niche où fut déposée une image de la Vierge. Cette croix avait pour nom Croas Arlettern, soit en breton : la Croix de la Lanterne. Quelle était la nature de cette lanterne, la tradition ne le dit pas mais le peuple par dévotion, en souvenir, y entretenait une chandelle.

     (4) La mission de Drennalus dans la Corne de la Gaule, fut suivant la tradition initiée par le pape saint Lin, mais peaufinée par Joseph d’Arimathée et l’apôtre saint Philippe…



     En l’an 73, Drennalus s’établit définitivement à Lexobie, la cité aux trésors… Bâtie de marbre, elle était, raconte la légende, toute étincelante d’or. Des digues et des murailles la protégeaient de ses ennemis et des assauts de l’Océan. La cité dont l’existence est discutée, est localisée dans les Côtes-d’Armor au Yaudet ou bien encore à Saint-Michel-en-Grèves.

     Si la Tradition évoque un évêché de Lexobie, l’Histoire reconnaît que le Yaudet fut le siège d’un évêché que le roi Breton Nominoë, vingt-trois ans après la destruction de la cité par le danois Hasting en 836, transféra à Tréguier. En 1636 dans son livre « Vie, gestes, mort et miracles des Saints de la Bretagne Armorique », le Morlaisien Albert le Grand, père de l’hagiographie bretonne, évoque les 72 pontifes (nombre essentiellement symbolique qui pérennise la mission drennalienne) ayant exercé leur ministère à Lexobie depuis la venue de Drennalus. Il ajoute que lorsque Drennalus établit son siège épiscopal (5) à Lexobie : «… il s’adressa à saint Clair (Nantes) pour traiter avec lui de la façon de développer la religion chrétienne en Armorique. Il mourut en l’an de grâce 92. »

     (5) Évoquer le siège épiscopal de Drennalus reste infondé car il est historiquement reconnu que le tout premier évêché de la Corne de la Gaule, fut celui de saint Clair qui s’étendait sur la quasi-totalité de la Petite Bretagne.

     Les historiens rejettent la vie hagiographique de Drennalus, arguant non sans raison que le christianisme ne pénétra guère cette partie de la Petite-Bretagne avant le 4ème ou le 5ème   siècle. Il n’en reste pas moins que des juifs tels Joseph d’Arimathie suivaient la route maritime de l’étain et se rendaient jusqu’en Grande-Bretagne. Ces tout premiers « évangélisateurs » approchaient essentiellement les prêtres de l’ancienne religion.


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     Piriac et le Nombril du Monde

     La commune de Piriac est placée sous le patronage de Saint-Pierre-ès-Liens et de Saint Clair, l’évangélisateur de la presqu’île. La bannière paroissiale, œuvre d’un certain JEAN LALLEMENT (1820) représente l’apôtre lié à la Pierre Noire. Cette pierre marquait sur l’île Dumet le « point zéro » du pôle des terres émergées du globe. André Douzet dans un article intitulé « Les Pierres Noires » (6) affirme qu’elle fut dérobée vers 1941… et conservée par ailleurs.
 
     (6) (Revue « L’INCONNU » N° 269. Lire également sur le sujet mon article : « Sarek : ou le nombril du monde » publié dans le N° 11 de Pégase)
.


La bannière ecclésiale de Piriac, et carte de la constellation d’Orion



     Le premier Pontife est représenté sur la bannière, environné de six étoiles (3 bleues et 3 d’or) figurants la constellation d’Orion domiciliée dans le signe des Gémeaux. Si l’on relie de façon bien précise les six étoiles entre-elles, un livre ouvert se matérialise dans le sens de la largeur de la bannière. Les deux étoiles centrales délimitent le fameux Baudrier d’Orion. L’étoile centrale du Baudrier, Alnilam (« Rang de Perles » en arabe), est cachée par l’apôtre. Ces trois étoiles nommées aussi les Trois Rois ou les Trois Mages sont évoquées dans le quatrain VIII-99 de Nostradamus :

Par la puissance des trois Roys temporels,
En autre lieu sera remis le sainct siege
Où la substance de l’esprit corporel,
Sera remis & receu pour vray siège


     André Bouguenec s’intéressa aux mystères de l’île Dumet dans son livre « L’Ultime Grand Secret » (éd. Opéra). Bien qu’il n’évoque point la bannière piriacaise, il se réfère à  ce quatrain en associant le second vers à la cité de Nantes. Le Siège de Pierre y apparaîtrait – symboliquement (?) – déplacé.

     La bannière identifie saint Pierre-ès-Liens au Géant Orion. L’apôtre, tel Orion, marcha – bien que brièvement – sur les eaux. Mais une raison plus précise encore jaillit par la juxtaposition faite entre saint Pierre-ès-Liens et la constellation d’Orion telle qu’elle est évoquée dans le Livre de Job au ch. 38, v. 31 : « Noues-tu les banderoles des Pléiades ou délies-tu les liens de l’Orion ? » (7).

     (7) Le mot traduit par « liens » : « Moshékot », a pour racine « Séké » : « clou », associé dans la Bible au mot « yeux ». Et ce clou, dans l’optique nantaise et piriacaise, va évoquer le Clou de Saint Pierre que le pape Linus remit à saint Clair, 1er évêque de Nantes. Le mystère Saint-Clair cher aux chercheurs de Rennes-le-Château, est curieusement lié dans cette partie de la Bretagne au thème du Trône. Quant au mot de ce verset traduit par « délies-tu », il s’agit de  « Tapétéa’h ». Le son « Ta » initial affirme pour le verbe « Pata’h » : « ouvrir », « délier » et « graver », la deuxième personne du singulier. En tant que nom commun « Pata’h »  désigne une « Porte » gravée. En l’occurrence, la Porte des Yeux de la tradition biblique thème inhérent aux mystères de l’île d’Yeu et du fleuve Vie en Vendée...

    Le nom hébreu de la constellation d’Orion est Kessil, le « Fou ». Ce nom peut s’entendre aussi « Késs Il » : le Siège ou le Trône divin ou de l’Enfantement. Il est indiqué dans le Dictionnaire hébreu/français de Sander et Trenel, que le nom chaldaïque ou araméen de Kessil est Néphila : le « Géant ». Ce mot est le singulier du fameux Néphilim dont la véritable signification est : les « Tombés » (du Ciel) mentionnés en Genèse 6-4 : « Les Néphilîms sont sur terre en ces jours et même après : quand les fils des Élohims viennent vers les filles du glébeux (8) elles enfantent pour eux. Ce sont les héros de la pérennité, les hommes du Nom (9). » Traduction d’André Chouraqui.

