DOSSIER NOVEMBRE 2014




Par Michel BARBOT


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Etude de l'inscription hébraïque des Tables de la Loi
Vitrail du mariage de la Vierge dans l'église de Valfleury
Ou le Pilpoul de la Vérité entre Lumière et Ténèbres



C’est à la fin du XVIIe siècle que les Lazaristes s’installent à Valfleury. Ils vont relancer l’ancien pèlerinage de la Vierge. Patrick Berlier pour Les Regards du Pilat (dossier Valfleury mars 2012) nous parle de James Lugan, supérieur des Lazaristes, qui à partir de 1840 passa 28 ans de sa vie à Valfleury :

« Authentique aristocrate languedocien, originaire des environs de Montauban, le comte James Lugan fit construire la nouvelle église, s’adressant à celui qui allait devenir le maître d’œuvre de Notre-Dame de Fourvière à Lyon, le « prince des architectes », Pierre Bossan. C’est le style néogothique, alors très à la mode, qui fut adopté pour la nouvelle église ; Pierre Bossan en était l’un des spécialistes, et avait déjà réalisé dans ce style, quelques années plus tôt, l’église Saint-Georges à Lyon. Sur ce nouveau chantier, il fut secondé par l’architecte lyonnais William Léo.

« La première pierre fut bénite le 22 mai 1853…

 

De magnifiques vitraux vont éclairer l’édifice. L’un de ces vitraux, le Mariage de la Vierge, portant la signature du célèbre verrier Mauvernay, présente les deux Tables de la Loi, visibles derrière la tête du Grand Prêtre. Ce vitrail est bien semblable à celui de Véranne, du même Mauvernay, illustrant la même scène, et que nous avons déjà eu l’occasion d’étudier. Sauf que, contrairement à Véranne où elles étaient vierges de tout texte, les Tables de la Loi à Valfleury sont gravées d’une écriture hébraïque, dans laquelle l’on ne reconnaît aucunement le texte que, suivant la Bible, Dieu remit à Moïse sur le Mont Sinaï.

 

Le vitrail du mariage de la Vierge dans son ensemble

 

La lecture de cette inscription n’apparaît guère aisée au vu des lettres peu ou prou schématisées qui la composent. Les mots eux-mêmes ne sont pas toujours des plus évidents, mais il en ressort assurément une certaine cohérence qui relève du Pilpoul – le mot est adéquat au vu du proche Pilat. Le Pilpoul caractérise dans la langue hébraïque une enquête dont les indices sont à se couper les cheveux en quatre.  Malgré tout, au final, il en ressort toujours une certaine logique aussi surprenante soit-elle, qui permit à quelques Sherlock Holmes amateurs de résoudre d’épineuses enquêtes.

 

À gauche : détail du vitrail

À droite : essai de reconstitution de l’inscription

 

Pénétrons à présent dans ce Pilpoul qui, d’indices en indices souvent contradictoires, finira par nous ouvrir un curieux chemin assurément christique… voici le détail des Tables de la Loi, et son interprétation possible. Rappelons que l’écriture hébraïque se lit de droite à gauche, nous lirons donc les tables également de droite à gauche.

 

L’alphabet hébraïque

 

Première ligne

1) Table de droite

1ère lecture

1er mot : Aleph – Lamed – Yod – Lamed 

Élil : vanité, néant, idolâtrie, idole.

2ème mot : Aleph – Lamed – Lamed – Yod ou Aleph – Vav – Hé

La première lettre du mot, à droite dans le texte hébreu est un Aleph. La seconde lettre devient plus difficile à lire, rapport à la lettre finale du mot. S’agit-il, pour cette seconde lettre, d’un Lamed qui serait dans ce cas, lui-même suivi d’un second Lamed ? La dernière lettre du mot serait dans ce cas précis un Yod curieusement abaissé. Cet abaissement déjà rencontré dans certains vitraux, pourrait être dû dans ce cas précis à la courbure de la Table. Nous aurions un mot Alali apparaissant dans Job 10-15 et généralement traduit par « malheur ». André Chouraqui traduit ce mot par « allalas ». Dans une note, il indique : « allalas onomatopée : gémissements. » Nous pourrions évoquer l’alala des Grecs anciens, cri de guerre qu’Alexandre poussait par trois fois avant d’engager le combat.

L’Élil Allali évoquerait dans ce cas l’idole des malheurs.

 

2ème lecture

Il se peut aussi que le second mot – initiale Aleph – soit suivi d’un Vav dont la partie supérieure serait non plus orientée vers la gauche mais vers la droite. Nous aurions ensuite une dernière lettre très inclinée vers la gauche et ajourée à son sommet, variante schématique du Hé. Voici qu’apparaîtrait le mot Avah (racine Tavah, qui a donnée la lettre Tav) signifiant « marquer – graver des signes – tracer (mesurer) les limites ».

L’Élil Avah évoquerait dans ce cas l’idole gravée.

 

Cette lecture apparaît curieuse. Si les Tables de la Loi présentent un texte gravé, pouvons-nous pour autant qualifier ces Tables d’idole gravée ? La réponse ne peut être que négative. Mais il est certain que la présence des mots ÉLIL AVAH, voire même ÉLIL ALALI pourrait le laisser entendre. Dans la Bible, ainsi que  nous le verrons plus avant, le mot ÉLIL est étroitement associé au mot AT (Enchanteur), mais il convient de noter pour l’heure, que les mots ÉLIL et ALALI sont articulés sur la racine ÉLAH qui se décline en El.

EL signifie « force – héros - Dieu ». Élah désigne un grand arbre (notamment un chêne), voire un grand homme (les Élim ou Géants). De cet Élah, grand arbre, chêne, découle le Élah « massue ». Cette massue devient ici même très importante.

Dans son dernier livre « Code Versailles – le château et les jardins décryptés » (livre auto-édité et distribué sur lulu.com), Didier Coilhac, au chapitre 4 « La massue d’Hercule » démontre au travers de jeux de mots que la massue évoquerait l’Arche d’Alliance. Le mot massue, en français, est apparentée au mot masse qui outre la masse d’armes évoque aussi dans ce cas précis, un chariot appelé aussi Mose ou Moise, transportant du poisson, précisément des harengs saurs. Cette comparaison n’est pas gratuite, le grand romancier Jules Verne l’avait déjà formulée dans l’un de ses romans…

Arche pour Didier Coilhac, chariot de l’Arche dans la formulation de Jules Verne, la Massue version Valfleury pourrait avoir une même signification.

 

L’Arche d’Alliance de la basilique de Valfleury

Un des vitraux de l’abside consacrés aux Litanies de la Vierge,

 dessinés par le père Nicolle et créés par l’atelier Barlon à Lyon

 

2) Table de gauche

Lamed – Aleph – () Teth

La troisième lettre possède une seconde ouverture en haut à gauche. Cette ouverture démontre qu’il s’agit de la lettre Hé, la lettre aux deux portes. Sa forme dite carrée trouve son origine dans un pictogramme désignant une « fenêtre ». Hé est une lettre d’ouverture mais aussi de don. Nous aurions ici une fenêtre au cœur du Secret… un secret vers lequel nous orientent ces quelques lettres. 

La lettre Hé ainsi placée entre la lettre Aleph et la lettre Teth, apparaît comme un intrus. Il serait plus logique de la découvrir en qualité de proclitique (mot dépourvu d’accent, s’appuyant sur le mot suivant) voire même d’enclitique (mot prenant appui sur le mot précédent). Dans l’hypothèse proclitique, la lettre Hé serait placée au début du mot et désignerait un article, un pronom démonstratif ou bien encore un pronom relatif. Dans l’hypothèse enclitique, la lettre Hé placée à la fin du mot, exprimerait la direction : « vers - dans ».

Troisième hypothèse, assurément la plus intéressante pour cette étude, la lettre Hé désignerait le nombre 5 qui se prononce en hébreu : Hamsah. Dans « L’alphabet et ses symboles » (Georges Lahy édition Virya) note : « dans les unités, de 1 à 9, 5 occupe la place centrale et installe une symétrie dans les unités. De nombreuses formes vivantes sont formées autour d’une symétrie fondée sur le nombre 5. Cinq est donc le symbole du centre et du moment présent. »

Cette symétrie des unités marquée par le nombre 5, évoquée par Virya, semble bien présente dans ce mot à découvrir. En effet, le Hé ou 5 est situé entre un Aleph ou nombre 1 et un Teth ou nombre 9 !

Ce mot à découvrir, allégé du Hé intrus, est le mot Laat (Lamed – Aleph – Teth) dont la signification est : « couvrir - envelopper » ou « silence – secret – mystère - enchantement ». Au cœur de ce grand SECRET, de cet « Enchantement » (Lamed – Aleph 5 – Teth) se trouve le Hé ou 5.

Dans « BABEL La Langue Promise » (éditions Dora), Alain-Abraham Abehsera note au sujet du nombre 5 : « Cinq se dit HMSh et sous cette forme, il signifie armé. » Pour l’auteur, la symbolique hébraïque du nombre 5 serait allusive « aux cinq armes naturelles de l’homme pour obtenir et couper sa nourriture : deux pieds, deux mains et les dents ? »

Dans sa démarche, l’auteur démontre que les chiffres de un à dix « décrivent notre relation à la nourriture et à la boisson, et surtout, présentent cette relation en la mesurant. »

L’idée de l’arme, de la protection se retrouve dans l’amulette ou talisman nommée Hamsah. Quelque fois bijou, le Hamash, dit aussi Main de Myriam, sœur de Moïse, est analogue à la Main de Fatima des Arabes.

Cette Main ou Cinq doit son nom aux cinq doigts qui la composent mais elle évoque aussi les cinq livres de la Torah : le Pentateuque ou Houmash.

Le symbole le plus représenté sur la Main Hamsah est un l’œil protecteur. Un autre symbole également figuré, est le poisson. Le Hamsah représenté ici, associe le poisson et l’œil. Nous verrons plus avant l’importance du poisson dans l’inscription des Tables de la Loi de Valfleury.  

 

La main Hamsah

http://www.yonacreations.kingeshop.com/La-signification-de-la-main-hamsa-ccnaaaaaa.asp

 

Virya dans son livre « L’Alphabet et ses Symboles » écrit au sujet de cette main :

« Le nombre 5 est associé à la protection contre le mauvais œil, traditionnellement, pour se protéger, on étend la main droite ouverte en disant : ‘’ h’amsah biéïnéik’a ‘’ (5 dans ton œil !).

Avec le nombre 5 nous approchons la 5e dimension, thème que développent Josy Eisenberg et Adin Steinsaltz dans le livre « L’Alphabet sacré » (Éditons Fayard). Josy Eisenberg indique : « Quant à la cinquième dimension, la sainteté, quelque chose qui dépasse les quatre éléments, une sorte de pilpel,’’ le poivre du monde ‘’, si je peux m’exprimer ainsi. » Ce à quoi, A. Steinsaltz ajoute : « Cela signifie qu’il existe une dimension qui va au-delà de la nature. »

Le cinq par l’entrée qu’il propose dans la symbolique de la cinquième dimension devient pour J. Eisenberg une sorte de pilpel, mot dont la signification est « poivre » et ici, précisément, le « poivre du monde ».

