RUBRIQUE
PILAT et LIENS

Mai 2017












Par
Michel Barbot


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Deux Fontaines pour un Roy



De la Fontaine de Barenton à la Font-Ria

Patrick Berlier dans un courrier daté du 2 juin 2016, informé de mon projet d’article consacré à la forêt de Brocéliande (article, depuis rédigé et mis en ligne en janvier par Thierry Rollat sur le site La Grande Affaire) me faisait part d’une observation susceptible d’être exploitée, entre cette forêt (Brocéliande) et le Pilat. J’avais déjà avancé un premier rapprochement dans l’article consacré à l’inscription de Mauron. Patrick en pressentait un second, avec « la Fontaine de Barenton, qui semble avoir une sœur presque jumelle dans le Pilat avec la fameuse Font-Ria ». Ajoutant avec raison : « La comparaison des photos est éloquente. »

 

La Fontaine de Barenton en Bretagne (photo Raphodon - Wikipedia)

 

La Font-Ria dans le Pilat (photo P. Berlier)

 

La Royale Fontaine de Barenton

Si la fontaine apparaît au XIIe siècle dans le Roman de Rou de Wace, son prestige naît véritablement au travers du légendaire arthurien chez Chrétien de Troyes avec Le Chevalier au Lion. Au XVe siècle le comte de Laval, propriétaire de la forêt, renouvelle le légendaire de la fontaine en l’associant au Chevalier Ponthus.

La Fontaine de Barenton se dresse au-dessus du village de Folle Pensée, à une altitude de 190 mètres sur le contrefort Nord de la Butte de Ponthus, haute de ses 258 mètres, point culminant de la forêt.

 

Carte schématique de la Forêt de Brocéliande

 

Le nom de cette fontaine oscille, ainsi que démontré sur le site http://broceliande.brecilien.org/Fontaine-de-Barenton, dès le XIIe siècle entre bel-(anton) et  bar-(anton) proposant ainsi des étymologies quelques peu divergentes.

Jean Markale dans son livre Brocéliande et l’énigme du Graal (éditons Pygmalion) avance pour Brocéliande une étymologie celtique : la « Forteresse de l’Autre Monde ». Le nom celte de cet Autre Monde a donné, bien que n’ayant aucunement à l’origine ce sens, l’anglais Hell pour désigner l’Enfer. Par le jeu des étymologies, Brocéliande pourrait signifier : le « Marais de l’Autre Monde », ce que ne contrediraient pas les zones marécageuses de ce lieu sylvestre. Jean-Louis Bernard dans son livre Les archives de l’insolite (éditions du Dauphin) présente Brocéliande comme « Le Pont (BROC = l’allemand Brüche, l’anglais Bridge) et Dieu (EL, ELI) ». Cette partie de la forêt de Brocéliande qui s’étendait jadis sur la presque totalité de la Petite-Bretagne, est nommée forêt de Paimpont (du breton Penn Pont) que l’on traduit par la « Tête du Pont » ou le « Bout du Pont », soit suivant la tradition… la Tête de Ponthus. Pour J.-L. Bernard, la fontaine de Barenton porterait dans son nom celui de l’OURS : BAR, allusif au totémisme de l’ours et au culte de l’Étoile polaire (la Petite Ourse).

Au niveau des étymologies romanesques basées sur la phonétique, nous pouvons signaler un BAR-ATON ou FILS d’ATON dieu solaire de l’Égypte antique. Ce BAR araméen ou hébreu, apparaît comme un synonyme de BEN dont nous reparlerons avec le Roman de Ponthus où l’Égypte au travers du Soudan de Babylone apparaît assurément comme un élément d’importance.

 

Le tableau du Saint-Graal (église de Tréhorenteuc)

 

Ce magnifique tableau apparaissant dans l’église de Tréhorenteuc peut se lire à différents niveaux. L’abbé Gillard fit représenter la Fontaine de Barenton sous la forme du Saint-Graal mais un Graal géographique.

En juin 2008 j’évoquais déjà ce Graal géographique représenté sur le tableau de Tréhorenteuc, dans mon article « Le Souterrain de Trèves ... Reflet du Méridien Zéro » (Les Regards du Pilat). Ainsi que je le rappelais, le Graal géographique représente pour les hermétistes côtoyés par l’abbé Gillard, la France, Graal du monde. Jean Phaure dans son livre La France mystique (éditions Dervy-livres) écrit : « L’hexagone français, Graal géographique de la chrétienté, a pour tracé régulateur l’Étoile de David ou Sceau de Salomon dont les six angles définissent nos frontières naturelles et magnifient le Verbe créateur dont le Nombre est Six. La Fleur de Lys, la Fleur de Lumière, à la fois trinitaire et hexagonale, s’y inscrit harmonieusement, à l’intérieur du Sacré-Cœur, spécialement demandé à la France comme véhicule de Salut pour l’Humanité. »

L’ordonnancement du tableau tel que l’abbé Gillard l’a conçu, reprend dans sa géométrie, l’ordonnancement du volumineux ouvrage de Félix Bellamy La Forêt de Brocéliande dont les trois volumes ont été publiés en 1896. Ce livre de référence, réédité par les éditions des Régionalismes, apparaît d’une part dans le prolongement des travaux d’un Baron du Taya qui publia en 1839 le livre Brocéliande, ses chevaliers et quelques légendes (mis en ligne sur le Net) et apparaît d’autre part, comme le témoignage d’une longue enquête menée sur le terrain mais aussi auprès des brocéliandais encore pétris de ce passé mystérieux qui baigna l’antique forêt des druides.

Dans le tome I, le Rennais Félix Bellamy, chimiste de son état, présente au lecteur la mystérieuse Forêt de Brocéliande. Il consacre le final de ce 1er tome au sulfureux Seigneur de l’Étoile, Éon, Père abbé au XIIe siècle de l’abbaye de Moinet à Barenton. Dans le tome II, est présenté Yvain le Chevalier au Lion ainsi qu’une longue étude consacrée au Chevalier Ponthus. Le tome III apparaît essentiellement axé autour du célèbre barde Merlin.  

L’abbé Gillard choisira de représenter à droite sur le tableau, Merlin enfermé dans une prison d’air. Il initie Viviane, sa belle geôlière, à la science des anciens druides. Face au célèbre barde du roi Arthur, apparaît celui, que F. Bellamy nomme le Seigneur de l’Étoile. Le moine Éon fut, dit-on, inspiré par le célèbre Merlin et devient le dépositaire de ses trésors. Les trésors de Merlin vont permettre à ses héritiers de prophétiser ou plus précisément de décrypter ses hermétiques prophéties, thème sur lequel Félix Bellamy s’attarde longuement. Ce fut Geoffroy de Monmouth qui vers 1130 / 1135 qui rédigea le Libellus Merlini (initiales LM… cf. LM SAR de mon article « PHELIPE ET MAVR – OU LA PROMESSE D’UNE EAU D’OR SUR LA SPIRALE DE LUMIÈRE » - site La Grande Affaire), soit une traduction du breton au latin des Prophéties de Merlin.

 

Merlin jeune et précoce lit ses prophéties à Vortigern

Illumination 1: British Library MS Cotton Claudius B VII f.224 - Robert Vermaat

http://www.vortigernstudies.org.uk/artlit/image1.htm

 

Les Prophéties de Merlin ont permis aux Bretons, de Grande et de Petite Bretagne, de rêver à la renaissance de l’ancien royaume du roi Arthur. Cette reconquête du pouvoir arthurien est symbolisée par l’affrontement opposant le Dragon Rouge (les Bretons) au Dragon Blanc (les Saxons). Les deux dragons sont figurés sur l’illustration représentant Merlin lisant ses prophéties au roi Vortigern.

Revenons au tableau de l'église de Tréhorenteuc. Nous découvrons en haut Yvain le Chevalier au Lion, dont les aventures à Barenton, inspireront celles du Chevalier Ponthus en ce même lieu. Ponthus, fils du roi de Galice, est représenté au bas du tableau affrontant l’un des de 52 chevaliers venus le provoquer en duel.

Yvain, chevalier du roi Arthur dont le nom gallois était Owein, « Y vain » à la Fontaine et « Y vainc » – selon la formule consacrée – le Chevalier Noir, titre hautement convoité ainsi que nous le découvrirons avec le Chevalier Ponthus. Le Chevalier Noir entend le langage des oiseaux du Breuil de Barenton. Il possède en lui le don de prophétie.

 

Représentations du chevalier Ponthus, inspiré d'Yvain,
dans le tableau de Tréhorenteuc

 

Dans Le Roman de Rou de Wace, première mention écrite connue de la Fontaine de Barenton, Wace relate la conquête de l’Angleterre entreprise en 1066 par Guillaume (Rou), duc de Normandie assisté du duc de Bretagne Alain Fergent (en breton le « brave parfait »). Bien qu’Alain Fergent désigne traditionnellement le duc de Bretagne, le compagnon de Guillaume de Normandie cité par Wace évoquerait, suivant F. Bellamy, un autre personnage !? Parmi les compagnons d’Alain IV de Bretagne, apparaît Raoul de Gaël, maître de « Brecheliant » avant 1066 :

Alain Felgan vint el passage,
Ki des Bretunz out grant barnage ;
De Peleit le filz Bertran
E li Sire i vint de Dinan,
E Raol i vint de Gael 

Quoiqu’il en soit, la paix régnait dans le duché de Bretagne, ce qui permit au duc Alain IV de répondre à l’appel d’Urbain II. Accompagné de son contingent breton dans lequel figurait Raoul de Gaël, il part pour la première Croisade. Absent de Bretagne durant cinq ans il laisse le duché sous la ferme autorité d’Ermengarde. (Livre de Marcel Le Moal De la Cornouaille à Jérusalem – L’épopée d’Alain Fergent duc de Bretagne Coop Breiz éditions).

D’après Orderic Vital, en mars 1113 lors de l’entrevue de l’Ormeteau-Ferré entre Louis VI le Gros et Henri Ier Beauclerc, le roi de France « concède le Bretagne » c’est-à-dire la vassalité directe d’Alain à Henri Ier. Le duc de Bretagne devient « homme lige du roi des Anglais », c’est alors qu’il fiance son fils Conan à la fille naturelle du roi d’Angleterre, Mathilde. Malade, il délègue alors le gouvernement à son fils Conan III qui intervient pour la première fois comme duc de Bretagne en 1115.

La présence de Merlin sur le tableau, au-delà de ses amours avec la fée Viviane sous les sylves de Brocéliande, nous oriente vers les hermétiques prophéties du célèbre barde de la cour du roi Arthur. L’abbé Gillard au travers des énigmatiques tableaux ou des vitraux de son église, nous apparaît – bien qu’il n’en aurait assurément, par modestie, pas accepté le titre – comme un maître du Brut.

Il appartenait au Moyen Âge, aux maîtres du Brut, versés dans les prophéties de Merlin et de Taliesin, ainsi que dans l’Histoire de la Petite et de la Grande Bretagne, d’en révéler l’hermétique mystère. Le Brut, est le nom donné à d'anciennes chroniques bretonnes et anglaises, soit en souvenir d’un prétendu Brutus, petit-fils du héros troyen Énée, regardé comme le premier roi de l’île de Bretagne, soit comme une variante du mot gallois Brud, bruit, rumeur, et par suite récit, annales. On connaît surtout le Roman de Wace et celui de Layamon (publié à Londres en 1847) qui en est une paraphrase.