     (8) Le glébeux : soit l’Adam dans le texte original.

   (9) Le Nom : bien que d’autres significations kabbalistiques soient avancées, ce Nom fait référence au Nom imprononçable de Dieu : Yod-Hé-Vav-Hé que la Bible de Jérusalem dans sa traduction française vocalise Yahvé.



     Néphila, père des Néphilim, porte dans la tradition juive le nom de Shemyasa ou Samael. Le Livre d’Énoch le présente comme le chef des anges descendus sur terre avant le Déluge. Rashi de Troyes, la sommité médiévale en ce qui concerne les mystères bibliques, affirme : « c’étaient des êtres célestes accomplissant une  mission divine. » Shemyasa et Azael (les Gémeaux) «’’ tombèrent’’ du ciel au temps de la génération d’Énoch. ». Rashi ajoute que les Néphilim et les Anaqim sont leurs fils…

     Les légendes juives racontent que Shemyasa s’éprit d’une belle mortelle nommée Ishtahar. Shemyasa, ainsi que son nom l’indique, connaissait le Nom (Shem) imprononçable et Ishtahar déploya toute sa séduction pour connaître le Secret. L’être céleste, connaissant le châtiment qui lui serait réservé s’il révélait le Nom, résista longtemps à la tentation. Mais tel Samson, il révéla le Secret. Ishtahar à présent munie telle les fils des Élohim de puissantes ailes, s’envola dans le ciel et pu atteindre le trône de Dieu.

     Shemyasa repentant, fut, dit la légende, lié la tête en bas entre ciel et la terre, dans la constellation d’Orion. Ishtahar restée pure, fut placée à côté de Shemyasa et devint la constellation des Pléiades. Telle est l’énigme voilée que révèle le verset du Livre de Job et la bannière de Piriac.

     La bannière pose néanmoins quelques interrogations. Pourquoi fusionner les personnages de Pierre et de Shemyasa : l’homme de la terre et l’homme/ange ? Le quatrain de Nostradamus évoque un déplacement du « sainct siege » opéré « Par la puissance des trois Roys temporels », c’est-à-dire sous l’égide ésotérique du Baudrier d’Orion que le Livre de Job nomme « les liens de Kessil », les « liens du Fou », ou les « liens du Trône divin ». Le LIEU où serait « remis & receu pour vray siège » serait pour certains exégètes et notamment André Bouguenec, la ville de Nantes (10). L’idée d’une cité de Nantes LIEU du Saint Siège est déjà très ancienne.

     (10) Dans sa préface du livre d’A. Bouguenec « Couple et Alchimie » (éd. Opéra), Jean-Luc Chaumeil rappelant qu’A. Bouguenec demeure (demeurait) à Nantes, évoque : « ’L’Homme de Nantes, Cité mystérieuse, ancien et nouveau Nombril du Monde. ».

     Michel Lamy dans son livre « Les Templiers » aux éditions Auberon, évoque le carnaval des Templiers qui débutait par les « fêtes des fous » célébrées durant la Saint-Étienne, la Saint-Jean et les Saints-Inocents pour se terminer au 22 février, jour de la chaire de Saint-Pierre. Cette dernière fête était d’importance, elle trouvait son prolongement dans la Saint-Pierre-ès-Liens célébrée le 1er août, en lieu et place de la Lugnasad des Celtes (fête de Lug, la Lumière).

     La Chaire ou Siège de Pierre mentionnée par Nostradamus, est une et trois tels les trois Roys temporels. Suivant la Légende Dorée l’apôtre Pierre s’assit sur la première : la Chaire royale de David, parce qu’il fut « le premier de tous les rois », sur la seconde : la Chaire sacerdotale d’Héli, parce qu’il fut « pasteur de tous les clercs » et sur la troisième : la Chaire magistrale de Moïse, parce qu’il fut « le docteur de tous les chrétiens ».

     Bien que la cité d’Antioche soit considérée comme la première chaire de Pierre (en tant qu’évêque), c’est à Rome, cité papale qu’elle fut véritablement dressée. La seconde chaire devient Avignon et apparaît à l’origine de cette mystérieuse Église Secrète, ou Église de Benoît du nom de Benoît XIII (Pierre de Lune), pape d’Avignon, devenu pour Rome un anti-pape. La troisième chaire de Pierre, nous est révélée par Nostradamus. Il s’agirait de Nantes, bien que certains exégètes préfèrent évoquer encore Avignon, hypothèse que les trois Roys temporels du premier vers, viennent infirmer. Les trois chaires de par l’initiale des trois cités : R. A. N., apparaissent comme l’une des clefs menant à la RAN guérandaise.


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     Les Nonnechii, évêques de Nantes

     Vers 462 Nonnechius 1er monte sur le siège épiscopal de Nantes. Né à Bourges, il appartient à la célèbre famille des Nonnechii dont l’un fut préfet du prétoire de l’empereur Magnence en 350. Les Nonnechi, évêques ou comtes/évêques de Nantes, occupent le siège épiscopal globalement de 462 à 599, année où décèdera Nonnechius II, successeur de Saint Félix son oncle. Suivant M. Fauriel, cité par Pitre-Chevalier (La Bretagne ancienne et moderne), le fameux concile de Vannes en 465, réunissant outre les évêques Bretons, l’évêque de Rennes et Nonnechius évêque de Nantes, ainsi que l’archevêque métropolitain de Tours, avait lieu à l’époque où Riothim régnait sur la Petite-Bretagne.


De gauche à droite : Nonnechius, Karmundus, Landranus
Galerie de la façade de la basilique Saint-Donatien



     Sur la galerie des 10 personnages de la façade de la basilique Saint-Donatien et Saint-Rogatien (11) de Nantes, Nonnechius 1er, puissant d’Aquitaine, est représenté sous les traits d’un Gaulois Biturige, armé d’une hache et d’un bouclier. Ce saint nantais, est l’homme à la hache ! Ce guerrier est un initié, ainsi que l’indiquent ses pieds à l’équerre. Dans le « Dictionnaire des symboles » de Jean Chevalier et Alain Gheerbrant (éd. Robert Laffont), on apprend que « la hache plantée au sommet d’une pyramide ou d’une pierre cubique à pointe, comme de nombreux documents maçonniques du XVIIe siècle en présentent des modèles (…) se comprendrait très bien comme l’ouverture du centre, du coffret, du secret, du ciel (…). Par son tranchant, la hache de pierre a fait jaillir l’étincelle. »

     (11) Saint Donatien et Saint Rogatien, les Gémeaux du Christianisme nantais, ont supplanté les Gémeaux grecs… ou hébreux. Le chercheur Jean-Paul Lelu a démontré que depuis la plus haute Antiquité, existait une cité de Nantes, « Ville des Gémeaux ». Si le premier personnage à gauche de la galerie est Nonnechius, le premier à droite (hors photo) est le chef militaire Chillon.