Ma quête de « l’Éléphant du Pilat » m’avait amenée à évoquer l’un des aspects du pilpel dans mon article « MADELEINE EN SON MIROIR : ECHECS ET MAT » http://regardsdupilat.free.fr/Miroir.html.  

Le Pilpel donne naissance à l’expression talmudique Pilpoul, évoquée plus haut dans cet article. Marc-Alain Ouaknin (Concerto pour quatre consonnes sans voyelles – éditions Payot) cite l’écrivain hébraïque S.J. Agnon qui « disait à propos de ce raffinement excessif de raisonnement : le pilpoul transforme un éléphant (pil) en fève (poul) et une fève en éléphant… »

L’inscription de la première ligne des Tables de la Loi de Valfleury apparaît véritablement comme un Pilpoul ! Les mots composant cette première ligne bien que gravées sur les Tables de la Loi, nous apparaissent curieusement dirigés vers une contre-initiation. L’évocation d’une idole gravée ne sied pas aux Tables de la Loi. L’ombre d’Énoch, fils de Sem et ancêtre de cet autre Énoch qui marchait avec Dieu, semble planer dans ce Pilpoul. Il convient de bien dissocier ces deux patriarches bibliques dont le nom s’orthographie d’ailleurs différemment en hébreu. Le fils de Seth possédait un stylet avec lequel il tailla des images pour des cultes idolâtres. Ce stylet, dit POINTE d’ÉNOCH, fut suivant la tradition, utilisé à différentes reprises et notamment par Aaron frère de Moïse pour tailler le veau d’or, paradigme de toute idolâtrie et image du dieu taureau Apis de l’ancienne Égypte.

Lorsque Moïse descendit du Mont Sinaï et qu’il découvrit les Hébreux adorant le veau d’or, il fut prit de colère et brisa contre le roc les premières Tables de la Loi.

 

L’adoration du veau d’or – Nicolas Poussin

 

Nicolas Poussin représente le veau d’or dressé sur un étrange coffre. Il est vrai que ce coffre n’est pas sans évoquer l’Arche de l’Alliance mais il convient plus justement d’y reconnaître le cercueil de Joseph qui avait, suivant la tradition hébraïque, des capacités proches de celles prêtées à l’Arche d’Alliance. Aussi n’est-il pas surprenant de découvrir dans la Bible hébraïque, le même mot pour désigner le cercueil de Joseph et l’Arche d’Alliance : ARON, le coffre. La tradition juive enseigne que le cercueil de Joseph avait été placé par Pharaon dans un lieu secret, assurément une Gadah (poisson femelle – tombeau immergé), dans les profondeurs du Nil. Lorsque les Hébreux quittèrent l’Égypte ils récupérèrent le cercueil du vice-roi. Mikha depuis la rive du fleuve, tenait en ses mains le « plateau d’or » sur lequel Moïse avait écrit : « Monte, ô bœuf ». Le bœuf en question désignait Joseph. Ce serait toujours Mikha qui aurait jeté dans la fournaise ce même « plateau d’or » pour en former le veau d’or. Il apparaît ainsi que la phrase écrite par Moïse sur le « plateau d’or » serait responsable de la fonte du veau d’or. Ce « plateau d’or » aux multiples pouvoirs, permettait à Moïse, bien que le Midrash ne soit pas très clair sur le sujet, de s’entretenir avec Joseph le taureau.

Nous lisons sur le site http://www.hevratpinto.org/pahad_n/chemot/i_ki_tissa_06.html :

« La sainteté de Joseph finit par triompher du Nil et de l’ange protecteur des Egyptiens. Car la sainteté du Tsadik dépasse la nature, et, comme l’enseigne le Talmud (’Houline 7b): «les Tsadikim sont plus grands après leur mort que de leur vivant. »

Cet extrait est très important, c’est la sainteté de Joseph qui permit la remontée du cercueil. Cette sainteté dite sainteté du Tsadik, dépasse la nature. Le cercueil de Joseph contenait l’Etsem de Joseph : ses os mais aussi son essence. Nous retrouvons, suivant les études, au travers de cette essence, la quinte-essence… Le nombre 5, est un nombre important dans la vie égyptienne de Joseph ainsi que le l’évoquais dans mon article « Le Poisson Nourriture de Vérité ».

« … la sainteté du Tsadik dépasse la nature… » Cette sainteté est considérée comme la cinquième essence, l’ossature suprême. L’hébreu ne dit pas « sang de mon sang » mais « os de mon os »… D’où cette réflexion de Virya : « La filiation des Rois d’Israël n’est pas par le sang mais par l’os. » (La voix du corps – éditions Lahy).

Cette sainteté est celle du Tsadik : le Juste, dont la présence peut se retrouver dans cette première ligne de la seconde Table de la Loi.

Si nous laissons le Hé à la place qu’il occupe non pas en tant que chiffre mais en tant que lettre, puis incérons un espace entre le Hé et le Teth, nous obtenons ainsi le nom Léa (Lamed – Aleph – Hé) suivi de la lettre Teth ou nombre 9. Léa est la sœur de Rachel, fille de Laban et épouse de Jacob. Son nom de par sa guématrie ou valeur numérique apparait dans certains cas comme un code. Marc-Alain Ouaknin et Dory Rotnemer dans « Le Livre des prénoms bibliques et hébraïques » (éditions Albin Michel) indiquent que ce prénom signifie « fatiguée » mais ajoutent dans le chapitre II « Prénoms choisis » :

« Léa s’écrit en hébreu : Lamed – Aleph – Hé, et possède une valeur numérique de 36 (30+1+5).

« 36 en hébreu c’est Lamed – Vav, qui signifie ‘’ Pour Lui ‘’, Léa est celle qui donne.

« 36 c’est aussi le nombre des justes cachés sans lesquels le monde ne peut subsister.

« Selon Rabbi Nah’man de Bratslav, Léa est le principe originaire de la musique. Elle est la mère de Lévi, ancêtre de la tribu dont l’une des fonctions sera la musique.

Le Code Léa révèle la présence des 36 Justes cachés ou Tsadikim… que nous retrouverons plus avant. Le Laat dans lequel sont cachés les 36 Justes, se voit associé au mot LOUA’H, table ou tablette sur laquelle le scribe écrit ou grave un texte. Ainsi sont nommées les Tables de la Loi.

 

Deuxième ligne

1) Table de droite

Aleph – Aleph – Aleph

Nous avons ici, semble-t-il, par trois fois, une schématisation à l’extrême, de la lettre Aleph. On devine à gauche une moucheture, début d’une 4e lettre non identifiable. Les trois Aleph visibles… les trois A ? La signature d’une Société secrète liée effectivement par le SECRET… ? Il serait tentant de penser ici à l’AA dont on retrouverait dans les archives, une forme AAA. Patrick Berlier dans le Tome I de LA SOCIÉTÉ ANGÉLIQUE (Arqa éditions) nous a brillement informé sur LA DÉVOTE AA au sein de laquelle l’on cultivait… le SECRET.

 

2) Table de gauche

Shin – Lamed – Lamed – Lamed

Comment interpréter ces quatre lettres ?

- Un Shin et trois Lamed : Le Shin c’est le nombre 300 et Lamed, est le nombre 30.

- L’hébreu Shalal (Shin – Lamed – Lamed) signifie « butin », « dépouilles » de guerre.

Il reste un Lamed ou nombre 30. Les 36 Justes cachés révélés par le Talmud, sont pareillement codifiés dans ce même Traité, par le nombre Trente.  Ce nombre 30, dans ce cas précis sous-entend les 36.

Josy Eisenberg et Adin Steinsaltz (L’Alphabet sacré – éditions Fayard) dans le chapitre du livre consacré à la lettre Lamed (30), évoquent précisément les 36 Justes cachés. Pour A.S., le nombre 36 : « la meilleure explication qu’on puisse en donner est reliée au nombre 70. » J.E. poursuit : « – Il faut rappeler que 70 est le nombre de membres qui constituent le Sanhédrin, le tribunal suprême (…) mais c’est aussi le nombre des nations ou ethnies qu’il y a dans le monde. » Le nombre 70 symbolise dans la Bible l’ensemble des nations. A.S. développe ainsi son propos : « – L’idée est la nécessité d’une ‘’ majorité ‘’ pour que le monde mérite d’exister. Or, 36 sur 70, c’est exactement la majorité du Sanhédrin ! »

Les 30 + 6 Justes cachés ne peuvent en aucun cas être impliqués dans le Shalal, le « butin » ou « dépouilles de guerre » réalisé en 70 de notre ère par Titus et ses légionnaires. Mais ce butin composé de la Menora, le chandelier à sept branches et de la Table des pains d’oblation, peut avoir fait l’objet d’une surveillance plus que secrète par les 30 ou 36.

Élément d’importance pour la suite de cet article, le nombre 30 donne son nom à la Chapelle ou Crypte des Trente-Cierges du Mont-Saint-Michel édifiée au XIe siècle.

 

La crypte des Trente Cierges du Mont Saint-Michel

 

Dans cette chapelle jadis éclairée par trente cierges, les moines dont le nombre aurait été de 30 à l’origine, se réunissaient pour chanter le Salve Regina.

 

Troisième ligne

1) Table de droite

″″Noun

La lettre Noun (nombre 50), nom d’origine araméenne, signifie : « Poisson ». Il se peut que nous ayons ici l’initiale d’un mot, peut-être le Noun en tant que nom. Le poisson désigne ce qui est caché. Josy Eisenberg dans le livre précité, note au sujet de la lettre Noun : « Les poissons sont le symbole de ce qui est caché. Lors de la création du monde : Dieu retire les eaux de la mer afin que la terre se dévoile, alors que tout ce qui reste dans la mer est caché. »

2) Table de gauche

Lamed - Lamed

Les deux Lamed écrivent le mot Loul en défective, c’est-à-dire sans le Vav central. Loul est le nom donné dans le Premier Livre des Rois 6-8 à l’escalier tournant du Temple de Salomon. Cet escalier hélicoïdal permettait d’accéder à l’étage du milieu et précisément dans la Chambre du Milieu lieu initiatique d’importance, s’il en est, pour la Franc-Maçonnerie.

Le mot Loul vient d’une racine ayant le sens de replier. Il désigne : un escalier, puits ou espace clos avec des marches ou une échelle, escalier tournant.

http://www.enseignemoi.com/bible/strong-biblique-hebreu-luwl-3883.html

L’écriture du mot Loul prolongée par trois tirets ou points de suspension, sous-entend un prolongement possible de ce mot. Deux options se présentent. La première apparaît dans l’unique occurrence biblique du mot Loul. Bien que généralement traduit au singulier, le mot y apparaît en fait au pluriel : Loulim, ce qui donnerait l’idée d’un escalier double. La seconde option, pleine d’intérêt apparaît avec le mot Loulav donné à la branche de palmier qui figure dans la solennité de la fête des Tabernacles ou Cabane : Soukkoth.