Très en vogue au Moyen Âge des deux côtés de la Manche, les Prophéties de Merlin ont accompagné les révoltes galloises. Elles furent évoquées lors du procès de Jeanne d’Arc et lors de sa réhabilitation, ainsi que nous l’apprenons à la lecture du livre de Jean-Pierre Le Mat Enquêtes sur les prophéties de Merlin (éditions Yorann embanner). Cet historien Breton nous livre le fruit de ses enquêtes en utilisant un mode proche de la fiction. Dans ses enquêtes, il évoque le règne de Raoul de Gaël fils de Ralph de Gaël (premier du nom) ; règne annoncé semble-t-il par Merlin, bien que cette prophétie se prolonge dans le règne d’Owain Glyndŵr :

« Cadwallader convoquera Conan et s’alliera avec l’Écosse. Alors les étrangers seront massacrés et les rivières rouges de sang.

« Les monts d’Armorique entreront en éruption et l’Armorique elle-même sera couronnée du diadème de Brutus. La Cambrie se réjouira et les chênes corniques fleuriront. L’île prendra le nom de Brutus et le titre qui lui avait été donné par les étrangers sera rejeté. »

Le roi Kadwallader de la prophétie fut le dernier descendant régnant du roi  Arthur. Il symbolise dans la prophétie les Bretons insulaires. Conan évoque Conan Mériadec, premier roi de Petite-Bretagne et ainsi le royaume continental de la Petite-Bretagne. De ce royaume devenu duché, précisément de la forêt de Brocéliande, i vint Raoul de Gaël, proche de Guillaume de Normandie, qui, ainsi que le rappelle J.-P. Le Mat, le remercia de belle façon:

« Il lui offrit l’un des royaumes les plus riches de l’île, celui de d’Est-Anglia. Raoul y retrouva son père. »

J.-P. Le Mat, se plaît à nous présenter Ralph de Gaël, le père de Raoul, le jour de son mariage, recevant du duc de Bretagne Alain III dit Rebrit ou Roebre (Roi Breton en vieux breton) et de Knut souverain d’Angleterre et du Danemark, l’épée de Kadwallader tranchante et noire. Le même jour, Ralph de Gaël aurait reçu d’une délégation de lettrés gallois, « un livre damasquiné, orné de riches enluminures ». Chaque nuit, Ralph étudiait le livre gallois (les Prophéties de Merlin), puis un jour il quitta Brocéliande pour le Pays de Galles où son fils Raoul le retrouvera arborant l’épée de Kadwallader par son père remise.

« Les prophéties de Merlin y annonçaient la reconquête de l’île de Bretagne et la défaite des Saxons. La guerre victorieuse verrait apparaître le nouvel Arthur, un Breton et non un bâtard de Normand. A la lignée cornouaillaise du premier Arthur qui s’achevait avec Kadwallader succéderait une lignée armoricaine. »

J.-P. Le Mat raconte de belle façon ce qui a pu susciter le destin de Ralph de Gaël dit Ralph l’Anglais ou Ralph the Staller (en anglais l’écuyer mais avec un sens quelque peu différent), et de son fils Raoul Gaël. Cette royauté marquée du sceau de Conan Mériadec, bien que de courte durée, va se prolonger où réapparaître avec le roi Gallois Owain ap Gwynedd (1100 ? – 1170)  qui régna précisément à l’époque où Geoffroy Monmouth rédigea son édition latine du Libellus Merlini. Mais c’est le dernier souverain Gallois, Owain Glyndŵr qui va attirer notre attention.

 

La Bruti coronabuntur ou Couronne de Brutus

Les Maîtres du Brut ont reconnu dans les figures des rois de Bretagne insulaire, Arthur, Kadwallader et Owain Glyndŵr, trois figures messianiques.

Owain ! Owain (Owein, Owen ou Yvain), compagnon du roi Arthur, apparaît comme le Chevalier au Lion. Le héros gallois, présenté dans les anciennes chroniques comme un demi-dieu, est accompagné dans les combats par des corbeaux et assisté de son clan fort de « trois cents épées ».

Pour les Gallois, les Quatre Rois nommés Owain, pérennisaient la fabuleuse épopée du Chevalier au Lion. Le plus important, dernier souverain Gallois, fut assurément Owain IV Glyn Dŵr ou Glyndŵr (1359 – 1416 ?). Il apparaît dans Henri IV de Shakespeare sous la forme anglicisée d'Owen Glendower.

 

Bannière d’Owain Glyndŵr

 

La bannière d’Owain Glyndŵr reprend en écartelé, le lion de gueules d’Ivain ou Owain le Chevalier au Lion. Ce lion de gueules sur fond d’or au 1 et 4 apparaît d’or sur fond de gueules  au 2 et 3. Quatre Lions, tels les Quatre Rois Owain. Mais suivant la symbolique territoriale celtique royale, les Quatre Royaumes et donc les Quatre Rois, annoncent un Cinquième Royaume sur lequel grènera le Haut-Roi ou Cinquième Roi… le Cinquième Owein, soit le Retour d’Arthur annoncé par les Prophètes Bretons.

Owain Glyndŵr, Quatrième Roi Owain et dernier « prince de Galles » couronné de la Bruti coronabuntur ou Couronne de Brutus, apparaît comme le plus charismatique. Sa vie se présente déjà comme la préfiguration de la vie future du Cinquième Roi Owain dont le Retour est annoncé en anglais dans ces trois mots prophétiques : « Glyndŵr shall return », « Glyndŵr reviendra ! ».

 

Naissance d'Owain

http ://glyndwr660.blogspot.fr/2013_08_01_archive.html

 

D’après la légende, la nuit ou naquit le Prince Owain, les chevaux de l’écurie de son père Gruffudd Fychan II, revenus à l’état sauvage, se sont déchainés. Ils tamponnèrent dans leurs stalles their fetlocks (en français leurs boulets – partie de la jambe du cheval située au-dessus du sabot) jusqu’à en saigner.

Ceci a été considéré comme un événement prophétique annonçant la bataille de Bryn Owain ou plus justement Bryn Glas (la Colline Verte) le 22 juin 1402. Ce fut une grande victoire pour Owain et sa troupe de guerriers Gallois : le Plant Owain, les Fils d’Owain,  contre l’envahisseur anglais. 

Depuis le premier cri, à sa naissance, Owain n’aurait cessé de crier, jusqu’à ce que son père permette aux petits enfants de remettre au contact (à la touche), la poignée de son épée. C’est bien sûr ce qui se réalisera lorsque Owain et les Gallois de sa génération - le Plant Owain – se rassembleront pour chasser les Anglais.

Les chroniques affirment qu’en la nuit de la naissance d’Owain, il y eut de grandes tempêtes. Le ciel illuminé par des éclairs, résonnait aux coups du tonnerre et les fleuves débordèrent de leur lit.

Les Gallois ont affirmé à mi-voix, avoir vu durant cette nuit, dans les cieux à l’Est, une grande comète ardente qui passa comme un éclair dans le ciel. Au loin dans les halls des rois d’Angleterre à Westminster, quatre petites cloches (on notera le nombre symbolique des cloches…) sonnèrent de leur plein gré.

Cette symbolique liée à la naissance d’Owain affirme la nature messianique du personnage, et de façon plus secrète, le Retour annoncé par les maîtres du Brut.

À l’âge adulte, Owain Glyndŵr avança aux côtés de Crach Ffinant, un Maître du Brut, élève de Iolo Goch, ou Iolo le Rouge, célèbre Barde qui poétisa les exploits d’Owain. Jean-Pierre Le Mat dans ses Enquêtes sur les prophéties de Merlin, prête à un chanoine de Saint-Asaph au sujet de Crach Ffinant, les propos suivants : « Il sait l’histoire de Brutus et de son peuple. Il nous a montré que la venue d’Owain était écrite dans les anciens livres. Il a pointé du doigt les mots qui le désignaient. Je connaissais les évangiles et les anciennes prophéties qui annonçaient la venue du Messie. Nous avons appris par cœur les prophéties de Merlin, ainsi que la grande prophétie de Bretagne. Nous avons appris la signification de chaque phrase. »

Crach Ffinant disparu, peut-être lapidé par des moines. Owain consulta alors Hopcyn ap Tomos ab Einion. « Comme son prédécesseur, Hopcyn est lui aussi un Maître du Brut. Il connaît notre histoire passée, présente et future. »

Ainsi que l’écrit Jean-Pierre Le Mat : « Crach Ffinant attendait la venue d’un chef de guerre, Hopcyn ap Tomos prépare Owain a être un roi législateur, en paix avec ses voisins.  […] Owain est le roi légitime de l’île de Bretagne, depuis que la Vierge a offert au roi Arthur le saint Chrême. L’ampoule fut perdue jusqu’à ce que Saint Thomas Beckett la retrouve. »

Hopcyn, le guide d’Owain est présenté par J.-P. Le Mat comme un nouveau Merlin. « Il parle par énigmes. […] Comme Merlin, Hopcyn est un être de l’ombre et des forêts. Il est l’homme noir et les animaux lui obéissent. ».

Les exilés Gallois reviennent en nombre autour d’Owain. Des Bretons sous la bannière de Jean II de Rieux traversent la Mer Bretonne en 1405, afin de venger une expédition anglaise. Parti avec 2800 hommes, le seigneur Breton va soutenir Owain Glyndŵr. La principauté de Galles redevint indépendante pendant un temps…

 

La bannière d’Owain Glyndŵr revisitée par l’abbé Gillard

Il semblerait que l’abbé Gillard se soit appuyé sur la bannière du héros Gallois dans sa conception de la mosaïque représentant la Fontaine de Barenton :

 

Mosaïque de Tréhorenteuc reprenant la bannière d'Owain

Photo de Christian Le Lièvre

 

Aux quatre lions de l’écartelé du roi Gallois, symbolique dans la mosaïque des quatre évangélistes, est ajouté le Blanc Cerf qui représente le Christ ou Messie. Certains commentateurs y ont vu une allusion aux ordres celtiques : les Fianna (les Blancs) et le Rameau Rouge. Le cerf de Brocéliande apparaît comme la christianisation de Kernunos : le Bel encorné, divinité celtique.

 

In 1400, Owain Glyndŵr led a revolt against King Henry IV of England

http://ardal-wales.co.uk/english/local-history/the-kingdom-gwynedd/

 

Les quatre lions et ce cerf de la mosaïque conçue par l’abbé GIllard, s’ils évoquent effectivement deux épisodes de la Quête du Saint-Graal, renvoient également aux Quatre Empire de la tradition hébraïque qui précèdent l’Ère Messianique, le cinquième Empire, symbolisé par le Blanc Cerf.

 

Violette ancolie - Tréhorenteuc

 

Entre les pattes du Blanc Cerf, figure la violette ancolie. L’abbé Gillard tenait à la présence de cette fleur. L’ancolie fut une des signatures de Léonard de Vinci. Paul Vulliaud, auteur du livre La pensée ésotérique de Léonard de Vinci (éditions Dervy) va jusqu’à présenter le célèbre artiste Italien comme le Maître à l’ancolie. On découvre l’ancolie dans son célèbre  tableau Bacchus où figure un cerf couché. Bacchus y figure sous les traits de Jean-Baptiste. Christophe Colomb aurait également utilisé l’ancolie comme signature, lui donnant, parait-il, la forme d’une lettre hébraïque. Au-delà de la puissante symbolique de l’ancolie, cette fleur apparaissait, assurément pour le célèbre navigateur, comme une arme parlante. En effet, l’ancolie, associée à l’Esprit-Saint, souvent présenté sous la forme d’une colombe, est dite en anglais columbine, de colomba en latin, la colombe). Mieux encore, en tenant compte des origines juives de Colomb, avancées avec raison, par différents auteurs, il devient intéressent de mentionner le nom hébreu de l’ancolie : Ioniah, variante de Ionah, la Colombe !

