"LA GRANDE AFFAIRE"
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"MARIE-MADELEINE"













"POURQUOI MARIE-MADELEINE DANS LA GRANDE AFFAIRE"

   L’Histoire du christianisme pose deux grandes questions. La première concerne le véritable enseignement de Jésus. On sait aujourd’hui que, très rapidement après sa « disparition », plusieurs groupes de disciples se sont formés, qui ont chacun véhiculé une compréhension différente du message de leur Maître commun. Pour des questions de nature géo-politique, un de ces groupes (celui qui allait donner naissance à l’Eglise de Rome) a progressivement pris le dessus sur les autres, jusqu’à imposer à l’ensemble de la chrétienté sa vision du christianisme. Or, les avancées historiques effectuées tout au long du XXe siècle quant à notre connaissance du christianisme antique ont démontré que cette forme de christianisme était loin d’être la plus légitime. Si, dès lors, s’impose de retrouver le véritable enseignement du Christ, la tâche est rendue ardue par, justement, la multiplicité et l’incroyable richesse des écoles chrétiennes des premiers siècles. L’autre grande question que pose l’Histoire du christianisme, c’est la nature de Jésus. Il est de longue date établi que le caractère divin de ce dernier est une déformation tardive. L’Histoire, comme de nombreux courants chrétiens de l’Antiquité, pense Jésus comme un homme semblable à tout autre. Là encore, s’impose la recherche d’une vérité au sein de laquelle la « disparition » de Jésus occupe une place centrale. Si l’idée que le Christ soit revenu à la vie dans son corps physique après avoir trouvé la mort sur la croix est une déformation politiquement intéressée d’un événement de nature mystique (la résurrection spirituelle de Jésus, c’est-à-dire son « éveil » dans le sens bouddhiste du terme), la quête de sa tombe véritable (celle où son corps aurait été déplacé après avoir ostensiblement été déposé dans sa tombe « officielle ») est une manière d’approcher l’homme Jésus ― et par delà cette vérité le divin qui est en l’homme. Plusieurs traditions, attestées dès l’Antiquité dans les milieux Juifs, affirment en effet que le corps du Crucifié fut secrètement retiré de sa tombe par certains de ses disciples pour être caché « ailleurs ».

   Dans la résolution de chacune de ces deux questions, Marie-Madeleine occupe une place centrale, pour ne pas dire la place centrale. Si les évangiles canoniques la laissaient deviner être une disciple particulièrement proche de Jésus, plusieurs évangiles apocryphes découverts à partir de la fin du XVIIIe siècle (parmi lesquels un  des plus importants est l’Evangile de Marie) ont permis de la comprendre comme la disciple privilégiée de Jésus ― celle qui, par sa maturité spirituelle, a reçu de lui un enseignement délivré à nul autre, ou, tout au moins, à très peu d’autre. Pour incarner cette position, l’Evangile de Philippe (découvert en 1945 à Nag Hammadi en Egypte) fait d’elle la « compagne » de Jésus, terme à comprendre dans un sens symbolique et qui signifie l’égalité spirituelle à laquelle Marie-Madeleine était arrivée vis-à-vis de son Maître.

   Détentrice du véritable enseignement du Christ, Marie-Madeleine occupe une position tout aussi déterminante dans l’énigme que représente la disparition du corps de Jésus. En faisant d’elle le premier et unique témoin de la résurrection du Christ, les évangiles de Jean et de Marc lui donnent la place centrale dans cet épisode. L’Evangile de Jean souligne en outre l’attachement de la jeune femme à la dépouille de son maître. C’est en pleurs qu’elle supplie un « jardinier » croisé dans le jardin où se situe le tombeau visité de la conduire jusqu’à la dépouille enlevée du sépulcre. La narration de Jean est à ce sujet assez confuse : après lui avoir adressé la parole, Marie-Madeleine reconnaît brusquement dans les traits du supposé « jardinier » ceux de son Maître. Cette confusion atteste sans doute des multiples remaniements que le texte originel a subi jusqu’au moment d’être fixé. Dans la volonté de retrouver l’épisode historique qui a donné lieu à cette description, la figure du jardinier est fondamentale. Dans certaines des traditions juives précédemment évoquées, c’est précisément un jardiner qui dérobe secrètement le corps de Jésus pour l’inhumer ailleurs. Et donc, dès lors, l’Evangile de Jean garderait le souvenir du fait que Marie-Madeleine ait demandé à celui qui a dérobé le corps de son Maître de le conduire jusqu’à lui afin qu’elle puisse le prendre sous sa protection.

   Retrouver la véritable doctrine de Jésus et retrouver sa véritable tombe sont les deux enjeux essentiels de l’étude approfondie de Marie-Madeleine et des traditions entourant sa venue en Gaule. Attestée par des écrits divers dès le moyen-âge, il est en effet incontestable que l’idée de la venue de la sainte dans le Sud de la France repose sur un substrat d’origine historique… Retrouver des traces archéologiques de cette venue, si cela devait se traduire par la découverte du véritable tombeau de Marie-Madeleine (celui de la Sainte Baume, dans le Var, est une invention tardive destinée à détourner l’attention du véritable lieu de repos de la sainte…) pourrait remettre en question près de 2000 ans d’une représentation volontairement erronée du christianisme et, enfin, restituer à ce dernier toute sa dimension libératrice. Une dimension jadis confisquée par le pouvoir civil en place, celui de l’Empire Romain, et soigneusement gardée dans l’ombre par ses successeurs jusqu’à nos jours…

CHRISTIAN DOUMERGUE

<LES ARCHIVES : MARIE-MADELEINE>