Cette nouvelle rubrique s’ajoute
à toutes celles qui constituent le site des Regards du Pilat.
Il est toujours très
délicat d’aborder un tel sujet, pour donner des explications
simples et compréhensibles sur les origines de l’Alchimie qui
sont elles obscures. Car l’arbre généalogique des
alchimistes, plonge ses racines dans un passé dont nous ne
savons rien ou si peu.
Cette antique et profonde science
a été longtemps et fort injustement exilée aux
frontières de l’oubli et de l’incompréhension. C’est
pourquoi il est important de la soumettre à la curiosité
du néophyte.
Cette Histoire de l’alchimie
science ésotérique commence par un mythe autant dire
qu’elle ne commence pas.
C’est Hermès
Trismégiste ou Mercure le trois fois grand, souverain
d’Égypte dans des temps très anciens, connu aussi sous le
nom égyptien de Thoth, il apporta dit-t-on, les arts et les
sciences et révéla à une élite de son
peuple les secrets de l’alchimie, dite encore « Art
hermétique véritable, Art Sacré et Art Sacerdotal
», qui était pratiqué secrètement.
La légende
d’Hermès, ce personnage semi-divin né de la fusion du
dieu grec Hermès avec le dieu égyptien Thoth, cette
créature angélique est le grand révélateur
des secrets alchimiques qui donnerait ainsi à croire que
l’Égypte fut le berceau de l’alchimie,
rien pourtant ne le certifie et l’on a pu penser que les
Égyptiens
furent initiés par les Chaldéens ; on a même
supposé que ces derniers auraient recueilli l’héritage
atlante.
Le problème des origines est une donnée compliquée
: les Chinois semblent avoir pratiqué l’alchimie eux aussi bien
avant l’ère chrétienne. On voit sur quel sable mouvant on
s’engage en abordant cette question.
Il semble en effet que c’est au
IIIe siècle qu’apparut en Égypte le livre tel que nous le
connaissons aujourd’hui, sous forme d’un ensemble de feuilles
reliées et d’un
rouleau de papyrus de plusieurs dizaines de mètres de long.
L'étude des papyrus et des manuscrits conduit à
préciser davantage
l'époque et le point de contact entre l'alchimie et les vieilles
croyances
de l'Égypte et de la Chaldée.
En remontant à la
légende - toujours plus chargée de sens
- il faut considérer l’alchimie elle-même comme le
résidu d’une grande religion
cosmique et titanesque issue des mystères sacerdotaux de la
Haute
Antiquité, tombée en décadence avec l’usure du
temps.
Tous les textes
éparpillent une multitude de termes sans rapport en apparence
les uns avec les autres. C’est une langue secrète fondée
sur la cabale phonétique dont se sont servis les auteurs, dite
la langue des Oiseaux. Cette langue est un idiome phonétique
basé uniquement sur l’assonance.
L’orthographe n’est pas de rigueur, elle sert même de frein aux
esprits
curieux et rend inacceptable toute spéculation
réalisée
en dehors des règles de la grammaire, cela signifie que le sens
des
livres (secret) n’est point littéral. Si la lecture des textes
alchimiques n’est guère aisée, leur exégèse
demande des
années d’études comparatives, mais il est possible de
pénétrer dans le jardin des philosophes en suivant la
voie magique des images de
cet art qui éclaireront l’obscurité des mots, dont le
moindre
détail a une signification précise, il suffit de «
contempler
» les images alchimiques (tableaux ou autres) les sculptures de
nos
cathédrales, des abbayes et de nos châteaux pour percevoir
que ces livres de pierre correspondent à des images
éternelles
que nous sommes tous à même de découvrir leur bon
sens.
La question venant à
l’esprit du profane est que l’alchimie est une chimère illusoire
ou une sorte de préchimie anachronique, non elle est bien
réelle et parfaitement intemporelle, puisque elle réside
au cœur de l’ésotérisme de toutes les traditions
religieuses desquelles elle emprunte le symbolisme propre pour y
véhiculer sa pensée.
L’alchimie s’avère donc être une authentique doctrine
ésotérique débouchant tant sur la transmutation
des métaux vils en or, que sur la transformation de l’alchimiste
lui-même.
