Montségur,
le Château du Diable... et du Graal






Mars
2012






Par
Thierry
Rollat



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    Montségur. Ce nom fait frémir rien que de le prononcer. Là-bas, l'Histoire s'est écrite avec les flammes. C'était il y a 768 ans et aujourd'hui un mythe tenace demeure. En 2012, on ne peut que visiter les ruines d'un château fort. Très haut perché, ce dernier donne le vertige à plus d'un titre ; il est présenté postérieur à la tragédie qui s'est déroulée en contrebas, en 1244 donc.

Beaucoup a été dit et écrit sur ce siège interminable. Néanmoins, tout n'est pas suffisamment clair en y regardant de plus près. On nous parle d'un mirobolant trésor indéterminé que deux, trois ou quatre futurs survivants auraient réussi à évacuer la veille du bûcher. Comment est-ce possible ? Les lieux permettaient-ils une échappatoire, une certaine faiblesse tactique ?

Blanche de Castille avait donné l'impulsion punitive, il fallait en finir coûte que coûte avec tous ces dangereux hérétiques. On aurait paradoxalement laissé le choix à chacun d'eux de sauver sa peau en reniant ses croyances. Ces dernières, aux andipodes de la religion chrétienne ne condamnaient-elles pas d'avance tous ces malheureux Cathares ? On peut se le demander.

Là-haut, tout aurait été rasé suite à la reddition ? Pourtant durant des siècles on évoqua encore et toujours ce trésor, n'hésitant pas parfois, ou même souvent, à l'assimiler au Saint-Graal. Des nazis aussi s'intéresseront à Montségur pour les mêmes raisons. A quoi bon si réellement il ne restait alors plus rien de l'époque cathare ? Des contradictions, des interrogations.

On peut entre autres se demander quelle définition donner ici au Graal si tant est d'abord qu'il en existe plusieurs ? Qu'ont réellement pu détenir les Cathares ? Pourquoi au 12ème et surtout 13ème siècle la concentration cathare s'est-elle opérée en cette région ? Pourquoi Montségur est-il resté LE symbole, n'étant pas le dernier bastion à tomber aux mains de la royauté ?

Les questions ne manquent pas. Nous allons nous efforcer d'analyser cela en replaçant quelques bribes à leurs places. Nous n'aurons pas la prétention de refaire l'Histoire mais d'emblée ce sont justement des problèmes d'Histoire qui ne collent pas toujours suffisamment. Que de mépris, de peurs ne sont-ils pas ressortis des méandres historiques de ce château du diable.







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   Aujourd'hui se rendre à Montségur équivaut à un recueillement ; une stèle commémorative vous y accueille. La mémoire collective porte ici un lourd souvenir. De mai 1243 jusqu'au 16 mars 1244 le Mont Sur (Montségur) s'est transformé en camp retranché, la dernière demeure de l'Eglise cathare, j'entends de toute sa hierarchie, avant disparition définitive par le feu.

Cette longue période de 10 mois correspond au siège apparemment inflexible tenu par l'armée royale au pied du pog de Montségur et ce afin d'obtenir la reddition totale. A l'intérieur plus de 200 Cathares, Parfaits et Parfaites, plus une centaine de tiers, des défenseurs et différents corps de métiers. Comment avoir réussi à tenir 10 longs mois ? C'est une question incontournable.

On ne connaît pas l'étendue des moyens militaires mis à la disposition de l'armée oeuvrant pour la royauté, on sait en revanche que cette dernière était déterminée. Par conséquent, on peut aisément qualifier son potentiel comme conséquent. Il aurait perduré pendant la durée du siège de furtifs allers et venues avec l'extérieur du château. Pourquoi ? Comment ? Etonnant, non ?

Il reste difficile d'imaginer la vie à l'intérieur de ce véritable village. Naturellement ils avaient de l'eau avec au moins deux avens (terme géologique occitan employé lorsque l'on parle d'un puits naturel creusé par les eaux en terrain calcaire). Les fortifications relevées, épousaient le naturel, un vide impressionnant. Il y avait aussi un seigneur à l'intérieur, Raymond de Péreille. 

Montségur était devenu un centre religieux, celui de l'Eglise cathare. La Croisade contre les Albigeois avait considérablement rétréci l'espace géographique ou pouvaient s'exprimer les Cathares ; ces derniers s'étant alors repositionnés. Montségur s'imposa comme le site le plus sûr. C'était un castrum qu'ils occupaient là-haut, plus important qu'un simple château fort.

La détermination des croisés était affichée, ils devaient en finir. Ils ne laissèrent seulement que 15 jours de réflexion à leurs futures victimes et ce avant qu'elles ne se rendent pour toutes être brûlées. Oui, c'est comme cela que l'Histoire est restée inscrite dans les livres, néanmoins nous n'étions pas là pour voir la réalité, car les souvenirs ne sont que la version de l'Inquisition.