En Brocéliande, le Lion de Gueules, attribut d’Yvain (Owain) fut celui de la noble famille des Plessis-Mauron, puis devint celui de la branche cadette, les Plessis-Mauron de Grenedan. Le château primitif des Plessis de Grenedan se trouvait dans la commune d’Illifaut (en breton l’Église du Hêtre – élément d’importance pour la suite de cette étude). Dans l’église, ainsi qu’indiqué dans mes précédents articles, se trouve un vitrail représentant la colombe de l’Esprit-Saint fondante, tenant dans son bec, par le crochet, la Sainte Ampoule. La colombe aurait pu apparaître dans un vitrail représentant le baptême de Clovis. Mais le baptême représenté n’est pas celui du premier roi mérovingien du futur royaume de France, mais celui de Jésus baptisé par Jean-Baptiste… 

La fleur ancolie dont le nom scientifique Aquilegia, vient probablement du terme latin aquila (aigle), est également nommée Gants de Notre Dame, Éperon de la Vierge ou Herbe de lion. L’abbé Gillard à qui l’on pourrait, au même titre que Léonard de Vinci, décerner le titre de Maître à l’ancolie, a conçu le tableau géographique du Graal sur une trame de 4 épisodes appartenant au légendaire de Barenton, 4 épisodes dans lesquels se reconnaissent les 4 éléments.

L’abbé Gillard dans sa conception du tableau représentant la Légende du Graal sous la forme d’un Graal géographique, associe Éon de l’étoile à l’élément feu caractérisé par la comète placée au-dessus d’une église qui serait celle de Saint-Léry édifiée en partie, avec des pierres provenant du couvent de Moinet à Barenton dont Le Mage Éon fut l’abbé.

 

La comète d’Éon couronne le Temple du Mage

 

La comète qui initie le ministère de l’abbé de Barenton, apparaît identique à la comète qui aurait traversé le ciel à la naissance d’Owain le dernier souverain Gallois de la Principauté galloise.

 

Du Divin Enfant au Mangeur de Miel

Curieusement, dans l’étude Vérité et Légendes de Tréhorenteuc l’abbé Gillard nous présente un tableau non pas composé de 4 scènes mais bien de 5 ! Cette lecture peut paraître curieuse, sachant que l’abbé l’a fait peindre en 4 scènes. Nous retrouvons dans son commentaire de ce tableau Graal géographique, le partage du territoire celte en 4 + 1 royaumes, partage que l’abbé applique dans le grand vitrail, à la Bretagne, région française, traditionnellement connue pour ses 5 départements. Le retrait de la Loire-Atlantique lui apparaît comme la mort de la Bretagne. L’abbé titre cette 5e scène : BUTOR DE LA MONTAGNE. Ce titre permet d’accéder au 5e élément – la Quintessence des alchimistes – en lui donnant le visage de BRUN DE LA MONTAGNE fils de BUTOR.

Félix Bellamy dans la géométrie ordonnée de son livre La Forêt de Brocéliande place Brun de la Montagne dans le tome II. Ainsi que le rappelle l’abbé Gillard dans son étude au sujet de Butor : « Il eut un fils. Depuis le roi Priam, nul homme plus beau ne vécut. »

Butor et son fils Brun prennent ainsi place dans la Priamide, caractérisant la descendance du roi Priam de Troyes, Priamide dans laquelle apparaît Brutus, petit-fils d’énée, lui-même petit-fils de Priam.

Le nom du père, Butor, tout comme celui du fils, Brun pourrait nous orienter vers la symbolique royale celtique du taureau mais c’est plus vraisemblablement vers la symbolique également royale et celtique de l’ours qu’il convient de se tourner. Butor par sa phonétique rappelle le gaulois Bitur(rig-) les Rois du Monde ou Rois Perpétuels. Nous pénétrons ici dans la géographie sacrée de la Gaule et ainsi dans la géographie sacrée de la France. Ainsi que le rappelait Gérard de Nerval, Bourges, la cité des Bituriges, est la capitale secrète de la France, le Graal géographique, Graal de Lumière (Or, Our en vieux breton, mot d’origine gauloise – But-Or). Évoquer Bourges et les Bituriges, c’est aussi évoquer l’Ours, de même racine étymologique que le mot Our (lumière). Certains auteurs, tels Jean-Claude Capelli, qui rédigea notamment le roman ésotérique La Bête de Brocéliande (éditions Lulu.com) ont écrit de très intéressants commentaires sur le Pays de l’Ours ou Pays des Bituriges. N’oublions pas cette célèbre devise biturige bien connue des hermétistes : « OURSINE LE TEMPS VIENDRA »…

La naissance de Brun est de nature toute messianique. Voici ce que rapporte l’abbé Gillard sur la naissance de l’enfant :

« C’était un joyau tel que jamais ni Pape, ni Légat, Prélat, Archevêque ou Cardinal n’en découvrit de pareil.

« Sa couleur était gracieuse et sanguine. Son visage était tains de couleur rosine et fleurait plus souef que ne fait fleur d’espine.

« A sa naissance, il fut enveloppé de drap de soie et d’or, et spécialement encortiné à cause du froid de la vesprée.

« Pour recevoir sa destinée des fées de Barenton, il devait être de nuit porté à la fontaine. »

De cette chanson de geste datée généralement de la fin du XIIIe siècle, seul un fragment de 3926 vers nous est parvenu. Félix Bellamy indique, suivant l’avis de M.P. Meyer, que l’auteur inconnu du récit, appartenait au Nord de la France. Cette hypothèse serait motivée par des raisons philologiques mais aussi par le fait que l’auteur utilise « avec une certaine complaisance l’eau de la Saine (vers 592, 951, 1551, 3192). Peut-être vivait-il sur ses bords. »

On pourrait également arguer que le mot Saine en vieux-français désignait un Synode ou Concile, soit un rassemblement d’évêques…

Le nouveau-né est porté à la Fontaine de Bersillant. « … les rois et les princes autrefois faisaient porter leurs enfants, dans les forêts, les lieux déserts, les prairies, sous un arbre, ou près des fontaines, espérant, qu’ils y recevraient, de la part des fées, les destinées qui leur assureraient bonheur et gloire en leur vie. » Le père du nouveau-né est présenté dans le récit comme « un puissant et vaillant seigneur de race royale, nommé Butor, sire de la Montagne, qui déjà vieux avait épousé une jeune femme, venait d’en avoir un fils. »

Il est certain que le récit de la naissance de Brun de la Montagne à une proximité toute relative avec celle de Jésus. Cette adaptation met en relief l’aspect messianique de Brun et ainsi son aspect prophétique.

Jean Markale (Brocéliande et l’énigme du Graal – éditions Pygmalion) indique que le château de Butor se trouvait sur les landes de Lambrun. La vérité est que la Butte de Ponthus où se trouve la Fontaine de Barenton, pourrait plus que les landes de Lambrun évoquer la Montagne. Lambrun, en breton la « Lande de Brun » dut acquérir son nom après l’écriture du livre. Les Landes de Lambrun sont très proches de Brocéliande mais il convient à mon sens de chercher ailleurs cette montagne. Le nom de Brun est très intéressant. Le texte connu de BUTOR DE LA MONTAGNE parvenu jusqu’à nous, se termine en la quinzième année de Brun. L’enfant commence sa vie d’homme. Il choisit de s’en retourner pour la première fois à la Fontaine des Fées. Il y rencontre le Roi des Fées qui, nous dit Jean Markale « a toutes les caractéristiques de Merlin ». Dans ce roman, la fontaine de Barenton est présentée comme un lieu faé :

Il a des lieux faés es marches de Champaigne,
Et ausi en a il en le Roche Grifaigne,
Et si croy qu’il en a aussi en Alemaigne,
Et ou bois Bersillant par dessous la Montaigne,
Et non porquant ausi en a il en Espaigne ;
Et tout cil lieu faé sont Artu de Bretaigne ;

Brun de la Montagne représente dans la symbolique de l’abbé Gillard, le Cinquième Élément. Mais où devons-nous situer la Montagne où naît la Divine Quintessence faite homme ?

Dans cette chanson de geste, le lieu faé nommé bois Bersillant (Brocéliande) qui appartient, comme les autres lieux faé au roi Artu (l’ours) de Bretagne, est localisé par-dessous la Montagne. Le lieu à découvrir, la Montagne, ne peut en ce sens, se situer à proximité de la forêt légendaire, point culminant de ce territoire breton.

Brun – le Cinquième Élément – nous rappelle et ce n’est pas un hasard, le titre du film de Luc Besson. Le célèbre cinéaste français, auteur d’un Jeanne d’Arc ambitieux, achevait ainsi avec Le Cinquième Élément, tout un cycle cinématographique consacré aux 4 + 1 éléments : la Terre (Subway), l’Eau (Le Grand Bleu), l’Air (Léon) et le Feu (Nikita). Le Cinquième Élément parachevait ainsi de belle façon cette pentalogie déjà synthétisée dans le premier long métrage de Besson : Le Dernier Combat.

Dans la version roman du Cinquième Élément tirée du scénario de Besson, le thème du mangeur de miel (l’ours), apparaît avec Korben Dallas interprété par Bruce Willis, celui qui protège le Cinquième Élément tout en permettant son accomplissement… 

Mais revenons à présent à Brun de la Montagne venu lui aussi en Brocéliande, lieu de son parrainage par les fées, depuis sa Montagne natale. Philippe Walter, professeur de littérature française du Moyen Âge, à l’Université de Grenoble-III, spécialiste des romans arthuriens (auteur du livre Arthur, l’Ours et le Roi), nous permet d’envisager le lieu où cette Montagne se dresse vers le ciel. Dans cet autre livre Fêtes, rîtes et mythes du Moyen Âge (éditions IMAGO), page 192, l’auteur nous entraîne dans les pas de « Saint Bruno, l’ours des montagnes ». Il évoque tout d’abord l’omniprésence dans la mythologie chrétienne de l’ours : « On ne compte pas les saints qui portent le nom de l’ours (saint Ours, saint Ursin, etc.) mais aussi saint Bernard (Bär, nom germanique, et –art, nom celtique de l’ours) et d’autres formes encore. Mais quel rapport le bon saint Bruno, fondateur de la Chartreuse au nord de Grenoble, peut-il entretenir avec l’ours ? »

 

Saint Bruno dans une grotte
(Musée des Beaux-Arts de Lyon)

 

On ne peut que constater que saint Bruno est le plus souvent représenté en prières dans une grotte, ce qui est l'habitat habituel de l'ours. Voici que se découvre la piste qui permettra de découvrir plus avant dans ce texte, la Montagne où naquit et vécut jusqu’à ses 15 ans, Brun de la Montage. Les propos de Philippe Walter deviennent ensuite plus précis, tout au moins dans le cadre de cette étude : « On pense immédiatement à la couleur des cheveux prise comme un signe distinctif de la personne. Mais le brun peut aussi être compris comme le velu, l’être couvert de poils bruns. On rejoint alors immédiatement la figure de l’ours brun car on sait que cet animal était désigné par toute une série de périphrases que rappelle le folkloriste *Claude Gaignebet : le velu, l’oncle, l’Homme sauvage, l’homme à la fourrure, le plantigrade, le pied gonflé, le lécheur, le miellé, le vieux de la Montagne, le maître de la forêt. Brun est précisément le nom de l’ours dans le Roman de Renart. Mais cette explication étymologique du nom doit être mise en relation avec un épisode hagiographique rapporté dans la Vie de saint Hugues, évêque de Grenoble. »

*Claude Gaignebet : L’homme qui a vu l’homme, qui a vu l’homme, qui a vu…, Poétique 45, 1981, pp. 399-425.