Le mot Loulav est un mot fort, il apparaît tel le nom Léa comme un code ouvrant sur les 36 Justes cachés : les Lamed Vav.

L’écriture pleine de Loul disposée en triangle déploie à nouveau le nombre 36 des Lamed Vav, les Justes cachés. L’option Loulav confirme secrètement ces mystérieux 36 et nous plonge dans la fête juive de Soukkot.

 

Écriture pleine de Loul disposée en triangle et son équivalence numérique

sur fond du clocher de Valfleury

 

La joyeuse fête de Soukkot commémore les 40 années de l’Exode et la fin de l’année agricole. Il est prescrit dans le Livre du Lévitique 23-40 :

« Vous prendrez, le premier jour, du fruit de l'arbre hadar, des branches de palmier, des rameaux de l'arbre aboth et des saules de rivière ; et vous vous réjouirez, en présence de l'Éternel votre Dieu, pendant sept jours. »

Le fruit de l’arbre hadar (arbre d’honneur ou arbre qui demeure) est l’étrog (cédrat). Le second arbre est le palmier dattier dont les palmes sont dites en hébreu Loulav. Le troisième arbre, aboth ou avoth (touffu, tressé, corde) est le myrte. Le quatrième est le saule des rivières et torrents. Les quatre espèces vont former un bouquet que l’on porte durant les processions. Ce bouquet prend le nom de Loulav (écrit Loulab) car la palme de dattier est la plus volumineuse des quatre espèces.

 

Le Loulav ou bouquet traditionnel de la fête de Soukkot

 

La lecture codée du Loulav nous est révélée par le Sepher haBahir ou Livre de la Clarté. Cet ouvrage se déploie, de tradition, tel un arbre – l’Arbre divin – dont les racines montent du Créateur. La greffe des branches de cet arbre apparaît comme l’œuvre de plusieurs générations de rabbins. Longtemps récit oral, ce ne fut que vers les années 1150 et 1200 en Provence, que le récit se fixa dans l’écriture.

Reconnu comme l’un des livres fondateurs de la Kabbale provençale, le Sepher haBahir n’en fut pas moins considéré hérétique par certains rabbins au vu de son contenu gnostique. Les Maîtres du Moyen-Âge reconnaissaient dans cet enseignement kabbalistique, le savoir de Nehounya Ben Ha-Kanah (Ier et IIème siècle) d’où le second nom du livre : Midrash de Rabbi Nehounya Ben Ha-Kanah. Considéré à son époque comme l’autorité du cercle mystique, le nom du fils de Kanah apparait dans la première greffe ou paragraphe du livre. Ses élèves poursuivirent et pérennisèrent l’œuvre du Rabbi Kabbaliste. La transmission orale s’opéra dans un premier temps par les Tannaïm ou « répétiteurs ». Les Tannaïm (pluriel de Tanna) étaient des maîtres de la Loi orale transmise de maître à élève. Selon la tradition, les Tannaïm qui comptaient dans leur rang Nehounya fils de Kanah,  étaient la dernière génération d’une longue séquence d’enseignants par voie orale initiée avec Moïse. Les nouvelles branches de l’arbre-Livre furent ensuite  greffées par diverses talmudistes dont l’un d’eux fut de tradition, la figure fictive de Rabbi Amora dont le nom révèle en fait le cercle des Amoraïm (orateurs – interprètes), successeurs des Tannaïm. La transition des Tannaïm aux Amoraïm se fit avec Abba Arika (mort en 247, et plus connu sous le nom de Rav, Maître). Dernier Tanna, il fut aussi le premier Amora. Originaire de Babylone, il alla à la rencontre des Tannaïm d’Israël puis retourna en Babylonie et fonda en 219 l’académie de Soura dont il fut le premier directeur.

Les Amoraïm commentaient les Talmuds de Jérusalem et de Babylone et discutaient aussi sur les enseignements des Tannaïm qui les précédèrent. Le dernier Amora connu fut Ravian 2 mort vers 499. Il fut le doyen de la yechiva, école rabbinique et talmudique de Soura où il acheva précisément le Talmud de Babylone.

En cette année 500 qui clôt véritablement l’ère des Amoraïm, la totalité des branches qui composent le Sepher haBahir, était-elle greffée ? Au vu de la liste des rabbins cités dans le Bahir, notamment Abba Arika ou Rabbi Bérékia, la réponse semble affirmative. Le Midrash inspiré par l’enseignement de Nehounya, à n’en pas douter, enseigné dans l’académie de Soura, pourrait remonter aux IIIème et IVème siècles.

Les premières versions du Livre de la Clarté n’étaient aucunement fractionnées en paragraphes. Les greffes successives de cet arbre plutôt touffu, quant à son contenu, avaient bien prises.

Nous utiliserons pour cette étude la traduction de Gabaon mise en ligne sur le Net.

http://data0.eklablog.com/fibresdepassions/mod_article46324212_4facbfbd12433.pdf?5529

Les mystères liés au nombre 36 et au Loulav apparaissent en premier lieu au verset 95. L’Univers contient 12 limites diagonales reliant les points cardinaux, le haut et le bas entre eux. Dans les 12 bras du monde, « Et en leur intérieur, en eux, est l’Arbre ». Ce verset 95 évoque les 36 préfets ou gardiens liés aux 12 diagonales.

Les 36 préfets « Vont à la rencontre du vent d'Orient : neuf, à la rencontre du vent d'Occident : neuf, à la rencontre du vent du Nord : neuf, à la rencontre du vent du Midi neuf. Voilà douze, douze et douze et ils sont préfets dans le Téli, le Galgal et le Cœur. Et ils sont 36. Et tous ces 36 viennent des 36 parce que la force de chacun est dans ses compagnons. Et bien que douze soient dans chacune de ces trois, ils sont tous liés les uns aux autres. Et toutes ces trente-six forces se trouvent dans le premier qui est le Téli. Si tu les cherches dans le Galgal, tu les retrouveras elles-mêmes. Et si tu les cherches dans le Cœur, tu les retrouveras elles-mêmes. C'est la raison pour laquelle chacune a 36 et aucune n'a plus de 36 formes. Et toutes trouvent leur achèvement et leur paix dans le Cœur. Ajoute à ces 32, 32 et il reste quatre et ce sont 64 formes. Mais d'où tenons-nous que s'ajoutent 32 aux 32 ? Ainsi qu'il est écrit: ‘’ car un supérieur au-dessus d'un supérieur garde ‘’ (Ecclésiaste 5, 7). Ainsi, en voilà 64. Il manque huit pour arriver aux 72 Noms du Saint, béni soit-Il. »

Le Téli signifie « Dragon » et désigne la Constellation du Dragon. Le Galgal désigne la Sphère. Bien que de significations multiples, le Galgal retenu pour cette présente étude est notre Terre. Vient ensuite le Cœur qui désigne, pareillement pour cette étude, le Cœur du monde, lié aux Lamed Vav ou 36 Justes cachés sans qui le monde, suivant le Talmud, ne peut subsister. Dans le beau conte hassidique de Rabbi Nakhman de Bratzlav, « Le cœur du monde » il est dit :

« Car les Lamed Vav sont le cœur multiplié du monde, et en eux se déversent toutes nos douleurs, comme en un réceptacle… 

« (…) À l’un des deux bouts du monde, il y a une montagne. Sur cette montagne se dresse un rocher. De ce rocher coule une source. À l’autre bout du monde, vit le grand cœur du monde. Car le monde aussi a un cœur, et c’est son battement, au grand cœur du monde, qui maintient le monde en vie.

Le conte évoque le chant du cœur du monde et le chant de la source. « Les deux chants se rencontrent dans l’espace. Ils se fondent en un seul. Ce chant unique se répand sur toute la terre. » Un Lamed Vav, « le Tisserand », « rassemble les chants de toutes les créatures de la terre. Avec ces chants il tisse du temps. Cela donne un jour de plus, le tisserand l’offre au cœur du monde, qui, lui, l’offre à son tour à la source, sa bien-aimée, à travers son chant. (Contes des sages du Ghetto – Ben Zimet – éditions du Seuil.)

Revenons à présent au Sepher haBahir et précisément au verset 98 où le nombre 36 réapparait sous la forme Lo – Lamed Vav – et cette forme se voit associée à Lb (32) – Lamed Beth – parce que réunis ils forment le mot loulab :

« De même que le palmier a ses branches qui l'entourent et que son loulab est au milieu, de même Israël a pris le tronc de cet Arbre qui est son C o e u r. Au tronc correspond la colonne vertébrale dans l'homme, qui est la quintessence du corps. Et de même que « loulab » s'écrit lo leb , à lui le cœur, de même le cœur fut remis à lui (lo leb). »

Voici ce que Rabbi Rekhoumaï dit au verset 97 :

« Ce sont les Justes, et les Pieux qui sont parmi Israël, qui Me relèvent au-dessus du Monde entier par leurs mérites. C'est par eux que se nourrit le coeur et le coeur les nourrit.

Rabbi Berekhiah poursuit au verset 101 :

« Qu'est-ce que le loulab dont nous parlions ? En fait, ajoute lo à lb. Et comment cela ? Il leur dit: Ils sont trois princes : le Teli, le Galgal et le Leb. Ainsi, chacun d'eux a 12, lesquels, multipliés par trois font 36, car c'est par eux que subsiste le Monde, ainsi qu'il est écrit : ‘’ ...et le juste est le fondement du monde ‘’ (Proverbes 10, 25) »

La formulation du mot Loulav dans les Tables de la Loi de Valfleury nous oriente-t-elle vers la présence cachée des Lamed Vav et le rôle qu’ils auraient pu tenir face aux mystères liés aux dépouilles de guerre des Romains dont nous retrouvons peut-être la trace dans le Razès ou dans le Pilat ? L’église de Valfleury, bien que proche du Pilat n’en est pas moins liée aux églises de Rennes-les-Bains et de Notre-Dame de Marceille… La révélation Lamed Vav ou Code 36 pourrait dans une vision chrétienne, nous orienter vers l’Ordre des Chevaliers de Saint-Michel qui était initialement composé de 36 membres. J’envisageais déjà cette présence des 36 Chevalier chrétiens dans mon article « Le Pentagramme de Champailler » (Regards du Pilat – Octobre 2007http://regardsdupilat.free.fr/Pentacle.html).

La révélation dans les Tables de la Loi de Valfleury des noms Noun et Loul, (Poisson et Escalier) ne nous orienterait-t-elle pas vers un énigmatique escalier ou échelle à poissons ? Les traits verticaux prolongeant le Noun et les traits horizontaux prolongeant le Loul sur cette troisième ligne des Tables de la Loi de Valfleury nous apparaissent comme autant de pierres formant un gué.

Bien que non localisés, nous trouvons sur le Net, ces escaliers aux yeux de poissons :

 

Escaliers aux yeux de poissons

http://www.toolito.com/29-photos-hypnotisantes-escaliers-en-colimacon/:

 

Très explicite apparaît ce panneau signalant une échelle à poisson. Ces échelles ou passes à poissons, permettent aux poissons de remonter (montaison) ou de descendre (dévalaison) un cours d’eau.