     La hache symbolise l’axe central, d’où son nom anglais : axe. Il s’agit d’un axe royal, symbolique bien connue du romancier américain Robert E. Howard (père de Conan le Barbare). Il titrera l’une des nouvelles du cycle « Kull l’Atlante » : « By this Axe I Rule ! » : « Par cette hache, je règne ! ». Cette royauté est une royauté toute celtique ainsi que le confirme cet autre récit du cycle de Kull : « The King and the Oak » : « Le Roi et le Chêne ».

     Nonnechius est un Biturige, un fils des anciens Rois du Monde ou Rois Perpétuels (Bitu/rige en gaulois). La symbolique du Roi du Chêne, l’Empereur Gaulois, se serait perpétuée au sein de certaines Maçonneries forestières. Il s’agit ici de la Royauté Secrète de la France. Thierry Guidet, journaliste à Ouest-France, publia en 1999 un roman atypique : « Une affaire de cœur » (éditions joca seria), dans lequel il prétend que le cœur/reliquaire d’Anne de Bretagne apparaît pour certains Bretons comme un véritable Graal placé au centre d’une FORÊT : NANTES…

     Sur la galerie de l’église nantaise, au côté de Nonnechius, figure son fils Karmundus qui lui succéda de 475 à 492. Karmundus : la « Pierre du Monde » est aussi nommé Cariundus ou Karvindus, nom dans lequel se reconnaît le gaulois Kar Vindos : la « Pierre Blanche ». Cette « Pierre » biturige évoque le centre mythique de la Gaule localisé près de Bourges, capitale secrète de la France, suivant Gérard de Nerval. Les Nonnechius de Bourges, la cité des Gémeaux, vont occuper le siège épiscopal de Nantes, autre cité des Gémeaux. En tant que Bituriges, héritiers des mystères liés à l’ombilic de la Gaule, ils sont apparemment jugés aptes pour approcher les mystères de l’ombilic du monde…

     Avant de succéder à son père, Karmundus aurait étudié auprès de Sidoine Apollinaire, Lyonnais de naissance, oncle de Nonnechius et évêque de Clermont en Auvergne. Curieusement, la tradition nantaise va confondre, apparemment avec intention, Karmundus avec un certain Promotus. L’évêque clermontois adresse un courrier à son neveu Nonnechius : « Sidonius domino papæ Nonechio salutem », soit : « Sidoine au Pape Nonnechius, salut. ». Cette salutation adressée au papæ Nonechio, semble avoir dérangé certains commentateurs qui ont voulu la minimiser afin de gommer le gallicanisme que d’autres avaient doucement avancé et qui va dans le sens du sainct siege nantais annoncé par Nostradamus. Mais ceci n’est pas recevable en tant que preuve car il n’était pas rare, à l’époque de nommer pape un personnage important de l’Église ainsi que le démontre d’autres courriers de Sidoine. Toujours est-il, Sidoine recommande à Nonnechius dans ce courrier, un certain Promotus, porteur de lettres. « Il y a bien longtemps que nous le connaissons ; mais grâce à vos prières, il est devenu tout récemment notre coreligionnaire. Juif d’origine, il a préféré être israélite par la foi que par le sang. » Sidoine aime à s’entourer de juifs. En relation avec eux, il utilise en tant que courrier, les services d’un juif nommé Gozolas et mettra son crédit au service d’un autre.

     Curieusement l’évêque de Clermont tait le but du voyage de son protégé tout en  glissant dans son courrier des phrases sibyllines : « Il a mieux aimé la céleste Jérusalem (Hierusalem) que la Solyme (Hierosolymam) de la terre. Puis donc qu’il en est ainsi, que la spirituelle Sara reçoive dans ses bras maternels ce nouveau fils d’Abraham. Il a cessé d’appartenir à Agar l’esclave. (…) D’ailleurs il vous expliquera lui-même les motifs qui l’on décidé de venir vers vous. »

     Hierusalem (en hébreu : la « Vision de Salem ») évoque dans le courrier la Jérusalem céleste. Lorsque Abraham gravit le Mont Morya pour le sacrifice d’Isaac, il reconnaîtra ce lieu comme le lieu de la « Vision », vision qui, dans le christianisme, est symbolisée par Saint Clair que l’on invoque précisément afin de recouvrer la vue. La Vision de Salem (la Paix) apparaît comme l’origine mystique et céleste de la Hierosolyman, son reflet terrestre dans laquelle l’on reconnaît Hiero : la « Vision » associée à « Solyman », allusive au roi Salomon ? 



     En 1912, dans son livre « Saint Donatien et Saint Rogatien de Nantes », l’abbé A. Delanoue: présente « Promotus » de par son nom, comme « le Candidat », « l’Élu. ». Il convient d’ajouter que « Promotus » est également associé en latin à la notion de « luxation », « déboîtement » d’un os. L’on peut évidemment penser à la luxation de la hanche de Jacob qui après sa lutte avec l’Ange lui valut le nom d’Israël. Promotus ne ferait-il pas figure de Nouvel Israël ? Dans son courrier, Sidoine fait de Promotus, un gerulum litterarum, soit : un porteur de lettres ou de livres. Les Nonnechius ont une mission d’importance à réaliser dans la Corne de la Gaule, ces écrits rédigés peut-être en hébreu permettront à n’en pas douter sa réalisation qui se poursuivra avec la présence à Nantes de l’Ordre du Temple. Certains historiens avancent l’hypothèse d’une présence juive à Nantes durant l’épiscopat de Nonnechius. Deux courants religieux vont sans doute œuvrer de concert dans la cité.

     Tout comme Promotus, Karmundus sera dit « natif d’Auvergne » et l’un se fondant dans l’autre, il deviendront fils de Nonnechius. Voici que réapparaît avec ces deux personnages le thème nantais de la gémellité qui fait de Nantes, la sœur de Bourges… Ce fut Karmundus qui érigea la première basilique consacrée aux Gémeaux Saints Donatien et Rogatien. Il se ménagea lui-même une sépulture dans ce nouveau sanctuaire dans lequel il fit reposer en 475 son père, au pied de la tombe des saints patrons nantais.