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     Le dualisme, voilà le vrai problème de fond, celui de l'Eglise romaine. Celle-ci a, à partir de là, réussi à s'allier avec la royauté française. Au départ, cette dernière accepta cette Croisade y voyant aussi un intérêt expansionniste ; les affaires religieuses restant d'abord celles de l'Eglise. Sous trois rois se déroula l'extermination des Cathares, avec l'appui des seigneurs du nord.

C'est progressivement que la royauté décida d'en finir une bonne fois pour toutes. Les croyances des Bonshommes, contradictoires et dangeureuses pour les intérêts de Rome, reposaient sur les oppositions entre le bien et le mal, le spirituel et le matériel. Cette religion différente s'étendit en Europe sous d'autres noms, mais seuls les Cathares s'organisèrent.

Des archevêques, des évêques et encore des diacres intégraient ces structures bien précises. Outre, cette opposition religieuse, ces batailles tournèrent entre les seigneurs du nord contre les seigneurs du sud. C'est ainsi que l'on vit apparaître des Faidits (des seigneurs ou bourgeois méridionaux dépossédés et bannis, exilés par le pouvoir français suite à la Croisade).

Dans ce contexte de luttes religieuses, les Cathares furent la cause de l'arrivée des Dominicains. Ces derniers ne tardant pas dès 1230 à devenir la base directe de l'Inquisition. Les Frères Prêcheurs ne réussissant pas par leurs prêches populaires à ramener dans le droit chemin les hérétiques, c'est par la torture et le feu qu'ils contribuèrent à les exterminer.

Les combats, au départ se sont déroulés sans l'Inquisition, des seigneurs du nord se faisant remarquer par leur redoutable efficacité, tel le cruel Simon de Montfort. Carcasonne et Béziers sont tombés de cette manière. On peut considérer que l'Eglise romaine courait un danger avec l'adhésion que remportaient les Cathares ; pour elle, ils étaient le diable et réciproquement.

C'est dans ce climat que Montségur devint un camp de repli. Les vraies croyances cathares, nous ne les connaîtrons peut-être jamais car les seules qui semblent nous avoir été transmises le sont une fois encore qu'à partir des interrogatoires de l'Inquisition. Nous savons en revanche la raison du choix de Montségur ; il fut le bastion le plus efficace pour résister à l'oppresseur.

Ce n'est pourtant pas là une explication suffisante ou recevable sur la durée de ce siège et les va et vient, en éxagérant, comme tolérés par les croisés. Ces 10 mois se déroulèrent comme si les Cathares et leurs alliés de l'intérieur n'avaient jamais manqué de rien, d'abord de nourriture. Le solide castrum serait tombé militairement, les croisés gagnant mètre après mètre sur le pog.







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     Le 17 mars 1244 au matin, l'Eglise cathare n'existait plus. Nous ne croyons pas à la légende de l'évasion  héroïque la veille de la reddition. Si l'Eglise cathare détenait un trésor, ce dernier aura été pris et soigneusement récupéré par les croisés, voire détruit la dernière quinzaine ayant précédé le 16 mars. Ne nous y trompons pas, à ce moment-là, il ne fallait aucun survivant.

Dans notre hypothèse, il en va de même pour le soi disant choix laissé à chaque homme : la vie sauve en renonçant en ses croyances ou le bûcher. Les dés étaient jetés, pipés. Néanmoins, il peut avoir durablement séjourné à Montségur un trésor, mais avant la reddition. Nous ne nous aventurerons pas sur sa nature, mais nous vous invitons à lire <ici>.

Quéribus le dernier bastion cathare ne tomba que 11 ans plus tard (1255). Il n'y avait donc pas urgence de ce côté-là. Montségur demeura bien un objectif hautement prioritaire et sans appel. L'Histoire a retenu ce grand bûcher, sans en oublier d'autres, certains firent 400 victimes en une fois. Nous n'avons pas la preuve absolue que seuls les 205 Parfaits et Parfaites furent brûlés.

On est également et curieusement capable de nous décrire avec une précision renversante la progression des avancées des croisés sur le pog, les premières batailles, les coups décisifs ... Là ce sont les archéologues et des techniciens militaires qui aident à argumenter. N'oublions pas qu'il a fallu 10 mois pour aboutir et là au vu de l'impérieuse mission royale, ce délai reste long.

Comment plus de 300 personnes ont-elles pu se nourrir, alors que la montagne était assiégée ? Il n'est pas inintéressant de poser le problème différemment. Pourquoi les croisés n'ont-ils pas tout de suite employé les grands moyens ? Montségur conserve ses vraies zones d'ombre, ses doutes historiques, le mythe est bien là.

Avec le recul, nous pouvons constater le génocide. Montségur aura été l'ultime et vain espoir de protection, après la reddition la cause fut entendue. De nos jours, on visionne des pancartes nous indiquant "pays cathare". Leurs croyances ont condamné les Bonshommes. Rien n'empêche de rêver et de croire que ces derniers ont pu un temps détenir le Saint-Graal !







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