Ph. Walter relate ensuite l’énigmatique vision dans laquelle l’évêque de Grenoble découvre Dieu construisant une demeure pour sa gloire, sur une montagne déserte. Sept étoiles indiquent l’emplacement de cet édifice. « Or, Bruno et ses compagnons sont précisément sept, comme les étoiles. Par ailleurs, ces étoiles indiquent la destination du nord, puisque le massif de Chartreuse où sera construit le monastère se trouve au nord de Grenoble. Il ne peut donc s’agir que de la Grande Ourse qui symbolise Bruno et ses six compagnons, Bruno étant, plus que les autres, marqué par la symbolique ursine de son nom. Une fois installés en Chartreuse, les moines vivront tels des ours, dans un milieu sauvage. »

 

Ponthus ou le pourvoyeur des insignes royaux

L’un des derniers romans de chevalerie ayant pour cadre la forêt de Brocéliande est Le Roman de Ponthus et de Sidoine. L’auteur supposé, bien qu’anonyme du roman, aurait vécu du XIIIe siècle au XIVe siècle et serait, suivant l’hypothèse avancée, un Gaël-Montfort (descendant de Raoul de Gaël). Ce roman est mentionné dans la charte des Usements de Brécilien, rédigée en 1467 par O. Lorence sur les ordres du comte de Laval (un Gaël-Montfort) maître de Brécilien, dont il était le secrétaire et le chapelain. Les éditions les plus anciennes connues à ce jour, sont datées du XVIe siècle. Félix Bellamy mentionne l’édition de Jehan Trepperel à Paris ainsi que celle de Maistre Guillaume Leroy à Lyon.

Dans cette charte le secrétaire du comte énumère les merveilles de la forêt la Fontaine et le Perron de Bellanton, puis ajoute « ce fut auprès que le bon chevalier Ponthus fit ses armes, ainsi qu’on peut voir par le livre qui de ce fut composé. »

Ponthus est le fils de Tibour, roi de Galice au IVe siècle. Le Soudan de Babylone envoie ses fils en Occident. L’un d’eux, Broadas débarque en Espagne et tue le roi Tibour. Ponthus fuit la Galice, faisant voile au Nord jusqu’en Petite-Bretagne où il fut accueilli par le roi Hoël de Vannes. Le prince galicien et la belle Sidoine, fille du roi, vont tomber amoureux mais l’heure n’est pas aux épousailles. Contraint de s’exiler en forêt de Brocéliande, Ponthus devient le Chevalier Noyr.

 

Ponthus et Sidoine

 

Une année durant, tous les mardis (jour de Mars, dieu de la guerre), pas moins de 52 Chevaliers – soit un chevalier par semaine – se présenteront à la Fontaines des Merveilles (Barenton),  pour affronter le Maître secret de la forêt au Champ du Tournoi. Ponthus préparait dans l’anonymat du Chevalier Noyr, Gardien de la Fontaine des Merveilles, son grand retour vers la lumière.

Lorsque les 52 semaines de l’année furent écoulées, le Chevalier Noyr, vainqueur émérite, organisa pour la Pentecôte – soit cinq jours plus tard – des festivités dignes d’un prince près de la Fontaine des Merveilles. L’heure de la reconnaissance avait sonné. Le roi et sa fille la belle Sidoine, allaient enfin découvrir ce mystérieux Chevalier Noir, l’Hermite de la forêt.

Le Roman de Ponthus ne s’attarde pas sur l’identité des 52 Chevaliers qui joutèrent contre l’Hermite de Brocéliande. Bien que quelques noms apparaissent ici et là, seuls les 8 premiers chevaliers sont nommés dans l’ordre de joute.

Cette liste de 8 (ou plus précisément 4x2) chevaliers, initiée par Bernard de la Roche, Chevalier Breton, et dans laquelle  figure Geoffroy de Lusignan ainsi que Landry de la Tour, se clôt par un inconnu dont le nom de famille n’en est pas moins illustre ! Il s’agit de Robert de Roussillon…

Les chevaliers (le nombre n’est pas donné), l’année écoulée, se voient remettre un insigne leur conférant la royauté. « Ces richesses, Ponthus les avaient gagnées en la nef au fils du Soudan, et il se disait que mieux ne pouvait les employer que devant tant de princes. »

Le sire de Lusignan reçoit une lance et un riche gonfanon, ainsi qu’un riche cercle d’or, pour le mieux joutant. Landri de la Tour reçu une riche couronne qu’il refusa ne s’en trouvant pas digne. Mais Ponthus l’avait ainsi ordonné, car Geoffroy Landri de la Tour avait le plus dur jouté.

Le texte ne dit mot sur l’insigne royal acquis par Robert de Roussillon mais il serait surprenant que ce preux chevalier n’ait reçu quelque récompense. Les Roussillon ne l’oublions pas étaient les Rois du Pilat… Certains chercheurs évoquent à demi-mots les lieux ancestraux du Pilat, liés à cette mystérieuse Royauté. Ces Rois secrets primitivement sacrés sur le Crêt de la Perdrix (la Pierre du Roi) l’auraient été par la suite, dans la Chartreuse de Sainte-Croix-en-Jarez où officient les Fils de l’Ours, le Mangeur de Miel… saint Bruno.

Patrick Berlier dans son livre La Société Angélique, tome I, (Arqa éditions) s’attarde longuement sur ces énigmatiques rois : « LES ROUSSILON, ROIS DE L’AXE DU MONDE ». Il fonde son enquête sur un vieux document publié en 1792 par le Journal de la société des amis de la littérature. « En évoquant le mystérieux château du Grand Roussilla, ce texte situe sur les terres de Pavezin une fabuleuse pierre censée révéler de futurs souverains. »

Le vieux document évoque des ruines connues sous le nom de Grand Roussilla ou château du Prince. Dans ce lieu mystérieux du Pilat, se trouvaient suivant le document, la Liafail parlante ou Pierre de Souveraineté, ainsi que les Pierres consacrées aux saintes Bloe (voir le tableau de la chapelle de la Madeleine sur la commune de Pélussin, avec sa Dame Bleue) et Margue (sainte Marthe et son Dragon). Le Grand Roussilla correspondrait à l’ancienne maison forte des Roussillon où sera édifiée la Chartreuse de Sainte-Croix-en-Jarez. Le vieux manuscrit ajoute : « Ces deux pierres à peine ébauchées ont profité pour élever un monument connu sous le nom de tombeau du roi. »

Il devient à présent opportun de formuler l’hypothèse suivant laquelle Butor de la Montagne aurait pour résidence le Grand Roussilla. Son fils, Brun de la Montagne, dont le nom rappelle celui de l’Ours Brun mais aussi – suivant Philippe Walter et Claude Gaignebet – celui de saint Bruno… nous ramène, me semble-t-il, dans la Chartreuse de Pavezin élevée par les Fils de saint Bruno.

Dans ce roman, il est dit que la Fontaine aux Merveilles de la forêt de Bersillan, se trouve en un lieu faé et que ces lieux sont à Artu de Bretaigne. Le texte fait mention d’un lieu faé nommé la Roche Grifaigne ou Grifaine (sauvage, redoutable). Le barde Merlin suivant la tradition, avait installé sur la montagne de la Roche Grifaine, un habitacle appelé esplumeoir Mellin (Merlin), dans lequel il rédigeait ses prophéties.

Il ne s’agit pas d’affirmer que Merlin rédigea ses prophéties sur les pentes du Pilat mais plutôt d’avancer l’hypothèse suivant laquelle une Roche Grifaigne, lieu faé se trouvait dans le Mont Pilat. Une telle hypothèse donnerait à penser que dans le Pilat, des seigneurs locaux, voire des moines, se seraient intéressés de très près aux Prophéties de Merlin. Ces prophéties, très prisées au Moyen-Âge furent étudiées par les souverains de différents royaumes. L’évocation de ce lieu faé dans le Roman de Butor de la Montagne, intéressant à la fois la Bretagne et, semble-t-il le Pilat, permet de pousser l’hypothèse plus loin encore. À savoir, les Maîtres du Brut, qui tant, dans la Grande que la Petite Bretagne, décryptaient encore et encore les Prophéties de Merlin… ces Maîtres du Brut, n’auraient-ils pas découvert dans les dites prophéties, quelque référence, aussi secrète soit-elle, aux Roussillon, les Rois du Pilat ?

Le lieu faé du Mont Pilat, à supposé qu’il est eu quelque réalité dans ce massif forestier, correspondrait aux Roches de Merlin. Intrigué sur la possibilité d’un tel lieu pilatois, j’interrogeais Patrick Berlier. Voici sa réponse :

« Pas de Roche Grifaigne dans le Pilat à ma connaissance. Cependant cela me fait penser aux griffes, les Griffes du Diable sur une roche en contrebas de la Pierre qui Chante des Roches de Marlin. La légende dit qu'un diable venu du Dauphiné (comme les Roussillon) avec la pierre sur son dos, la posa d'une main sur cette colline du Pilat, tout en se tenant de l'autre main à un rocher où il laissa la trace de ses griffes. Ce n'est peut-être pas tout à fait la même chose mais il y a un rapport avec Merlin/Marlin. »

 

Les Griffes du Diable sur le site des Roches de Marlin

 

Robert de Roussillon ou Tybault de Roussillon

Le Huitième Chevalier qui affronta Ponthus, le Chevalier Noyr, se nomme Robert de Roussillon. L’Histoire a mise en lumière des Roussillon dont le nom nous parle assurément plus, mais l’auteur du roman (un Gaël-Montfort), devait avoir des raisons de haute importance pour mettre en avant un Robert de Roussillon. Le prénom Robert a pour origine le germanique Hrodberht : « Gloire (et) Brillant ». Cette étymologie n’était toujours pas reconnue au XIXe siècle. Paul Hecquet-Boucrand en 1868, dans son Dictionnaire étymologique des noms propres d'hommes, proposait : « Robert : « Du teut. rat ou rad, conseil, bert, illustre, prop. Illustre dans les conseils, grand orateur. »

Une réflexion centrée sur le Roman de Ponthus, donne à penser que l’auteur privilégia une étymologie celtique dans laquelle le T de Robert serait muet (il en est ainsi de nos jours) : soit Rober ou Ro-Ber. Nous retrouvons la racine Ber- dans le nom de la forêt de Bersillant (Brocéliande) apparaissant dans le roman Butor de la Montagne. Cette racine apparaît aussi sous la forme Bar- dans le nom de la Fontaine de Barenton. Certains chercheurs, tels Jean-Louis Bernard (Les Archives de l’Insolite – éditions Le Livre de Poche) ont avancé pour Barenton : « De ‘’bar’’ = l’ours, allusion au totémisme de l’ours et au culte de l’Étoile polaire  (la Petite Ourse) pratiquée par les Gallo-Celtes. »

Ro-Ber pourrait dans cette optique se traduire Roi-Ours. Les chercheurs favorables à une royauté des Roussillon, avancent pour cette énigmatique famille, cette royauté oursine.

En 1903, le Vicomte de Galan, dans la Revue de Bretagne (Vannes Imprimerie Lafolye Frère), publie l’étude La Bretagne dans les romans d’aventures. S’appuyant sur les différentes éditions du Roman de Ponthus, il nous apprend que ce Huitième Chevalier : Roussillon, Resillon, Rossillon, voir Rosylyon (nous ne sommes pas loin des Rosslyn…) ou Resyllyon, est prénommé Robert mais aussi Tybault… Dans un premier temps, après avoir envisagé une lecture bretonne pour Robert, j’envisageais une même lecture pour le prénom Tybault. Nous trouvons en breton le mot Ti ou Ty signifiant « Maison » ainsi qu’un mot Bau (Bo) signifiant également « Maison » mais aussi « Victoire ». Le quartier général d’Éon de l’Étoile au Camps des Rouets (des Rois) se nommait Bodieu : « Maison de Dieu » ou « Victoire de Dieu ». Cette « Maison royale » n’est pas sans évoquer Pharaon d’Égypte dont le nom signifie la « Grande Maison ».

