Des épopées sacrées
Les croisades furent de fantastiques expéditions militaires réalisées au moyen de coalitions, consolidées à grande échelle, par les chrétiens d’Europe occidentale précisément à partir de 1095. Elles étaient organisées en principe à la demande du Pape, mais certains rois entreprenants et farouchement déterminés devançaient parfois le souverain pontife . Leur but initial demeurait de délivrer les lieux saints qu’occupaient les Musulmans et notamment Jérusalem avec le tombeau du Christ, mais aussi d’autres lieux de pèlerinage. On comptabilisa rigoureusement huit croisades, dont la dernière s’est achevée à la mort du roi de France, Saint Louis en 1270, sous les portes de Tunis.
Des motivations profondes et différentes
traduisaient cette extraordinaire volonté de combattre coûte que coûte sur ces
terres pendant deux siècles. Tout d’abord, bon nombre d’historiens y voient
l’ambition non affirmée, mais bien réelle des papes qui voulaient alors étendre
leur pouvoir politique et religieux. Mais il y avait aussi une motivation
commerciale déguisée qui permettait de
formidables échanges. Et encore le fait que la population de l’Europe croissait
de manière importante, il fallait donc en quelque sorte trouver une zone
géographique pour accompagner ce développement. Nous pouvons encore aussi y
ajouter un autre phénomène, à savoir la volonté expansionniste de seigneurs
médiévaux qui désiraient développer leur patrimoine terrien.
La cause retenue pour la première croisade
provient d’un soulèvement politique important des Turcs Seldjoukides au
Proche-Orient. Les chrétiens furent particulièrement alarmés de cette
agression. Le Pape Urbain II, prit l’initiative de s’adresser au peuple présent
lors d’un concile de l’Eglise à Clermont-Ferrand. L’adhésion fut
exceptionnelle, aussi le Pape amplifia son message en demandant aux évêques de
porter sa parole dans les paroisses que ces derniers géraient. L’objectif était
précis, des groupes devaient se constituer, être autonomes les uns des autres
et autofinancés. Ces derniers se réunirent à Constantinople entre novembre 1096
et mai 1097. Le 1er juillet 1097, les armées de croisés déferlèrent sur les
forces turques, qui ne purent amorcer la moindre riposte salutaire. La marche
en avant pouvait s’opérer avec au bout du compte et en ligne de mire Jérusalem.
Cet objectif sera atteint le 15 juillet 1099, avec tout de même durant ces deux
années de lourdes pertes dans le camp des croisés. Ces derniers en revanche
massacrèrent au final irrémédiablement tous leurs captifs ennemis. Godefroi de
Bouillon fut élu chef par l’armée. Il resta sur place avec quelques troupes ;
pendant ce temps la majorité des croisés retournèrent en Europe, laissant le
soin à ce nouvel homme fort d’organiser les territoires vaincus. Ce qu’il fit
brillamment.
Durant quarante cinq ans cette domination
se conforta, sans difficulté ou soulèvement majeur. On compta alors quatre
Etats latins. Le plus important était le royaume de Jérusalem, mais il y avait
aussi le comté de Tripoli, la principauté d’Antioche et le comté d’Edesse.
Les forces musulmanes en présence dans la
région vont s’unir et en 1144 ces dernières vont remporter une victoire
importante en prenant la cité d’Egesse. Un an plus tard, le pape proclamera une
seconde croisade. Les Français et les Allemands affluèrent en grand nombre,
pourtant les derniers cités seront rapidement mis en déroute, quant aux
français ils ne feront guère mieux rentrant aussi prématurément au pays. Cette
croisade se soldera donc par un cuisant échec.
Les musulmans poursuivirent leur regroupement
et possédèrent bientôt un véritable royaume. A partir de 1169 va émerger un
chef de guerre redoutable en la personne de Saladin. En 1187, il envahira le
royaume de Jérusalem et pour bien montrer sa détermination, il fera décapiter
tous les Templiers et Hospitaliers qui s’étaient rendus. Il accumulera les
prises de citées latines. Les croisées au 2 octobre de cette année 1187 ne
possèderont plus que Tyr au Liban. Le Pape Grégoire VIII ne tardera plus à proclamer
la troisième croisade le 29 octobre précisément. Cette croisade restera un
exemple jamais plus égalé en terme de mobilisation militaire et d’enthousiasme
pour prendre part au combat sacré. C’est lors de cette dernière que le célèbre
roi d’Angleterre Richard Ier Coeur de Lion se taillera une solide réputation.
Néanmoins, les croisés se montrèrent incapables de reprendre la symbolique cité
de Jérusalem avec le tombeau du Christ. Par contre ils reprirent Acre. Richard
quitta la terre sainte avec un bilan mitigé, ceci en 1192, après avoir sommes
toutes reconstitué un semblant de royaume latin, qui tiendra près d’un siècle.
La quatrième croisade rencontra des problèmes financiers à répétition et obligea les croisés à cibler leur offensive sur l’unique prise de Constantinople. Elle s’étala de 1202 à 1204. Sans comparaison aucune avec la précédente d’un point de vue militaire donc, elle atteignit malgré tout le maigre objectif qu’elle avait été contrainte de se fixer. Ce petit empire latin de Constantinople survécut jusqu’en 1261.
La cinquième croisade, entreprise de 1217 à
1221, fut un échec car cette fois-ci les renforts promis n’arrivèrent jamais.
Une attaque était prévu en Egypte avec
normalement la prise du Caire et ensuite une campagne pour prendre le contrôle
du Sinaï. Finalement Damiette, la seule prise croisée fut rendue aux égyptiens
en août 1221 ; en septembre les armées latines rentraient à la maison.
La
sixième croisade prit une tournure très
particulière. Puisqu’elle se déroula sans combat avec les
forces musulmanes.