     Il apparaît que Nonnechius, le « père » et Karvindus/Promotus, le « fils », de par la signification respective de leurs noms (Nonnechius : Nonnus-, « moine – père nourricier », Karvindus : « Pierre Blanche » et Promotus « Candidat, élu ») ne soient pas sans évoquer la partie finale de la Lettre adressée à l’Église de Pergame dans l’Apocalypse de Jean : « au vainqueur, je donnerai de la manne cachée et je lui donnerai aussi un caillou blanc, un caillou portant gravé un nom nouveau que nul ne connaît, hormis celui qui le reçoit. »…

     En cette fin du 5e siècle, l’Empire se meurt. Les Wisigoths, qui occupent la partie Sud de la Gaule, menacent la suprématie de l’Église Romaine. Ils se sont convertis à l’Arianisme, doctrine qui nie la divinité de Jésus, considéré subordonné au Père. Sidoine Apollinaire lutte ardemment contre cette doctrine. Il vouait une haine farouche à Dardanus, l’énigmatique fondateur de la cité provençale de Théopolis, « l’accusant d’avoir vendu la Gaule aux Wisigoths. (12) » Cette cité, chère à Roger Corréard, se trouvait sur la commune de Saint-Geniez près de Sisteron (13). L’église paroissiale de cette commune comporte un énigmatique tableau : « Notre-Dame des Groseilles », sur lequel est figuré outre la Vierge et l’Enfant, saint Geniez et... l’évêque saint Clair de Nantes, unique évêque de ce nom !

     (12) Myriam Philibert : « Théopolis La Cité de Dieu » aux éditions ARQA.
     (13) Voir en archives de La Grande Affaire le dossier Théopolis présenté par notre ami Roger Corréard
.

     Les Francs occupent les contreforts de l’Empire vacillant. Sidoine Apollinaire et son neveu Nonnechius composent, à n’en pas douter, les rangs de ceux qui pensent que les Fils de Mérovée sont les plus appropriés pour anéantir l’Arianisme et ainsi renforcer l’Église de Rome.

     Approximativement, de 502 à 518, Épiphane Épigone (nom lié à l’Épiphanie et donc aux Trois Roys…) monte sur le Siège nantais des Nonnechius. On le dit Grec, issu d’une famille d’Anjou (allusion au Saint Graal… ?). Il semble qu’il étudia auprès de Promotus le juif converti, les litterarum amenées par ce dernier à Nantes. Avant d’occuper le siège épiscopal, Épiphane fort de son instruction, visita les Lieux Saints et ramena de Jérusalem,  des reliques de Saint Étienne dont la principale – relique insigne – fut dit-on la mâchoire supérieure du saint Lévite. Lorsqu’il s’asseoit sur le siège épiscopal de Nantes, il construit près de la primitive église St. Donatien et St. Rogatien, une chapelle Saint-Étienne encore visible dans le cimetière de Saint-Do, dans laquelle il entrepose les reliques. Son sarcophage placé au pied de l’autel sera violé par quelques Nantais apparemment très intéressés  par son contenu…


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     Les mystères de la RAN guérandaise

     Le nom et l’origine de Guérande la cité de saint Aubin le « Druide Blanc », demeurent aujourd’hui encore une énigme. Vers 570, le comte vannetais Waroc’h II en fait la capitale du Plou-Wen-Ran : le Pays de Guérande. Wen Ran (Uuen Ran) signifiait en vieux-breton : « la Part (le lot) blanche ». Dans son article « Guérande et le Zodiaque » (Cahiers des Amis de Guérande N° 23), Fernand Guériff affirme avec témérité : « que Guérande n’était pas un nom de ville, mais un nom de pays. » Ce pays fut matérialisé par trois points. Le point nord sur la commune de Piriac-sur-Mer était Pen-Ar-Ran (la « Tête de la Part » ou « Tête devant la Part »). Le point sud-est était Wen-Ran (la « Part Blanche »), actuelle Guérande. Et le point sud-ouest était Bas-Wen-Ran (le « Bâton de la Part Blanche »), actuelle commune de Batz-sur-Mer.


Le triangle des RAN



     Intrigué par ce triangle géographique je sollicitais l’aide de Patrick Berlier pour en déterminer le centre. Ne connaissant pas les lieux, il fut surpris de découvrir sur la carte une zone maritime. Il s’agit en fait du Traict du Croisic, ancien golfe aujourd’hui en partie inondé deux fois par jour par les eaux de l’Océan tandis que l’autre partie est occupée par l’échiquier guérandais formé par les œillets des salines. Bien que la Ran bretonne désigne une « part », les érudits guérandais lui donnent généralement le sens de « pays ». La couleur blanche de ce pays tout en revêtant un aspect sacré  serait due aux marais salants qui le quadrillent.


Le Cœur de la Ran



     Le centre du triangle  se situe dans les marais salants, au sud-ouest de Guérande, aussi Patrick jugea intéressant de déterminer le « centre secret » (14) du triangle. Le point révélé se localise sur la pointe de Lan-Clis aujourd’hui orthographiée Lancly. Lan désigne en vieux-breton, une terre sacrée, mais aussi le monastère que les moines Celtes vont édifier sur cette terre. Clis serait une déformation du breton Clez (15) : « fossé », « retranchement »,  « fermeture » et par ordre d’idée : la « clef ».  Lan-Clis « terre sacrée de la Clef » ou « monastère de la clef » est une pointe sur laquelle le prince breton Pascweten éleva au 9e siècle un château. Au 19e  siècle Aristide Monnier (« Le Pays de Guérande », Angers 1897) s’intéressa aux ruines d’habitations qui laissaient deviner d’épaisses murailles ainsi que la porte d’une chapelle. Il s’agissait des vestiges d’un poste important que les Templiers (16) auraient établis à l’emplacement du château. Lan-Clis, « pointe de terre d’une qualité stratégique certaine » gardait l’accès du Coteau de Guérande. La tradition locale, selon Monnier, pour affirmer la puissance de cette position, rappelait qu’en 1342 Guérande fut brûlée par le condottiere Louis d’Espagne, redoutable soudard. Prévenu de ce raid destructeur, une personnalité du pays résidant à la campagne, d’abord sceptique, s’informa : «  - Lan-Clis a-t-il été pris ? – Oui – Alors, Guérande a pu l’être ! »

(14) Non pas le centre déterminé par le croisement des bissectrices de chaque angle, mais celui déterminé par le croisement des lignes unissant les sommets au milieu de chaque côté opposé (note de Patrick Berlier).
(15) Un jeu de mot apparaît avec les mots bretons Cleze : « épée » et Cleuz : « creux », « caverneux », ainsi qu’il sera démontré dans un prochain article.
(16) L’aspect templier du Pays de Guérande, sera évoqué dans ce prochain article mentionné dans la note 15
.