Dans ma réflexion portant sur cette alternance des prénoms Robert et Tybault, il m’est venu à l’idée que la clef de cette énigme pouvait peut-être, en partie, se trouver dans un livre que je possède depuis déjà pas mal d’années. Il s’agit d’un livre de Marie-Madeleine Martin : Le Secret des premiers chrétiens (O.E.I.L. Paris 1983). L’historienne s’attarde avec intérêt sur l’ancêtre des Robertiens dont Hugues Capet sera le dernier roi tout en étant le premier roi Capétien. Cet ancêtre apparaît dans l’Histoire sous le nom de Robert le Fort ou Robert de Saxeau. Proche de Charles II le Chauve au IXe siècle, Robert, marquis de Neustrie et duc des Francs, fut un homme puissant possédant pas moins de 1700 fiefs et arrière-fiefs. Le nom de Saxeau que l’on peut notamment traduire par la Pierre, provient de l’ancien nom de la colline de Sancerre dont il était l’heureux possesseur. L’historienne différencie avec détails, les deux Saxeau du Berry. La confusion s’avère aisée. En effet, si Robert possédait la « forteresse oubliée » (pour reprendre les mots de l’auteur) de Sancerre (le Saciacum vicum) , il était aussi détenteur de cette autre Saxeau (le Saxiacum locum) où il établit l’Ermite, saint Jacques… 

Marie-Madeleine Martin se fait l’écho d’une querelle d’historiens quant à la localisation de l’antique cité de Gordon ou Château-Gordon, nommé dans un acte de Pépin le Bref. La cité désigne-t-elle « Sancerre ou le village bâti à ses pieds, et portant le nom de St. Satur. » Pour l’auteur « le nom de Gordon a pu désigner, suivant les époques, l’une ou l’autre agglomération. » L’historienne ajoute : « Donc, Gordon aurait été sur la hauteur au temps de la Gaule, puis à l’emplacement de St Thibault et de St Satur, à l’époque romaine et du Haut Moyen Age. »

Dans l’appendice de son livre, l’historienne s’attarde Sur les origines du Sancerre. Cette oppida gaulois se nommait Gortona ou Gorgobina. M.-M. Martin écrit : « […] Les Romains ont fort bien pu installer un village, au pied de la colline (le futur St Thibaut, puis St Satur, quand St Tibault aura été détruit au IVe siècle). » L’auteur écrit indifféremment Thibaut et Thibault…

 

Siège de Sancerre (1572-1573)
(gravure de
Claude Chastillon - Wikipedia)

 

La colline de Sancerre où se dressait au Moyen-Âge, un magnifique château, fort de ses neuf tours (nous retrouvons une fois encore cette symbolique importante de la castellologie liée à saint Philippe…) apparaît fortement liée à Robert et à Thibaut… Saint Thibaut (il y en eu plusieurs – dont le saint patron des Charbonniers) ne donna sans doute pas son nom à la petite cité dès le IIIe ou IVe siècle… mais plutôt à l’époque médiévale où la cité devint faubourg de Saint-Satur. Au sujet de ce saint Satur, les hypothèses se fondent et se confondent les unes aux autres. Les anciens auteurs évoquent en ce lieu une divinité satirique christianisée en saint Satur dont le nom rappelle la mystérieuse Pierre ou Carré SATOR (hébreu SATOUR) la Pierre du Vainqueur.

Il semble que la transposition littéraire de Robert de Roussillon en Tybault de Roussillon et inversement, au fil des éditions, répondait à une volonté visant à mettre en avant une clef affirmant et légitimant, la royauté des Roussillon au sommet du Mont Pilat.

L’auteur druidisant Jean-Claude Cappelli, sous le pseudonyme « Celui du Pays de l’Ours », est l’auteur du livre Entre le Cygne et l’Ours – Le Centre sacré des Gaules (éditions Soleil natal). Dans cet ouvrage, il met en avant les mystères de la Royauté de l’Ours telle qu’elle apparaît depuis la tribu celte des Bituriges (les Rois du Monde ou les Rois Perpétuels), « sur cette Terre Sacrée du Berry (Ber- l’Ours) et de son omphalos celtique Avaricon-Bourges ». La colline sacrée de Sancerre trouve également sa place dans l’ouvrage. Cet auteur insiste sur le rôle de Royaume central du Pays de l’Ours des Bituriges. Le thème de la Royauté Centrale se retrouve, suivant les chercheurs avec le « Royaume des Roussillon »…

Dans la cité de Bourges, à l’angle de la place Gordaine (ce nom n’est pas sans évoquer celui de la cité de Gordon/Sancerre) se trouvait la Pierre de la Crie qui apparaît pour certains auteurs comme une Pierre de la Destinée semblable à la Lia Fal irlandaise… et à la Lia Fal de Pavezin.

Jean-Claude Cappelli s’attarde sur le thème de la double royauté observée dans certains territoires celtiques, avec semble-t-il un roi exerçant le pouvoir civil et un roi  exerçant le pouvoir militaire. Nous retrouverions dans une certaine mesure cette double polarité royale entre le Royaume des Ours du Berry et le Royaume des Ours du Pilat des Roussillon.

 

Le Roman de Ponthus et de Sidoine et la Royauté des Roussillon

L’auteur du vieux document publié en 1792 dans lequel est évoqué le mystérieux château du Grand Roussila, révèle : « Nous ajoutons qu’une tête couronnée de douze globes a été retrouvée sur ces terres de Pavezin en 1752… »

 

Enluminure montrant des personnages
dont les têtes sont couronnées de globes

 

Cette tête couronnée de douze globes nous donne à penser que le trophée royal offert par Ponthus à Robert (ou Tybault) de Roussillon ressemblerait à cette tête ou à une couronne à douze globes. Ces douze globes symbolisent les douze constellations du zodiaque traversées par le soleil. Ponthus joute contre les meilleurs chevaliers une année durant. Ces joutes prennent fin le mardi précédent la Pentecôte. Cette fête fut (et reste) avant d’être chrétienne une fête juive qui, par sa symbolique a été rapprochée de l’année du Jubilée, les sept semaines d’années, soit 49 ans plus un an, la 50e année qui correspondait au Shabbat ou repos de la terre. La terre cultivée durant les 49 années pouvait ainsi se reposer la  50e. Robert de Roussillon en tant que Huitième Chevalier participe à ce renouvellement de la terre. Il est le 8e chevalier mais il ferme un cycle de 7 semaines.

La Pentecôte est célébrée 50 jours après Pâques, d’où son nom grec. La fête des Semaines, ou fête du ‘’Cinquantième’’ jour était appelée ainsi parce qu’elle était célébrée par les Israélites sept semaines après l’offrande des prémices de la moisson.

La Royauté des Roussillon ou Rous-sillon apparaît associée au Jubilé biblique et à la Pentecôte. Les Rabbins s’appuyant sur le calendrier juif dont l’année zéro est fixée sur la naissance d’Adam, se sont évertués à déterminer les différents Jubilés de l’Histoire. Ces Jubilés marquent des événements importants de leur Histoire à travers l’Histoire des Cinq Empires. Les différents Jubilés préparent le Grand Jubilé : la Venue du Messie. Ce Grand Jubilé va marquer pareillement dans le Christianisme le Retour du Messie.

Les Roussillon ou Rois de l’Axe apparaîtraient ainsi comme des jalons, des guides jalonnant l’Axe symbolique du Retour ?!

 

Ponthus : un Pont entre Bretagne et Pilat

La Butte de Ponthus, la montagne brocéliandaise, doit son nom au Roi Ponthus, roi de Petite-Bretagne et de Galice. Jean Markale voyait dans ce double royaume la transposition du double royaume de Petite et de Grande Bretagne. Nous pourrions avancer pareillement les deux Royaumes du Centre : le Royaume des Bituriges et le Royaume des Roussillon.

Pour Jean-Claude Cappelli (La Bête de Brocéliande – Lulu.com éditions), le Roman de Ponthus « n’est qu’une belle légende de plus » mais dont la réalité est de mettre en relation la Galice avec la Bretagne. Cette réalité ponthusienne prend racine dans le vieux pèlerinage gaulois, voire même ligure, dont l’un des axes majeurs reliait le Finistère de l’actuelle Bretagne au Finistère de la Galice. Voici que dans cette même Légende de Ponthus après christianisation, se révèle le pèlerinage de Saint-Jacques-de-Compostelle. J.-C. Cappelli place des mots édifiants dans la bouche du héros de son roman qui se prévaut d’être allé jusqu’à Compostelle : « Je suis parti de Vézelay. Et très curieusement, tout au long du chemin qui m’a conduit jusqu’à Bourges, j’ai rencontré plusieurs lieux-dits dénommés le Pontot. D’ailleurs, lorsque l’on sort de la basilique de la Madeleine, à Vézelay, et que l’on descend la rue principale pour emprunter le chemin des étoiles, on est obligé de passer  sous un immense porche, celui de la maison dit du Pontot… »

Le même personnage de ce roman initiatique, s’appuyant sur la présence non loin de Barenton, sur la Butte de Ponthus, du célèbre « hêtre de Pontus » poursuit : « Pour moi, le hêtre de Ponthus a été un lieu de rendez-vous des pèlerins qui partaient  en groupe pour Saint-Jacques-de-Compostelle. »

Le Hêtre de Ponthus, situé à proximité de la Fontaine de Barenton dans cette partie de la Haute-Forêt que quelques-uns, nous dit Félix Bellamy, appellent les Jardins de Ponthus, se dresse au milieu de pierres dispersées que la tradition locale validée par le célèbre compilateur du XIXe siècle, présente comme les vestiges du Château de Ponthus, dit aussi Tour de Ponthus ainsi que Château de Bellanton. Cet auteur nous apprends que : « […] d’après le Registre Guillotin les débris du château de Bellanton, qui n’est autre que celui de Ponthus ou monastère de Bellanton suivant M. l’abbé Piéderrière, aurait permis à construire des maisons au village de Folle-Pensée. »

 

Le hêtre de Ponthus en forêt de Brocéliande
(photo Blog des sept lieues)

 

Ce haut-lieu druidique où de tradition, les Druides observaient le ciel, cédera sa place au Moyen-Âge à la Forteresse de Ponthus qu’il convient de confondre avec le Monastère de Moinet (dit aussi de Bellanton) dirigé par le mystérieux Éon de l’Étoile. F. Bellamy se fait l’écho de ce vieux récit du pays qu’il range parmi « les incohérences d’un conteur qui passe pour être le répertoire des vieilles histoires du pays » : « Jules Ponthus était d’origine italienne et de la capitale de la Romanie. Il vint dans le pays et se maria à dix-sept-ans avec… Joséphine Rauloy qui en avait vingt-trois. Le château de Ponthus a été détruit en douze cent seize par Alexis Brions qui était sorcier. Éon, sorcier aussi, n’était pas du parti de Brions et protégeait Ponthus. Éon était administrateur des seigneurs de Beuvres, auxquels appartenaient Barenton, etc. »

Ce récit, aussi incohérent soit-il, n’en semble néanmoins pas moins porteur d’un certain message. Ponthus est présenté comme un italien venu de Rome. Il se prénomme Jules… comme Jules César !? Sa venue en Gaule pourrait lui avoir été imposée par ce Jules ou plus justement par le César dont il aurait été contemporain. Nous savons que le moine Éon de l’Étoile fut le dernier (peut-être même l’unique) abbé de Ponthus.