Passons rapidement sur l’histoire de l’alchimie, tant de nombreux
ouvrages lui ont déjà était consacré.
Le premier
alchimiste que nous connaissons s’appelait Bols Démocritos et
vivait aux alentours de 200 avant Jésus-Christ. C’est lui le
premier Alchimiste de langue grecque connu. Il fut parfois confondu
avec le Philosophe Démocrite (460-370 av. J.-C.). En
réalité, il était natif de
Mendès, ville du delta du Nil. Il nous a laissé un
ouvrage
intitulé « Physica et Mystica » qui traite : de la
fabrication
de l'Or, de l'Argent, des Pierres Précieuses, de la Pourpre pour
teindre les étoffes.
Pour Bolos Démocritos,
c'est Ostanès l’un des deux plus grands mages, (Ostanès
et Hystaspe) qui l'a initié au zoroastrisme (religion
monothéiste) des
connaissances : la Vie, l’Enfer, et les Mystères Alchimiques.
Aux questions posées de Démocritos, Ostanès
répond : cherche « Les livres sont dans le Temple ».
Démocritos finira par les trouver dans une colonne. Ces livres
contenaient les axiomes suivants : La Nature se plaît dans la
Nature. La Nature triomphe
de la Nature. La Nature domine la Nature.
Ces axiomes insistent bien sur le fait que l'Alchimie a pour
modèle la Nature et qu'elle est un processus naturel.
On notera aussi que Démocritos fait allusion à des
Opérations Alchimiques recueillies, non seulement en
Égypte, mais encore en
Perse, en Syrie, en Babylonie.
Démocritos, pour lui, l'Alchimie fait partie des Arts du Feu.
On retrouve chez lui l'idée de l'Unité de la
Matière
: cette Matière Première prend des aspects
différents, il insiste aussi sur les couleurs de celle-ci dans
l'Œuvre Alchimique : Noire, Blanche, Jaune et Rouge. Incontestablement,
Démocritos possédait un certain savoir.
On a retenu aussi le nom de
Synésius (360-430). Né à Cyrène (Libye),
c'est un personnage semi-légendaire, car les Auteurs Antiques
lui ont donné une généalogie remontant, soit aux
premiers Rois de Sparte, soit à Hercule lui-même. En fait,
pour pouvoir poursuivre ses études, Synésius quitte
Cyrène pour Alexandrie, (ville d’Égypte, fut
fondée en -331 par Alexandre le Grand). Il y fut le Disciple
d'Hypatia, qui enseignait la Philosophie de Platon. C'est aussi
à
Alexandrie qu'il prit contact avec l'Alchimiste Dioscore, qui lui fit
connaître
les Œuvres de Bolos Démocritos. Après un bref
séjour
à Cyrène, il fut nommé, en 397, Ambassadeur
à
Constantinople. Il n'en revint qu'en 400, après s'être
converti
au Christianisme. Il fut alors élu Évêque de
Ptolémaïs,
mais il n'abandonna jamais la pratique au Fourneau.
Un autre alchimiste Zozime le
Panopolitain (ou Zozime) vivait au IVème siècle de notre
ère. Égyptien hellénisé, il était
né à Panopolis,
ville du delta du Nil. Surnommé « La Couronne des
Philosophes
», il passe pour avoir écrit 28 Traités, mais seuls
quelques-uns sont parvenus jusqu'à nous, sous la forme d'un
Recueil
de textes écrits par celui-ci à sa Sœur Théosobia.
Cependant, il nous est possible de nous faire une idée assez
exacte
sur les théories qu'il professait.
Il possédait une
expérience chimique étendue : obtention de l'Arsenic
à partir du Sandaraque (Sulfure d'Arsenic) carbonisé pour
éliminer le Soufre, préparation du Plomb à partir
de la Litharge et du Vinaigre, extraction du Mercure à partir du
Cinabre, travail de l'Hématite, de l'Ocre, du
Natron.
Zozime décrit les Appareils nécessaires aux
Opérations de Purification, de Distillation, de Coction.