Elle fut conduite par l’empereur germanique Frédéric II.
Il avait fait la
promesse de diriger une croisade dès 1215. En 1220, il la
différa une première
fois pour des raisons de politique intérieure. Il la reporta une
seconde fois
en 1227 pour raison de santé cette fois. Le Pape qui
s’impatientait
l’excommunia. Pourtant en 1228, sans le soutien de l’Eglise, il
s’embarqua
comme simple croisé et par la négociation, il obtint du
sultan égyptien
Al-Kamil une trêve de 10 ans et surtout la restitution de
Jérusalem. Jaloux, le Pape qui n’avait pas oublié
l’excommunication du fin diplomate lança une
‘croisade’ contre le nouvel héros qui dû rentrer
précipitamment chez lui pour
préserver ses arrières.
En 1244, Jérusalem fut de nouveau repris par
les musulmans. Le roi de France Saint Louis passa quatre année à préparer la
septième croisade qui fut effective en 1248. Cette croisade s’appuyait sur la
même stratégie que la cinquième, à savoir prendre Damiette, puis le Caire. Mais
là en 1250, l’attaque au Caire fut un véritable fiasco. Les croisés, n’ayant
pas protégé leurs arrières, les égyptiens réussirent à reprendre les réservoirs
d’eau le long du Nil et à ouvrir les écluses. L’armée croisée fut dans son
ensemble prise au piège et Saint Louis dû se rendre en avril 1250. Il fut
libéré après que les Templiers eurent payé une énorme rançon. Pour la petite
histoire son petit fils, l'ignoble et prétentieux Philippe le Bel aura la mémoire courte sur cet
épisode, ceci quelques soixante ans plus tard lorsqu’il démantela sous de
fallacieux prétextes ce même Ordre du temple. Quoiqu’il en soit, après avoir
renforcé quelques positions du royaume latin, Saint Louis rentra sans triomphe
en France en 1254.
Voilà
brièvement résumé ce que l’ont peut
écrire sur les huit croisades officielles et historiques ; elles
sont
authentiques et indiscutables. Il subsistait encore après 1270,
quelques rares
positions chrétiennes dans le maigre royaume latin restant, dont
la chute
d’Acre en 1291 reste le symbole final. De toutes façons à
ce moment-là, il n’y
avait plus aucune chance pour un renversement des forces en
présence, c’est
notamment pour cela que plus aucune croisade ne fut proclamée en
tant que telle, malgré les motivations sincères et
profondes du Pape Grégoire X, nommé en 1271. Maintenant,
il
demeure aussi parfaitement exact que des combats eurent encore lieu en
Terre
Sainte, principalement menés par les Templiers et leurs
alliés, rivaux respectifs d'orgueil,
parfois alliés,
en un mot, leurs faux amis, les Hospitaliers, et également les
Teutoniques ; mais les Papes qui connaissaient les situations
désastreuses
ne mobilisèrent plus l'enthousiasme de troupes, même
rémunérées, en rapport aux besoins exceptionnels
et massifs
qu’il aurait fallu. Les croisades étaient bel et bien
terminées : il fallait
sauver ce qui pouvait l’être ! Ajoutons que lorsque l’on voit
écrit, ici où là,
que Guillaume de Roussillon, mort durant l’année 1277, dans les
environs de
Saint-Jean d’Acre, le fut au cours de la huitième croisade et
bien ceci est
absolument faux ; cette dernière qui prenait place en Tunisie
était clairement
terminée en 1270 : l’Histoire ne se récrit pas,
même par des auteurs régionaux, certes parfois
incontestablement érudits, mais aussi en mal de
vérifications basiques. Pourtant,
il y a bien ici une énigme majeure de l'Histoire de France, de
l'Histoire de la Chrétienté et de stratégies
templières historiques, bien mal connues et en tous les cas insuffisamment développées ...
Revenons, à notre aparté qui indique
malheureusement que pourtant, il existe une autre croisade, bien
particulière,
que je n'ai pas volontairement abordé jusque là. Nous y
reviendrons nécessairement dans le futur, dans une rubrique
spécifique, sur nos colonnes de La Grande Affaire,
et des pistes se rapprochent également de notre massif montagneux, de secrets
ancestraux liés à des évènements
directement et indirectement liés à ce contexte encore
très flou à bien des titres. Brièvement, sachez en
tous les cas qu'en 1208, le Pape Innocent III,
proclama une croisade contre les albigeois, un tristement
célèbre mouvement qualifié
par Rome d'hérétique et oeuvrant plus
particulièrement dans le sud de la France. Elle fut la seule
à se dérouler sur le sol européen, avec un ennemi
officielement chrétien (je précise "chrétien,
dissident"), mais aux croyances dogmatiques
justement divergentes. De 1209 à 1229, dans d'ignobles
conditions le sang
versé va couler sans pour autant réussir
à
anéantir ces malheureux Cathares qui faisaient des émules
et obtenaient des soutiens au sein même de la noblesse locale.
Cette "victoire", cette éradication
déterminée, qui finira quand même par se
concrétisée, sera
obtenue, seulement au siècle suivant, après que les
flammes et les tortures eurent été employées pour faire
disparaître ces pacifistes, ces dualistes, ces manichéens,
ces idéalistes et certes
des extrémistes avec la détermination vouée à leurs croyances. La royauté, aux
côtés de
l'Eglise, joua un rôle déterminant, grâce à
un efficace et froid bras armé, qu'était la redoutable
Inquisition,
administration judiciaire et religieuse composée par des membres
provenant d'Ordres essentielement Dominicains et Franciscains. On doit
donc chronologiquement, situer la croisade contre les albigeois, entre
la quatrième et la cinquième croisade, des huit que l'on
répertorie en destination de Terre Sainte...