Le Hêtre de Ponthus apparaît pour différents auteurs, comme le signe pérenne affirmant la présence en ces lieux du Château ou Tour de Ponthus occupé par l’énigmatique Éon de l’Étoile. Les anciens auteurs évoquent à la Fontaine de Barenton une croix ainsi qu’une chapelle placée sous le vocable de saint Mathurin. Le nom de ce saint devient intéressant, bien que présenté comme issu du latin « maturus » : « mûr », il parait intéressant de lui donner une étymologie celtique : Math (gaulois Matu-), « ours » et Uros (Ouros), « homme ». Mathurin devient ainsi synonyme d’Arthur, de même étymologie et dont le symbolisme royal a été mis en relief. Le Mabinogi (récit médiéval gallois) évoque Math, roi mythique de Gwynedd (Françoise Le Roux et Christian-J. Guyonvarc’h : Les Druides – éditions Ouest-France). 

Dans la margelle de la Fontaine de Barenton se trouvait une « grotte » dans laquelle était placée une statue représentant un saint. Les avis sur l’identité de ce saint divergent suivant F. Bellamy. Certains parlaient de saint Joseph, d’autres de saint Mathurin, voir d’un saint Belenton (autrement dit, le saint de la fontaine) ou bien encore de saint Brendan à la présence assez mystérieuse et sur laquelle F. Bellamy s’attarde quelque peu. Mais plus étrange encore, suivant cet auteur, cette grotte, auraient été occupée par la statue d’une fée : Viviane qui fut initiée en ces lieux par Merlin. D’aucuns donnaient à cette fée minérale qui aurait été visible dans la grotte, le nom de Demoiselle de Ponthus. 

Plus énigmatique, encore, tout près de cette même fontaine, ainsi que le rapportent F. Bellamy (bien qu’il soit modéré sur le sujet) et son prédécesseur dans le domaine, Baron du Taya, se trouvait la CAIÈRE, mot qui s’écrit aussi CHAIÈRE et désigne une Chaire… Cette énigmatique Cathèdre fut évoquée par Huon de Méry qui, séjournant en Bretagne, s’en vint à la Fontaine de Barenton en 1228, ainsi qu’il le rapporte dans son Tournoiement de l’Antechrist :

Le bachin, le perron de marbre,
Et le verd pin, et la caiere

F. Bellamy tout en confirmant le sens « chaire, siège, trône » du mot CAIÈRE préfère retenir son second sens : « prison, captivité, cachot souterrain », pourtant moins évident que le premier, reconnu par les différents commentateurs.

L’idée d’une Chaire près de la Fontaine de Barenton et donc à proximité du monastère de Barenton (Moinet) interroge. Le Hêtre de Ponthus qui pérennise le monastère du célèbre Éon de l’Étoile pourrait, par sa proximité géographique, être rapproché du nom breton de la commune d’Illifaut dont la traduction « L’Église du Hêtre » fut pointée non sans intérêt par quelques chercheurs et nobles familles locales. Nous pourrions entrevoir dans ce nom celtique, quelque survivance celto-druidique d’un christianisme primitif. Dans cette hypothèse, il se pourrait même que certains lieux, aussi minoritaires soient-ils,  soient marqués de ce mystérieux sceau du Hêtre ou sceau du Fau(t) (Fou, Fai, Fay, etc…).

Le très intéressant site http://broceliande.brecilien.org/Ponthus-aux-origines-de-l-abbaye-de-Paimpont, consacre un chapitre au chanoine Vincent Barleuf, prieur de Saint-Jacques de Montfort (Montfort-sur-Meu) de 1647 à 1656. Nommé par la congrégation de Sainte-Geneviève comme réformateur des abbayes bretonnes, dont celles de Montfort et de Paimpont, il s’appuie sur la charte des Usemens et coustumes de la forest de Brécelien, rédigée au château de Comper (dont l’une des tours était nommée Tour de Ponthus), pour affirmer que le fondateur de l’abbaye de Paimpont fut le légendaire Roi Ponthus. Le nom de Paimpont, qui nomme également la forêt de Brocéliande, est traduit du breton, « Tête de Pont » et ce « Pont », de tradition, viendrait de Pen-Ponthus : « Tête de Ponthus ». Le chanoine Barleuf avançait quant à lui une lecture latine relevant de la liturgie chrétienne des Saintes Espèces : Panis-Ponthus : le « Pain de Ponthus »…

Dans les Ussements, il est fait mention du Breil au Seigneur. C’est dans ce breil (ce bois) que se dressait le Château de Ponthus. Dans ce breil mystérieux, nul bête sauvage ne pouvait pénétrer…

Nous pouvons à juste titre, nous interroger sur l’identité de ce Ponthus omniprésent en forêt de Brocéliande depuis le Moyen Âge, bien que sa venue dans les lieux semble relever de la fiction, tout au moins au IVe siècle. Sidoine, l’épouse de Ponthus, dont l’existence bretonne apparaît tout aussi fictive à cette époque, pourrait s’avérer être une clef permettant de découvrir le vrai visage de Ponthus.

L’Histoire de la Chrétienté en Gaule nous révèle l’existence d’un saint Sidoine débarqué en Provence avec Marie-Madeleine, Marthe, Lazare et leurs amis en 42 / 43. La tradition reconnaît en Sidoine, l’aveugle-né guéri par Jésus (Évangile de Jean – chapitre IX).

D’abord, évêque de Saint-Paul-Trois-Châteaux sous le nom de Restitut, il devint à la mort de Maximin qu’il avait secondé dans son ministère évangélique, évêque d’Aix. Il a sa sépulture dans la crypte de Saint Maximin. C’est dans son sarcophage qu’avaient été cachées les reliques de Marie Madeleine pour les soustraire aux Sarrasins.

 

 

Crâne de saint Sidoine exposé devant le retable du crucifix

 

La proximité de saint Sidoine avec saint Maximin s’avère très importante ! La légende fait de Maximin l’intendant de la famille de Béthanie et l’un des soixante-douze disciples de Jésus. Il connaissait donc bien Lazare, Marthe et Marie qu’il accompagna lors de leur traversée vers l’an 42 / 43. Il commença dit-on à évangéliser Aix-en-Provence aidé de Marie-Madeleine. Il se rendit ensuite dans la Corne de la Gaule, en Bretagne ainsi que nous le découvrons dans le Pouillé de Rennes :

« Nous devons relater, nous aussi, une tradition de ce genre que possède le diocèse de Rennes. En 1625, le Père Augustin Du Paz, religieux dominicain du couvent de Bonne-Nouvelle et auteur d'une Histoire généalogique de plusieurs maisons de Bretagne justement estimée, remit au Père Albert Le Grand, religieux du même monastère et auteur lui-même d'une Vie des Saints de Bretagne qui ne manque point de charmes, la copie d'un ‘’ancien livre manuscrit de la librairie de Saint-Pierre de Rennes’’, c'est-à-dire d'un livre tiré des archives de notre cathédrale. Cette copie, dont le Père Albert Le Grand vérifia l'exactitude, renfermait une liste des premiers évêques de Rennes, en tête desquels figurait saint Maximin, disciple de Notre-Seigneur et compagnon de saint Lazare et de sainte Madeleine en Provence. »

Voici la  traduction du texte latin que rédigea l’historien Breton Albert Legrand relative à la présence de saint Maximin dans la cité de Rennes :

« Maximin, accompagné de Synchronius, par un effet de la miséricorde divine, visita et instruisit en Armorique la Ville Rouge, qui est la Cité des Redons, et gouverna l’Église de Rennes, fondée dans cette ville située sur une éminence au confluent de deux rivières ; en sa qualité d'évêque il consacra près de cette ville, sous l'invocation de la bienheureuse Marie Vierge-Mère de Dieu, un oratoire qui porte encore le nom de la chapelle de la Cité, après avoir enlevé, pour cette consécration, une statue de Téthis érigée vers l'Occident ; il purifia aussi la Tour de la Vision des anciens dieux et renversa l'idole d'Isis qu'on voyait à l'Orient ; puis s'avançant plus loin dans les Gaules, il laissa pour successeur l'évêque Synchronius, remplacé plus tard par Rambert, qui s'adjoignit de nombreux disciples. »

Albert Legrand dans son Catalogue des Evêques de Rennes, écrit :

« I — MAXIMINUS, disciple de l'apostre sainct Philippes et de l'Evangéliste sainct Luc, ayant esté envoyé ès Gaules, vint en Bretaigne, et s'arresta à Rennes, qu'alors on appelloit Civitas Rubra, Ville Rouge (nota : on prétend que ce nom avait été donné à Rennes à cause de ses murailles bâties en briques), laquelle estoit située entre les rivières de Vilaine et de l'Isle, et en peu de jours convertit ce peuple ».

Élément d’intérêt dans cette réflexion Ponthus / Sidoine / Maxime, les érudits Bretons qui par le passé, commentèrent le Roman de Ponthus et de Sidoine, ont curieusement orienté leur réflexion Rennes Ville Rouge apparaissant dans le roman, vers la référence Maximinus d’Albert Legrand, mais sans pour autant évoquer la mission apostolique de l’intendant de la Maison de Lazare, Marie-Madeleine et Marthe. Cette référence soulignée par les exégètes du Roman de Ponthus apparaît assurément comme un signe de piste.

Maximin, suivant une vielle tradition rapportée par le Pouillé de Rennes, fut missionné en Bretagne par saint Philippe et par saint Luc. Cette information est d’importance, elle se double d’ailleurs de cette tradition qui indique pareillement que Luc serait venu à Rennes. Autre information d’importance, elle concerne Drennalus évangélisateur de l’Armorique, évoqué déjà en décembre 2008 dans mon article UN TRÔNE POUR UN ROI, LE RÊVE DES FILS DE MEROVÉE http://regardsdupilat.free.fr/trone.html

Saint Clair, premier évêque de Nantes, missionné par le pape saint Lin, sitôt après avoir édifié la première église de la cité des Namnètes, envoie son diacre Déodat à Port Saliocan afin d’y rencontrer Drennalus (Drennualus) missionné depuis la Grande-Bretagne par Joseph d’Arimathie, le Porteur du Graal. Cette rencontre sera le point de départ d’un long périple en Bretagne au cours duquel ils vont œuvrer à la vigne du Seigneur.

Cette mission de Drennalus dans la Corne de la Gaule développée plus encore dans cet ancien article, fut de tradition initiée par le pape saint Lin, mais peaufinée par Joseph d’Arimathie et par l’apôtre Philippe…

Il est certain que la Grande-Bretagne (à l’époque la Bretagne) et l’Armorique, appelée à devenir la Petite-Bretagne, ont été dans la seconde partie du premier siècle, le théâtre de rencontres secrètes entre les disciples de Joseph d’Arimathie et de l’apôtre Philippe. Une vielle légende reprise par plusieurs auteurs, évoque la venue de ces deux personnages en Provence. Saint Philippe a-t-il ensuite accompagné un temps, ainsi qu’aimaient à l’écrire quelques vieux auteurs, le Porteur du Graal en Grande-Bretagne ? Il semble plus probable de penser que saint Philippe planifia avec Joseph l’importante mission appelée à se dérouler des deux côtés de la Manche. L’abbé Gillard de Tréhorenteuc indiquait dans ses brochures, la venue de Joseph d’Arimathie en Brocéliande. Le grand vitrail de Tréhorenteuc affirme pareillement la présence de ce disciple secret de Jésus dans la forêt druidique.