Dans «Son Livre de la Vertu », il décrit ainsi le
Magistère Philosophique : « Construis un Temple monolithe,
semblable à la Céruse, à l'Albâtre, un
Temple
qui n'a ni commencement ni fin, et dans l'intérieur duquel se
trouve
une Source avec l'Eau la plus pure, la plus brillante, comme le soleil.
C'est l'épée à la main qu'il faut chercher
à
y pénétrer par l'entrée étroite. Elle est
gardée
par un dragon qu'on doit tuer et écorcher. En réunissant
les chairs et les os, il faut en faire un piédestal, sur lequel
tu
grimperas pour arriver dans le Temple où tu trouveras ce que tu
cherches.
Car le prêtre, qui est l'homme d'airain que tu vois assis
près
de la source, change de nature et se transforme en un homme d'argent
qui,
lui-même, si tu le désires, peut se transformer en homme
d'or.
»
On peut constater, chez Zozime : l'usage de termes obscurs, l'emploi
de mots et de phrases à double sens.
Alexandrie n’excluait pas les
femmes et l’on rencontre une contemporaine de Zozine, Marie la Juive,
dite la
Prophétesse ou la Copte, qui fut assimilée, de
façon
abusive, à Miriam, la Sœur de Moïse. En
réalité,
elle était contemporaine de Zozime. On lui attribue les
inventions
du Kérotakis vase clos permettant d’exposer à l’action
des
vapeurs variées de minces feuilles de cuivre. Ainsi que le Vase
à
Trois Becs, auquel on peut adapter une Cornue, de
l'aéromètre
(servant à déterminer la densité), elle laissa son
nom au procédé dit du bain-marie.
Il apparaît que les
Alchimistes d'Alexandrie disposaient de matériels et de
technologies variés. Toutefois, s'ils perfectionnèrent le
matériel, les Manipulations Alchimiques Fondamentales
(Calcination, Fusion, Sublimation, Cristallisation, Distillation)
demeurèrent immuables tout au long de la période active
de l'École Alchimique d'Alexandrie, c’est l’enseignement
d’Hermès.
Pour les Alexandrins, la
Connaissance Alchimique est d'Origine Divine. Dans le Traité de
l'Or d'Hermès Trismégiste (Vème siècle), on
relève ce passage caractéristique : « Et ainsi, dit
Hermès, je n'ai jamais cessé, au cours de longues
années, de procéder à des expériences, pas
plus que je ne me suis dérobé
devant un effort mental. Et cependant, je n'ai atteint à cette
science,
à cet art, que par l'inspiration du Dieu vivant qui jugea bon de
révéler le mystère à moi-même, son
serviteur.
A ceux qui sont capables de comprendre la Vérité, il
accorde
le pouvoir d'opérer un choix, mais à aucun il ne donne la
possibilité de faire le Mal. »
Le But de l'Alchimie est de conquérir la Connaissance
Illuminatrice et Salvatrice, grâce à laquelle l'Adepte
peut se confondre
avec le Divin. Dans le Poimandrès, on peut lire comment l'Esprit
Universel se révèle à Thot : « ... en disant
ces mots, il me fixa longuement et je frémis sous son regard.
Puis,
quand il releva la tête, je vis mon propre esprit,
illuminé
de puissances innombrables, devenir un tout infini, tandis que le feu,
maintenu
et dompté par une force toute puissante, restait immobile...
J'étais
encore tout transporté, lorsqu'il parla de nouveau : tu viens de
voir,
en esprit, la forme originelle, la source dont vient le commencement
sans
fin. »
Cette Illumination, qui, permet
à l'Alchimiste de participer à la Puissance Divine et de
reproduire le Processus de la Création, Zozime écrit :
« La composition part de l'unité et se constitue en
triades par l'expulsion du Mercure. L'unité de constitution
résulte d'une triade à éléments
séparés. C'est ainsi qu'une triade unique,
partagée, constituée par les éléments
séparés,
forme le monde par la providence du premier auteur, cause et
démiurge
de la création. »
Les Phénomènes de l'Univers ne sont pas dus au hasard :
un Ordre Rigoureux existe et relie les Manifestations Visibles aux
Divinités, selon la Loi : Tout ce qui est en haut est comme ce
qui est en bas.