     Là où Patrick Berlier situe le centre secret du Pays de la Ran, convergeaient deux grands chemins romains : le « chemin du Reluisant » ou du « Ruisant » arrivant de Trescalan (la trève de l’Échelle) et le « grant chemin du Roy » qui descendait de Guérande par la chapelle « Sainte-Catherine de Clys », édifice dit-on, d’origine templière. La tradition reste muette sur l’identité de ce Roy de la Ran. Élément d’importance, la Ran désigne aussi en breton, la « grenouille », symbole de la Royauté Mérovingienne. Cette association Ran/Roy se retrouve en Presqu’île de Guérande hors triangle, avec le château hermétique de Ranrouët (la Part du Roi) en la commune d’Assérac qui fut de 1656 à 1658, propriété du surintendant des Finances, Nicolas Fouquet...



     L’Itinerarium Antoni (anonyme de la fin du IIIe siècle) décrit les voies maritimes et terrestres du monde romain. Des îles gauloises et (grandes) bretonnes de l’Océan sont citées. Querelle d’historiens et d’étymologistes, les îles sœurs Siata et Arica ont fait couler beaucoup d’encre. Pour les uns, Siata aurait donné le nom breton de l’île de Houat, tandis qu’Arica (réécrite Atica) correspondrait à l’île de Hoëdic, voir au Croisic/Batz ou à l’île de Ré. Aristide Monnier, optant pour la thèse de Wesseling (18e siècle), associait Siata à l’île de Batz et Arica au Coteau de Guérande. Il serait tentant dans l’optique de cette étude d’associer Arica au territoire Batz/Guérande et Siata à l’île d’Yeu (17). L’origine de ces noms a été discutée, gauloise pour les uns, grecque pour les autres, voir phénicienne. Arica pourrait cacher un Ar Rica ou Ar Raka : la « Montagne du Roi » en araméen. En hébreu et araméen, Arica désigne aussi la « préparation » des pâtes, des métaux. Dans la Bible, en tant que verbe, il signifie : « ranger », « disposer », « disposer une lampe » (18) pour quelle brille d’un grand éclat : « (…) j’arrange une lampe pour mon messie » Psaume 132 – 17.

     (17) Pour les Anciens,  l’île était soit une terre insulaire, soit une région côtière. Siata : île d’Yeu ? Hergé dans l’album de la série TINTIN : « L’île Noire », a dressé sur un îlot rocheux un magnifique château. Parmi les quatre ou cinq hypothèses avancées pour localiser le château, la plus intéressante soutenue notamment par Maurice Esseul, historien de l’île d’Yeu, fait du Vieux-Château dressé sur son îlot rocheux, le château de Ben More de « L’île Noire ». Hergé aurait reçu une carte postale de l’île vendéenne représentant la forteresse. Même éperon rocheux, avec une même ouverture dans la rocher. Voir à ce sujet sur le site Internet de France 3 Ouest, la vidéo « Les trésors de l’Ouest du 8-08-07 », consacrée au « vieux château de l’île d’Yeu ». Dans la B.D., le gardien de l’île est un gorille nommé RANKO. La première version de cette B.D. paraît en 1938, soit cinq années après la sortie au cinéma du fameux « King Kong » dont le nom influença pour son final, celui du gorille de l’île Noire. Il n’en reste pas moins que le RAN initial de Ranko paraît dénoter chez Hergé une certaine connaissance des liens mystérieux unissant l’île d’Yeu et la Presqu’île de Guérande. Dans la B.D., le faux-monnayeur de l’île Noire tentant de capturer Tintin, donne par deux fois cet ordre à son gorille : « Ksss !… Cherche, Ranko !… Cherche… ».

     (18) Cette notion de lampe est importante, elle sera évoquée dans ce prochain article mentionné dans la note 15.


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     Dès l’Antiquité, les Hébreux sont présents dans la région. Dans l’Anonyme de Ravenne (compilation du VIIe siècle) la cité de Venitis (Vannes) est associée à celle d’Ébris-Chris. Fernand Guériff (« L’énigme de Grannona » - Cahiers des Amis de Guérande N° 25) évoquant l’interchangeabilité dans la phonétique du R (de Chris) et du L, y reconnaît l’origine de Clis et de Lan-Clis, lieu suivant la tradition, d’une antique cité. L’identification de Clis avec Ébris-Chris donnerait raison à Monnier lorsqu’il évoquait pour certains noms de lieux du Pays Guérandais, une origine chananéenne. « Ébris » paraît désigner les Hébreux. En langue hébraïque, ce mot à le sens de « Passeur » et signifie en tant que verbe : « féconder », « être enceinte » mais aussi « verrouiller… ». « Chris »  (racine KRS) pourrait évoquer le mot  « Karessé » ou « Kressé », forme araméenne de l’hébreu « Kess » ou « Kissé »… Ébris-Chris : le « Trône  de l’Enfantement …» !?

     Si Ébris-Chris fut le nom sémitique de la cité dressée dans l’Antiquité sur le Coteau de Guérande, il apparaît pour Aristide Monnier, dans son interprétation d’une partie des écrits d’Ernold le Noir (19) qu’au même endroit se trouvait la cité de Vénéda. Bien que les historiens vannetais voient en Vénéda, la cité de Vannes, les propos d’Ernold le Noir, infirment cette hypothèse : « Il y a une ville sur la mer, là où l’onde fluviale de la Loire sillonne au loin l’Océan en s’y précipitant. Le nom de Vénéda fut donné par les anciens Gaulois. Le poisson y abonde et le sel la rempli de richesses. » Le chroniqueur de l’empereur Louis le Pieux, situe la cité « sur la mer », non loin de la Loire, ce qui ne peut correspondre à la cité de Vannes. A. Monnier note : « Le nom seul de Vénéda nous montre une capitale soit politique, soit religieuse, le siège du gouvernement ou le collège de Druides, la curie ou la ville sainte des Vénètes, c’est la Sena des Senons. »
 
     (19) Ernold le Noir est l’auteur d’un poème historique évoquant les campagnes de l’empereur Louis le Pieux (818) : Carm. Lud. Pii, vers 251, liv. IV.