Quant à saint Philippe (Bouche de Lampe…) n’oublions pas qu’il apparaît dans l’énigmatique inscription de Mauron, Porte Nord de la forêt de Brocéliande, dont le décryptage figure dans la première partie du triptyque que j’ai pu écrire pour la Grande Affaire PHELIPE ET MAVR OU LA PROMESSE D’UNE EAU D’OR SUR LA SPIRALE DE LUMIÈRE http://regardsdupilat.free.fr/mauron.html

Le Roman de Ponthus et de Sidoine place (ou déplace) la venue du Roi Ponthus dans la mythique forêt au IVe siècle. En partant de l’hypothèse suivant laquelle Sidoine improvisée « épouse » du Roi, ne serait qu’une transposition littéraire de saint Sidoine, nous pourrions envisager avec Ponthus (variante de Pontius), une seconde transposition celle d’un célèbre Pontius contemporain de saint Sidoine : Pontius Pilatus, soit Ponce Pilate le célèbre préfet de Judée qui statua sur le cas Jésus, « ROI DES JUIFS » ! Entre ces deux personnages, n’en doutons pas, s’intercale Claudia Procula, l'épouse de Pilate dont nous connaissons les liens établis avec la famille de Béthanie.

 

Font-Ria ou quand Hercule rencontre Pontius

Des familles Ponthus localisées en Forez et en Lyonnais semblent pareillement avoir été intéressées par ce Roi Ponthus dont ils découvrirent les aventures dans la célèbre édition lyonnaise de Maistre Guillaume Leroy. Il convient sur ce point, de visiter le site internet de l’Association des amis du Chevalier Ponthus (http://www.acp-ponthus.fr/Genealogie.php). 

Nous retrouvons, de vieux récits l’affirment, la présence de Ponce Pilate sur les bords du Rhône ainsi que dans le Mont Pilat qui de tradition, tiendrait son nom du célèbre préfet romain en poste à Jérusalem. Ponce Pilate est né à Lyon et a donc sans doute, ainsi, que me l’indique Patrick Berlier dans un récent mail, passé son enfance en Gaule.

L’affaire Jésus, « ROI DES JUIFS », ainsi que le massacre des Samaritains du Mont Garizim, précipita la chute de préfet. Mais cette chute ne fut assurément pas le fait de la mise à mort d’un homme, fusse-t-il le Messie. Ponce Pilate semble avoir eu des rapports plus prononcés avec Jésus, que les évangiles semblent nous le rapporter.

Rappelé à Rome devant l’empereur, le préfet de Judée fut dit-on exilé en Gaule dans la cité de Vienne. Il semble que la vie du préfet autoritaire changea du tout au tout. Ponce Pilate, ainsi que son épouse Claudia Procula, furent sanctifiés par les Églises grecque, copte et éthiopienne. Suivant un texte apocryphe copte, Ponce Pilate aurait été un proche de Jésus. Mieux, il aurait été présent lors du dernier repas. Il aurait voulu remplacer Jésus par son fils unique… Ponce Pilate devient ainsi comparable à Abraham montant sur le Mont Moryah pour y sacrifier Isaac, son propre fils. Ce texte écrit il y a près de 1200 ans et récemment déchiffré, fut trouvé en Égypte en 1910 avant d’être acheté, avec d’autres manuscrits, par J.-P. Morgan en 1911. Il est mentionné le 12 mars 2013 dans LiveScience avant d’être traduit et publié par Roelof van den Broek, de l'université d'Utrecht aux Pays-Bas, dans son livre le Pseudo-Cyril of Jerusalem on the life and the passion of Christ.

Parmi les nombreux sites évoquant ce récit apocryphe, apparaît : http://www.neotrouve.com/?p=3998#LudlgisTJzGVmogZ.99

Pour Roelof van den Broek : « La découverte de ce texte ne signifie pas que ces évènements se soient produits, mais plutôt que certaines personnes vivant à l’époque semblent avoir cru en ces choses. » Nous devons imaginer que de louables raisons aient pu ainsi agir sur la vision recomposée des Chrétiens d’Égypte et d’Ethiopie.

Thierry Rollat, en avril 2008, signe et met en ligne un article dont le titre ne peut que nous interpeller : Le Grand Romain, Ponthius Pilatus. Cette hypothèse vient s’ajouter à d’autres hypothèses toutes aussi séduisantes visant à démontrer l’identité du Grand Romain, mais cette dernière ne peut que nous interpeller. Pour Nostradamus, le Grand Romain apparaît comme une préfiguration d’un personnage mythique, annoncé par les prophètes sous le titre de Grand Monarque. Dans la tombe du Grand Romain auraient été entreposés de mystérieux secrets… Parmi les premiers Pères de l’Église, il en est qui ont présenté Ponce Pilate comme un Prophète ! Si Prophète il fut vraiment, il fut Prophète dans les Gaules. Le Grand Romain Prophète si l’on suit le schéma proposé par Nostradamus, pourrait avoir prophétisé le venue du Grand Monarque, voir le Retour du Messie.

 

Ponce Pilate (église de Limoux, Aude)

 

Nous découvrons sur Wikipédia la théorie suivante quant aux origines de Ponce Pilate : « Son nomen renvoie à la gens* à laquelle il appartient, peut-être le clan samnite assez connu des Pontii. Cette tribu sabellienne belliqueuse occupant un vaste territoire montagneux des Abruzzes a notamment pour ancêtre Caius Pontius qui s'est illustré lors des guerres samnites ».

*M. J. Ollivier, « Ponce Pilate et les Pontii », Revue biblique, no 5,‎ avril 1896, p. 594-596.

L’origine Samnite supposée de Ponce Pilate ne peut qu’intéresser le Nantais que je suis. En effet, à l’époque gauloise une partie du territoire des Namnètes en bordure de mer : les îles de Batz-sur-Mer ou de Saillé où plane l’ombre du grand saint Clair, ainsi que Trénonant, la Ville aux Neuf Tours dont j’ai pu démontrer dans quelques articles toute l’importance royale apparaissant dans la symbolique philippine, née de saint Philippe… (Voir sur le sujet http://regardsdupilat.free.fr/mauron.html). Le souvenir de ces Samnites d’Armorique évoque en moi quelques mots du romancier Bernard Tabary qui fait dire à ce jeune Samnite venant d’assister depuis son rivage à la célèbre bataille maritime opposant les Vénètes aux Romains : « Ce n’est pas encore aujourd’hui que nous allons perdre notre indépendance dont nous sommes si fiers ! Même les Namnètes nous laissent tranquilles. Samnites nous sommes, Samnites nous resterons ! » (Bernard Tabary : L’insolite grotte des Korrigan – Roman historique et fantastique aux éditions du Petit Pavé)

 Lorsque le barde Taliesin prophétise sur « La Ville Sacrée », du bord de l’Océan, il clame avec puissance : « et puisse la postérité d’Owein venir en ce pays. » Nous retrouvons une fois encore la postérité d’Owein, le plan d’Owein (le Retour d’Owein…) dont nous avons, plus haut dans le texte, découvert l’aspect prophétique et eschatologique.

Pour Thierry Rollat l’énigme Ponce Pilate, pourrait s’enraciner dans « ce passé plus ancien » du préfet de Judée :

« Ce puissant Romain, pourrait avoir connu Joseph d'Arimathie, lui à qui il accordera le Corps du Christ défunt. Ponce Pilate aurait un passé militaire supposé glorieux, et il pourrait avoir eu jadis sous ses ordres Joseph d'Armathie, un protagoniste notoire, difficilement cerné ou cernable, sur le fond comme sur la forme, ses rôles et ses actes... »

Joseph d’Arimathie, que ce puissant Romain pourrait effectivement avoir connu, se rendait, ne l’oublions pas, régulièrement en Grande-Bretagne à bord de bateaux affrétés pour le commerce de l’étain. Il aurait même emmené au cours d’un voyage, Jésus encore enfant, ainsi qu’évoqué dans un précédent article.

Thierry Rollat poursuit :

« Ce serait en Gaule que Ponce Pilate aurait terminé ses jours, soi disant exilé, puis arrive dans cette continuité, l'inévitable scénario sordide, avec sa mort très rapide. Aux temps modernes, la mémoire collective, lui verra avoir rendu la justice à Vienne, par conséquent avoir occupé une fonction dans un organigramme ? »

Pour de plus amples informations sur le sujet, il convient de lire le livre autoédité de Thierry Sur les Traces de la Vérité.

L’archevêque de Vienne, Adon (860/875) fixe pour la première fois dans l’Histoire du Christianisme le lieu où Ponce Pilate finit ses jours. Il s’agit du  Mont Pilat… Thierry Rollat, s’appuyant notamment sur les recherches de Patrick Berlier, indique les différents points du Pilat où le Grand Romain aurait vécu ou serait mort…

Les anciens auteurs évoquant cette mort, balancent entre une mise à mort et un suicide. Thierry pense quant à lui que l’ancien préfet de Judée finit paisiblement ses jours dans le Pilat. Nous avancerons même l’hypothèse suivant laquelle il aurait pu voyager dans cette Gaule où il naquit. Il se peut que ses pas le portèrent jusqu’en Brocéliande où le Château de Ponthus répond curieusement au Château de Ponce au pied du Mont Pilat ? Thierry Rollat écrit : « L’Église depuis le 4ème siècle avait souhaité faire de Ponce Pilate un damné… » En situant les aventures romanesques du Roi Ponthus en Brocéliande, au 4ème siècle, l’auteur (un Gaël-Montfort) voulut peut-être rétablir la vérité. De damné, Ponce Pilate devenait l’Ermite de Brocéliande, celui qui jouta contre les 52 Chevaliers. Ce nombre 52, au-delà des 52 semaines d’une année, est reconnu dans la Kabbale hébraïque comme étant la guématrie ou valeur numérique de BEN (Beth = 2 – Noun = 50) : le FILS qui désigne pour les Chrétiens versés dans cette science, le Messie… Ces 52 semaines révolues, nous entrons dans la Pentecôte, voici qu’apparaît le Grand Jubilé, le Jubilé messianique. Le FILS, BEN est de Retour !

Dans l’Église des Hêtres aux essences celtiques unies à des essences hébraïques, nous ne serions pas surpris d’apprendre que Ponce Pilate fut pareillement vénéré comme un saint. Cette Église Celtique enracinée dans le terreau druidique se compose à l’origine de druides ayant reconnu le message christique de Jésus qu’ils reconnaîtront comme leur Druide. Les édifices de cette Église étaient faits de bois, matière noble, raison pour laquelle les Kuldées derniers Moines Celtes entretenaient cette tradition pour l’habitacle divin.

Contrairement à l’Église Romaine, l’Église des Hêtres n’eut pas ou peu à verser son sang. Il parait intéressant de reconnaître avec Thierry Rollat, que Ponce Pilate ne subit le martyr, pas plus qu’il ne se jeta dans quelques eaux ténébreuses. Mais nous devons néanmoins retenir l’un de ces lieux sombres où l’ancien préfet aurait pu trouver la mort et ce lieu qu’il nous faut assurément évoquer est la commune de Saint-Genest-Malifaux. Patrick Berlier dans l’article Le combat de Malifaut (Les Regards du Pilat – septembre 2011) devient précis quant à l’origine du nom de Malifaux :

« On sait aujourd’hui que Malifaux est probablement dérivé de ‘’mille faux’’ – mille fayards, nom local du hêtre. Mais ce nom merveilleux a vu naître bien des versions, comme celle – toujours au XVIIe siècle – du chanoine Jean-Marie de la Mure, qui y voyait le latin « malis falcibus » - la faux de la mort. Il imaginait le ravin de la Semène comme le lieu du suicide de Ponce Pilate. »

Nous découvrons dans cette paroisse, au XVIIe siècle, un personnage clef quant à l’énigme que nous tentons d’approcher, il s’agit de Louis Jacquemin. Ce prêtre doublé d’un poète est l’auteur d’un texte, daté de 1623, intitulé Antiquitez du lieu de Saint-Genez de Mallifaut et environs. Nous pouvons noter dans la forme Mallifaut (Millifaut) une certaine résonance avec le nom de la paroisse d’Illifaut, voisine de Mauron en proximité de Brocéliande. Ce Mallifaut pourrait affirmer une paroisse primitive placée sous le sceau de l’Église du ou des Hêtre(s)… des Mille Hêtres ? Louis Jacquemin avait-il connaissance, au-delà des calembours qu’il nous propose, de l’étymologie « Mille Fau(t) » qui préluda au nom de sa paroisse ? Les quatre derniers vers de son poème pourraient le donner à penser :

Je veux encor chanter mil autres raretez
D’auprès de Mallifaut, et toutes ses beautez,
Et los de son peuple je veux graver aux marbres
Et en mille façons, en l’escorce des arbres.