 

Échelle à poissons

 

La symbolique liée à la montaison et à la dévalaison, apparaît pleinement dans cette autre œuvre d’art, bien que non localisée :

 

 

Des poissons peints sur les marches d'un escalier.

http://www.koreus.com/image/83-insolite-29.html

 

Dans son étude consacrée à l’AA, Patrick Berlier nous entretient sur le mot de guet, « mot de passe indispensable qui était généralement un verset de la Bible ou un extrait d’un texte saint. » Si nous devions découvrir dans les Tables de la Loi de Valfleury un mot de guet, il s’agirait, peut-être du Psaume 72-17 :

« Face au soleil qui se perpétue (Ynin), Ynoun est son nom… »

Le nom Ynoun, apparenté à Ynin (se perpétuer) signifie « poisson ». La tradition reconnaît dans Ynoun l’un des quatre noms du Messie.

 

Quatrième ligne

1) Table de droite

Lamed – Lamed – Lamed – Lamed

2) Table de gauche

Yod - Teth

Quatre Lamed, soit la lettre la plus représentée sur les Tables de la Loi de Valfleury. L’idée du mot Loul, escalier en colimaçon, se retrouve une fois encore avec deux des quatre Lamed. Les deux Lamed restants pourraient évoquer le mot Loulah (pluriel Loulaoth) signifiant « nœud ». Ce nœud permet peut-être de lier ou relier les 4 Lamed à la lettre Yod qui initie le mot de deux lettres de la 4e ligne de la Table de la Loi de gauche.

Ce lien devient intéressant, en ce sens qu’il nous permet de retenir le nombre 130. Soit, les 4 Lamed (Lamed = 30) rattachés au Yod ou 10. Le nombre 130 est connu et reconnu dans la Kabbale hébraïque comme étant la guématrie ou valeur numérique de deux mots principaux : SOULAM et SINAÏ.

SOULAM désigne l’Échelle ou Escalier de Jacob. Sur cet escalier que le traducteur et commentateur de la Bible, André Chouraqui, présente comme une ziggurat, sont positionnés suivant la tradition, quatre anges représentant les Quatre Empires historiques : Babylone, Perse (associée à la Médie), Grèce et Édom (Rome). Ces anges se reformulent peut-être dans les Quatre Frères Ailés ou Zélés de la Rose+Croix… les Quatre Lamed ou Quatre Ailes, forme reconnue de la lettre Lamed.  

Sur le Mont Sinaï, lieu saint de la Théophanie, Moïse reçoit les Tables de la Loi. Au pied de la montagne se déroule un évènement diamétralement opposé : la construction et de l’adoration du Veau d’or. Stéphane Mosès dans « L’Éros et la Loi» (Éditions du Seuil) interprète ainsi ces deux épisodes : « Le début de cette période – le don de la Loi – est, dans une certaine mesure, symétrique à sa fin – la construction et l’adoration du Veau d’or. Mais il s’agit d’une symétrie inversée (…). »

En 1655, Menasseh Ben Israël, lumière du Rabbinisme au XVIIe siècle, rédige un ouvrage clef au titre plein de promesse dans la perspective d’une Ère Messianique : « La Piedra Gloriosa… ». Véritable laissez-passer, La Piedra lui permettra au sein d’une Europe plongée dans un « siècle de fer », d’établir « un jalon essentiel dans l’histoire des enjeux théologico-politiques à l’âge baroque, un âge où foi et raison vivent en même raison. » Ces propos explicites apparaissent en quatrième de couverture de l’édition française de ce livre paru chez VRIN en 2007.

Le titre complet : « La Pierre glorieuse de Nabuchodonosor ou La Fin de l’Histoire au XVIIe siècle », ouvre sur une réponse, voire une arme dès plus pacifiques. C’est à Amsterdam que le Rabbin/Kabbaliste fait éditer « La Piedra Gloriosa ». Dans son livre il s’évertue à recentrer, à clarifier tout en le décryptant, le thème ésotérique et cyclique des Quatre Empires symbolisés par la statue de Nabuchodonosor. Le message écrit va se doubler d’un message visuel.  Menasseh Ben Israël sollicite une pointure en la personne de son ami le peintre Rembrandt qui lui signe quatre illustrations.

 

Portrait supposé de Menasseh Ben Israel par Rembrandt

Eau-forte de 1636

 

La guerre civile ravage l’Angleterre. Des extrémistes, à la lumière du Livre de Daniel, se sont appropriés le message de la statue de Nabuchodonosor. Elle apparaît pour eux garante de leurs ambitions. Le Lord Protecteur Olivier Cromwell est menacé. Menasseh Ben Israël fin diplomate se rend à Londres munit de son ouvrage qu’il présente au Lord Protecteur. « Il y trouva non seulement de quoi faire taire ses adversaires, mais encore la possibilité de donner à l’Angleterre un rôle messianique. » – (quatrième de couverture de l’édition française de « La Pierre Glorieuse »)

Menasseh Ben Israël qui préconise un rapprochement entre la foi juive et la foi chrétienne, se fait auprès d’Olivier Cromwell, l’ambassadeur du Rabbinat qui aspire au retour des Juifs en Angleterre, d’où ils avaient été expulsés depuis le XIIIe siècle. Le Pair du Royaume se dit favorable à ce retour et va jusqu’à accepter un retour des Juifs sur la Terre d’Israël. Le retour des Juifs en Angleterre parachèverait pour Menasseh l’extension mondiale des Juifs. Cette extension permettra ensuite le Retour du Messie symbolisé par « La Pierre Glorieuse » qui détruira la statue de Nabuchodonosor. La mort proche Menasseh ne permettra hélas pas à cette grande Lumière de la Kabbale de vivre le retour des Juifs en Angleterre.

Revenons à présent au SOULAM (Échelle de Jacob) et à sa guématrie égale à 130. Menasseh Ben Israël se fait l’écho des auteurs qui affirment « qu’on trouve préfiguré ici l’admirable épisode du mont Sinaï et le don des Tables de la Loi ; ils se fondent sur la valeur numérique des lettres : car en hébreu, le mot (…) échelle à la même valeur que le mot (…) Sinaï ; appuyée sur la terre et son sommet touchait au ciel : expression à rapprocher de : et le mont était en feu (Exode 19, 18) jusqu’au cœur du ciel. »

Menasseh ajoute ensuite que le mot SOULAM, échelle, possède les mêmes lettres et ainsi, la même guématrie que le mot SEMEL, statue, en l’occurrence, la statue de Nabuchodonosor.

Le nombre 130 des mots SOULAM, SEMEL et SINAÏ se voit affirmé dans les Tables de la Loi de Valfleury par les quatre Lamed suivis du Yod de la quatrième ligne. La lettre restante de cette ligne est un Teth ou nombre 9, la lettre de la Protection. Cette lettre suivant la tradition est placée au dessus de la cité souterraine de Louz (ancien nom de Bethel où se dresse l’Échelle de Jacob), accessible depuis un escalier placé sous un amandier.

Le Teth placé sur la Table de gauche, est associé à la lettre Yod (10). Nous obtenons ici la racine bilitère Yod-Theth au sujet de laquelle Georges Lahy (OTIYOTH Les lettres hébraïques – éditions LAHY) écrit : « Un élément protecteur, préservateur qui place en toutes sécurités, en lieu sûr. Exprimer sa vocation. »

 

Cinquième ligne

1) Table de droite

Teth

La Lettre Teth est suivie de deux points. Ces deux points en première vision apparaissent tels ceux de la troisième ligne, comme des points de suspension. Mais la présence seule de deux points visibles fait songer également à un point-voyelle utilisé en grammaire hébraïque. Nous aurions un point-voyelle nommé Tséré. Mais ce Tséré serait étonnamment situé au sommet gauche de la lettre, alors qu’il se positionne uniquement au-dessous de la lettre. Virya (Georges Lahy) dans son livre « Kabbale Extatique » (éditions LAHY) présente ainsi ce point-voyelle :

« TSERE – (…) Correspond à la voyelle ‘’ é ‘’, et vient de ‘’ tsori ‘’ (…), le ‘’ baume ‘’, qui est un produit lénifiant, c’est-à-dire qui adoucit. Le nom peut se rapprocher de la racine ‘’ tsarah ‘’ (…),  qui veut dire ‘’ peine ‘’, ou ‘’ misère ‘’, mais que l’araméen comprend ‘’ fendre ‘’. On serait tenté de voir dans ce mot une fermeture étroite ; mais, à la lumière de l’araméen, ‘’ fendre ‘’ et ‘’ adoucir ‘’, ce serait plutôt une ‘’ réouverture ‘’. Pour le Qenéh Binah, les trois lettres de tséré sont l’abréviation des trois anges Tsouriel (…), ‘’ Rocher divin ‘’ (…) ; Raziel (…), ‘’ Secret divin ‘’, compagnon du Métatron qui préside aux mystères, maître d’Adam ; Yofiel (…), ‘’ Beauté divine ‘’, prince de la loi, invoqué contre l’incitation au péché, et maître de Sem. »

 

Points-voyelles de la grammaire hébraïque

http://www.vitrifolk.be/divers/divers-israel-la-danse-israelienne-hebreu.html

 

L’idée de « réouverture » véhiculée par le mot Tséré, suivant Virya s’avère enseignante à la lumière des Tables de la Loi de Valfleury. Cette « réouverture » s’effectuerait depuis la lettre Teth – la Protection, le lieu protégé.

Dans la Table de Valfleury, le Tséré prendrait la place du H’olam qui vocalise le son « o » et signifie « rêveur » ou « rêve ». 

En se substituant à H’olam (le rêve), Tséré (la réouverture) va permettre au rêve de devenir réalité.

 

2) Table de gauche

Aleph

La Table de la Loi se termine par un Aleph ou nombre 1, unique lettre de la cinquième ligne de la Table de gauche. Cet ultime Aleph (Table de Gauche) répond symétriquement au premier Aleph (Table de droite), première lettre de l’inscription. Le texte des Tables de la Loi remises par Dieu à Moïse était initié par un Aleph mais ici s’arrête bien entendu la comparaison car l’énoncé des 10 Commandements est absent des Tables de Valfleury.

 

Un Saut entre Aleph et Teth – Un Saut entre Lumière ou Ténèbres

 

Dans les Tables de la Loi de Valfleury une symétrie articulée autour de la lettre Aleph apparaît entre la première lettre de la Table de droite et la dernière et ultime lettre de la dernière ligne de la Table de gauche. Une nouvelle symétrie articulée autour de la lettre Teth, apparaît également entre la dernière lettre de la première ligne de la Table de gauche et la première et ultime lettre de la dernière ligne de la Table de droite. Ces deux diagonales génèrent une croix en X ou croix de Saint-André. De cette croix naît le Sautoir héraldique. Jean-Claude Marol (Blason, langue vivante – Éditions Dangles) représente ainsi le Sautoir : « (…) si l’on veut indiquer un point précis, on le situe à l’intersection de ces deux traits. Cette croix nous situe précisément, nous détermine. Soyons donc déterminés ! Soyons au rendez-vous de ce point crucial »

Ce point crucial se matérialise dans le vitrail, sur la couronne du Grand-Prêtre et plus précisément sur une étoile dont la partie supérieure visible permet de penser qu’il s’agit d’une Étoile de David ou Sceau de Salomon. Cette intersection est matérialisée par les racines bilitères Aleph – Teth et Teth – Aleph.