Parmi les Symboles les plus
usités, il faut citer l'Ouroboros : le Serpent qui se mord la
queue. Il était souvent accompagné de la devise : «
Un est le Tout ». C'est l'image de l'Unité de la
Matière. C’est le symbole de l'œuvre, qui n'a ni commencement ni
fin. Dans les papyrus de Leide, il est question d'un anneau magique,
sur lequel un serpent est tracé. Il
est aussi figuré deux fois dans le manuscrit N°2327, en
tête d'articles sans nom d'auteur, dessiné et
colorié avec le plus grand soin, en deux et trois cercles
concentriques, de couleurs différentes, et associé aux
formules consacrées : la nature se plaît dans la nature,
etc. Il est pourvu de trois oreilles, qui figurent les trois vapeurs,
et de quatre pieds, qui représentent les quatre corps ou
métaux fondamentaux : plomb, cuivre, étain, fer.
Au premier siècle, Horapollon précisait : «
Lorsqu'on veut se représenter l'univers, on trace un serpent qui
se dévore la queue et dont le corps est parsemé
d'écailles, les écailles représentent les
étoiles de l'univers. L'animal est extrêmement pesant
comme la Terre et extrêmement glissant comme l'eau. Ensuite,
chaque année, il se dépouille de son âge, avec sa
peau, comme dans l'univers l'année produit un changement et
renaît. Et l'usage de son propre corps, comme d'une nourriture,
signifie que toutes choses qui sont engendrées dans l'univers
par la Providence divine, doivent de nouveau se résoudre en
lui-même. »
Conclusion
Pour les Alchimistes Alexandrins :
Il existe une Matière Primordiale Unique qui prend des Aspects
Différents, d'où l'affirmation de l'Unité de la
Matière. La Forme est tout ce qui confère les
Propriétés Spécifiques à un Corps.
La Matière Primordiale
engendre d'abord les Quatre Éléments : le Feu, l'Eau,
l'Air, la Terre.
Ces Éléments se distinguent entre eux par des Modes : le
Fluide ou l'Humide, le Sec, le Chaud, le Froid : Le Chaud + le Sec = le
Feu ; Le Chaud + l'Humide = l'Air ; Le Froid + l'Humide = l'Eau ; Le
Froid
+ le Sec = la Terre.
Chaque Élément
possède Deux Modes, mais il en est Un qui prédomine : le
Sec pour la Terre, le Froid pour l'Eau, l'Humide pour l'Air, le Chaud
pour le Feu.
Les Éléments ne
sont pas immuables, ils peuvent se transformer les uns dans les autres.
Toute Substance est formée de ces Quatre Éléments.
La différence entre une Substance et une autre, réside
dans les Proportions des Éléments entrant dans la
Composition de chaque Substance.
Une Substance quelconque est capable de se transformer en une autre
Substance. Il suffit pour cela de Modifier la Proportion de ses
Éléments Constitutifs.
Le Monde étant Un et l'Esprit Universel l'imprégnant, il
en résulte que Tout, dans le Cosmos, possède une certaine
Forme de Vie.
A la Conception des
Éléments, s'ajoute une Distinction entre le Principe
Mâle et le Principe Femelle.
En d’autres termes, la matière ne serait distincte et
indépendante du créateur qu’en apparence.
Dans ces conditions, il ne parait pas invraisemblable de remonter
à Dieu au travers de la matière, en prenant le chemin de
l’esprit
corporifié dans les choses « je suis le chemin, la
Vérité
et la Vie » disait le Christ.
L’alchimie, en dernière analyse, cherche à
appréhender le principe de vie que Dieu inclut en toute
créature et qui participe de sa propre nature. On comprend
dès lors pourquoi la découverte de la pierre philosophale
permet d’exercer ces pouvoirs.
Le véritable but reste de recevoir une illumination spirituelle,
pour une libération des contingences imposées par
l’espace et le temps.
L’Alchimie nous invite. Elle ne nous promet pas le bonheur ni paix.
Elle nous assure seulement que si nous luttons jusqu’au bout pour nous
dégager de l’ignorance, nous libérer de la
Matière, le désir de s'élever spirituellement, la
vérité elle-même luttera pour nous et vaincra
finalement toutes choses. Alors commencera
peut-être la Vraie Vie métaphysique.
Renard
Gambline
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