Le poète veux graver de « mille façons » que l’on peut entendre en vieux ou moyen français, « mille constructions » ou bien encore « mille visages », « en l’escorce des arbres »… dans lesquels nous pourrions reconnaître les faux !

L’abbé Jacquemin, va pareillement « graver aux marbres », établissant ainsi de façon durable, les mille visages de la Font-Roy dite en patois : Font-Ria. Cette fontaine habitée par une nymphe, telle Barenton habitée par la fée, attend son Roy, son Hercule de Roy dont le prêtre évoque les combats dans la campagne des Mille Faux.

Lorsque Louis Jacquemin rédige son poème, il s’appuie, semble-t-il, sur le Roman de Pontus et de Sidoine. A-t-il connaissance du rapprochement qu’il convient de faire entre le Roi Ponthus et Ponce Pilate ? La réponse nous semble affirmative. Le prêtre jouant avec les mots, évoque un Mont-Bouffict dans lequel il faut reconnaître les terres de Monsbolferius ou Monteboferius où vécut un mystérieux Pontius Monetarius. Voici ce que Patrick Berlier m’indique sur le sujet dans un récent mail :

« Pontius Monetarius – soit en français Ponce Monnoyer – est cité par le Cartulaire du prieuré de Saint-Sauveur-en-Rue comme le propriétaire des terres de Monsbolferius ou Montebolferius, qu'il donna audit prieuré en l'an 1095. C'est probablement le lieu que le poète et prêtre Louis Jacquemin transforma en Mont-Bouffict, et qui doit être Montboissier, actuel lotissement au sud de Saint-Genest-Malifaux. Pontius est un nom romain répandu : le même Cartulaire ne recense pas moins de 32 Pontius parmi les personnes avec qui il eut à faire (donateurs, vendeurs, acquéreurs, etc.). Son équivalent Ponce ou Pons est tout aussi commun. On se souvient entre autres de Ponce de la Sablière, premier prieur de la chartreuse de Sainte-Croix-en-Jarez. Pour certains historiens du Vivarais, il faut voir dans Montebolferius le nom Montgolfier (par transformation du B en G), mais c'est peut-être une tentative d'étendre à ces terres de Saint-Genest-Malifaux le nom prestigieux des Montgolfier. Si les Montgolfier ont eu des possessions dans le Pilat, c'est plutôt sur le secteur de Saint-Julien-Molin-Molette qui est frontalier avec leur fief ardéchois d'Annonay. »

Je ne puis bien entendu, que remercier Patrick pour sa pertinente réponse. Ce Ponce Monnoyer pourrait-il pérenniser l’illustre présence dans le Mont Pilat, de Pontius Pilatus ?

Dans son long poème, l’abbé Jacquemin s’attarde sur le hameau Montravel, qu’il transforme en Mont-Reveil. Il conviendrait de revenir sur ce calembour dans un prochain article dans lequel serait évoqués le calvaire et la fontaine codés de la chapelle Sainte-Catherine de Lizio dont les mystères ont été en partie évoqués dans mon article ET L'ABBÉ GILLARD AU COEUR DU GRAAL RALLUMA LA FLAMME (La Grande Affaire). Ce jeu de mots présenté par le prêtre Louis Jacquemin se retrouve précisément dans le texte codé du calvaire… en termes élogieux

 

De l’Égypte à la Font-Ria

C’est en mai 2006, que fut mis en ligne sur le site LES REGARDS DU PILAT, l’article de Patrick Berlier QUAND LES SOURCES PARLENT, OU L'ENIGME DE LA FONT-RIA. Patrick rappelle au lecteur que : « Le premier texte parlant de la Font-Ria date de 1623. C’est un poème intitulé Antiquitez du lieu de Saint-Genez de Malifaut, écrit par un certain Louis Jacquemin. » Il est certain que ce prêtre devient la « voix » de Font-Roy. Il ira jusqu’à ceindre la source d’étranges inscriptions dont la signification est à la fois simple et obscure. Patrick en révèle le texte sibyllin, voir nymphéen

 

Situation de la Font-Ria

 

Dans son poème Louis Jacquemin a osé pendre place près Font-Roy et se voit ainsi interpellé par une nymphalle voix. La nymphe lui ordonne de chanter un savoir « caché, jusqu’icy, aux peuples de la France. » Devenu « scavant de ses antiquitez » - celles de la France – Louis Jacquemin se fait l’historien d’une guerre antique dont le champ de bataille eut pour cadre la commune de Saint-Genest-Malifaux (voir l'article de P. Berlier Le combat de Malifaux sur le site des Regards du Pilat). Il raconte en termes élogieux, la victoire des Gaulois d’Hercule sur les larrons de la Tesbaide d’Egipte dirigés par Farao (le Pharaon). Et c’est ainsi que pour ce prêtre poète, le Bois Farost devient le Bois Farao. Au terme de cette guerre, « les dieux mêmes descendirent des cieux – Pour rendre ce pais plain de félicité » :

 Puis Jupiter jura qu’il en aurait le soin,
Qu’il les protégerait toujours en leur besoin
.

La Tesbaide ici mentionnée évoque l’Égypte et sa capitale Thèbes. Il se pourrait que les larrons du poème évoquent les Romains et leur arrivée dans le Haut Pilat. La Thébaïde I (appelée aussi « Arcadie d'Égypte ») est une province romaine du Bas-Empire en Égypte (capitale Memphis).

Les larrons composant la Tesbaide d’Egipte ne purent s’imposer dans le pays :

On tient que quelques uns s’encainèrent en terre
Pour éviter le choc de cette grande guerre,
Et que là, du depuis l’esprit pur de leurs corps
Pâtit, vagabondant, auprès de leurs trésors,

La Tesbaide d’Egipte apparaît dès lors « esprit pur », vagabondant, auprès de leurs trésors. Les larrons ne seraient donc pas venus seuls. Ils auraient apporté dans leurs bagages les trésors de la Tesbaide… les trésors de Thèbes. Il convient de rappeler que Thèbes est homonyme de Téba, nom donné dans le Livre de la Genèse (6-14) à l’Arche de Noé. Dans la Bible annotée de Neuchâtel, figure la note suivante :

« Une arche (théba). Ce mot ne se trouve que dans ce passage et dans Exode 2.3, où il désigne le coffret où était couché, l’enfant Moïse. Il est probablement d’origine égyptienne et si­gnifie une caisse. C’est sans doute de ce mot qu’est venu le nom de la ville de Thèbes, dans la Haute-Égypte, qui était désignée par là comme la ville des tombeaux ou des caisses sépulcrales dans lesquelles on en­fermait les momies. »

Louis Jacquemin opposant les Gaulois d’Hercule à la Tesbaide d’Egipte, prend semble-t-il modèle sur Le Roman de Ponthus et de Sidoine ayant pour cadre la Bretagne et sa forêt de Brocéliande. Le héros, Ponthus, affronte les armées des fils du soudan de Babylone. Les commentateurs de l’œuvre du maître de Bercilien, ont disserté sur la localisation géographique de ce sultanat. S’agissait-il de la Soudanerie (du sultanat) de Babylone d’Égypte (Le Caire) ou de la Soudanerie de Babylone de Perse (Bagdad).  Bien que la réponse ne soit pas véritablement tranchée, il semble qu’il s’agisse de la Babylone d’Égypte.

Cette petite ville de Basse-Égypte, située sur la rive orientale du Nil un peu au Nord de Memphis, d’après la légende grecque la plus répandue, aurait été fondée par des prisonniers babyloniens, ramenés par Sésostris (Ramsès II) au cours de ses campagnes asiatiques. Ces prisonniers, employés à la construction des nombreux temples dont Sésostris orna les villes égyptiennes, se révoltèrent, contre leurs maîtres et s'emparèrent d'un château-fort situé au sommet d'une colline escarpée. De là, ils faisaient des incursions fréquentes dans le nome memphite et ravageaient les campagnes environnantes. On les assiégea longtemps sans succès, et ils ne capitulèrent qu'après avoir obtenu le pardon du passé et la permission de s'établir dans l'endroit qu'ils occupaient Ils construisirent alors une ville qu'en souvenir de leur pays ils nommèrent Babylone. (Imago Mundi)

http://www.cosmovisions.com/monuBabyloneEgypte.htm#w5Bsu8WR6ZqDWc2p.99

Intéressant également les informations trouvées sur cet autre site :

« Il s'agit en fait d'une déformation d'un nom arabe donné après la conquête de l'Egypte par les Arabes (après 642).

« Le nom arabe de cette partie du Caire est Bab el On ou encore babalyûn ce qui a donné Babylone. Bab signifie Porte. On / yun fait référence au nom égyptien de la grande ville pharaonique situé dans le quartier actuel d'Héliopolis, la ville du culte solaire dont le nom était On ! Bab el On est "la porte de On"... http://www.pharaon-magazine.fr/actualites/actualit/pourquoi-la-forteresse-de-babylone-du-caire-sappelle-babylone

Il y a de cela déjà quelques années, mes échanges épistolaires avec Patrick Berlier, nous avaient permis, mais de façon différente, de découvrir pour le Pilat, un lien kabbaliste avec la cité d’On, la cité biblique où régnait selon le Livre de la Genèse, le pharaon qui élargit Joseph à la tête de son royaume…

Nous avons évoqué pour le double royaume du Roi Ponthus, correspondant dans sa symbolique au double royaume de Grande et Petite Bretagne, nous avons ensuite évoqué le double royaume ou la double royauté du Royaume du Centre et nous découvrons à présent le double Royaume de l’Égypte ancienne. Le Roman de Ponthus et de Sidoine avec le Soudan de Babylone, évoquerait la cité d’On de Basse-Égypte, tandis que Louis Jacquemin dans ses Antiquitez du lieu de Saint-Genez de Mallifaut et environs, évoquerait quant à lui, la cité de Thèbes en Haute-Égypte.

Le prestre indigne de Saint-Genez de Mallifaut ajoute qu’après la victoire « On dressa un autel au milieu de ces lieux. » Dans ce 78e vers, il s’appuie, pouvons-nous le penser, sur l’oracle prophétique d’Isaïe (19-19) : « En ce jour-là, l’Éternel aura un autel au milieu de la terre d'Egypte, et près de la frontière « un obélisque sera consacré à l’Éternel. »

Assurément le poème de Louis Jacquemin, ainsi que Le Roman de Ponthus et de Sidoine, semblent plus complexes qu’il n’y paraît. C’est en 1623 que l’abbé sort de ses cartons ce poème qu’il écrivit semble-t-il entre 1613 et 1616. Cet ecclésiastique qui se qualifiait de prestre indigne, était plus certainement un digne prestre !

La Font-Ria ou Fontaine du Roy ainsi que la Fontaine de Barenton nous apparaissent comme les garants de hauts mystères enseignés par les Maîtres du Brut ainsi que par les passagers de la Sainte Barque Royale venue de Judée et dans laquelle se trouvaient outre la famille de Lazare, saint Sidoine, saint Maximin sans oublier Joseph d’Arimathie et saint Philippe. N’oublions pas, même s’ils ne firent peut-être pas le voyage ensemble, Ponce Pilate (le Faiseur de Rois) et son épouse Procula…



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