     La cité sémitique ou (et) celtique, semble avoir perduré dans la ville de Trénonant. Fernand Guériff dans sa monographie « SAINT CLAIR ET LA ‘’VILLE’’ DE SAILLÉ » (1988 A.P.H.R.N.) cite un « ensemble de ‘’villas’’ proches les unes des autres, que l’on nommait encore au XVIIème siècle la Ville de TRENONANT, bien que l’emplacement fut déjà désert. La Ville aux 9 tours ! Nombre symbolique attribué aux anciennes cités. » Cette cité et ses mystères, seront évoqués dans ce prochain article mentionné dans la note 15.

    La cité de Guérande ainsi que le village de Saillé, permettent de préciser mieux encore les mystères de la Ran. Dans la Collégiale Saint-Aubin de Guérande, le vitrail du Crucifiement est une clef géographique. Marie mère de Jésus est représentée à gauche de la croix, l’apôtre Jean à droite. Agenouillée au pied de la croix, figure Marie-Madeleine qui évoque ici la frairie ou trève de la Madeleine dont la 1ère appellation : LA MAGDELAINE - apparaît vers 1370 d’après une étude de lieux-dits en France de notre patronyme (Victor SAXER).


Vitrail de la collégiale Saint-Aubin de Guérande - le Crucifiement

    Sur la barre horizontale de la croix, à droite de l’auréole christique, est gravée une inscription composée de quatre lettres :


Crucifiement, détail des quatre lettres



     Ces quatre lettes – y x a y – plus ou moins visibles suivant l’heure de la journée, cachent un mystère royal. L’initiale et la finale, un « y », transcrivent la lettre hébraïque Yod dont la signification est la « Main ». Cette main est un thème majeur dans l’ésotérisme local. Il y avait tout d’abord le Bourg Main ou Maing, faubourg templier de Nantes, la girouette de l’ancienne église de la cité de Saint-Nazaire qui, associée à la Clef (la Clef de la Loire), forme un grand mystère, et l’île Dumet que d’aucuns nomment l’île de la Main.

     Un mot hébreu commençant et se terminant par une même lettre est considéré comme un mot-clé. La lettre « x » a pour origine la lettre phénicienne ou hébraïque Samekh mais l’on considère qu’elle retranscrit par sa phonétique iKS, les lettres Samekh (le Soutien, l’Appui) et Kaph (creux de la main, paume). Le « a » (20) qui suit le « x », évoque le Aleph (Taureau, Chef) ; associé aux lettres Kaf et Samekh, il écrit le mot Kissé : le « Trône » ! Bien que les deux « y » ou Yod (21) de l’inscription puissent contenir un aspect géographique, ils renvoient au 1er Livre des Rois, 10-19, dans lequel il est dit que le trône du roi Salomon comportait deux Yadoth (deux mains), les deux bras ou accoudoirs, près desquels se tiennent deux lions.
 
     (20) Dans l’inscription gravée sur le bois, le « a » ressemble à s’y m’éprendre à un « o » ou « ◊ ». Ce hiéroglyphe, forme ancienne de la lettre hébraïque Aïn (Œil) comporte une prononciation douce en « a » ou « o ». Les dictionnaires indiquent qu’il se permute ainsi avec la lettre Aleph.

     (21) Ces deux Mains, deux Yod du Pays Guérandais, étaient connues des Jouan, seigneurs  du manoir de Kercassier de Batz. La porte d’entrée du domaine comporte les 2 colonnes du Temple (Hiram de Tyr…). Elle est surmontée d’un fronton triangulaire (sommet de 120°) contenant les armoiries des Jouan : « d’azur au chevron d’or, chargé de 3 molettes de gueules et accompagné de 3 soleils d’or ». Supports : « deux Yods kabbalistiques » !


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     Maurice Garçon – spécialiste de l’œuvre de Nostradamus – développant les travaux de P.V. Piobb et de Roger Frontenac, a démontré que la clé des quatrains se trouverait matérialisée sous la forme d’une phrase latine dans laquelle il est mentionné que Nostradamus par le biais de la Kabbale « a caché ses calculs sous une pierre ». Les calculs répondent au nombre 841316 correspondants à la valeur de positon, dans notre alphabet, des lettres H.D.M.P. La pierre en question correspond au mot latin SAXO. Gérald Scozzari (« Apocalypses dans le Ciel – la Kabbale des Premiers et Dernier Temps » éd. Tsédek) a démontré qu’il convenait d’opérer ainsi :

S  A   X  O
H  D  M  P

     Le chiffre, apparaît ainsi qu’indiqué par le mage de Salon, placé « sous une pierre ». L’ensemble est exceptionnel, outre le fait que nous y retrouvions l’écriture DM… ainsi que l’AX ou AXe (la Hache), nous lisons ainsi que l’indique G. Scozzari, AD (en hébreu : la Nuée), mot sur lequel il conviendra de revenir dans ce prochain article, ainsi que les lettres X M que l’auteur bien connu des lecteurs de la revue ATLANTIS, explicite ainsi : « XM ou KSM (Kah – Samekh + Mem) le Trône – Univers, le Trône des Eaux, de la nuée ! (KS, pr. Kès, le Trône). Apocalypse (4,2) : ‘’Et je vis qu’un trône était placé dans le ciel’’ . » Le Livre de l’Apocalypse 4-6 prolonge : « Devant le trône, on dirait une mer, transparente autant que du cristal. »

     Le trône nantais se voit confirmé dans l’église Saint-Clair de Réguiny où le premier évêque de la cité bretonne finit ses jours le 10 octobre de  l’an 96. Voici deux vitraux complémentaires de cette église où se trouve la sépulture du saint évêque :


Les deux vitraux de l’église Saint-Clair de Réguigny



     Sur le premier vitrail apparaissent de haut en bas, sur la page de gauche : le mot HETOI  et sur la page de droite, le mot MACIA. Sur celui de droite, figurent les Tables de la Loi placées suivant la Bible dans l’Arche d’Alliance.  La disposition  des 10 premiers chiffres romains correspondants aux 10 Commandements, donne à penser qu’il convient de les associer aux 10 lettres du premier vitrail. Nous aurions ici un véritable cryptogramme.