 

Intersection des axes Aleph - Teth

 

Aleph-Teth « désigne toutes sortes de sons ou de bruits murmuré. Influence d’une parole cachée. Conspiration et rumeurs. (Enchantement. Maléfice). » (OTIYOTH Les lettres hébraïques – Georges Lahy (Virya) Édtions LAHY.) Cette racine génère le mot AT : « Magicien », « Enchanteur ». « Sorcier ».

Teth – Aleph désigne à un certain niveau : « la réflexion d’une source lumineuse » (OTIYOTH…). En tant que mot, TA signifie « Cellule », « Chambre des Coureurs ». Dans cette chambre ou cellule se trouvait suivant le Premier Livre des Rois, les boucliers d’or du roi Salomon utilisés durant les parades. L’hébreu TA s’écrit Tav – Aleph. La permutation valide du Tav en Teth permet d’évoquer pour les Tables de la Loi de Valfleury, cette cellule ou chambre dont le nom apparaissait dans l’énigmatique Carré SARTATRAS de la Chartreuse de Montreuil-sur-Mer.

Bien qu’au pluriel, le mot AT, sorcier, enchanteur, associé au mot ÉLIL, idole, également au pluriel,  apparait dans le Livre d’Isaïe au chapitre 19-3. L’inscription de la Table de la Loi de droite commence précisément par ce mot ÉLIL... l’ÉLIL AVAH : l’idole gravée.

Isaïe 19-3 : « L'âme de l'Egypte s'évanouira en elle, et j'anéantirai son conseil ; ils iront consulter les idoles (ÉLILim) et les enchanteurs(ATim), ceux qui évoquent les morts et les devins. »

La Bible annotée de Neuchâtel présente pour ce verset le commentaire suivant :

« 19.3 L'âme de l'Egypte..., nous dirions : ce qui faisait sa supériorité sur les peuples; l'énergie intellectuelle et morale de l'Egypte se perdra dans ces agitations, et elle sera hors d'état de parer aux dangers qui la menacent du dehors (voir verset 4). Le recours aux idoles ne servira de rien ; que pourraient-elles contre Jéhova (verset 1) ? »

« Enchanteurs. Le mot hébreu vient d'un verbe qui signifie cacher, faire sans bruit. Il s'agit des formules mystérieuses employées par les évocateurs.

Ce verbe n’est autre que le verbe LAAT évoqué dans la lecture de la première ligne de la Table de gauche.

ÉLIL et AT, tout au moins dans le verset d’Isaïe, se rapportent à l’Égypte. Aux versets 18 et 19 de ce même chapitre, nous lisons :

« En ce jour-là, il y aura au pays d'Egypte cinq villes parlant la langue de Canaan et prêtant serment à serment à l'Éternel des armées ; l'une d'elles sera appelée Ir-ha-Hérès. En ce jour-là, l'Éternel aura un autel au milieu de la terre d'Egypte, et près de la frontière un obélisque sera consacré à l'Éternel. »

Voici le commentaire de la Bible annotée :

« Ir-ha-Hérès. Cette leçon, qui est celle du texte hébreu le plus répandu, signifie ville de destruction. Ce nom se rapporterait à la destruction des temples des idoles. Mais il existe une variante très-ancienne et appuyée par des autorités respectables, d'après laquelle on devrait lire Ir-ha-Chérès, c'est-à-dire ville du soleil. Nous inclinons à la tenir pour la leçon originale et à y voir une allusion à la ville sacrée de On ou Héliopolis (ville du soleil), qui, dès les temps les plus anciens, fut le siège du culte du soleil dans la Basse-Egypte (Genèse 41.45). Esaïe veut dire que les centres mêmes de l'idolâtrie égyptienne seront un jour sanctifiés par le culte de l'Éternel. 

« Les Juifs d'Egypte se sont servis plus tard de ce passage pour justifier l'existence du temple que leur grand-prêtre Onias construisit un siècle et demi avant J-C à Léontopolis, non loin de On. Les Juifs de Palestine abhorraient ce temple ; et peut-être la leçon Ir-ha-Hérès (ville de destruction) provient-elle de là ; quelques manuscrits lisent même Ir-ha-Chérem : ville de malédiction.

Retrouver ici le nom de la cité de On apparait très intéressant. En juillet 2012, Thierry Rollat met en ligne sur le site Les Regards du Pilat, le Dossier de Patrick Berlier « TALUYERS, VIE ET MORT D’UN CHEF-D’ŒUVRE ». Patrick dans ce dossier révèle l’existence d’anciennes fresques hélas cachées, voire même recachées... Sur ces anciennes fresques se remarquait le mot ON. Sollicité par Patrick, je m’arrêtais principalement sur le mot ON qui pouvait évoquer pour moi, notamment, le nom d’une ancienne capitale de l’Égypte. Le Livre de la Genèse présente Joseph fils de Jacob et vice-roi d’Égypte, officiant dans la cité d’ON. Le texte hébreu, ainsi que je l’indiquais, écrit le mot ON de deux façons, soit avec deux lettres, soit avec trois. Le mot de deux lettres permet d’effectuer ce que les Kabbalistes nomment le Voyage dans le Mot.

Ce Voyage dans le Mot ON nous permet de découvrir les mots MAT vaciller EL vers ou Dieu TK Siège I île (se reporter au Dossier de Patrick Berlier pour plus d’informations). Les initiales de ces cinq mots hébreux révèlent les mots AM, la mère, la cité-mère, la capitale, et AT, le sorcier, l’enchanteur, le magicien. L’initiale du mot I, un Aleph (muet dans la prononciation) peut désigner le nombre 1.

Bien que d’origine égyptienne, le mot ON signifie en langue hébraïque : « idolâtrie », se qui en fait un synonyme de ÉLIL.

La présence du mot AT au bout du Voyage dans le Mot, inspira Patrick Berlier qui écrivit :

« Et que penser de l’étonnante affirmation de Dom Polycarpe qui voyait le nom Pilate venir de Pila, le nom de sa mère, et de Ate, le nom de son père ?

« Pila = pilier, et si Ate = At = enchanteur = Merlin, Pilate devient « le pilier de Merlin », allusion à l’axe du monde des Roussillon ? Et si Pila = mère = Am, Pilate devient Amat, nom d’une famille implantée à la fois dans le Forez et en Haute-Provence, dans le village du Poët, tout proche de la cité perdue de Théopolis, l’une des énigmes historiques exposées dans le tome I de La Société Angélique.

 

Le Saut entre Lumière et Ténèbres ou le Saut du Christos

J.-C. Marol ajoute au sujet du Sautoir héraldique : « le signe est le même pour indiquer un point précis et pour multiplier. » Ce signe de la multiplication à présent matérialisé sur les Tables de la Loi de Valfleury, par les lettres Teth et Aleph, apparaît comme une clef permettant de retrouver et peut-être de confirmer, l’hypothèse des 36…

En hébreu les lettres Aleph et Heth écrivent respectivement les nombres 1 et 9. Si l’on additionne Aleph+Aleph, nous obtenons 2. Si l’on additionne ensuite Heth+Heth, nous obtenons 18.

Effectuons à présent la multiplication attendue et nous obtenons : 2 x 18=36.

 

Le « sautoir » des Aleph et des Heth,
projeté sur le « sautoir » formé par la croix du Christ

5e station du chemin de croix de l’Allée des Pères de Valfleury

Bas-relief réalisé par les fonderies du Val d’Osne

 

Nous retrouvons les 36 Lamed Vav ou Justes cachés de la tradition juive mais aussi les 36 Chevaliers de l’Ordre de Saint-Michel… Le nombre 36 est aussi le nombre des rois Capétiens qui régnèrent depuis Hugues Capet jusqu’à Charles X. Le roi Louis XI, fondateur de l’Ordre de Saint-Michel, confirme ainsi le rôle protecteur de l’Archange, Saint Patron de la France reconnue Fille aînée de l’Église. Ces notions aujourd’hui oubliées ou plutôt mises sous le boisseau, rapport aux thèmes associés, étaient très considérées au XIXème siècle par les Royalistes. N’oublions pas que le verrier Mauvernay œuvrait pour l’Église. La Royauté Française du Dieudonné, avait un rôle de nautonier qui consistait à diriger, par delà les siècles, le Royaume de France dans l’Ère Messianique. La France annonçait et préparait la venue du Christ-Roi, attente qui très souvent se confond chez certains exégètes avec l’avènement du Grand Monarque, le 70ème Roi depuis Clovis…

Revenons au Sautoir héraldique et à sa symbolique. Pascal Gambirasio d’Asseux dans « La voie du blason – lecture spirituelle des armoiries » (Éditions Télètes, Paris) indique : « N’oublions pas, enfin, que ce signe présente une identité de forme avec le X (chi) grec, lettre initiale de Christos et qu’il est très souvent gravé sur les tombes des premiers chrétiens pour signifier la Résurrection. Et l’on peut dire, certes, que l’élan, le saut que le sautoir ou l’écartelé en sautoir incarnent, en leur vérité ultime, n’est autre que la Résurrection dans la Lumière de Gloire et la vision béatifique.

 

La Royauté par le bois

Le passage de la mort à la lumière, la Mort et la Résurrection du Christ, nous apparaît pleinement dans ce bas-relief de l’église de Valfleury :

 

À gauche : bas-relief de Valfleury

À droite : tableau de Rennes-les-Bains

 

Patrick Berlier m’indique à ce sujet :

« C'est un bas-relief en bois placé devant le premier autel (pas le maître-autel, mais un autel situé plus en avant dans la nef). Il représente une crucifixion, classique, sauf que c'est la copie conforme de la crucifixion que l’on peut voir dans l’église Rennes-les-Bains. C'est une info qui me vient de Franck Daffos, lequel la tient lui-même de Patrick Merle. Ce bas-relief provient du père Courtade, qui fut supérieur de Valfleury de 1871 à 1873, avant d'être muté à N.-D. de Marceille. »

Christian Attard (http://reinedumidi.com/rlb/crux.htm) nous apporte d’intéressants renseignements sur le tableau de la crucifixion de Rennes-les-Bains :

« L'abbé Bruno de Monts dans une plaquette pauvrement distribuée dont le sujet était les églises des deux Rennes, nous apprend que le tableau que l'on peut toujours voir dans l'église de Rennes-les-bains, une crucifixion, fut peint par Henri Gasq,  aumônier de Notre Dame de Marceille entre 1838 et 1872. Il l'offrit à Jean Vié, alors prêtre en exercice de la paroisse de Rennes-les-Bains en 1842. Une inscription à l'arrière du tableau confirme d'ailleurs le présent.

« Dans l'église de Pieusse, tout près de Notre Dame de Marceille, un autre tableau fut aussi donné par Gasc à ‘’ son cher Catuffe ‘’, curé de Pieusse en 1866 et cette fois c'est Franck Daffos (1) qui nous l'apprend après avoir retrouvé sur le tableau un cartouche en faisant mention. On pense, que cette crucifixion fut longtemps conservée dans Notre Dame de Marceille.

(1) Franck Daffos – Le puzzle reconstitué – Éditions Pégase.

Patrick précise d’ailleurs à ce sujet : « Il semble que le père Courtade, lorsqu’il arriva à N.-D. de Marceille, fut séduit par ces crucifixions identiques, œuvres de son prédécesseur, au point d’en réaliser une copie sous forme de bas-relief en bois, qu’il envoya à Valfleury. »

Pouvons-nous à présent trouver quelque dénominateur commun entre le vitrail de l’église de Valfleury sur lequel figurent les Tables de la Loi et le bas-relief de cette même église ?

Si réponse positive il y a, ce dénominateur commun peut apparaître avec le mot ÉLIL, tout premier mot de la Table de la Loi de Droite (l’idole gravée…). Le mot ÉLIL idole, est apparenté à EL – pluriel ELOHIM – dont la signification est Dieu. Je découvre sur le Net une mise au point intéressante axée autour de la racine ALH  (http://www.agoravox.fr/spip.php?page=forum&id_article=20245&id_forum=511632 ) :  

« De ALH on peut obtenir ELaH et Allah. En langue hébraïque, vous y retrouverez que ces mots signifient : Chêne (l’arbre) et Massue. Ils sont incohérents ces anciens hébreux, car figurez vous, que juste après Elah et Allah, qui dans l’arabe et l’araméen signifient Dieu, on retrouve le terme ALLaHuwte signifiant : la divinité ou caractère divin

« Considérez comment le chêne et la massue peuvent se transformer par le rajout d’un suffixe, et devenir : la divinité ou caractère divin.

Nous retrouvons non sans intérêt dans ces quelques réflexions, la massue évoquée dans l’analyse des Tables de la Loi de Valfleury. L’auteur de cette mise au point poursuit :

 « De ELaH naquit aussi ELOah (dieu) : Alef+Lamed+Vav+Heh.

« Revenons à l’araméen : quand Jésus s’écriait ELOÏ, ELOÏ, lamma sabachtani ? (..) Dieu, Dieu, pourquoi m’as tu abandonné ? par ELOÏ il entendait : mon ALLaHa, formule qui en araméen est prononcée : ELaHi. En arabe, pour dire mon ALLaH (mon Dieu), on dit : ELaHi (aussi).

« Les chrétiens latins et hellénistes ne peuvent exprimer (phonétiquement parlant) le H non muet, aussi l’on-t-il soustrait dans le fameux cri de détresse : ELaHi, qu’ils ont rendu : ELOÏ (ou ELAÏ selon les versions bibliques).

À la lumière de ce présent Dossier, nous pouvons à présent dresser une passerelle entre les Tables de la Loi de Valfleury et le bas-relief représentant la crucifixion de Valfleury. Ce pont, ce dénominateur commun apparaît autour des mots apparentés ÉLAH et ÉLOÏ. Ces mots vont générer tant la massue, le chêne (grand arbre, grand homme) que Dieu lui-même.

Il est à présent temps, d’évoquer cette autre occurrence biblique du mot ÉLIL (vanité, rien, idole), primordiale pour cette étude. Nous retrouvons ce mot dans le Psaume 96-15 dont voici la traduction du Rabbinat Français :

« Car tous les dieux des nations sont de vaines idoles ; mais l’Éternel est l’auteur des cieux. »

Cette traduction est intéressante car elle se permet de traduire le mot ÉLILim par ses deux significations, soit : « vaines idoles », là où l’ensemble des traductions se contente de traduire uniquement par l’une ou l’autre signification du mot.

Le commentaire de la Bible annotée de Neuchâtel permet de bien comprendre cette particularité hébraïque :

« 96.5 Des idoles, proprement : des riens, des êtres sans réalité. L'hébreu présente ici un rapprochement de mots semblables quant à la forme et absolument différents quant au sens : Elohim (dieux), Elilim (des riens). Loin d'être néant, l'Eternel a fait les cieux et toute leur gloire. »

D’anciennes versions latines de ce verset, traduisent l’hébreu ÉLILIM par le latin INANIA, pluriel de INANE, lui-même neutre substantivé de l’adjectif INANIS : « creux », « vide », « sans substance ». Nous pourrions nous interroger sur l’ÉLIL AVAH, l’idole gravée proposée par les Tables de la Loi de Valfleury, nous interroger sur la partie creuse de cette idole… thème que l’on retrouve dans les Vierges creuses de nos vieux sanctuaires chrétiens.

Poursuivons à présent cette étude du Psaume 96, ô combien importante dans l’optique de ce Dossier. Passons du verset 5 au verset 6 dans lequel il est fait mention de l’énergie ou force (OZ) et de la splendeur de son sanctuaire, le Temple de Jérusalem. Cette énergie, OZ, évoque ici l’Arche d’Alliance. Il convient de noter que cette évocation du Palladium de la nation juive apparait sitôt après l’évocation des ÉLILIM.

Poursuivons à présent notre voyage dans le Psaume 96 et arrêtons-nous au verset 10. Ce verset commence par la phrase : « Dites parmi les nations que le Seigneur a établi Son règne. » (Traduction Abbé Fillion 1895)

Cette traduction est intéressante, elle apparait bien dans l’esprit du XIXème siècle qui a vu l’édification de l’église de Valfleury et la création de son vitrail représentant les Tables de la Loi. Ce verset est considéré comme une prophétie eschatologique. Bien que le mot Seigneur (Adonaï en hébreu) apparaisse en français, en lieu et place de l’imprononçable Yod-Hé-Vav-Hé, il est considéré par les Juifs que ce RÈGNE évoque la Royauté du Roi Messie et par les Chrétien, la Royauté du Chris-Roi.

Cette première partie du verset 10 devient importante dans ce Dossier, non pour ce qui est écrit, mais pour ce qui ne l’est pas… ou plus précisément, pour ce qui ne l’était pas, ce qui le fut et ce qui ne l’est plus…

Ainsi qu’une note l’indique dans l’édition française de la Bible de Jérusalem : « 96 10 Plusieurs manuscrits chrétiens ajoutent ici : par le bois, allusion à la croix de Jésus. »

PAR LE BOIS !

Par le bois ! Ou bien encore du haut du bois ! Que sous-entend véritablement cette énigmatique expression ?

Dans sa thèse « Le texte du Psautier copte de al-Mudil », Gregor Emmegger Docteur en théologie étudie ce recueil des Psaumes daté du IVe siècle.

Cet ajout chrétien du Psaume 96 (95), bien qu’absent mais assurément sous-jacent du Psautier de al-Mudil, apparait suivant le Maître en théologie, comme « l’addition chrétienne la plus célèbre : elle se trouve dans le Psaume 95,10 comme ajout à le Seigneur a régné, le texte dit du haut du bois. Cette addition est assez répandue dans les textes anciens. On trouve cette formulation dans presque tous les manuscrits de type Haute Égypte et Occident. Elle était si importante que les Coptes d’une époque plus tardive ne voulurent pas y renoncer et l’ajoutèrent à la version bohaïrique. »

Le bohaïrique est un dialecte de la langue copte actuellement utilisé dans la liturgie de l’Église copte orthodoxe.

Le Docteur Emmegger citant Justin Martyr poursuit : « la formule du haut bois fait si naturellement partie du Psautier qu’il reproche aux juifs d’avoir éliminé ces mots de leur texte à cause de son allusion au Christ. Justin ajoute que l’élimination de ces mots est un blasphème pire que la fabrication du veau d’or, l’immolation des enfants aux démons et l’assassinat des prophètes.  »

Nous avons évoqué dans cette étude la fabrication et l’adoration du Veau d’or mais nous découvrons à présent quelque chose qui irait encore au-delà dans le blasphème, l’élimination de ces mots dans le Psautier ! Il convient de ne surtout pas oublier que l’ajout de ces mots n’est pas justifiable au vu du texte hébreu originel, mais ils comportent néanmoins un véritable message.

D’autres renseignements relatif à cet ajout du Psaume 96 (95) nous sont apportés par Jean-Marc Prieur, Professeur d’Histoire de l’Antiquité chrétienne, dans le livre « La croix dans la littérature chrétienne des premiers siècles », ouvrage partiellement mis en ligne, tout comme la thèse du Docteur Emmegger, sur books.google. fr. 

Le Pr. J. M. Prieur incère dans son livre les propos du  Pseudo-Cyprien, Les montagnes du Sinaï et de Sion 9 :

« D'où il est manifeste que la montagne de Sion est le règne du bois sacré justifié en sainteté, comme le dit David : Annoncez le règne de Dieu parmi les nations, car le Seigneur a régné depuis le bois et est passé parmi les nations. C’est au sujet de ce règne du bois royal que dit aussi le prophète : Mais moi je vous dis : ‘’ J’ai été établi comme roi sur Sion sa montagne sainte, annonçant son pouvoir ‘’. Cette parole du prophète, il l’a accomplie quand, en sa passion, il fut pendu au bois par Ponce Pilate. »

Les théories liées à L’ÉNIGME SACRÉE sont aujourd’hui bien connues, tout à la fois recevables sur certains points et discutables sur d’autres points. Il est tentant d’écouter en ce sens les expressions « Roi par le bois », « Roi par le haut du bois », « Règne du bois sacré » ou « Règne du bois royal ». Pour le Pseudo-Cyprien, évêque de Carthage au IIIème siècle, « il est manifeste que la montagne de Sion est le règne du bois sacré » mais aussi que Ponce Pilate qui a pendu au bois Jésus devient en quelque sorte l’instrument qui met en place le règne du bois sacré. Il apparaît intéressant de penser que ce même Ponce Pilate de retour en Gaule, ait pu parachever cette mise en place du règne du bois sacré. La Gaule chevelue fut de tradition, l’Empire des anciens Rois du Chêne dont le premier Roi aurait été Hu Kadarn.

La Royauté du Chêne de la Gaule druidique mise en sommeil à l’époque romaine, aurait pu dans cette hypothèse, se pérenniser dans cette possible Royauté depuis le bois manifeste depuis. Nous touchons peut-ici aux Mystères de la Royauté secrète de la France dont Serge Hutin nous entretint dans ses livres ou articles. Dans son livre « hommes et civilisations fantastiques », cet auteur évoquait le Mont Saint-Michel bâti sur l’emplacement même d’un temple druidique souterrain particulièrement vénéré : le sanctuaire du Dragon. Dans l’îlot voisin de Tombelaine existerait « un vaste souterrain où serait dissimulé l’un des deux trônes du souverain secret de la France ; le second serait abrité – prétend la même tradition orale – dans une crypte du massif forestier de Fontainebleau… »

Serge Hutin poursuit : « En effet, une tradition affirme l’existence d’un gouvernement secret de notre pays, contrôlé, depuis la christianisation de la Gaule, par une société secrète extrêmement fermée placée sous le patronage de l’archange Saint-Michel, le vainqueur du dragon. »

Cette crypte du massif forestier de Fontainebleau donnerait suivant l’auteur, accès à une cité souterraine !? Toujours est-il, la forêt de Fontainebleau fut l’un des lieux majeurs de rassemblement des Compagnons Fendeurs et Charbonniers dont les rites faisaient allusion, suivant certains auteurs, à une Royauté secrète de la France. 