    Les 5 premières lettres, HETOI, pourraient se décomposer ainsi : HET O I. Les 3 premières lettres évoquent la lettre hébraïque HET qui désigne la barrière ou l’enclos sacré. Il s’agit également du nombre 8, cher aux Templiers. Les lettres O et I, ont pour origine respective, le Aïn et le Yod phénicien ou hébreu – l’Œil et Main –, soit précisément les deux symboles de Saint Clair.  Ces deux lettres écrivent le mot AÏ : « ruine », « cité en ruine ».

    Les cinq autres lettres, MACIA, signifient en hébreu « Chant de Dieu ». Bien que MACIA soit écrit en français avec un C, il s’écrit en hébreu avec un Sin (S) de prononciation douce. Que vient faire ce « chant » dans un hypothétique Enclos de la Ruine ?

    En hébreu, trois mots principaux évoquent le chant : MASSA, RON et SHIR. Ce dernier mot donne son titre au « Shir haShirim asher liShlomoh » : le « Cantique des Cantiques de Salomon ». Les 4 mots du titre qui est en fait le premier verset du livre du roi Salomon, désignent suivant le Zohar « le mystère du Char sacré d’En Haut ». Le quatrième mot, « li-shlomoh (de Salomon) désigne « celui qui est assis sur le Char de la Paix ». Le Char divin ou Trône divin, est Trône de Paix (Salomon). Entre l’île Dumet et la commune de Piriac dont elle dépend, se trouve immergée sous les eaux, l’antique cité de Piriac aux origines phéniciennes. Dans cette cité, se trouverait, dit la légende, le Tombeau du roi Salomon. Malheur à celui qui oserait profaner le tombeau afin de découvrir les trésors du puissant monarque biblique, il serait aussitôt saisi par les Korrigans qui  l’entraîneraient dans les geôles de l’antique cité.

    Lorsque j’évoquais l’inscription de Réguiny avec Patrick Berlier, il sollicita le service « Guichet du Savoir » de la BM de Lyon (site http://www.guichetdusavoir.org) qui interrogea lui-même l’Institut des Sources chrétiennes et obtint la réponse suivante :
    « Les deux mots ‘’hetoi’’ et ‘’macia’’ n’en formeraient qu’un seul « hetoimasia », qui serait la transcription latine d’un mot grec (etoimasia avec esprit rude sur le e initial) qui signifie ‘’préparation’’. Cela signifierait que les tables de la Loi (et la Loi en général) sont une préparation de l’évangile de la paix, mais ce n’est pas forcément la source du vitrail, qui reprend simplement, avec ce mot, l’idée de la ‘’préparatio évangélica’’ qui est la Loi de la première alliance.
« Ce mot grec ne paraît pas spécialement attesté en cet emploi dans la littérature chrétienne. On le trouve cependant plusieurs fois dans les Psaumes de la Septante, par exemple Ps 88 (89) « Justice et droit sont la préparation (on traduit souvent : le marchepied ou l’appui de son trône ».




     Ces informations du plus haut intérêt se virent complétées quelques temps plus tard lorsque je fis l’acquisition de la réédition par les éditions Albin Michel en 2006 de l’exceptionnel ouvrage de Louis Charbonneau-Lassay : « LE BESTIAIRE DU CHRIST ». Il s’agit d’un dictionnaire et comme tout dictionnaire, il ne se consulte que lorsque l’occasion se présente. Et ce ne fut que récemment que j’ouvris le 36e chapitre de la 5e partie de ce livre consacré à « L’IVOIRE ». La troisième et dernière partie de ce chapitre titrée « L’IVOIRE ET LE TRÔNE DE JUSTICE DU CHRIST ; L’ETIMACIA », commence ainsi :
     « Le roi Salomon, dit la Bible, se fit  faire un trône digne de sa puissance et de sa gloire ; il était d’ivoire et d’or ; six degrés y donnaient accès, son dossier était arrondi, et douze lions étaient disposés en ordre ascendant du premier des degrés jusque sous les bras de ce siège royal. »

     Le trône de Salomon qui symbolisait la sage justice et le gloire souveraine du roi d’Israël « inspira l’ancienne emblématique de la Grèce chrétienne qui représenta symboliquement la judicature et la royauté divines du Christ par un trône magnifique (22) garni de coussins brodés et sur lequel repose souvent le livre (23) des Évangiles et parfois la colombe mystérieuse ou la croix glorifiée de gemmes rutilantes, qu’accompagnent les instruments de la Passion du Rédempteur ».

        (22) Ce trône est d’ordinaire blanc ou jaune : l’ivoire et l’or du trône de Salomon.
    (23) Sur le manuscrit de l’Hortus deliciarum réalisé entre 1159 et 1175 par Herrade de Landsberg et ses moniales au couvent de Hohenbgourg (Mont Sainte-Odile), le livre ouvert porte sur la première page : « liber justiciae ».


     L. Charbonneau-Lassay indique que les symbolistes de la Grèce chrétienne appelèrent ce sujet emblématique « l’Étimacie », ETOIMACIA, c’est-à-dire « la préparation du Trône ». En fait, ce sont les attributs de Christ en tant que Juge qui viendra dans sa gloire, dit le Credo de Nicée, pour juger les vivants et les morts.

     Dans le concept d’une cité de Nantes, autre lieu où sera (serait) remis le sainct siege – pour reprendre les propos de Nostradamus – l’idée de l’Étimacie, dans l’optique Pays Nantais, paraît valide. Elle prendrait toute son assise dans le Trône de Salomon qui se trouverait dans la Presqu’île de Guérande et plus précisément dans le triangle des Ran.

     Dans la Collégiale Saint-Aubin de Guérande, les piliers, templiers suivant Fernand Guériff, comportent chacun huit tableautins. La scène 6 du  pilier III, figure l’un des sept péchés capitaux : la gourmandise. Un homme coiffé d’un grand bonnet, porte sur le dos une outre de vin et tient par le col deux oies qu’il présente à un homme assis. Un lion pose ses pattes de devant sur les épaules de cet homme.