La Royauté depuis le bois prend racine dans la montagne de Sion. Un véritable mystère, n’en doutons pas, s’enracine dans cette montagne de Sion. Toute une mythologie s’est greffée autour de cette Sion éternelle. Des dérives sont apparues face à cette montagne royale. Il n’en demeure pas moins que cette « montagne » d’Orient mais peut-être aussi d’Occident… semble soudain nous apparaître comme une véritable Échelle de Jacob sur laquelle gravitent quelques personnages angéliques.




Il est temps à présent de retrouver nos deux invités, àprès avoir pris la peine de féliciter notre ami Michel pour ce superbe Dossier dont lui seul a le Secret.

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Marcel Boyer est originaire de Rive-de-Gier. Il résida plus d’une vingtaine d'années à Givors, une ville où il a longtemps exercé des responsabilités municipales (1) et qu’il quitta voici quelques années pour se retirer avec son épouse dans un village du cœur de notre joli massif montagneux. Le Pilat, Marcel le connaît bien ; il l’apprécie tellement. On pourra spontanément d’abord citer l’association historique et patrimoniale Visages de Notre Pilat, avec qui Marcel vit une grande histoire et dont il est encore aujourd'hui le Président. Cette camaraderie, des bénévoles au service de l’associatif, rayonne surtout dans le Pilat rhodanien, sur les cantons de Pélussin et Condrieu. La mémoire collective locale, Marcel l’a porté également au travers de plusieurs ouvrages. Il y a une notion de partage marquée en cet homme convivial, érudit et fédérateur. Marcel est reconnu pour son bon sens, la justesse de ses écrits d’où ressort l’obsession de transmettre, de ne pas laisser perdre par le temps qui passe, la plus petite des bribes qui compose l’histoire, que ce soit la grande ou la moindre. Si les Haies, Longes, Echalas, entre autres, restent des communes qui ont fait l’objet de recherches plus appuyées, voir de publications, Sainte-Croix-en-Jarez et son magnifique ancien couvent n’ont jamais laissé Marcel indifférent. Il est adhérent de longue date à l’association de Sauvegarde et d’Animation de la Chartreuse, en voisin de souche, puisque né sous ces premiers contreforts du Pilat, dans le bassin minier situé à quelques kilomètres. Effectivement, il demeure vivement interpellé par ce merveilleux monument jadis cartusien. Il nous est vraiment apparu naturel d’inviter notre ami Marcel à s’entretenir avec nous sur ce vaste sujet. C’est cette interview conviviale, réalisée auprès d’un homme chaleureux, que nous vous proposons.

 

(1) Marcel Boyer fut entre autre, élu municipal de 1989 à 2008, et adjoint en charge de la culture de 1993 à 2001 à Givors. Il a représentée sa ville auprès du  Parc Naturel Régional du Pilat. A ce titre, particulièrement motivé et très impliqué, il a porté durant 10 ans, le projet qui aboutira à faire de Givors, en août 2003, une ville Porte du Pilat.






1/ Bonjour Marcel et merci de nous accorder cet entretien en ce lieu magnifique chargé d’Histoire. Voici notre première question. Aussi loin que remontent vos souvenirs, quel est celui qui jalonne votre première rencontre avec l’ancienne Chartreuse ; vous souvenez-vous alors de votre ressenti en cette occasion ?

 

Mon tout premier souvenir concernant Sainte-Croix-en-Jarez  est celui de ce nom lu sur le bandeau latéral du vieux car qui desservait, il y a plus de cinquante ans..., Sainte-Croix-en-Jarez (peut-être aussi Pavezin) à Rive-de-Gier. Le car, arrêté au passage à niveau de Couzon fermé, la galerie surchargée de marchandises, de colis, de paniers et de cages à poules, était bondé de passagers qui s’en revenaient du marché, certains saluaient ma mère qui s’apprêtait à ouvrir les barrières après le passage du train. J’avais moins de six ans, je venais d’apprendre à lire et ce nom que je déchiffrais difficilement pour la première fois allait me devenir familier. Mais il m’impressionna longtemps encore, car il m’évoquait des choses, un village ? me disait-on, à la fois merveilleuses et aussi un peu mystérieuses. Qu’est-ce que pouvait bien être cette Sainte- Croix… dans le Jarez ?

Et le mystère ne fut pas levé lorsque quelques années plus tard, avec quelques copains au terme d’une randonnée laborieuse sur des vélos rafistolés tant bien que mal, je le découvris enfin ce fameux Saint-Croix-en-Jarez. Pour nous qui arrivions de l’aval l’impression fut forte de la vue de ce village (savions-nous alors que c’était un ancien monastère ?) qui nous apparut comme une forteresse formidable. Sans doute notre imagination fut-elle enflammée et il nous fallut bien d’autres balades pour vaincre une sorte de crainte respectueuse et oser franchir la porte monumentale si impressionnante à nos yeux d’enfants et pénétrer enfin au cœur du mystère, d’un inconnu que nous devinions déjà hors norme.

Il s’écoulera encore bien des années avant que mon intérêt pour l’histoire et la vie conduisent à nouveau mes pas vers la belle vallée du Couzon et sa Chartreuse.

 

2/ Antoine Vachez, érudit et illustre auteur régional de la seconde moitié du 19ème siècle a incontestablement marqué de sa plume avisée, la redécouverte ou tout au moins une bien meilleure connaissance de l’Histoire rigoureuse de Sainte-Croix. Son œuvre publiée en 1904 impose toujours respect et fait encore office de référence très sérieuse. Avec le recul que vous avez, quels commentaires pourriez-vous faire en rapport à ce véritable repère bibliographique ?

 

Ce n’est qu’après avoir lu les notices d’Ogier, les livres de Chambeyron, Mulsant, Jean Combe et de nombreux articles, et grâce à la réédition de l’Association Visages de notre Pilat que j’ai découvert le livre d’Antoine Vachez sur l’histoire de Sainte-Croix-en-Jarez, du moins dans son intégralité. Il en demeure l’historien par excellence.

Son étude considérable sur l’histoire souvent paisible et sereine, parfois bien mouvementée voire dramatique de la Chartreuse de Sainte-Croix a permis de lever un voile sur une histoire peut-être un peu trop discrète au goût du chercheur, voire secrète, et parfois un peu trop merveilleuse, voire mystérieuse.

 

Cette étude à ouvert la voie pour bien d’autres historiens souvent talentueux. Son travail reste une invitation toujours actuelle à aller plus loin dans la connaissance de l’histoire de Sainte-Croix. Bien sûr dans cette masse d’informations qu’Antoine Vachez a mise à la disposition de ses lecteurs et des chercheurs certains relèvent aujourd’hui, nouveaux documents à l’appui, des manques ou des inexactitudes. C’est bien normal que la connaissance progresse et que les nouvelles recherches complètent, rectifient, amendent ou actualisent  ce remarquable travail d’historien.

 

3/ Pour le curieux comme pour le spécialiste, les peintures murales du 14ème siècle, demeurent bien le joyau qui émerveille le visiteur autant que les commentaires lors du circuit guidé du monument. Ces œuvres artistiques mais plus encore religieuses d’un autre temps vous inspirent-elles des remarques plus personnelles ou des synthèses plus inédites, en provenance de vos nombreuses années d’observation et de réflexion ?

 

Comme tous ceux qui ont le plaisir de les contempler je reste émerveillé à chacune de mes visites par ces peintures murales remarquablement conservées pendant des siècles (ce qui rend d’autant plus  regrettables les dégradations contemporaines).

 

Ces fresques qui racontent les obsèques de Thibaud de Vassalieu disent beaucoup sur l’esprit d’une époque et nous parlent plus que de longs écrits. Elles font et feront encore longtemps l’objet d’analyses et de commentaires.

 

Thibaud de Vassalieu fut assurément un grand personnage et un très généreux donateur pour la Chartreuse. Cela suffit-il pour expliquer l’insigne faveur que lui réservèrent les Pères en faisant réaliser ces fresques au-dessus de son tombeau ?

 

Il faut saluer les membres de la Diana qui à la fin du 19è siècle ont sauvé de l’oubli (peut-être même de la destruction) ces peintures, et aussi la pugnacité de l'Association de Sauvegarde et d'Animation de la Chartreuse de Sainte-Croix-en-Jarez et de ses adhérents qui aujourd’hui travaillent avec détermination à leur conservation et à leur protection.


4/ On vient d’évoquer le trésor que sont les quatre scènes représentant un patrimoine médiéval rare ; des chefs d’œuvre qui ne vous laissent pas indifférent. Marcel, vous qui connaissez bien la Chartreuse, auriez-vous envie de vous attarder sur une autre particularité ou un point fort architectural ?

 

Tout ici me semble remarquable et je reste véritablement impressionné, comme je le fus lorsque enfant j’ai vu pour la première fois la Chartreuse, par l’aspect à la fois monumental, élégant et … aérien de cet ensemble architectural. Ce devait être encore plus vrai au 18è siècle au temps de toute sa splendeur. Ces bâtiments racontent la Chartreuse à chaque pas, à chaque regard. Cette symbiose entre la pierre et la mémoire des lieux est ici remarquable.

 

Une fondation des plus curieuses et sur laquelle on n'a sans doute pas fini de s’interroger, qui donne naissance à cinq siècles de vie monastique et de silence contemplatif interrompu par la Révolution et suivi d’une renaissance patrimoniale sous l’impulsion des habitants font que l’on ne peut aborder cette ancienne chartreuse, aujourd’hui ce beau village, sans une grande émotion.

 

5/ Couvent ayant appartenu à l’Ordre des Chartreux durant cinq siècles et ce jusqu’à la Révolution française, Sainte-Croix a suscité les légendes, les rumeurs ou les mystères, tous plus intéressants les uns que les autres ; néanmoins la plupart ne sont pas assez convaincants puisque manquant de preuves ?

 

Un tel monument avec une si riche histoire suscite des passions, des engouements, quoi de plus normal ! On ne pourrait être que déçu du contraire. Que légendes, mystères, rumeurs alimentent ces passions ne me choquent pas, après tout cela fait partie sinon de l’histoire (encore que …)  du moins de la légende de Sainte-Croix. Que des chercheurs enthousiastes interrogent parfois l’histoire par ce biais non plus, il peut en résulter parfois des angles de vue tout à fait intéressants ! A chacun de se faire son opinion !

 

6/ Fondée à la suite d’un songe merveilleux et cinq siècles plus tard tristement vidée de ses derniers occupants à la suite de la Révolution française, cette Chartreuse recèle ce paradoxe, un début magique et joyeux, puis cette fin, forcément quelque part injuste. Pourtant ce ne fut jamais un lieu anodin. Y a-t-il un récit énigmatique se rapportant à ce monastère qui retiendrait sérieusement votre attention et si oui, lequel et pourquoi ?