Pilier de l’église Saint-Aubin de Guérande - la gourmandise


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     Pour F. Guériff (« La Collégiale Saint-Aubin de Guérande » éd. Jean-Marie Pierre) l’homme assis pourrait être « un seigneur, sur sa chaise curule, qui reçoit les redevances en nature d’un de ses sujets : du bon vin, des oies. » La chaise curule sur laquelle certains magistrats romains jouissant du privilège de magistrature curule, avaient seuls le droit de s’asseoir, était un siège d’ivoire. Agnès-Hélène Grange apporte dans son article « Guérande entre marais salants et Brière, pour une traversée traditionnelle » (ATLANTIS N° 413), des éléments complémentaires. Le siège serait une chaise curiale. Ainsi le personnage assis, suivant cette seconde hypothèse pourrait être un prêtre. L’auteur, signale que le lion debout pose ses pattes antérieures sur les épaules (ou clavicules de Salomon) du personnage assis, et semble chuchoter à l’oreille de ce dernier...

     L’idée d’une chaise curule ou d’une chaise curiale associée au lion et à la notion de clavicules de Salomon, apparaît d’autant plus intéressante, qu’elle confirmerait l’hypothèse d’un trône de Salomon présent dans la région de Guérande. 

     Ce tableautin doit se lire apparemment en breton. L’oie se dit Gwaz en breton et le même mot écrit Gwas, désigne un vassal, un serviteur. Le vassal apporte à son suzerain, les redevances. Vin se dit Gwin en breton. L’un et l’autre mot sont initiés par la lettre G, très importante chez les Celtes et dans le Druidisme. C’est la lettre divine par excellence. Le vin, « Gwin » est à l’origine au 14e siècle et peut-être avant, du mot Baragouin, « juxtaposition des mots bretons « bara » (pain » et « gwin » (vin) que l’on entendait dans la bouche des pèlerins bretons descendants dans les auberges où nul de les comprenait. D’où le sens de jargon incompréhensible. » (24) Salomon entend le langage des animaux… le lion, l’oie. Il ouie…

     (24) « Dictionnaire étymologique » de J. Mathieu-Rosay – Nouvelle Édition Marabout 1985.



      Le vassal (Gwas) coiffé d’un grand bonnet tient les oies par le col. Le col (cou, collier) est symboliquement très important, depuis l’anaq hébreu (pluriel Anaqim…) jusqu’à la « boule du col » telle que l’évoque Laurence Talbot dans ses ouvrages. Ce mot se dit Gouzoug (initiale G ) en breton, langue dans laquelle il forme un jeu de mot avec Gouzoud, le verbe « savoir ». Comment à présent ne pas évoquer le vénérable manoir breton de Kergoinec, Kervouyec ou Kergou(z)iec dans la commune de Kerfeunteun, département du Finistère. Ce manoir signifie en breton : « Maison de la Science », de « Ceux qui savent », en l’occurrence les Templiers qui en furent les propriétaires. 

     Si l’on retire des mots Gwaz et Gwin, les lettres communes G et W, il reste les lettres AZIN, soit une phonétique qui nous renvoie aux formes anciennes de mots évoquant pareillement l’oie ou l’âne. Ces quatre lettres écrivent aussi le nom de la lettre hébraïque Zaïn dont la signification est « Nourriture » et « Arme » : l’épée. Cette dernière étant très importante ainsi qu’il sera démontré dans un prochain article.

    L’association Lion, Oie et Vin, se retrouve à Saillé près de Guérande, dans la symbolique de la Maison de la Compagnie des Indes. Cette demeure ainsi que le révèle F. Guériff dans sa monographie « Etranges sculptures et Demeures philosophales au Pays de Guérande » (A.P.H.R.N 1986), comporte sur son toit, « D’un côté, l’OIE, figuration évidente de notre ‘’Mère l’Oie’’ des contes anciens et des alchimistes… (…) Sur l’autre corniche, un LION au poil frisé, aux pattes énormes, à la gueule largement fendue, surmonte une tête humaine barbue sortant du corbeau. »

     L’auteur reconnaît que « ces figures bizarres, au milieu de ce petit village paludier, étonnent. Mais il faut se rappeler du temps où l’on disait la ‘’ville de Saillé’’. Des seigneurs importants, comme ce forban de Jehan de Cleuz, y habitaient au XVème siècle ».

    Son nom interpelle d’autant plus qu’aucun document ne vienne confirmer qu’elle ait appartenue à la Compagnie des Indes. F. Guériff n’en rejette néanmoins nullement la possibilité mais indique : « Les actes anciens la nomment au contraire ‘’Maison de la Cave’’. N’était-ce pas un entrepôt pour le vin du pays (dont s’approvisionnaient peut-être la Compagnie des Indes, en même temps que le sel) ? »



     Il convient ici de rappeler que des membres imminents de cette Compagnie des Indes appartenaient à la Franc-Maçonnerie. La Maison de la Cave pourrait également renvoyer au mot hébreu et araméen Kav dont la signification est « fenêtre ». Ce mot apparaîtrait dans l’inscription dite phénicienne de Clis sur laquelle j’avais rédigé un article pour l’A.P.H.R.N, l’association fondée par Fernand Guériff. N’oublions pas que la fenêtre, au travers de la macle, est un thème important dans la Presqu’île de Guérande ainsi que l’a démontré F. Guériff.

    Faut-il en déduire pour autant que le Trône du Roi Salomon fut caché dans l’ancienne île de Saillé ?

    Suivant la tradition musulmane, le prophète Mahomet aurait affirmé que le tombeau du roi Salomon serait caché au milieu d’une mer qui fait partie de la grande mer (l’Océan Atlantique ?), dans un palais creusé dans le roc. Dans cette île, douze gardiens veillent sur le trône et sur le roi lui-même. Aucun homme (excepté Offân et Beloukyâ…) ne peut découvrir le tombeau car il lui faudrait rester deux mois en mer. Cinq juif auraient confirmé à Mahomet ces faits qu’ils auraient découverts dans le Pentateuque…

    Cette « mer qui fait partie de la grande mer », dans l’optique guérandaise pourrait correspondre à l’ancien Golfe de Guérande, aujourd’hui pays de salines. Suivant le Cartulaire de Redon, se trouvait en 870 près de Guérande la saline SAMOELIL, dont le nom évoque étrangement celui de SAMAËL !? Aristide Monnier aimait dans ses livres à mentionner les noms d’origine chananéenne de la presqu’île. Ces noms furent très souvent bretonnisés par les émigrants venus de Grande-Bretagne. Samaël ou Shemyasa est lié, ainsi qu’il a été vu plus haut, au Trône divin. Sa présence sur la bannière de l’église de Piriac, par le biais de saint Pierre-ès-Liens n’est assurément pas anodine.



présentent leurs félicitations
à leur très cher ami


Michel BARBOT


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