 

Le récit merveilleux de la fondation de Sainte-Croix par Béatrix, maintes fois rapporté sans aucun appareil critique par des générations d’historiens reste pour moi un mystère.

Légende (certains réfutent le terme), fable ou mythe, est-ce que la vérité historique (à supposer qu’on la connaisse un jour) sur la création de la Chartreuse de Sainte-Croix-en-Jarez ne mériterait pas que l’on s’arrête un instant sur cet épisode ? Est-ce que plus de 700 ans après la fondation et la lettre de Béatrix à Louvoyes nous devons continuer à accepter sans discuter ce qui nous est présenté : le rêve initial de Béatrix où lui apparaît une croix d’argent entourée d’étoiles qui guide ces pas vers un lieu qu’elle ne connaît pas mais où elle entend fonder un monastère, et où l’attendait le propriétaire du site qui a rêvé que Béatrix voulait lui acheter sa propriété et un maçon qui a deviné qu’elle voulait y édifier une maison de l’ordre des Chartreux !!!  Est-ce  seulement une  question de  foi ?

D’autres lieux sont devenus de dévotion pour moins que cela ! Alors, forcément, on aimerait savoir ce qui se cache derrière la fable, la signification de ce conte religieux. Pourquoi inventer une telle histoire ? Pour seulement justifier une très généreuse donation ?

La vérité me serait plus belle que la légende. Mais qui pourra dire un jour cette vérité ?

Les questions sont nombreuses à rester sans réponse. Ainsi : qui avait-il avant la fondation ? pourquoi la fondation d’un monastère ? pourquoi en ce lieu ?  Il y a encore aujourd’hui, et c’était sans doute plus vrai à l’époque,  à proximité ou dans le massif du Pilat bien d’autres lieux plus déserts et sans doute plus appropriés aux besoins de solitude et de silence de l’ordre des Chartreux. Alors pourquoi précisément ici, en ce lieu ? Saurons-nous un jour regarder par delà la légende ?

Bien sûr le symbolisme de la croix est évident, comme l’est le parallèle entre la quête ainsi évoquée par Béatrix et celle des croisés auxquels Guillaume, son époux, est allé porter secours (il trouve la mort devant Saint-Jean d’Acre, mais d’autres auteurs qui contestent cette version indiquent qu’il serait mort et enterré à Annonay …). Quelle est donc la véritable signification du geste de Béatrix ?

 

7/ Ce site emblématique n’a certainement pas livré tous ses secrets, des explications qui permettraient de mieux comprendre tel ou tel manque de précisions préjudiciables dans l’immédiat pour une suffisante et juste lisibilité de pans historiques qui nous font défaut. Avez-vous des attentes précises, envisagez-vous des découvertes spécifiques ?

 

Que la recherche historique se poursuive sans tabou et sans préjugé ! Nous sommes sans doute encore très loin d’avoir exploité tous les fonds d’archives concernés et toutes les ressources documentaires, de quelque nature que ce soit. Il en résultera forcément un enrichissement de nos connaissances et une meilleure compréhension de l’histoire du site.

Sur le terrain, et bien que de nombreuses fouilles aient permis de progresser dans cette connaissance il me semble qu’une étude exhaustive portant sur les bâtiments, leurs fondations et les substructions faisant ressortir les ajouts, les retraits, les démolitions, les transformations, les restaurations, les matériaux et les techniques utilisés, la datation de ces éléments, leur cartographie en plans et coupes, pourrait être très riche d’enseignement.

 

8/ Puisque nous abordons le Remarquable, en notifiant des aspects architecturaux, qu’auriez-vous à nous mettre en avant dans le même esprit mais cette fois en insistant sur un côté plus historique au sens rigoureux du terme ? Autrement dit, quelles anecdotes ou données notoires méritent d’être soulevées lorsque l’on « regarde » tous ces longs siècles écoulés ici ?

 

Au lieu d’évoquer telle anecdote ou tel fait historique particulier mes pensées vont plutôt vers les moines lambda tous ceux dont les noms sont aujourd’hui tombés dans l’anonymat et qui ont écrit l’histoire religieuse de cette Chartreuse pendant 5 siècles, et qui ont contribué – dans une mesure qui reste à déterminer - à façonner l’histoire économique autour de Sainte-Croix-en-Jarez. Ainsi : quelle a pu être l’influence des Chartreux dans des domaines tels que l’agriculture, la sylviculture ou bien l’industrie métallurgique locale par exemple.

Nous avons quelques données éparses, aussi il pourrait être intéressant de pousser nos investigations et tenter de dresser un bilan de la présence cartusienne dans notre région.

 

9/ Depuis toutes ces années vous vous êtes posé des questions en rapport à la Chartreuse du Pilat. Si vous ne deviez retenir qu’un seul personnage lié à cette Histoire longue, riche et magnifique, lequel retiendriez-vous et pourquoi ?

 

Si je ne devais retenir qu’un seul nom dans cette longue saga cartusienne en pays de Jarez ce serait celui de l’absentGuillaume de Roussillon, qui pourtant pourrait bien être à l’origine de toute cette Histoire ! ?

 

10/ Sainte-Croix peut-elle selon vous, avoir été une Chartreuse aux caractéristiques vraiment significatives et méritant d’entrer comme telles dans l’Histoire en se distinguant surtout de n’importe quelle autre Chartreuse ?

 

Ma réponse à cette question est contenue en filigrane dans ce que je viens d’évoquer : chaque Chartreuse à son histoire et sans doute sa légende, mais ici les modalités tout à fait singulières de la création de Sainte-Croix, les zones d’ombre qui l’accompagnent, les cinq siècles de prospérité, et les conditions tout aussi étonnantes qui feront un jour de ce monastère un village lui confèrent assurément un caractère particulier.

Merci Marcel pour l'ensemble de vos réponses et à bientôt dans notre magnifique Pilat ; à la Chartreuse de Sainte-Croix, pourquoi pas ?

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Philippe Chetelat est le père de la <Pie du Pilat> ; le concepteur de ce bimestriel gratuit qui a fait son apparition dans tout le Pilat au cours de l'année 2013. Il porte ce projet, qui n'est pas passé inaperçu, entouré d'une équipe impliquée. Meneur d'hommes, il est aussi chef de projet dans le domaine de l'audio-visuel, tantôt en France, tantôt à l'étranger. Ce touche à tout, curieux, dynamique, ne manque pas d'imagination à la fois concrète et constructive. Oui, la Pie du Pilat demeure un joli bébé qu'il reste cependant à pérenniser dans le temps et cela Philippe en a pleinement conscience ; c'est pourquoi il s'en donne les moyens. Nous allons apprendre à mieux le connaître à travers l'entretien cordial qu'il a bien voulu nous accorder, malgré un emploi du temps bien rempli.






1/ Bonjour Philippe. Depuis quelques années, vous vous êtes installé dans le Parc Naturel Régional du Pilat. Quelles raisons vous ont porté sur ce choix qui vous a permis de rejoindre nature et tranquillité ?

Mon épouse m'a fait découvrir le Pilat dont elle est originaire. Ici c'est vrai, c'est la nature et tranquillité en plus pas loin de métropoles si le besoin s'en fait ressentir.

2/ Vous êtes à la base d’une petite « révolution » en matière de communication, en ayant apporté à tous les citoyens du Pilat la possibilité de lire un bimestriel, La Pie du Pilat. Expliquez-nous en quoi consiste ce journal où vous donnez la parole à tout un chacun ; un journal d’une richesse évidente ?

Le territoire sur lequel nous vivons n'est pas anodin. Nous tous, habitants de cet espace naturel entouré de villes et de vallées industrialisées, nous sommes privilégiés. Nous sommes aussi les gardiens de cet écrin. Cette responsabilité n'est pas toujours simple à gérer. L'objet de l'association les 4versants qui édite le magazine la Pie du Pilat est de donner des éléments sur les enjeux du territoire, de favoriser l'expression citoyenne de ses habitants et d'être pour les associations un support de diffusion de leurs actions.

Le magazine a toujours un dossier qui occupe environ la moitié du journal. Le reste est occupé des articles  traitant de différents thèmes.

3/ En parcourant chacun des numéros de la Pie du Pilat déjà sortis, on a l’impression que la photo, notamment au service de petits films reportages y tient une place de choix. Est-ce là, une de vos passions ?

Oui, travailler avec l'image est mon premier métier.

4/ Depuis quelques numéros de la Pie du Pilat, vous avez lancé un grand jeu concours, là où le gagnant reçoit en récompense un panier garni. Pouvez-vous nous expliquer succinctement le principe de fonctionnement de ce panier de La Pie ?

Un journal doit aussi divertir. Ce jeu concours y contribue même s'il a pour objet principal de mettre en lumière des éléments du patrimoine, de l'histoire du Pilat mais aussi d'autres particularités de notre territoire trouvées ici et là.

5/ A combien d’exemplaires tirez-vous la Pie du Pilat ?

Nous tirons à 7 000 exemplaires qui sont à 80% diffusés sur le territoire. Le reste va dans les villes Portes.

6/ On comprend que votre revue qui est éditée 6 fois par an, représente une somme colossale de travail. Comment êtes-vous organisé et quelle est la place des bénévoles au service de la Pie du Pilat ?

Le comité de rédaction sélectionne le thème du prochain dossier. Puis récolte des informations. Le comité de rédaction cherche des contributeurs. Ce sont en moyenne 25 personnes qui contribuent à chaque numéro.

7/ On s’aperçoit que la Pie est en constante évolution, on pourrait dire innovation. Sans indiscrétion, est-il prévu de nouvelles rubriques dans le journal déjà copieux pour le lecteur ?

Mis à part "à dire larigot" et "dites- le en images", il n'y a pas à priori de rubriques fixes. Tous les articles se font au grès des évènements et des contributions que nous recueillons.

8/ Le plus étonnant, peut-être, dans cette revue est qu’elle reste gratuite, même si parallèlement vous proposez des abonnements. Comment faites-vous pour vous en sortir financièrement dans cette entreprise ambitieuse ?

La bonne question. La gratuité est une nécessité. Si le journal est payant, il ne sera lu que par les convaincus. Ils ne sont pas les seuls concernés. Nous essayons de faire en sorte que le magazine vive à un tiers grâce à nos adhérents et abonnés, un tiers grâce aux annonceurs et un tiers grâce aux aides publiques.

Pour les adhérents et abonnés nous sommes dans la bonne voie. Pour les annonceurs, nous n'avons pas de commercial et donc cela est fait de façon totalement désorganisée. C'est dommage car un annonceur est certain d'avoir une bonne visibilité sur le territoire. On recherche donc un commercial. Pour les collectivités locales, la Région et le Parc nous aident. Ce n'est pas suffisant et cette aide est remise en cause toutes les années.

Alors pour l'instant on survit en essayant de chercher un modèle économique adapté à notre démarche. On n'a pas encore trouvé...

 
Philippe ; nous vous remercions pour l’ensemble de vos réponses et nous souhaitons longue vie à La Pie du Pilat.

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